Nations Unies

CERD/C/FRA/22-23

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

15 août 2019

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques soumis par la France en application de l’article 9 de la Convention, attendu en 2017*,**

[Date de réception :9 mai 2019]

Introduction

1.La France a ratifié, le 28 juillet 1971, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (la Convention), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965.

2.Conformément à la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (le Comité), les 22e et 23e rapports de la France sont fusionnés en un seul rapport. Dans le cadre de la réforme des organes des traités, la France soutient la transmission de rapports nationaux « simplifiés » à ces organes. L’objet du présent rapport est donc principalement de répondre aux recommandations formulées par le Comité à l’occasion de l’examen des 20e et 21e rapports de la France (mai 2015) en présentant les évolutions du droit et de la pratique internes intervenues depuis cet examen et en actualisant les informations déjà transmises.

3.Ce rapport est la synthèse des contributions provenant de l’ensemble des ministères concernés par l’application de cette Convention. Le gouvernement a également pris en compte les observations formulées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

4.Les élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées en mai et juin 2017 expliquent le retard pris dans la communication du présent rapport. Il a par ailleurs semblé pertinent de pouvoir inclure les nouvelles orientations des politiques publiques dans la lutte contre les discriminations raciales, notamment le nouveau Plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme, présenté par le Premier ministre le 19 mars 2018.

Première partie : Observations générales

I.Instances nationales de lutte contre le racisme et les discriminations raciales

5.Le Défenseur des droits et de la CNCDH n’ont pas connu de changement institutionnel depuis le dernier rapport national.

6.En 2016, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a pour sa part vu son champ d’action élargi à la haine et aux discriminations anti-LGBT et se nomme désormais Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). L’attribution de cette nouvelle compétence n’a aucunement affecté les moyens dévolus par l’État à la lutte contre les discriminations raciales qui demeure une priorité nationale, ni la mise en œuvre du plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

II.Renseignements sur la population (Recommandation §5)

7.Comme mentionné dans ses précédents rapports, le gouvernement rappelle que la réalisation de statistiques ventilées par origine raciale ou ethnique est prohibée par l’article 1er de la Constitution. interdite en France. Par ailleurs, la France ne reconnaît pas en son sein l’existence de minorités ayant un statut juridique en tant que tel. Cette conception française de la République repose sur les principes constitutionnels d’égalité de droits des citoyens, qui implique la non-discrimination, et d’unité et d’indivisibilité de la nation, portant à la fois sur le territoire et la population. Le gouvernement rappelle que l’affirmation de l’identité est le résultat d’un choix personnel, non de critères applicables définissant a priori tel ou tel groupe et dont découlerait un régime juridique distinct. Une telle approche protège tout à la fois le droit de chaque individu de se reconnaître une tradition culturelle, historique, religieuse ou philosophique, et celui de la refuser.

8.Encouragée par les instances internationales, la France a recherché des solutions innovantes respectant le cadre républicain et permettant d’évaluer la situation de la population du point de vue de la jouissance et de l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou encore de nature à faciliter la preuve de l’existence de discriminations.

A.Composition de la population : données issues du recensement

a)Recensement

9.En décembre 2017, la population totale en France métropolitaine atteignait 65,058 millions d’habitants. Avec les départements d’Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte) elle était de 67,201 millions d’habitants.

10.Au 1er janvier 2014, la France comptait 7,6 millions de personnes nées à l’étranger, soit 11,6 % de la population.

b)Situation des étrangers et immigrés en France

11.En 2013, 4,1 millions d’étrangers et 5,8 millions d’immigrés vivaient en France, soit respectivement 6,2 % et 8,9 % de la population totale. En 2013, 51 % des immigrés étaient des femmes, contre 44 % en 1968. Elles étaient majoritaires parmi les immigrés nés en Europe (à l’exception du Portugal) et, depuis peu, parmi ceux nés en Afrique hors Maghreb. Parmi les immigrés du Maghreb et de Turquie, les femmes étaient minoritaires, même si leur part augmente depuis 1990.

12.En 2015, avec 113 608 nouveaux Français, le flux annuel des acquisitions de la nationalitéfrançaise a progressé par rapport à 2014 : les acquisitions de la nationalité par décret et par déclaration ont augmenté respectivement de 6,9 % et 9,4 %. Parmi ces dernières, ce sont les acquisitions par mariage qui sont en hausse tandis que les déclarations anticipées (mineurs nés en France de parents étrangers) baissent. Par ailleurs plus une personne arrive jeune, plus le taux d’acquisition de la nationalité française augmente et s’avère, à long terme, élevé. Les immigrés arrivés très jeunes ont un taux d’acquisition de plus de 65 % après plus de 27 ans de présence, alors que ceux arrivés adultes ont des taux inférieurs. Après 27 ans de présence, le taux d’acquisition n’évolue quasiment plus (voir également Annexe 3).

B.Sources d’informations complémentaires

13.L’absence de statistiques fondées sur les origines raciales ou ethniques ne fait pas obstacle à ce que divers outils, y compris parfois statistiques, soient développés pour mieux mesurer le phénomène raciste et les discriminations raciales.

14.Ainsi, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et l’Institut national d’études démographiques (INED) ont mené à partir de 2008 une enquête visant à identifier l’impact des origines sur les conditions de vie et les trajectoires sociales, tout en prenant en considération les autres caractéristiques sociodémographiques telles que le milieu social, le quartier, l’âge, la génération, le sexe, le niveau d’études (Enquête TeO). Les travaux ont été publiés en 2015.

15.Par ailleurs, d’autres sources d’information existent pour affiner notre connaissance des discriminations : testings, étude du Défenseur des droits à partir des requêtes individuelles traitées en matière de discriminations, étude annuelle du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la représentation de la diversité de la société française à la télévision et à la radio, etc.

16.En outre, l’encadrement juridique des statistiques ne fait pas obstacle à l’établissement et à l’approfondissement du recueil de données détaillées et précises sur les actes à caractère raciste. Depuis 2013, le ministère de la Justice exploite des données relatives à l’activité judiciaire et aux condamnations qui proviennent d’un nouveau système d’information décisionnel (SID) et du casier judiciaire national. Ces sources permettent de disposer de statistiques très détaillées sur les condamnations prononcées pour des infractions de discrimination, selon les critères prévus par la loi (sexe, origine, grossesse, convictions, etc.). Depuis 2015, le ministère de l’Intérieur comptabilise également l’ensemble des procédures enregistrées par les services de sécurité relevant du champ des infractions commises en raison de la religion ou des origines.

17.Par ailleurs, la France établit chaque année un bilan détaillé de l’évolution des condamnations et des peines prononcées en matière d’actes raciste ou antireligieux. Ce bilan est adressé à la CNCDH, qui le publie dans le cadre de son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

18.Enfin l’enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité », conduite depuis 2007, par l’INSEE en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) et le ministère de l’Intérieur (depuis 2014), complète les constats dressés par les statistiques en offrant une mesure du nombre de victimes déclarées de violences, menaces ou injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, que ces victimes aient ou non porté plainte. L’enquête est menée auprès de plus de 17 500 ménages de France métropolitaine. En 2018, elle prendra en compte les délits de discriminations. Les premiers résultats devraient être rendus publics à la fin de l’automne 2018.

Deuxième partie : Réponses aux principales recommandations du Comité

I.Article 2 de la Convention

A.Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Recommandation §6)

19.La lutte contre le racisme et l’antisémitisme a été désignée « Grande cause nationale » en 2015. Un Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (« Plan ») 2015-2017 (Annexe 4) a été mis en œuvre dans une situation d’urgence après une série d’attentats commis en France. Le gouvernement a entrepris un travail visant à mobiliser, au-delà des administrations et des acteurs institutionnels, un maximum d’acteurs de la société civile. Ce Plan national comprenait 40 actions autour de quatre priorités : mobiliser la Nation ; sanctionner chaque acte raciste ou antisémite et protéger les victimes ; protéger les utilisateurs d’internet de la propagation de la haine et former les citoyens par la transmission, l’éducation et la culture.

20.Le Plan s’est appuyé sur des moyens accrus : la DILCRAH, qui dépend désormais du Premier ministre, a vu son budget renforcé à hauteur de 40 millions d’euros répartis sur trois ans pour la mise en œuvre du Plan, tant pour conduire des actions de niveau national que pour dynamiser localement les politiques en faveur de la citoyenneté.

21.Si le précédent plan 2012-2014 n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique, au-delà des observations de la CNCDH dans son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, un rapport d’évaluation du Plan 2015-2017 a été remis, en décembre 2017, par l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. Son évaluation par la CNCDH a été également sollicitée par la DILCRAH.

22.Les observations formulées par ces institutions, et la série de consultations qui ont eu lieu, ont permis de nourrir la réflexion nécessaire à l’élaboration du nouveau Plan national 2018-2020 (Annexe 5), réalisé par la DILCRAH et annoncé le 19 mars 2018.

23.Ce Plan 2018-2020 s’est fixé 4 objectifs : lutter contre la haine sur internet ; éduquer contre les préjugés et les stéréotypes ; mieux accompagner les victimes et investir de nouveaux champs de mobilisation .

24.Il comprend plusieurs mesures avec des plans territoriaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations et la mise en place d’une conférence des financeurs (Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, DILCRAH) pour renforcer la cohérence et la lisibilité des financements publics.

B.Dialogue avec les acteurs de la société civile et soutien à leurs actions (Recommandation §21)

a)Coopération avec la société civile pour la mise en œuvre du Plan

25.Le gouvernement, et en particulier la DILCRAH, a noué en 2016 des partenariats avec 38 associations nationales et les principaux musées et lieux de mémoire, et y a consacré un budget de 2,59 millions d’euros. En 2017, cette aide a été étendue à 74 associations, pour un budget total de 3,21 millions d’euros.

26.En outre, en octobre 2015 et janvier 2017, ont été lancés deux appels à projets locaux destinés à dynamiser la mise en œuvre des politiques en faveur de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations dans les territoires : 218 projets ont été retenus en 2015 et 548 en 2017. Ils comprennent des actions pédagogiques, de formation continue, de lutte contre les discriminations et d’aide aux victimes représentant un montant total de 1,4 million en 2015 et de 1,9 millions d’euros en 2017. La DILCRAH a, par exemple, financé des projets visant à la déconstruction de préjugés, notamment anti-Roms, ou favorisant des lieux de mémoire.

27.Le 6 novembre 2017, la DILCRAH a lancé le troisième appel à projets locaux pour 2018 d’un montant de 2 millions d’euros.

28.La DILCRAH a également mis en ligne, depuis le 21 mars 2017, une « plateforme interactive des partenaires de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT » qui met à disposition du public et des professionnels les ressources développées par les acteurs associatifs et institutionnels.

29.Par ailleurs, le gouvernement a soutenu des actions d’envergure en matière d’éducation et de promotion de la tolérance menées par des organisations de la société civile, comme la campagne « Tous unis contre la haine » (cf. infra).

30.Enfin, les acteurs de la société civile sont régulièrement sollicités pour contribuer à la réflexion sur la mise en œuvre du Plan.

b)Soutien aux associations d’aide aux victimes de racisme et d’antisémitisme

31.La France apporte un fort soutien aux associations d’aide aux victimes de racisme, tant au niveau national que local, afin de garantir aux victimes un accès au droit et à la justice.

32.Le ministère de la Justice a conclu plusieurs conventions avec des associations nationales de lutte contre le racisme et l’antisémitisme afin d’améliorer la prise en charge des victimes et il soutient, au niveau local, les actions mises en œuvre par des associations d’aide aux victimes et par les Conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) dans le cadre de l’accès au droit et à la justice de proximité.

33.D’autres ministères, dans leur champ d’action respectif, soutiennent également des acteurs de terrain venant en aide aux victimes de racisme et de discrimination (Intérieur, Sport, Education nationale, etc). S’agissant du CGET, ses actions avec la société civile sont explicitées infra.

c)Mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche

34.La DILCRAH contribue au financement de plusieurs travaux, comme la recherche « Religion, discriminations et racisme en milieu scolaire » menée par une équipe de chercheurs de l’université Lyon 2, ainsi qu’à la production de ressources destinées à l’enseignement supérieur.

