Nations Unies

CRC/C/CIV/CO/2

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

12 juillet 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Côte d’Ivoire *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Côte d’Ivoire (CRC/C/CIV/2) à ses 2382e et 2383e séances (voir CRC/C/SR.2382 et 2383), les 20 et 21 mai 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 2400eséance, le 31 mai 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de la Côte d’Ivoire, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/CIV/Q/2/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité salue les progrès réalisés par l’État partie dans différents domaines, en particulier son adhésion au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 19 septembre 2011, et au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 12 mars 2012, ainsi que sa ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 janvier 2014. Il prend note avec satisfaction des différentes mesures législatives, institutionnelles et autres mesures de politique générale adoptées aux fins de l’application de la Convention, en particulier l’adoption de la loi no 2018-863 du 19 novembre 2018 instituant une procédure spéciale de déclaration de naissance, de rétablissement d’identité et de transcription et l’adoption de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants. Il se félicite aussi des progrès importants accomplis dans la réduction de la mortalité juvénile et dans l’augmentation les taux de scolarisation et d’achèvement des études.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la réalisation des droits de l ’ enfant conformément à la Convention, au Protocole facultatif concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés et au Protocole facultatif concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et ce , tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 . En outre, il demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que les enfants participent véritablement à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des politiques et programmes visant à atteindre les 17 objectifs de développement durable dans la mesure où ils concernent les enfants .

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Recommandations antérieures du Comité

5. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations figurant dans ses précédentes observations finales, adoptées en 2001 (CRC/C/15/Add . 155), qui n ’ ont pas encore été mises œuvre ou qui ne l ’ ont été que de manière insuffisante, en particulier celles concernant la législation (par . 9), la coordination (par . 11), le mécanisme de suivi indépendant (par . 13), l ’ allocation des ressources (par . 15), la collecte de données (par .  17), la définition de l ’ enfant (par . 21), la non-discrimination (par . 23), le droit à la vie, à la survie et au développement (par . 25), le respect de l ’ opinion de l ’ enfant (par . 27), l ’ enregistrement des naissances (par . 29), le milieu familial (par . 33), la maltraitance et la négligence (par . 37), la santé et les services de santé (par . 39), la santé des adolescents (par . 41), le VIH/sida (par . 43), les enfants handicapés (par . 47), l ’ éducation (par . 51), les enfants demandeurs d ’ asile et les enfants réfugiés (par . 60) et l ’ administration de la justice pour mineurs (par . 62) .

Législation

6. Le Comité prend note des efforts entrepris pour réviser les lois pertinentes, notamment la loi n o 70-483 du 3 août 1970 sur la minorité, la loi n o 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage et la loi n o 98-756 du 23 décembre 1998 modifiant le Code pénal, le Comité recommande vivement à l ’ État partie  :

a) De réexaminer l ’ ensemble de la législation en vigueur afin de faire en sorte que toutes les lois soient pleinement conformes à la Convention  ;

b) D ’ adopter une loi générale sur les droits de l ’ enfant  ;

c) De ne pas appliquer le droit coutumier dans les cas où son application irait à l ’ encontre de la Convention .

Politique et stratégie globales

7. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter le décret d ’ application de la Politique nationale de protection de l ’ enfant de 2014 et son plan d ’ action pour 2014 ‑ 2020 et d ’ assurer leur mise en œuvre effective .

Coordination

8. Le Comité salue la création d ’ un comité interministériel de coordination des politiques de protection de l ’ enfance, mais recommande à l ’ État partie de doter ce comité de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de coordonner l ’ ensemble des activités liées à la mise en œuvre de la Convention au niveau intersectoriel et aux niveaux national, régional et local .

Allocation de ressources

9. Rappelant son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ augmenter les crédits budgétaires alloués à la mise en œuvre de l ’ ensemble des politiques, plans, programmes et mesures législatives en faveur des enfants dans les secteurs concernés en accordant la priorité aux domaines de la protection sociale, des soins de santé primaires et de l ’ éducation afin que les enfants défavorisés ou vulnérables en bénéficient  ;

b) D ’ adopter une approche axée sur les droits de l ’ enfant dans le cadre de l ’ élaboration de son budget, en prévoyant des indicateurs précis et en mettant en place un système de suivi de l ’ affectation et de l ’ emploi des ressources destinées aux enfants couvrant l ’ ensemble du budget  ;

c) De veiller à ce que son budget soit élaboré de manière transparente et participative en adoptant des mesures de lutte contre la corruption et en établissant des procédures inclusives qui permettent à la société civile, au grand public et aux enfants de participer à toutes les étapes du processus budgétaire .