35.Le ministère de la Justice finance également les travaux d’une équipe de chercheurs en sociologie et sciences politiques de l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense et de l’Institut des sciences sociales du politique dans le cadre d’un projet intitulé « Des paroles et des actes, la justice face aux infractions racistes » concernant le traitement judiciaire des infractions à caractère raciste.

36.En outre, près d’une centaine de référents racisme et antisémitisme ont été nommés au sein des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et ont été réunis, en présence de la DILCRAH, par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et la conférence des présidents d’Universités, à deux reprises en décembre 2016.

C.Application de la Convention au niveau local (Recommandation §4)

37.Le Comité s’inquiète que certaines collectivités territoriales ne respecteraient pas les dispositions de la Convention, notamment concernant les étrangers.

a)Transfert des compétences aux collectivités territoriales

38.Les conventions internationales ratifiées par la France et les lois et règlements français s’appliquent aux collectivités territoriales qui sont chargées de les mettre en œuvre dans l’exercice de leurs compétences.

39.L’État conserve à travers son représentant dans les territoires, le préfet, « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Il appartient au représentant de l’État de vérifier la conformité des actes pris par les collectivités territoriales avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur (contrôle de légalité). Si l’examen conduit à relever des irrégularités, le préfet peut déférer au tribunal administratif l’acte qu’il estime illégal. Cela permet d’assurer un respect homogène des normes sur l’ensemble du territoire et d’inscrire l’égalité devant la loi de tous les citoyens dans l’organisation décentralisée de la République.

40.Le juge administratif considère que le défaut d’exercice du contrôle de légalité en cas d’illégalités répétées et manifestes constitue une faute lourde et engage la responsabilité de l’État.

41.Par ailleurs, si un individu s’estime lésé par un acte d’une autorité communale, il peut en demander l’annulation au tribunal administratif ou engager une procédure de référé. Par exemple, à la demande de migrants et d’associations, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, saisi d’un référé-liberté, a, par ordonnance du 26 juin 2017, enjoint au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer plusieurs dispositifs d’accès à l’eau et à l’assainissement, et a ordonné au préfet d’organiser, à destination des migrants qui le souhaitent, des départs depuis Calais vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles. Le Conseil d’État a confirmé cette décision, considérant que la carence concernant l’hygiène et l’alimentation en eau potable expose les migrants à des traitements inhumains ou dégradants.

42.En tout état de cause, la prise en charge de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile est une responsabilité qui incombe à l’État. Ce principe a été rappelé par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile. Si les communes participent à cette politique en proposant des solutions d’hébergement, l’État prend alors en charge son financement. L’accueil de demandeurs d’asile n’est donc pas de nature à occasionner pour les communes des frais liés à leur prise en charge.

b)Ancrage territorial de l’action publique de lutte contre le racisme et les discriminations raciales

43.L’action de la DILCRAH se déploie grâce à un réseau de correspondants dans l’ensemble des ministères et secrétariats d’État et par un ancrage territorial qui permet notamment l’émergence d’analyses et d’initiatives locales. Le Plan 2015-2017 a donc prévu l’installation dans chaque département d’un comité opérationnel contre le racisme et l’antisémitisme (CORA) et l’adoption de plan territoriaux.

44.90 départements ont déjà installé un CORA, et il en existe dans toutes les régions, y compris en Outre-mer. Des plans territoriaux de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont été adoptés dans 13 départements, sans compter des plans communaux et intercommunaux. Ces plans locaux prévoient des mesures telles que le renforcement de l’accompagnement des victimes et de l’accès au droit, ou encore la mobilisation des centres de loisirs et les lieux de vie sociale.

c)Ressources des collectivités territoriales

45.Selon l’article 72-2 de la Constitution, «Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi».

46.Ces ressources propres, notamment des recettes fiscales, doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources.

47.Par ailleurs, tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

48.Enfin, la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.

d)Formation des personnels de la fonction publique

49.Le statut général de la fonction publique territoriale pose le principe d’un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie reconnu à tous les fonctionnaires territoriaux et la création d’un compte personnel de formation pour tous les fonctionnaires. Un agent peut solliciter toute formation (diplômante, certifiante, professionnalisante) qui vise à mettre en œuvre un projet d’évolution professionnelle. Dans ce cadre, des formations sur le thème des discriminations destinées aux agents en relations directes avec les citoyens (professionnels de l’accueil, du social, du scolaire, de l’emploi, du logement, de la santé, des loisirs, de la police municipale) ou aux agents en charge des ressources humaines sont régulièrement organisées.

50.S’agissant des personnels de la fonction publique en général (hors magistrats et forces de l’ordre donc la formation est explicitée infra), un nouveau module de sensibilisation obligatoire et commun à tous les nouveaux agents de la fonction publique relatif à la diversité et à la lutte contre les discriminations a été mis en place en 2014 par la DILCRAH.

D.Législation antiterroriste et respect du droit à la non-discrimination (Recommandation §17)

51.La menace terroriste sur le territoire français demeure très élevée. L’intense mobilisation des services de l’État a permis de déjouer trente-deux tentatives d’attentats en France pendant la période de l’état d’urgence et de démanteler de nombreuses cellules et réseaux de recrutement terroristes.

52.Plusieurs mesures ont d’ailleurs été prises pour éviter que la lutte contre le terrorisme ne permette un quelconque profilage ethnique.

a)Absence de prise en compte de tout critère ethnique ou racial dans la législation antiterroriste

53.En droit français, l’article 421-1 du Code pénal définit la notion d’acte de terrorisme par la réunion de deux éléments :

•L’existence d’un crime ou d’un délit de droit commun incriminé par le Code pénal, les délits étant limitativement énumérés par l’article 421-1 ;

•La relation de ces crimes ou délits de droit commun avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, qui caractérise la circonstance de terrorisme.

54.Par ailleurs, les articles 421-2 et suivants du Code pénal incriminent des infractions terroristes par nature ou pouvant revêtir ce caractère telles que l’acte de terrorisme écologique, l’association de malfaiteurs délictuelle et criminelle en relation avec une entreprise terroriste.

55.La législation pénale antiterroriste française n’opère donc aucune distinction selon l’idéologie ayant motivé la commission d’infractions de nature terroriste. Aucune référence religieuse, ethnique ou raciale n’existe dans les textes et ne saurait commander à leur application.

56.Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) créé en 2015, a pour objectifs la prévention du renouvellement de ce type d’infractions et la facilitation de l’identification de leurs auteurs. Seuls y sont enregistrés l’identité de la personne condamnée et les infractions ayant justifié son inscription. Aucune mention religieuse, ethnique ou raciale n’y figure, pas davantage que l’idéologie ayant motivé la commission de l’infraction.

b)Des pouvoirs de police administrative fondés sur des critères objectifs et strictement encadrés

57.L’ensemble des mesures de police administrative, telles que l’interdiction de sortie de territoire, l’interdiction administrative de territoire, le gel des avoirs, les arrêtés ministériels d’expulsion ou le contrôle administratif des retours sur le territoire national, ainsi que les mesures prévues par la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme, sont fondées sur des critères précis, accompagnées de garanties et contrôlées par le juge. Ces critères objectifs ne sont aucunement fondés sur une race, religion ou autre. En aucun cas, les actes terroristes qu’il s’agit de prévenir ne sont limités aux seuls actes en lien avec le terrorisme islamique.

58.S’agissant des contrôles sur les zones à proximité des frontières intérieures ou les points de passage aux frontières extérieures, le contrôle de la détention du titre de séjour d’un étranger n’est possible que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger. Cette qualité ne peut donc être déduite d’éléments tels que l’apparence physique ou la langue parlée.

59.Par ailleurs, les contrôles visant les personnes susceptibles de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crimes ou de délits (article 78-2 al. 4 du Code de procédure pénale) sont des contrôles de « toute personne » indépendamment du comportement, en considération de sa seule présence dans la zone définie et pour l’objet, précisé par la loi, de prévention et de recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, qui peuvent être le fait d’étrangers comme de nationaux, permettant à cette fin le contrôle des titres et documents.

c)Lutte contre le profilage racial et renforcement des liens entre la police et la population

60.Les pratiques de contrôles dits « au faciès » sont contraires au principe républicain d’égalité.

61.Lorsque la loi autorise le policier ou le gendarme à procéder à un contrôle d’identité, il ne peut se fonder sur aucune caractéristique physique ou signe distinctif, sauf dans les cas où le contrôle est motivé par un signalement précis. Le Conseil constitutionnel l’a rappelé.

62.Ce principe figure dans le Code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales. Tout contrôle qui s’écarterait de ces règles serait sanctionné à la fois par la voie hiérarchique et par la justice.

63.La Cour de cassation s’est prononcée sur 13 pourvois portant sur des contrôles « au faciès » le 9 novembre 2016 et a rappelé qu’un contrôle d’identité réalisé sur la base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée était discriminatoire et engageait la responsabilité de l’État pour faute lourde. 

64.Depuis 2013, les particuliers peuvent signaler des manquements déontologiques directement aux inspections générales de la police et de la gendarmerie sur des plateformes en ligne.

II.Article 4 de la Convention

A.Amélioration de la répression de l’incitation à la haine raciale et des discours de haine (Recommandations §§7 et 8)

65.La France rappelle qu’elle n’a pas formulé de réserve à l’article 4 de la Convention mais une déclaration, qui n’a pas pour but de réduire la portée des obligations prévues par la Convention, mais seulement de consigner son interprétation de l’article 4 de la Convention.

a)Une législation interdisant et sanctionnant l’incitation à la haine raciale et les discours racistes, y compris sur Internet

66.Plusieurs dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse incriminent l’expression publique d’une idéologie prônant la supériorité d’un ensemble de personnes ou qui calomnie, dénigre ou incite à discriminer un tel ensemble de personnes :

•La provocation à la discrimination, la haine ou la violence;

•La contestation de crime contre l’humanité;

•L’apologie de crime de guerre, de crime contre l’humanité;

•La diffamation publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée;

•L’injure publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

67.Dans un avis du 15 février 2015 sur les discours de haine sur Internet, la CNCDH a considéré que les incriminations existantes, contenues essentiellement dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont suffisantes et qu’elles présentent une spécificité telle qu’il n’est pas permis de les intégrer dans le Code pénal. Le gouvernement partage cet avis.

68.Par ailleurs, la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 a généralisé la circonstance de racisme à l’ensemble des délits et des crimes punis d’emprisonnement (article 132-76 du Code pénal). Ainsi, lorsque les faits sont commis « à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée » de la victime, les peines encourues sont aggravées. L’article 132-76 ne fait en outre plus référence à une « race », mais à une « prétendue race », pour éviter de donner l’impression que le législateur cautionne l’idée de l’existence de races parmi les êtres humains.

69.La loi égalité et citoyenneté comporte également plusieurs dispositions afin d’améliorer la lutte contre les discriminations en facilitant la répression des provocations, diffamations et injures à caractère raciste ou discriminatoire ; en étendant la répression de l’apologie et la contestation des crimes contre l’humanité et en renforçant le rôle des associations de lutte contre le racisme et les crimes contre l’humanité.

70.Les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont applicables aux propos tenus sur Internet mais un régime de responsabilité pénale spécifique est prévu. La responsabilité des fournisseurs de contenu (qui créent et diffusent des messages, images, écrits en ligne) est engagée en cas de diffusion d’un contenu illicite.

71.La loi du 21 juin 2004 fixe le régime de la responsabilité des prestataires techniques (les hébergeurs et les fournisseurs d’accès à internet) lorsque des personnes utilisent leurs services pour diffuser en ligne des contenus litigieux. Les prestataires techniques sont exonérés de toute obligation générale de surveillance et de recherche d’activités illicites mais ont une obligation spéciale de concourir à la lutte contre la diffusion d’infractions relatives à la pornographie enfantine, à l’apologie des crimes de guerre et crimes contre l’humanité et à l’incitation à la haine raciale. Ils doivent, d’une part, mettre en place un dispositif permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de faits et, d’autre part, informer promptement les autorités compétentes de toute activité illicite portée à leur connaissance. Tout manquement à ces obligations est sanctionné d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

72.En outre, l’autorité judiciaire peut interdire aux hébergeurs et, le cas échéant, aux fournisseurs d’accès, le stockage ou l’accès à un de ces contenus. Les prestataires ont l’obligation d’exécuter les décisions de justice destinées à faire cesser ou à prévenir un dommage.

73.La responsabilité civile ou pénale de l’hébergeur peut être engagée dans l’hypothèse où il a effectivement connaissance de l’information illicite diffusée et qu’il n’a pas agi promptement pour la retirer ou la rendre inaccessible.

b)Une politique pénale ferme et volontariste de lutte contre le racisme et les discours de haine raciale

74.Depuis 2003, une vingtaine de circulaires et de dépêches sont régulièrement adressées par le ministère de la Justice aux procureurs généraux. Les principales instructions de politique pénale y figurant sont les suivantes :

•Aviser régulièrement le ministère de la Justice de la survenance de tels faits ;

•Faire donner toutes instructions aux services d’enquête saisis pour que les moyens nécessaires à l’identification et à l’interpellation des auteurs soient mobilisés ;

•Se montrer réactif dans la conduite de l’action publique envers les auteurs de ce type d’infractions avec l’engagement de poursuites fermes, rapides et proportionnées à la gravité des faits et à la personnalité des auteurs ;

•Informer les victimes d’infractions à caractère raciste, en lien notamment avec les associations d’aide aux victimes ;

•Organiser des échanges avec les représentants des communautés culturelles et religieuses ainsi qu’avec les associations de défenses des victimes concernées.

75.Conscient des risques d’amalgames entre islam et terrorisme à la suite des attentats terroristes et du risque de voir se développer des comportements antimusulmans, le ministère de la Justice a diffusé plusieurs circulaires et dépêchesappelant l’attention des procureurs généraux sur les infractions à caractère discriminatoire ou motivées par 1’origine, l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

76.En outre, pour faciliter les signalements et la connaissance par l’institution judiciaire des situations de racisme, le développement d’une politique partenariale est encouragé. Il existe des magistrats référents sur les discriminations dans chaque parquet et parquet général, et un pôle anti-discriminations au niveau des départements, qui permettent des rencontres régulières entre les correspondants de l’institution judiciaire, le délégué du Défenseur des droits et les représentants des associations de lutte contre le racisme et les discriminations, d’aide aux victimes, les représentants des différents cultes ou ceux d’autres administrations.

77.Enfin, suivant certains parquets qui s’étaient montrés innovants en développant des mesures spécifiquement adaptées aux contentieux des discriminations, comme les stages de citoyenneté, la loi du 20 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a généralisé ces stages : comme peine alternative à l’emprisonnement ou comme peine complémentaire.

78.Cette politique de la France concernant les faits racistes et antisémites s’est traduite par des résultats concrets (voir Annexe 2) : en 2016, 7 664 affaires racistes ont été traitées par les parquets : 3 433 (45 % du total) relevaient du contentieux des injures et diffamations, 2 693 (35 %) de celui des violences et menaces, 1 263 (16 %) de celui des discriminations et 275 (4 %) du contentieux des atteintes aux biens. Cette hausse significative laisse à penser que les efforts pour améliorer la collecte de données et inciter les victimes à porter plainte commencent à porter leurs fruits. Le nombre de personnes mises en cause dans les affaires traitées par les parquets est en hausse de 27 % en 2016 par rapport à 2013.

c)Lutte contre les discours de haine dans les médias et notamment ceux des élus

79.Depuis 2015, la DILCRAH a adressé aux parquets plus de 140 signalements d’infractions à caractère raciste, antisémite ou anti-LGBT, en majorité pour des discours de haine tenus sur internet. Les signalements de la DILCRAH ont donné lieu à la condamnation de particuliers, d’auteurs de blogs, parfois massivement consultés, à des peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis ou encore à des peines d’amende pour des faits notamment de provocation à la haine raciale, ou d’apologie ou contestation de crimes contre l’Humanité. Des signalements ont également été adressés à des instances de régulation nationales, comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Ligue de Football professionnel, ou des instances ordinales comme le Conseil national de l’ordre des médecins, pour faire sanctionner des discours de haine.

80.Le DILCRAH a également dénoncé à de nombreuses reprises les dévoiements de certaines paroles publiques, comme celles émanant d’un parlementaire de la Vendée, en mai 2015, à propos de l’inhumation de Jean Zay au Panthéon ; d’un élu de l’Oise à propos des gens du voyage, en juillet 201 ; d’un maire de la Loire, en juin 2016, à propos d’un affichage public stigmatisant les personnes effectuant le ramadan. La DILCRAH a par ailleurs systématiquement signalé aux parquets les propos tenus par des élus qui lui paraissaient pouvoir faire l’objet de poursuites notamment auprès du parquet de Béziers au mois d’octobre 2016 au sujet d’une campagne d’affichage à l’encontre des migrants décidée par le maire de la commune ; auprès du parquet de Saint-Etienne au mois de juin 2017 au sujet de l’interdiction édictée par le maire de Lorette du port du voile dans des lieux publics ; ou encore auprès du parquet de Grenoble au mois de mars 2017 concernant un conseiller municipal pour ses propos à l’encontre des Roms.

d)Formation des personnels chargés de l’application de la loi

81.En formation initiale, les futurs magistrats (auditeurs de justice) bénéficient chaque année à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) d’une séquence de formation dédiée à la lutte contre les discriminations au cours de laquelle la DILCRAH intervient. La DILCRAH interviendra également pour des formations techniques, qui devraient être prochainement délivrées aux auditeurs de justice sur les méthodologies d’investigation en matière d’infractions à caractère raciste, antisémite ou anti-Lgbt.

82.En formation continue, l’ENM propose des sessions spécialement centrées sur le racisme, l’antisémitisme et les discriminations raciales. L’une d’elles, dirigée par la CNCDH, est dispensée sur plusieurs jours depuis de nombreuses années à destination de 65 participants. En outre, la DILCRAH a assuré en 2016 et 2017 une formation à destination de 40 magistrats sur le discours de haine, en particulier sur internet, et sur les réponses judiciaires susceptibles d’y être apportées.

83.Les personnels de police et de gendarmerie, quel que soit leur corps ou leur grade, sont formés, enformation initiale et en formation continue, aux problématiques inhérentesau racisme, à l’antisémitisme et à la xénophobie. Des intervenants institutionnels, comme le Défenseur des droits, ou des associations, comme la LICRA ou l’association « FLAG ! », interviennent dans certaines de ces formations.

84.Par ailleurs, un guide pratique de lutte contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et l’homophobie, actualisé en mai 2013 par l’Institut national de la formation de la police nationale en collaboration avec le ministère de la Justice et le Défenseur des droits, est consultable par tout fonctionnaire de police via intranet. Il est en cours de refonte, afin de prendre en considération les modifications récentes issues de la loi du 27 janvier 2017 et de la circulaire du ministère de la Justice du 20 avril 2017.

85.Un guide de l’enquêteur dénommé « Réprimer les discriminations et les infractions à caractère raciste, antisémite et xénophobe » est également fourni à l’ensemble des gendarmes lors de leur formation d’officier de police judiciaire. Parallèlement, des modules sont créés en partenariat avec la LICRA et la DILCRAH et insérés sur la base intranet de la gendarmerie afin de pouvoir être accessibles et exploitables par tous les gendarmes. Des dépliants sont également remis à l’ensemble des élèves au cours de leur scolarité.

86.La DILCRAH a enfin élaboré des fiches réflexes afin de faciliter les enquêtes judiciaires en matière de discours de haine.

B.Favoriser le signalement des contenus et discours racistes, en particulier sur Internet, et les démarches des victimes

87.Il existe un « chiffre noir » d’agressions verbales à caractère raciste qui ne donnent pas lieu à des plaintes. C’est pourquoi le plan 2018-2020 comprend plusieurs mesures pour lutter contre la diffusion des discours de haine sur Internet : proposition d’une initiative législative européenne pour imposer un retrait plus rapide des contenus illicites et renforcer le régime de responsabilité des opérateurs d’internet, modification législative pour renforcer la responsabilité des plateformes (représentation juridique en France, accessibilité et visibilité des outils de signalement, fermeture de comptes diffusant massivement et de manière répétée de la haine, enquête sous pseudonyme, etc.).

88.Par ailleurs, afin de mieux lutter contre ce chiffre noir, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’une expérimentation dès le mois de septembre 2018, portant sur la création d’un réseau de magistrats et d’enquêteurs spécifiquement formés à la lutte contre la haine (recueil des plaintes, méthodologies d’investigations, modification des trames d’audition et procès-verbaux, etc.).

89.Le déploiement de la pré-plainte en ligne en matière de discriminations, provocation à commettre des discriminations, injures et diffamations à caractère discriminatoire (cf. infra) participe également de cette volonté de permettre aux victimes de mieux faire valoir leurs droits.

a)Renforcement de la plateforme PHAROS et du signalement de la haine sur Internet

90.Pour mieux lutter contre la cybercriminalité et notamment contre les infractions à caractère raciste et antisémite commises sur internet, a été créé la plateforme d’harmonisation d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS) qui est un pôle unique de signalement des sites à contenus illicites.

91.En 2016, 17 384 signalements, dont 11 982 pour des contenus d’incitation à la haine raciale ou religieuse, ont été reçus par la plateforme PHAROS (contre 26 477 en 2015). La même année, PHAROS a adressé aux professionnels de l’Internet, 834 demandes de blocage, 1 929 demandes de déréférencement et 3 129 demandes de retrait. 78 526 connexions ont été empêchées, protégeant à chaque fois un internaute du visionnage d’un contenu potentiellement dangereux et incitant à la haine.

92.Dans le domaine du racisme et des discriminations, des conventions de signalement ont été signées avec des partenaires pour leur permettre de bénéficier d’outils de signalement privilégiés, via PHAROS.

93.À l’automne 2015, une cellule « discrimination sur le web », spécialisée dans le droit de la presse, a été installée au sein de PHAROS.

94.Le 4 mars 2016, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) a participé à Bruxelles à une réunion organisée par la Commission européenne sur le thème de l’amélioration des signalements et du retrait des discours de haine en ligne. Le Conseil de l’Europe, 23 pays États membres de l’UE, 11 ONG, Google, Twitter, Facebook et Microsoft y étaient représentés.

95.Le 24 novembre 2016, la plateforme PHAROS a été présentée à plus d’une soixantaine d’associations lors de la journée de prévention des discriminations organisée par la DILCRAH.

96.La DILCRAH a en outre réuni en mars et décembre 2017 puis en février 2018, les plateformes internet et les associations généralistes de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, afin de renforcer les signalements aux autorités publiques en matière de discours de haine, et de favoriser la production d’un contre-discours à la haine sur internet. La DILCRAH soutient également financièrement le développement d’associations qui contribuent déjà à la lutte contre la haine sur internet afin de favoriser l’émergence d’un véritable réseau des associations de lutte contre la haine sur internet.

b)Outils facilitant les démarches des victimes et la connaissance de leurs droits

97.Un dispositif de pré-plainte en ligne a été mis en place en mars 2013 par le ministère de l’Intérieur avec la possibilité de pré-enregistrer une déclaration en ligne depuis n’importe quel lieu et, si les faits s’avèrent caractérisés, d’obtenir un rendez-vous dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie de leur choix pour y finaliser la plainte.

98.Cette procédure est désormais étendue, à titre expérimental, aux discriminations, provocations à commettre des discriminations, injures et diffamations à caractère notamment raciste (décret no 2018-388 du 24 mai 2018).

99.Le Défenseur des droits, avec 52 autres acteurs (entreprises, acteurs institutionnels, associations), a lancé en septembre 2015 une plateforme intitulée « Egalité contre le racisme » (www.egalitecontreracisme.fr) destinée à informer les citoyens sur les droits et les textes juridiques applicables à toutes les manifestations du racisme (propos, actes, discriminations, violences) et qui rassemble et valorise les moyens d’action mis en œuvre par les entreprises, les associations, les collectivités… Les victimes et témoins d’actes racistes peuvent y télécharger une attestation de témoignage certifiée par le ministère de la Justice pour les aider à prouver ce qu’elles avancent.

100.Sur la question plus particulière des discriminations, un site internet à destination du grand public a été lancé le 9 septembre 2015 par le ministère de la Justice (www.stop-discrimination.gouv.fr), pour informer les justiciables sur toutes les formes que peut prendre une discrimination, les sanctions qui peuvent être prononcées et les différents dispositifs d’aide et d’accompagnement mis en place. Le site est accompagné d’une campagne préventive « Luttons contre les a priori pour vaincre la discrimination » visant à sensibiliser les citoyens aux préjugés qui participent à créer des comportements discriminatoires.

101.La DILCRAH a également produit et diffusé deux outils complémentaires un guide interministériel de lutte contre les discriminations et un livret grand public « Discriminations, c’est non ! ».

c)Coopération soutenue avec les acteurs de l’Internet

102.Les enquêtes en matière de racisme sur Internet se heurtent souvent à l’hébergement des contenus illicites aux États-Unis. Les hébergeurs ne s’estiment pas liés par les dispositions du droit pénal français relatives aux abus de la liberté d’expression et les contenus haineux se retrouvent protégés par le 1er amendement de la Constitution américaine qui garantit une conception extensive de la liberté d’expression.

103.Face à ces difficultés, la France s’est engagée dans une politique de responsabilisation et de dialogue avec les acteurs de l’Internet.

104.La DILCRAH et la Délégation aux industries de sécurité et aux cyber-menaces du ministère de l’Intérieur ont réuni, régulièrement en 2016, 2017 et 2018, les services de l’État et les opérateurs d’Internet, afin, d’une part, de s’assurer d’une meilleure exécution des réquisitions judiciaires et de la conservation à la disposition de la justice des contenus haineux effacés et, d’autre part, de favoriser l’émergence d’une régulation de la haine sur Internet par un traitement efficace des signalements. Ainsi, la plateforme PHAROS a conclu un accord avec le réseau social Jeuxvideo.com permettant de conserver à la disposition de la justice les contenus retirés de la vue du public afin de faciliter l’exécution des enquêtes judiciaires. Lors d’une réunion de mars 2017, il a été demandé aux plateformes d’internet d’informer systématiquement les utilisateurs et le public de la suppression des messages qu’elles effectuent, en application de leurs conditions générales d’utilisation, ou de la loi française.

105.En octobre et novembre 2016, la plateforme PHAROS a participé à une action de testing-monitoring des réseaux sociaux Facebook, Twitter et Youtube, mise en place par l’Union européenne avec 12 ONG européennes (dont la LICRA pour la France), pour tester la réactivité de ces entreprises en matière de modération des contenus incitant à la haine.

106.Cette question est également traitée au niveau du groupe d’experts de haut niveau de l’Union européenne sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et les autres formes d’intolérance, auquel la France participe activement. Ce groupe est notamment chargé de mettre en œuvre le Code de conduite signé entre l’Union européenne et les grandes entreprises de l’internet.

C.Prévenir les discours de haine et les discriminations par l’éducation et la promotion de la tolérance

107.En mars 2016, le gouvernement a lancé une campagne nationale intitulée « Tous unis contre la haine » dans le but d’éveiller les consciences contre les préjugés et de mobiliser chaque citoyen à travers un discours et des images volontairement dérangeants. Cette campagne a été initiée à l’occasion de la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme (du 21 au 28 mars) afin de donner une impulsion nationale aux actions menées durant l’année dans le champ de la prévention du racisme et de l’antisémitisme. La campagne est fondée sur un dispositif national, télévisé, sur Internet et les réseaux sociaux pour mobiliser autour de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et comprend 6 spots qui ont été largement diffusés.

108.Le gouvernement a également soutenu la campagne de communication intitulée « Debout contre le racisme », commune à la LICRA, SOS Racisme, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples (MRAP). L’attribution du label « Grande cause nationale» a permis d’assurer à cette campagne une ampleur nationale grâce à la garantie que les vidéos seraient diffusées sur les chaines publiques de télévision. Les principales chaines privées ont également assuré des diffusions gratuites.

109.La France participe en outre à la campagne lancée en novembre 2015 par le Conseil de l’Europe à destination des jeunes pour lutter contre le racisme et la discrimination, intitulée « Mouvement contre le discours de haine».

110.La France a déployé des actions spécifiques à l’égard des publics jeunes, par l’intermédiaire de l’école. Les programmes d’éducation morale et civique prévoient, à chaque cycle de la scolarité et dans toutes les filières d’enseignement, une éducation à la tolérance et à la compréhension entre les différents groupes de population vivant sur son territoire.

111.Le ministère de l’Education nationale, met à disposition des enseignants différentes ressources dédiées à la lutte contre le racisme, telles que le module «Valeurs de la République » du réseau Canopé ou encore, en partenariat avec la DILCRAH, une plateforme intitulée « Eduquer contre le racisme ».

112.En outre, chaque année depuis 2015, une semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, autour du 21 mars, journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, est organisée par le ministère de l’Education nationale et le ministère chargé de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, en lien avec la DILCRAH. Une plateforme géolocalisée dédiée à l’événement permet de recenser les initiatives proposées aux enseignants et au grand public par la société civile, les acteurs de l’éducation populaire et les établissements culturels. En 2017, plus de 600 actions se sont tenues sur tout le territoire national (projections, débats, expositions, ateliers, spectacles vivants).

113.Par ailleurs, les principales associations de défense des droits de l’homme et de lutte contre les discriminations interviennent en milieu scolaire et/ou périscolaire.

III.Article 5 de la Convention

A.Lutte contre les discriminations à l’égard des Roms (Recommandation §9)

a)Actions de sensibilisation et de promotion du vivre ensemble pour lutter contre la discrimination à l’égard des Roms

114.La France est engagée en faveur d’une citoyenneté active des occupants des bidonvilles en favorisant leur participation sociale et économique à la société et en développant la médiation pour lutter contre les inégalités dont ils peuvent être victimes.

115.Ainsi, l’association « Les enfants du Canal », soutenue par le gouvernement, met en œuvre depuis 2013 un projet d’insertion, nommé Romcivic qui permet à des jeunes, principalement d’origine française, roumaine et bulgare, en volontariat de service civique, d’accompagner les personnes vivant en bidonvilles. Il favorise leur accès aux droits et leur permet de s’insérer. La mixité au sein de Romcivic est importante : des jeunes de toutes origines, de toutes classes sociales et de tous niveaux scolaires s’y côtoient et travaillent en équipe.

116.Dans le cadre d’un partenariat avec le Musée national d’histoire de l’immigration, la DILCRAH a soutenu la réalisation d’une exposition intitulée « Mondes tsiganes » (mars-août 2018). Elle soutient également des associations locales telles que la LICRA en Gironde (partenariat avec le cirque Romanès), La Voix des Roms (dispositif mémoire éducation contre le racisme et les discriminations en Seine-Saint-Denis), Rencontres Tsiganes (en Provence Alpes Côte d’Azur), Amitiés Tsiganes (en Meurthe et Moselle).

b)Lutte contre les propos haineux à l’encontre des Roms, particulièrement dans les milieux politiques

117.Sur les discours haineux à l’égard des Roms dans les milieux politiques, la France renvoie à ses éléments supra sur les discours de haine et rappelle qu’un conseiller municipal de la ville de Fontaine (en Isère) a été condamné le 28 novembre 2017, à la suite d’un signalement de la DILCRAH, à deux d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende et 4 ans d’inéligibilité pour des propos envers les Roms jugés comme constitutifs du délit d’incitation à la haine raciale.

c)Renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains dont les femmes et les filles Roms peuvent être victimes

118.Adopté en mai 2014, le plan d’action national contre la traite des êtres humains fixe trois priorités : la protection des victimes, le démantèlement des réseaux liés à la traite et la mise en place d’une politique publique à part entière sur cette question. En application de la loi du 13 avril 2016, des crédits sont affectés à la prévention de la prostitution et à l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées et victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.

119.Par ailleurs, une attention particulière est portée aux mineurs exploités et victimes de la traite des êtres humains. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016, certaines mesures prévoyaient une protection et un accompagnement adaptés à la spécificité de ces mineurs.

120.La mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains en partenariat avec de nombreux acteurs ont mis en place à Paris un dispositif expérimental de protection consistant en un placement de mineurs victimes dans des conditions sécurisantes, fondé sur l’éloignement géographique et sur un accompagnement par des éducateurs spécialement formés. Il s’agit d’extraire les mineurs du champ d’influence de leurs exploiteurs et des réseaux criminels et ainsi de mieux les protéger. À ce jour, une soixantaine de mineures victimes d’exploitation sexuelle ont été admises dans ce dispositif.

d)Anticipation et accompagnement des personnes lors des opérations d’évacuation des campements illicites

121.La Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) soutient les actions locales de résorption des bidonvilles au premier rang desquelles les actions favorisant l’accès au logement de ces habitants. Ainsi, en 2016, 3 600 personnes ont été logées ou hébergées et 1 150 ont accédé à un logement autonome grâce aux actions financées par la DIHAL. Au total, depuis 2013, les actions soutenues par les crédits du pôle campements illicites/résorption des bidonvilles de la DIHAL (qui depuis 2013 bénéficie d’une enveloppe annuelle de crédits dédiés à la résorption des bidonvilles, dont 3 millions d’euros en 2017) ont permis à près de 9 000 personnes de bénéficier de solutions d’hébergement ou de logements.

122.L’État a fixé un nouveau cadre pour l’action des pouvoirs publics au travers d’une nouvelle circulaire publiée le 25 janvier 2018.

e)Amélioration de l’obligation de scolarisation des enfants Roms

123.Dans son précédent rapport, le gouvernement français a présenté le dispositif mis en place pour la scolarisation des enfants Roms, en particulier, celui issu des trois circulaires du 2 octobre 2012 et précisé le rôle central des Centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs dans ce dispositif (CASNAV).

124.La loi du 27 janvier 2017 renforce encore cette exigence de scolarisation pour tous en disposant que « le statut ou le mode d’habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire».

125.Pour tous les élèves, l’inscription dans l’une des écoles maternelles ou élémentaires de la commune où ils résident relève de la compétence du maire. Le directeur d’école peut procéder à l’admission provisoire des enfants soumis à l’obligation scolaire même en l’absence du certificat d’inscription que doit délivrer le maire de la commune dont dépend l’école.

126.Plusieurs mécanismes existent pour lutter contre les discriminations dont pourraient être victimes les enfants Roms dans l’accès à la scolarisation :

•Les juridictions françaises assurent l’effectivité de leurs droits en condamnant les cas d’irrespect et les éventuelles discriminations. Ainsi, le tribunal administratif de Versailles a annulé le 16 mars 2017, la décision d’un maire de mettre en place, dans une salle municipale attenante à un gymnase, une structure d’accueil scolaire dédiée aux enfants Roms.

•Le Défenseur des droitsparticipe activement à l’effectivité de la scolarisation des enfants Roms. En 2015, il a notamment été saisi de la situation de cinq enfants Roms âgés de 14, 13 et 12 ans, arrivés en France en cours d’année scolaire, résidant sur le terrain d’une commune et qui rencontraient des difficultés pour être scolarisés. Au cours des mois de février et mars 2015 des tests de niveau ont été réalisés. Cependant, les services départementaux de l’éducation nationale indiquaient ne pouvoir les affecter au sein d’aucun établissement scolaire. Le Défenseur des droits a rappelé l’importance d’inscrire le plus rapidement possible ces enfants dans un parcours d’inclusion scolaire. Ils ont finalement été affectés au sein d’unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants à la rentrée scolaire de septembre 2015.

•La mobilisation de la DIHAL dans le cadre de l’accompagnement global des personnes lors de la résorption des bidonvilles, a permis, depuis 2013, la scolarisation de près de 5 800 enfants (1 800 en 2016). La nouvelle circulaire du 25 janvier 2018 précitée renforce cette orientation.

127.Par ailleurs, différentes actions, y compris locales, sont conduites afin de favoriser l’accès à l’école pour le public rom migrant allophone ou pour lutter contre l’absentéisme ou la déscolarisation précoce des élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs. Par exemple en 2016-2017, a été créé dans l’académie de Paris, un groupe de suivi académique pour la scolarisation des enfants vivant en situation de grande précarité (campements, bidonvilles en proche périphérie ou hébergements d’urgence). Il est constitué de différents représentants institutionnels et associatifs pour accompagner la scolarisation des enfants vivant dans des conditions d’extrême précarité et pour lutter contre la faible scolarisation, l’absentéisme voire le décrochage scolaire. Il permet un suivi individualisé des enfants scolarisés et de leur famille.

128.Par ailleurs, le Centre national d’enseignement à distance (CNED), scolarise environ 10 000 élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs par an, dont 90 % au niveau collège. Depuis 2016, les élèves dont les familles effectuent un stationnement prolongé sur une aire d’accueil, peuvent bénéficier de conventions de scolarité partagée avec une double inscription CNED/Collège qui permet une inclusion scolaire aménagée pour ces élèves le temps de leur stationnement.

f)Favoriser l’accès des Roms aux soins de santé et aux services sociaux

129.Le Programme national de médiation sanitaireélaboré en 2011 par des associations constatant un état de santé très préoccupant des populations Roms vivant en squat ou en bidonville, consiste à développer des actions de médiation. Ces actions favorisent l’accès à la santé des populations en situation de précarité, par leur intégration dans le système de santé de droit commun avec notamment le suivi des grossesses et les vaccinations des enfants en centres de Protection maternelle et infantile, et améliorent les connaissances des acteurs de santé vis-à-vis de ces personnes.

130.Les personnes Roms peuvent bénéficier de la protection maladie universelle, qui permet à toute personne qui travaille ou, si elle n’exerce pas d’activité professionnelle, réside en France de manière stable et régulière, de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé. Les personnes sans domicile fixe ou vivant dans un habitat mobile ou précaire doivent se faire domicilier auprès d’un centre communal d’action sociale ou auprès d’un organisme agréé par la préfecture.

g)Favoriser l’accès à l’emploi des personnes Roms

131.Entre 2012 et 2016, grâce à l’action globale entreprise par le gouvernement, ce sont plus de 1 700 personnes qui ont pu accéder à un emploi. Ces personnes bénéficient d’un accompagnement vers l’emploi personnalisé (reposant sur l’âge, le niveau de français, le niveau de scolarisation…) qui peut s’effectuer dans le cadre d’un accompagnement global et social et/ou dans le cadre de dispositifs d’insertion plus spécifiques.

B.Lutte contre les discriminations à l’égard des gens du voyage (Recommandation §10)

132.À l’instar des précédents développements concernant les personnes Roms, des efforts ont été entrepris pour améliorer la situation des gens du voyage et l’exercice effectif de leurs droits à la libre circulation, au logement et à l’éducation.

133.Une Commission nationale consultative des gens du voyage a été installée le 17 décembre 2015. Elle vise à la prise en compte des besoins des gens du voyage et à leur implication dans l’élaboration et le suivi des politiques publiques les concernant. Depuis sa création, la Commission a réuni 27 groupes de travail, autour de sujets divers comme la culture, la mémoire ou encore la réglementation (habitat, formation, emploi).

134.Pour la scolarisation des enfants des gens du voyage, la France renvoie aux éléments développés supra dans la sous-partie sur la scolarisation des enfants Roms.

a)Abrogation de la loi du 3 janvier 1969 et des livrets de circulation

135.Conformément aux recommandations du Comité, la France a abrogé la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Les obligations relatives aux titres de circulation (livrets spéciaux de circulation et livrets de circulation mentionnés à l’article 4 de la loi du 3 janvier 1969) et à la commune de rattachement sont ainsi abolies même si la loi du 27 janvier 2017 prévoit des dispositions transitoires.

b)Conditions de logement des gens du voyage

136.Le gouvernement renvoie à son précédent rapport et notamment aux éléments sur la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, et précise que la loi du 7 août 2015 a confié, à partir du 1er janvier 2017, de nouvelles compétences aux Etablissements publics de coopération intercommunal (EPCI) en matière d’accueil des gens du voyage. Ainsi, les EPCI sont obligatoirement compétents pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage.

137.Le taux d’aménagement d’aires d’accueil affectées au séjour des gens du voyage a progressé puisque 26 873 places ont déjà été réalisées à la fin de l’année 2015. La mise en place des schémas départementaux pour l’accueil des gens du voyage devrait, à terme, permettre d’atteindre l’objectif de 38 844 places fixé par les schémas départementaux pour la fin 2015.

138.Une proposition de loi a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 2 novembre 2017 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites afin d’apporter des réponses concrètes aux problèmes posés par les installations illicites en clarifiant le contenu et les modalités de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

139.S’agissant des prérogatives dévolues aux autorités en contrepartie de la réalisation des schémas départementaux, la France se réfère à son précédent rapport et à la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil des gens du voyage.

C.Lutte contre les discriminations à l’égard des demandeurs d’asile et réfugiés, y compris les mineurs non accompagnés (Recommandation §16)

a)Conditions d’accueil des demandeurs d’asile

140.Tout en transposant les obligations découlant de la directive européenne « procédures » du 26 juin 2013, la loi du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d’asile vise à renforcer les droits des demandeurs d’asile, à améliorer la durée du traitement des demandes d’asile et à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’asile notamment en matière d’hébergement.

141.Un nouveau dispositif d’accueil national a ainsi été mis en place autour de trois axes :

•Un premier accueil et un accompagnement dans les démarches est assuré par des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) situées sur tout le territoire national. Ces structures assurent un pré-recueil du dossier et prennent le rendez-vous en guichet unique pour l’enregistrement de la demande d’asile. Le fonctionnement des guichets uniques pour demandeurs d’asile est amélioré pour accélérer l’enregistrement de la demande d’asile. Une circulaire du 12 janvier 2018 demande aux préfets de diminuer significativement le délai d’enregistrement pour atteindre l’objectif de 3 jours.

•Une allocation pour demandeurs d’asile créée par la loi du 29 juillet 2015 est versée, sous conditions d’âge et de ressources, aux demandeurs d’asile qui ont accepté l’offre de prise en charge formulée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration à l’occasion de leur passage au guichet unique, dans l’attente de la décision définitive. L’allocation inclut également les bénéficiaires de la protection temporaire et les victimes de la traite.

•Un hébergement est proposé, en fonction des disponibilités du parc d’hébergement et de la vulnérabilité des personnes. Depuis 2012, les places d’hébergement pour demandeurs d’asile ont augmenté de près 80 % et devaient atteindre 80 000 places fin 2017. Le dispositif d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile sera renforcé de 4 000 places en 2018 et de 3 500 en 2019.

b)Opérations de mise à l’abri, particulièrement à Calais

142.Face au très grand nombre de migrants sur les communes de Calais et de Grande Synthe désireux de se rendre au Royaume-Uni, et aux conséquences en termes de dignité des personnes, la France a organisé plusieurs opérations de mise à l’abri des migrants et a renforcé sa collaboration avec les autorités britanniques.

143.Avant même le démantèlement du camp de Calais (campement de « La Lande ») du 24 au 28 octobre 2016, une procédure de regroupement familial à destination du Royaume-Uni pour les mineurs isolés étrangers y ayant des liens, a été mise en place par les autorités françaises et britanniques. L’association France Terre d’Asile a été missionnée par l’État pour identifier et suivre ces mineurs. Elle a permis à 388 mineurs d’y être transférés, principalement dans le cadre des dispositions du règlement européen « Dublin III ».

144.Postérieurement à l’évacuation, tous les mineurs présents en Centres d’accueil et d’orientation dédiés aux mineurs isolés (CAOMI) ont eu un entretien avec des représentants du Home Office afin de faire valoir leurs attaches familiales en Grande-Bretagne et ce sont plus de 500 autres mineurs qui ont pu ainsi rejoindre le Royaume-Uni. Les personnes évacuées de Calais se déclarant mineures et qui n’ont pas été transférées au Royaume-Uni ont été orientées, au terme de l’évaluation de la minorité, soit vers l’aide sociale à l’enfance (ASE) soit, en cas de majorité, vers des Centre d’accueil et d’orientation (CAO).

145.Au sein des CAO et des CAOMI, tous les migrants ont bénéficié d’une évaluation sociale et administrative ainsi que d’une information sur les démarches à accomplir au titre de la demande d’asile. Un accès rapide à la procédure de demande d’asile a été garanti et l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a déployé des missions dans toute la France.

146.Depuis août 2017, des centres d’accueil et d’examen des situations ont été ouverts dans le Nord et le Pas-de-Calais, et des points d’eau et des douches ont été mis à la disposition des migrants dans le Pas-de-Calais.

147.Le démantèlement du camp de Calais, a permis la mise à l’abri de 5 466 adultes et de 1 952 mineurs.

148.Une opération similaire a été organisée dans le camp de Grande Synthe, après l’incendie du 11 avril 2017, et a abouti à la mise à l’abri de 2 000 personnes, qui ont également été réparties sur l’ensemble du territoire. Une nouvelle opération de mise à l’abri a été organisée à Grande Synthe le 19 septembre 2017, pour près de 500 migrants.

149.À ce jour, parmi les 2 600 migrants de Calais encore présents dans les CAO, 41 % ont obtenu un statut de protection, soit 1 072 personnes. 1 267 personnes ont encore leur demande d’asile en cours d’examen.

150.Enfin, 34 opérations de mise à l’abri ont eu lieu à Paris entre le 2 juin 2015 et le 7 juillet 2017 conduisant à la prise en charge de 27 000 personnes.

c)Situation des mineurs non-accompagnés

151.Le droit français se distingue par son dispositif juridique de protection des mineurs indifféremment de leur nationalité et de leur situation : non astreints à la possession d’un titre de séjour, les mineurs ne peuvent être considérés comme des étrangers en situation irrégulière et sont en conséquence protégés contre toute mesure d’éloignement les visant personnellement.

152.Les mineurs étrangers non accompagnés, comme tout mineur isolé, quelle que soit leur nationalité, bénéficient d’une mise à l’abri préalable, réalisée par les autorités départementales, dans le cadre de laquelle ils font l’objet d’une évaluation individuelle de leur situation (âge, isolement et besoins).

153.La loi relative à la protection de l’enfant du 14 mars 2016 a inscrit le dispositif de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation dans le Code de l’action sociale et des familles et dans le Code civil. Cette loi affirme que la décision d’orientation du juge des enfants ou du procureur de la République est prise « en stricte considération de l’intérêt de l’enfant » pour garantir des modalités d’accueil adaptées.

154.Ce texte a été complété par un décret du 24 juin 2016 et un arrêté du 17 novembre 2016 relatifs aux modalités d’évaluation, qui ajoutent des garanties lors de l’évaluation de la situation du mineur. Ainsi, ils portent une attention particulière à la santé des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés ainsi qu’aux risques de traite des êtres humains. Par ailleurs, ils donnent une définition de l’isolement afin d’assurer une protection la plus large possible des mineurs non accompagnés : dès lors qu’un majeur n’est pas détenteur de l’autorité parentale et ne manifeste pas sa volonté de se voir durablement confier le mineur, l’isolement doit être retenu.

155.Par principe, un mineur étranger ne peut ni faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, ni d’une mesure d’expulsion. Néanmoins, il existe la procédure judiciaire de retour dans le pays d’origine, conduite par le juge des enfants, dont la mise en œuvre est gouvernée par l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de ses droits et libertés fondamentaux.

156.L’évaluation de la possibilité de retour prend en compte l’ensemble des droits reconnus par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Dans ces procédures, le retour du mineur dans son pays d’origine n’est jamais un objectif en soi ; il ne le devient que si, aux termes de l’évaluation, il répond à l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans tous les cas, aucune décision administrative ne peut être prononcée contre un avis de l’autorité judiciaire garante de la protection des mineurs et la parole du mineur, qui bénéficie du droit d’être entendu, est prise en compte.

157.Par ailleurs, le respect de l’intérêt de l’enfant concerné par une procédure administrative d’éloignement visant ses parents ou ses représentants est étroitement contrôlé par les juridictions nationales.

158.Le Conseil d’État a rappelé les obligations qui s’imposent à l’État pour réunir les informations nécessaires sur l’identité du mineur, la nature exacte des liens qu’il entretient avec l’adulte qu’il accompagne, ainsi que les conditions de sa prise en charge dans le pays de destination. La prise en considération globale de l’intérêt du mineur concerné au regard de ces trois éléments conditionne la légalité du départ du mineur avec l’adulte qu’il accompagne. En outre, les conditions matérielles du retour et, le cas échéant, de l’accueil en rétention doivent être adaptées aux besoins particuliers de l’enfant en cause.

d)Recours suspensifs contre une décision d’éloignement dans certaines collectivités d’Outre-mer

159.La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) ne subordonne pas systématiquement l’effectivité du recours d’un étranger contre une mesure d’éloignement au caractère suspensif de ce recours. La Cour EDH opère ce lien sur le champ particulier du risque sérieux d’atteinte à la protection prévue à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et au risque de torture, de traitements inhumains ou dégradants, et de manière plus générale lorsqu’il existe un risque d’atteinte irréversible à une protection garantie par la Convention.

160.Cependant, au-delà même des exigences résultant des jurisprudences de la Cour EDH et de la Cour de justice de l’Union européenne, le droit français reconnaît par principe un caractère de plein droit suspensif d’exécution au recours ouvert contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière, parmi lesquels ceux dont la demande d’asile est définitivement rejetée par les instances compétentes.

161.Dans certains territoires d’Outre-mer, le dispositif contentieux est adapté pour tenir compte des particularités de la collectivité au regard de la pression migratoire et de son contexte géographique.

162.Cette adaptation consiste dans un dispositif dérogatoire : l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement a la possibilité de saisir le juge administratif compétent d’un recours en référé. Ce recours, prévu à l’article L.521-2 du Code de justice administrative, n’est pas enfermé dans une condition de délai pour le requérant. Il est jugé dans les 48 heures et permet à l’étranger de faire valoir un grief défendable contre la mesure d’éloignement. Si cette procédure dérogatoire n’est pas suspensive de plein droit, seules les requêtes qui ne présentent pas un caractère d’urgence, ou sont irrecevables ou infondées ou ne relèvent manifestement pas du juge administratif, peuvent être rejetées par le juge sans audience contradictoire. Il en résulte en pratique que dans tous les cas où l’étranger présente un grief défendable, l’exécution de la mesure d’éloignement est suspendue jusqu’à ce que le juge ait statué en audience publique et contradictoire.

163.En outre, la loi du 29 juillet 2015 portant réforme de l’asile a généralisé le droit à un recours pleinement suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile dont bénéficient désormais tous les demandeurs, que leur demande soit examinée en procédure normale ou accélérée. En l’état actuel, le caractère suspensif du recours s’applique également dans les collectivités et départements d’Outre-mer.

D.La situation dans les Outre-mer (Recommandations §§11-14)

164.L’emploi des termes « peuples autochtones » et la référence à des droits collectifs de ces peuples posent pour la France des difficultés d’ordre constitutionnel. En effet, les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’unicité du peuple français et d’égalité des citoyens devant la loi empêchent, d’une part, la reconnaissance au sein du peuple français de peuples distincts définis par une origine commune, une appartenance ethnique ou des spécificités culturelles et, d’autre part, la reconnaissance de droits collectifs à quel que groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.

165.Par ailleurs la France n’a pas adopté une politique globale et uniforme en faveur de communautés autochtones qui présentent elles-mêmes une grande diversité.

166.En revanche, dans la pratique, la représentation des intérêts de certaines populations est organisée au sein d’organes consultatifs tels que le grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges en Guyane ou le sénat coutumier en Nouvelle-Calédonie. Une telle représentation est toujours fondée sur des critères objectifs, généralement territoriaux et non identitaires. Les régimes applicables en Outre-mer ont ainsi été adaptés aux besoins des populations locales et en fonction des réalités territoriales, tant culturelles, qu’économiques et sociales.

167.Dès lors, si seules des mesures prises sur une base territoriale peuvent être adoptées en faveur des populations autochtones dans les collectivités d’Outre-mer, cette approche ne limite en rien l’engagement de la France pour que les personnes appartenant à ces populations jouissent pleinement et effectivement des droits de l’Homme, sans aucune discrimination, comme tous les individus.

a)La situation en Guyane

168.Fin mars 2017, un mouvement de protestation s’est développé en Guyane, d’abord pour des motifs de sécurité publique puis élargi à d’autres revendications en matière sociale, économique, d’accès aux services publics ou d’infrastructures.

169.Le plan d’urgence pour la Guyane, proposé par le Gouvernement, est le volet central des accords de Guyane du 21 avril 2017 qui entendent répondre à cette contestation. Il comporte 30 mesures relatives à la sécurité, la justice, la santé, l’éducation, les transports, au domaine foncier, et au développement de l’économie locale.

170.Il représente un engagement financier de l’État de 1 086 milliard d’euros. En février 2018, l’essentiel des actions de ce plan ont été mises en œuvre ou sont déjà engagées.

Accès aux terres et aux ressources traditionnellement utilisées

171.Les populations amérindiennes et bushinengé vivant en Guyane sont très attachées aux terres coutumières qu’elles utilisent depuis des générations de façon respectueuse de la biodiversité et du renouvellement naturel des espaces forestiers et sans mécanisme d’appropriation individuelle.

172.Depuis de nombreuses années, ces communautés bénéficient de dispositifs leur permettant d’obtenir une protection juridique particulière sur ces terres, sous forme de concession ou de droits d’usage collectifs.

173..Dans le plan d’urgence pour la Guyane, l’État s’est engagé sur l’« attribution de 400 000 hectares aux peuples autochtones au travers de l’établissement public du Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengués».

174.S’agissant des ressources traditionnellement utilisées,à la suite de la transposition du protocole de Nagoya en droit national en 2016, l’article L.412-4 du Code de l’environnement assure une protection particulière pour «toute communauté d’habitants qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ».

175.Selon l’article L.412-1 du même code, dans chaque collectivité où est présente une telle communauté d’habitants, une personne morale de droit public est chargée d’organiser la consultation de la ou des communautés d’habitants détentrices de connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Elle est également chargée de négocier et de signer le contrat de partage des avantages avec l’utilisateur et, en tant que de besoin, de gérer les biens dévolus en application du contrat.

176.L’article 78 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer prévoit, dans ce cadre, la création d’un établissement public culturel et environnemental appelé à jouer ce rôle et placé auprès du grand conseil coutumier.

Education

177.L’académie de Guyane a développé pour les élèves dont la langue maternelle est une langue autochtone, des dispositifs spécifiques qui permettent à ces langues d’être présentes et reconnues dans le cadre scolaire et périscolaire. Cette action a été confortée par la loi de 2013.

178.Le dispositif académique des Intervenants en Langues Maternelles (ILM), propre à la Guyane, mis en place essentiellement à l’école maternelle, a pour buts, d’une part, d’aider les élèves et les familles à s’approprier l’école et à valoriser leur langue maternelle et leur culture et, d’autre part, de structurer la maîtrise de leur langue maternelle, d’acquérir des compétences linguistiques transversales et transférables et de faciliter ainsi, par le bilinguisme, l’acquisition du français.

179.Par exemple, dans le premier degré, une filière bilingue à parité horaire en kali’na est ouverte depuis la rentrée scolaire 2017 à Awala-Yalimapo, avec le concours des partenaires locaux (les parents d’élèves, les deux chefferies traditionnelles et la municipalité). Une expérimentation sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en Wayana est par ailleurs déjà développée dans deux écoles.

180.L’académie de Guyane s’efforce de renforcer les compétences professionnelles des ILM et une convention, signée entre l’université et le rectorat, leur propose un parcours de formation pour accéder à la licence « sciences de l’éducation » puis au concours de professeur des écoles, notamment par un master en alternance. Ce dispositif a été renforcé à la rentrée scolaire 2017 avec le doublement des postes d’ILM.

Accès aux soins

181.La faible densité de population en Guyane ne permet pas de proposer une offre de soin de proximité variée. Les moyens sont principalement situés à Cayenne et Kourou et, dans une moindre mesure, à Saint-Laurent du Maroni, là où se trouve près de 49 % de la population guyanaise. L’offre de soins spécialisés n’étant pas complète, lerecours à l’évacuation sanitaire est donc plus développé qu’en métropole.

182.La couverture du service mobile d’urgence et de réanimation est tributaire des conditions météorologiques, souvent contraignantes. Ces éléments de contexte local militent en faveur de la poursuite du développement d’un réseau de télémédecine, notamment entre les centres délocalisés de prévention et de soins et les hôpitaux de Cayenne ainsi qu’entre les hôpitaux de Cayenne et ceux des Antilles.

183.Par ailleurs, la reconstruction du Centre hospitalier de l’ouest guyanais fera l’objet d’une aide de 25 millions d’euros alloués dans le cadre des accords de Guyane.

Lutte contre l’orpaillage illégal

184.L’orpaillage illégal, c’est-à-dire l’exploitation aurifère clandestine, touche particulièrement les populations autochtones dans la forêt amazonienne. Il entraîne d’importantes conséquences écologiques (déforestation sauvage, pollution des sites) ainsi qu’une criminalité spécifique.

185.L’opération HARPIE fédère depuis 2008, l’action quotidienne de 120 gendarmes et de 300 militaires de Guyane.

186.La forte mobilisation des moyens humains et matériels dans le cadre de cette opération a permis la nette hausse des saisies effectuées en 2016. Le nombre de puits et de sites détruits est également en forte hausse.

187.S’agissant du renforcement de la coopération avec les États voisins, les avancées sont notables avec le Suriname avec des échanges opérationnels plus fréquents et la ratification d’un accord de coopération policière en 2017. S’agissant du Brésil, l’Accord sur la lutte contre l’orpaillage clandestin du 23 décembre 2008 est entré en vigueur le 21 février 2014 et permettra de nouvelles perspectives en matière de coopération judiciaire.

Représentation institutionnelle et participation aux processus de décision publique

188.La loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle Outre-mer a renforcé la représentation des populations amérindiennes et bushinenguées. L’article 78 de la loi remplace le comité consultatif préexistant par un « grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengués » qui a pour objet d’assurer leur représentation et de défendre leurs intérêts juridiques, économiques, sociaux, culturels, éducatifs et environnementaux.

189.Ce grand conseil est placé auprès du représentant de l’État, le Préfet. Tout projet ou proposition de délibération de l’assemblée de Guyane emportant des conséquences sur l’environnement ou le cadre de vie ou intéressant l’identité des populations amérindiennes et bushinenguées est soumis à l’avis préalable du grand conseil coutumier. Il peut également se saisir de tout projet ou proposition de délibération de la collectivité territoriale de Guyane intéressant directement l’environnement, le cadre de vie ou les activités culturelles de ces populations.

190.Depuis 2015, des maisons de services publics ont été mises en place à Taluen et Grand-Santi, communes isolées, et devraient être étendues à d’autres communes. Les opérateurs de service public viennent y tenir des permanences ou organisent des permanences par visioconférences.

b)La situation en Nouvelle-Calédonie

Préparation à l’autodétermination

191.Dans le cadre de l’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998, le XVIème comité des signataires de cet Accord s’est tenu le 2 novembre 2017, à Paris, sous la présidence du Premier ministre. Il a abouti à un accord politique sur les conditions d’organisation du référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie.

192.L’accord porte notamment sur l’inscription d’office sur la liste électorale générale des personnes nées et résidant de manière certaine en Nouvelle-Calédonie qui ne sont pas encore inscrites à savoir 7 000 personnes de statut civil coutumier (Kanak) et 3 900 personnes de statut civil de droit commun.

193.Un projet de loi organique sera prochainement examiné par le Parlement afin d’introduire les ajustements nécessaires à la participation la plus large possible au référendum, comme demandé lors du comité des signataires précité.

Questions foncières et accès aux zones de pêche et à la mer

194.D’après les données de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier au 31 décembre 2015, les terrains privés représentaient 16 % de la superficie de la Nouvelle-Calédonie, les terres coutumières 27 % et le domaine des collectivités 55 %.

195.L’essentiel des terrains privés sont très majoritairement dans la Province Sud, où se trouvent les zones les plus faciles à exploiter pour l’agriculture et l’élevage. La moitié des terres coutumières de Nouvelle-Calédonie sont dans la Province Nord.

196.L’accès aux zones de pêche et à la mer est également réglementé par les provinces, en particulier dans le cadre du parc naturel marin.

197.Les provinces prennent, après avis du conseil coutumier concerné, les dispositions particulières nécessaires pour tenir compte des usages coutumiers.

Accès à la santé

198.Le statut d’autonomie politique et administrative attribue à la Nouvelle-Calédonie une pleine compétence en matière de santé. Seules les dispositions en matière de santé relevant des libertés publiques ou des dispositions pénales peuvent être édictées par l’État.

Accès à l’éducation

199.En 2016, au terme d’une consultation inédite ayant associé, pendant près de dix ans, communauté éducative, groupes politiques, autorités coutumières, organisations syndicales, fédérations de parents d’élèves, associations et institutions, le projet éducatif de Nouvelle-Calédonie a été adopté par le Congrès de Nouvelle Calédonie. L‘île s’est ainsi dotée d’une véritable politique éducative.

200.L’objectif est notamment de développer l’identité de l’école calédonienne pour favoriser le vivre ensemble : renforcer l’engagement des élèves dans la vie de l’établissement, ancrer le service civique, valoriser l’enseignement de la culture et des langues kanak, etc. Il vise également à prendre en compte la diversité des publics pour favoriser la réussite de tous. Pour cela, il projette d’offrir un socle commun de connaissances et de valeurs, d’adapter le fonctionnement de l’école aux élèves dans leur diversité, de donner des moyens supplémentaires aux établissements en difficulté.

c)La situation à Mayotte

201.Le 23 août 2014, le Président de la République a annoncé un plan de développement pour Mayotte ramené à dix ans au lieu de 25 ans précédemment. Le document stratégique d’engagement de l’État pour le développement du département dit « Mayotte 2025 » a été signé le 13 juin 2015 par le Premier ministre et les élus, à Mayotte.

202.La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer donne une valeur législative à « Mayotte 2025 » et accélère sa mise en œuvre.

203.Le Comité est préoccupé par les conséquences de la fin du statut civil de droit local à Mayotte sur les droits des Mahorais. Néanmoins, des mesures ont été prises pour favoriser l’égalité réelle des Mahorais avec l’ensemble de la population française dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

204.Sur la santé et la protection sociale : la loi de finances rectificative pour 2016 a attribué une compensation budgétaire au département de Mayotte pour le financement de l’ASE : 41,8 millions d’euros à titre rétroactif, pour la période 2009 à 2015, et 9,6 millions d’euros par an à partir de 2016.

205.La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer comporte plusieurs mesures relatives à « Mayotte 2025 », notamment :

•Pour les mineurs pris en charge par l’ase ou la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, une affiliation au régime de sécurité sociale mahorais ;

•Pour les familles, l’achèvement en 2021 de la convergence pour deux enfants et l’accélération pour trois enfants des allocations familiales et la création du complément familial en 2018 ;

•Pour les adultes et les enfants handicapés, la création des compléments d’aide pour améliorer leur cadre de vie ;

•Pour les personnes âgées, la revalorisation de l’allocation spéciale pour personnes âgées et la création d’un minimum contributif pour les retraites les plus modestes ;

•Pour la santé des personnes aux revenus les plus modestes, la mise en place progressive de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c).

206.Parmi les avancées de l’objectif de « Mayotte 2025 » consacré à la santé, figurent le financement de la construction de l’hôpital de Petite Terre dont les travaux ont débuté en novembre 2016 pour une livraison prévue en 2019, et la nouvelle stratégie de santé Outre-mer qui sera déclinée à Mayotte : elle organise notamment l’attractivité des postes pour les personnels de santé, la prévention et le dépistage des maladies et la valorisation de la recherche et de l’innovation en matière de santé.

Sur le logement social 

207.La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer apporte prévoit une réforme foncière qui vise à sécuriser la situation des propriétaires et des allègements fiscaux pour encourager les habitants à demander un titre de propriété.

Sur l’éducation 

208.Le document « Mayotte 2025 » a fixé pour objectif une éducation de qualité, des formations et une politique d’insertion au service de la jeunesse afin d’assurer les conditions de réussite éducative de tous les jeunes de Mayotte.

209.La loi du 28 février 2017 a notamment créé le dispositif « cadres d’avenir » afin de soutenir la formation en mobilité et faciliter l’accès des jeunes à haut potentiel à des postes d’encadrement à Mayotte, après une formation rémunérée. Les premiers bénéficiaires sont attendus pour la rentrée scolaire 2018.

210.Elle a également permis de poursuivre l’effort de constructions scolaires en doublant les financements en 2017.

Sur la libre circulation pour les Mahorais

211.Tous les Français, dont les Mahorais, peuvent circuler librement sur l’ensemble du territoire national et européen couvert par l’espace Schengen.

Sur l’emploi et le développement économique

212.L’extension du Code du travail est intervenue au 1er janvier 2018, permettant notamment l’alignement des horaires de travail (35 heures) et le passage de Mayotte au SMIC. Par ailleurs, la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer a poursuivi la lutte contre la vie chère afin que les petites surfaces de commerce de détail bénéficient de tarifs de gros auprès des distributeurs de Mayotte. Une coopérative regroupant une dizaine de petites épiceries s’est constituée pour mutualiser ses achats. On peut notamment relever le lancement d’une ligne aérienne directe Dzaoudzi – Paris depuis le 10 juin 2016 ; l’extension à Mayotte du titre-restaurant depuis le 30 novembre 2016.

E.La situation dans les banlieues (Recommandation §15)

213.5,5 millions de personnes vivent dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces quartiers se caractérisent par une population dont 25 % est issue de l’immigration. La population y est plus jeune et plus féminine qu’ailleurs. La situation des habitants y est également plus fragile socialement : 42 % de leurs habitants ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (alors qu’il est de 16 % dans le reste du territoire) et près de 26,4 % des habitants sont au chômage (contre 10,1 % ailleurs). Dans ces quartiers la mobilité est en outre très forte : ceux qui en partent sont souvent des ménages en voie d’ascension sociale et résidentielle, ceux qui s’y installent sont presque toujours des ménages en situation de précarité.

a)Stratégie globale de lutte contre les discriminations

214.La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, dans son article 1er, dispose que la politique de la ville doit « Concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à l’origine réelle ou supposée».

215.Au niveau national et local, l’action du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), placé auprès du ministre de la Cohésion des territoires, qui est chargé de conduire la politique de la ville, s’attache à renforcer la citoyenneté et se concentre sur les discriminations liées à l’origine réelle ou supposée des populations, au lieu de résidence et au genre. Plus particulièrement, l’action en matière de politique de la ville s’articule autour de 3 axes :

•L’accès aux droitsgrâce à un soutien à des partenaires associatifs, tels la LDH, le Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués (CIMADE) ou encore la Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (FASTI) ;

•La prévention des discriminations en proposant des formations à la déconstruction des stéréotypes et des préjugés sociaux et ethno-raciaux ;

•La mobilisation des pouvoirs publics locaux par l’élaboration de plans stratégiques territoriaux de lutte contre les discriminations.

b)Lutter contre les ghettos : un nouveau programme de renouvellement urbain et une nouvelle politique en matière d’attribution des logements sociaux

216.Le nouveau programme de renouvellement urbain, lancé en 2014, prévoit l’obligation de reconstruire entièrement les logements sociaux démolis hors des quartiers, sauf dérogation. De plus, une mesure fiscale – la TVA à taux réduit pour les opérations d’accession à la propriété – agit directement en faveur de la mixité sociale dans les quartiers de la politique de la ville. Cet avantage permet de réduire les prix de vente des logements au bénéfice des acquéreurs.

217.La mixité au sein des quartiers de la politique de la ville dépend également de la mise en œuvre de la réforme des politiques d’attributions de logements sociaux, engagée depuis 2014 et poursuivie par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté et visant à rompre avec la concentration de la pauvretédans les quartiers prioritaires. Ainsi, au moins 25 % des logements sociaux disponibles dans les quartiers les plus attractifs (contre 19 % en moyenne aujourd’hui) devront être attribués aux 25 % des ménages les plus modestes. L’ensemble des acteurs du logement à l’échelle intercommunale devront à l’avenir rendre publics les critères d’attribution des logements sociaux. Les modalités du choix des dossiers soumis à la commission d’attribution seront explicitées et tous les bailleurs sociaux devront publier, d’ici 2020, notamment sur internet, les logements sociaux vacants.

c)Une action volontariste en matière d’emploi

218.Afin de mesurer les risques discriminatoires liés à « l’origine » dans l’accès à l’emploi, les recrutements d’une quarantaine de grandes entreprises ont été testés entre avril et juillet 2016. Il s’agissait de répondre à des offres d’emploi, en proposant à chaque fois deux candidatures rigoureusement équivalentes au niveau des compétences professionnelles et qui ne variaient qu’en raison de l’origine évoquée par la consonance de leurs noms et prénoms. Les résultats globaux montrent que les recruteurs sont moins souvent intéressés par les candidatures dont le nom a une résonance « maghrébines » : le taux de réponses positives est respectivement de 47 % (pour ceux dont le nom est sans résonance maghrébine) et 36 % pour les autres.

219.Cet écart significatif selon « l’origine » supposée ou réelle du candidat se retrouve pour les hommes comme pour les femmes et pour les postes d’employés comme d’encadrement.

220.Les entreprises identifiées comme à risque de discrimination, ont été invitées à prendre des mesures pour garantir l’égalité de traitement des candidats à l’embauche.

221.En outre, la loi du 27 janvier 2017 précitée instaure pour les entreprises de plus de 300 salariés et toutes celles assurant des missions de recrutement, une obligation de former tous les 5 ans leurs salariés chargés des missions de recrutement à la question de la non-discrimination à l’embauche. Cette loi permet également,en cas de préjudice causé à la suite d’un testing, que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée (et ce, même si le candidat n’avait pas l’intention d’occuper le poste auquel il a postulé).

222.Par ailleurs, des exonérations fiscales sont accordées aux entreprises lorsqu’il y a création d’activités et d’emplois dans les zones franches urbaines.

223.Les ministères du Travail, de l’Emploi et de la Formation et celui chargé de la Ville ont signé une convention d’objectifs 2016-2020 avec Pôle emploi et l’Union nationale des missions locales, le 5 décembre 2016. Concrètement, les actions menées devront contribuer à favoriser l’accès des habitants aux contrats aidés, à mettre en place un accompagnement des jeunes mieux adapté à leurs besoins et leur expérience pour compenser les obstacles à leur insertion professionnelle, à élever les niveaux de qualification, et à renforcer l’accompagnement à la création et au développement d’entreprise.

d)Une action spécifique en matière d’éducation

224.Une politique d’éducation prioritaire est mise en œuvre pour corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales. 99 % des collèges de l’hexagone en Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) et 81 % en Réseau d’éducation prioritaire (REP) se trouvent dans, ou à proximité, d’un quartier prioritaire.

225.Les moyens de l’Education prioritaire sont concentrés en direction des écoles et des collèges REP+ et REP afin : d’assurer la mixité sociale des écoles et collèges dans les territoires concernés ; de réduire les écarts de réussite scolaire ; de réduire le nombre de décrocheurs; d’améliorer le bien-être des jeunes ; d’assurer une plus grande implication des parents dans la scolarité de leurs enfants et le fonctionnement des établissements scolaires.

226.Afin de renforcer la politique d’éducation prioritaire, d’importantes mesures ont été prises depuis septembre 2017 : dédoublement progressif des classes de CP et de CE1 (à la rentrée 2019, toutes les classes de CP et CE1 des réseaux d’éducation prioritaire auront été dédoublées) ; une revalorisation de 25 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée 2017 ; une augmentation indemnitaire de 3 000€ par an pour valoriser et stabiliser les équipes éducatives à compter de la rentrée 2018 ; depuis octobre 2017 des études accompagnées gratuites pour les collégiens dans leur établissement, pour réaliser leurs devoirs.

227.À l’occasion des Assises de l’école maternelle en mars 2018, le président de la République a annoncé l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans dès la rentrée 2019, dans le but de faire de la maternelle une véritable « école du langage et de l’épanouissement ».

Troisième partie : Autres recommandations du Comité

I.Ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (Recommandation §18)

A.Sur la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989

228.La Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail reflète en partie les principes sur lesquels la France s’est engagée au niveau international. Cependant, cet instrument juridiquement contraignant attribue aux populations autochtones des droits collectifs fondés sur une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance, en contrariété avec nos principes constitutionnels d’égalité en droit des citoyens, d’unicité du peuple français et d’indivisibilité de la République.

229.Ces principes s’opposent donc à la ratification par la France de cette Convention.

230.Comme elle l’a démontré dans ce présent rapport, cette incompatibilité constitutionnelle n’a néanmoins jamais constitué un obstacle à l’adoption de politiques ambitieuses en faveur des populations autochtones. La France poursuivra cette politique, qui s’inscrit pleinement dans les engagements internationaux qu’elle a pris.

B.Sur la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

231.La France est particulièrement attentive à la question des migrations internationales. Néanmoins, elle n’entend pas procéder à la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles du 18 décembre 1990, entrée en vigueur le 1er juillet 2003.

232.La Convention soulève une difficulté quant à son champ d’application qui ne fait pas de distinction entre les travailleurs migrants en situation régulière et ceux qui se trouvent en situation irrégulière, contrairement au droit français.

233.Par ailleurs, elle ne crée pas de droits dont ne bénéficieraient pas déjà en droit français les migrants en situation régulière. En effet, le droit positif offre déjà un cadre protecteur aux travailleurs migrants réguliers.

234.L’Union européenne et ses États membres ont développé un arsenal juridique important de droits aux migrants non communautaires en situation régulière et irrégulière. Pour la France, les droits fondamentaux des travailleurs migrants, quelle que soit leur situation vis-à-vis du droit au séjour, sont d’ores et déjà protégés par le droit interne, le droit de l’Union européenne, la Convention européenne des droits de l’homme et les autres instruments internationaux de protection des droits de l’Homme auxquels la France est partie (telle que la Convention du Conseil de l’Europe de 1983 relative au statut juridique du travailleur migrant).

235.La France entend poursuivre un dialogue continu et constructif avec les États et les organisations concernés par les migrations internationales, notamment l’Organisation internationale pour les migrations.

II.Suites données à la Déclaration et au Programme de Durban (Recommandation §19)

236.La politique globale, volontariste et inclusive mise en œuvre par la France, notamment dans le cadre des plans pluriannuels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui ont été présentés à plusieurs reprises au Comité, s’inscrit pleinement dans les objectifs et les mesures envisagées par la Déclaration et le Programme d’action de Durban (2001) ainsi que le Document final de la Conférence d’examen de Durban (2009).

A.Les sources, causes, formes et manifestations contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée (1er objectif de la Déclaration de Durban)

237.Dans ses rapports au Comité, la France a présenté les mesures prises pour lutter contre les sources et les conséquences du racisme et de la discrimination raciale. Elle met en œuvre des politiques qui sont tournées non seulement vers la répression de ces phénomènes, mais aussi leur prévention, particulièrement par l’éducation et la sensibilisation à la tolérance, la lutte contre la pauvreté et le renforcement de l’égalité des chances.

238.Conformément au Programme d’action de Durban, la France promeut l’investissement public et privé pour lutter contre le racisme et les discriminations raciales. Le plan national contre le racisme et l’antisémitisme (2015-2017), dont l’un des objectifs est de «mobiliser l’ensemble de la Nation», a conduit à une mobilisation très large des pouvoirs publics, du secteur privé et de la société civile.

239.En outre, la France s’est résolument engagée dans une politique de lutte contre l’esclavage et ses manifestations contemporaines, notamment dans le cadre du plan national de lutte contre la traite des êtres humains.

B.Les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée (2ème objectif)

240.La France a déjà expliqué au Comité sa conception constitutionnelle universaliste et indivisible de la population française et l’impossibilité qui en découle de reconnaître et de doter d’un statut juridique spécifique les minorités ethniques, religieuses et raciales qui sont présentes sur son territoire. Pour autant, cela ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de politiques publiques qui ciblent l’amélioration de la situation des catégories de personnes qui sont jugées les plus vulnérables l’exercice de leurs droits fondamentaux dans des conditions d’égalité avec l’ensemble de la population. Le présent rapport décrit les mesures prises pour lutter contre les discriminations et améliorer la situation des habitants des quartiers populaires, des personnes Roms, des gens du voyages, des habitants des Outre-mer, des migrants et réfugiés dont les mineurs et des victimes de traite.

C.Les mesures en matière de prévention, d’éducation et de protection visant à éliminer, aux échelons national, régional et international, le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (3ème objectif)

241.La France a profondément renforcé sa législation au fil des ans pour lutter plus efficacement contre le racisme et les discriminations raciales.

242.Elle est résolument engagée dans une politique d’éducation et de sensibilisation à la tolérance, afin de prévenir le racisme et les discriminations raciales. L’un des objectifs du plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2015-2017) est d’ailleurs de « former les citoyens par la transmission, l’éducation et la culture».

243.S’agissant des mesures législatives et réglementaires prises pour prévenir et protéger contre le racisme et les discriminations, le présent rapport décrit plus particulièrement les évolutions législatives récentes intervenues dans le domaine de la lutte contre l’incitation à la haine raciale et les discours de haine raciale, afin de répondre aux recommandations du Comité.

244.La France a déjà eu l’occasion de présenter les mesures prises pour promouvoir la diversité culturelle, notamment dans l’emploi, la fonction publique et la participation démocratique, etc., évoquées dans le Programme de Durban. Le présent rapport rappelle les règles constitutionnelles limitant la réalisation de statistiques sur la diversité.

D.Les recours utiles, voies de droit, réparations, mesures d’indemnisation et les autres mesures à prévoir aux échelons national, régional et international (4ème objectif de la Déclaration de Durban)

245.La France ne peut accepter qu’un acte raciste ou antisémite, de même que des faits de discriminations raciales, restent impunis. Elle met en œuvre une politique pénale ferme et volontariste à l’encontre des auteurs et est particulièrement attentive aux victimes de ces actes. Le présent rapport décrit les nombreuses mesures prises pour renforcer la répression du racisme et des discriminations raciales, et pour garantir la protection des victimes et leur accès à des voies de recours effectives.

246.En outre, la France a renforcé ses mécanismes nationaux de promotion et de protection des droits fondamentaux, conformément aux Programme d’action de Durban. Ainsi la loi du 18 novembre 2016 a introduit un dispositif d’action de groupe spécifique aux discriminations survenant dans le cadre des relations de travail qu’il s’agisse de l’emploi privé ou de l’emploi public, avec un dispositif spécifique de dialogue social préalable. L’action de groupe permet d’obtenir la cessation du manquement et la réparation des préjudices subis.

III.Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (Recommandation §20)

247.La protection des personnes d’ascendance africaine fait partie des politiques de lutte contre le racisme et les discriminations menées par les pouvoirs publics en France et explicitées dans le présent rapport. La DILCRAH et la Délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer (DIECFOM) portent, dans ce cadre, une attention particulière aux personnes originaires des Outre-mer.

248.La DILCRAH soutient les actions de plusieurs associations dont l’objet est de mieux faire connaître l’origine, l’histoire, et la culture des personnes d’ascendance africaine, notamment en France, et de déconstruire les stéréotypes et préjugés. Pour soutenir des projets de lutte contre les préjugés et les discriminations raciales dont peuvent être victimes les Français des Outre-mer, la DILCRAH et la DIECFOM disposeront d’un budget de 100 000 euros dans le cadre du nouveau plan.

249.Un nouveau partenariat avec le Mémorial ACTe, centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage (situé à Point-à-Pitre en Guadeloupe), est actuellement en cours d’élaboration. Le Mémorial ACTe a pour objet de créer un lieu dédié à la mémoire collective de l’esclavage et de la traite, ouvert sur le monde contemporain et sur l’avenir.

250.En outre, a été créé au cours de l’année 2017 le groupement d’intérêt public (GIP), doté de 560 000 euros, « Mémoire de l’esclavage » afin de préparer la création d’une Fondation reconnue d’utilité publique. Il devrait se pencher sur trois principaux projets : un monument à Paris pour la mémoire de l’esclavage, la recherche d’un lieu mémoriel et l’organisation d’expositions.

251.À l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions du 10 mai 2018, le Premier Ministre a rappelé la volonté de la France de se doter d’une fondation pour la mémoire de l’esclavage directement implantée sur le territoire métropolitain. L’objectif est de créer un lieu de « mémoire des blessures » non plus seulement en territoire ultramarin comme le Mémorial Acte en Guadeloupe, mais également sur le territoire de la métropole.

252.Par ailleurs, le Plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme prévoit la promotion d’œuvres de grands écrivains d’ascendance africaine comme Aimé Césaire. Dans cette optique, il est prévu de mobiliser les grands établissements publics comme la Bibliothèque nationale de France et le réseau de bibliothèques publiques.

253.Il est également prévu la création de programmes d’échanges croisés de jeunes entre les Outre-mer, l’hexagone et les pays africains en partenariat avec les Rectorats Outre-mer. L’objectif est de donner une nouvelle dimension à la mémoire de l’esclavage en soutenant la connaissance historique de l’esclavage, des traites et de leur abolition.

254.Enfin, toujours dans l’optique de la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, le Président de la République a nommé deux experts, une historienne française et un écrivain sénégalais, dans le but d’examiner les conditions d’une restitution des œuvres africaines à leurs pays d’origine.

IV.Document de base commun (Recommandation §22)

255.Le gouvernement précise que le document de base commun actualisé en 2016 a été mis en ligne sur le site internet du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies (HRI/CORE/FRA/2017).

V.Diffusion

256.Le site internet du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, France Diplomatie, comprend une rubrique thématique spécialement dédiée aux droits de l’Homme, au sein de laquelle figure une sous-rubrique consacrée à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme et les discriminations. Cette page se réfère à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et précise qu’en tant qu’État partie, la France est tenue de rendre compte au Comité sur l’élimination de la discrimination raciale de la mise en œuvre des dispositions de la Convention. La page contient par ailleurs un lien vers le site internet du Comité.