Collecte de données

10.Le Comité note que le Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant a mis en place, à titre de projet pilote, le Système intégré de protection de l’enfant, mais regrette que la collecte de données reste fragmentée et les autorités n’aient pas élaboré d’indicateurs ni mis en place un système centralisé de collecte de données ventilées.

11. Rappelant son observation générale n o 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, le Comité encourage l ’ État partie à créer un système global et intégré de collecte et de gestion de données qui couvre tous les domaines relevant de la Convention et des Protocoles facultatifs s ’ y rapportant et qui rassemble des données ventilées par âge, sexe, type de handicap, situation géographique, milieu socioéconomique, origine nationale et origine ethnique .

Mécanisme de suivi indépendant

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le Conseil national des droits de l ’ homme nouvellement créé et sa commission pour la protection de l ’ enfance disposent des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à l ’ accomplissement de leur mandat, notamment pour ce qui est de recevoir, d ’ examiner et de traiter les plaintes déposées par des enfants, ou en leur nom, dans le respect des besoins et de la sensibilité des enfants .

Coopération avec la société civile

13.Le Comité salue l’adoption de la loi no 2014-388 du 20 juin 2014 portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le fait que les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les défenseuses des droits de l’homme qui luttent contre les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines, seraient victimes d’intimidation et que la loi ne fait pas expressément référence aux défenseurs des droits de l’enfant.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l ’ homme et de modifier la loi n o 2014-388 pour faire en sorte que les défenseurs des droits de l ’ enfant soient pris en considération .

Droits de l’enfant et entreprises

15.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait qu’il n’existe pas de réglementation claire ni de mécanisme particulier permettant de contrôler les activités des entreprises privées dans les secteurs employant des enfants ;

b)Les effets nocifs que les déchets toxiques déversés en 2006 dans 18 localités d’Abidjan ont eu sur la santé et le bien-être des enfants et le retard pris dans l’indemnisation des victimes.

16. Renvoyant à son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l ’ enfant et aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme, approuvés par le Conseil des droits de l ’ homme en 2011, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter et d ’ appliquer une réglementation visant à ce que les entreprises aient à répondre du respect des normes internationales touchant aux droits de l ’ enfant, notamment dans le domaine du travail et de l ’ environnement  ;

b) De faire en sorte que les victimes du déversement de déchets toxiques à Abidjan en 2006, y compris les enfants, aient accès aux soins de santé et soient indemnisées, que des enquêtes soient menées et que les auteurs soient tenus responsables de tout rejet illégal de déchets toxiques ou d ’ autres substances nocives pour la santé des enfants .

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

17.Le Comité note que la loi no 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage est en cours de révision, mais il est profondément préoccupé par le fait que l’article 22 de ladite loi autorise le mariage d’enfants dans certaines circonstances.

18. À la lumière de la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et de l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement par ces deux organes, le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter sans tarder le projet de loi relatif au mariage afin de supprimer toutes les exceptions à l ’ interdiction du mariage de personnes de moins de 18 ans .

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

19.Le Comité est profondément préoccupé par la discrimination de fait dont continuent d’être victimes les filles, les enfants des zones rurales et les enfants vivant dans la pauvreté, entre autres, en particulier en ce qui concerne l’alphabétisation, l’accès à l’éducation, la formation professionnelle, les soins de santé et l’assainissement, ainsi que les mesures de développement. Il relève en outre que les filles, les enfants handicapés et les enfants atteints d’albinisme sont l’objet de multiples formes de discrimination.

20. Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale globale portant sur toutes les formes de discrimination  ;

b) De s ’ attaquer aux inégalités entre enfants qui sont fondées sur le genre, le statut et l ’ origine pour ce qui est de l ’ accès à l ’ éducation, aux services de santé, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement et en ce qui concerne le niveau de vie minimum, le développement durable et la protection contre les pratiques néfastes et le travail des enfants .

Intérêt supérieur de l’enfant

21.Le Comité constate avec préoccupation que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas intégré dans la législation de l’État partie.

22. Rappelant son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit intégré dans la législation et dans l ’ ensemble des politiques, programmes et projets qui concernent les enfants ou ont une incidence sur eux et à ce que ce principe soit systématiquement appliqué dans toutes les procédures administratives et judiciaires, ainsi que de mettre en place des procédures et critères en vue de garantir que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit dûment évalué lorsqu ’ une décision concernant un enfant est prise .

Respect de l’opinion de l’enfant

23. Tout en prenant note de la législation garantissant la prise en considération de l ’ opinion de l ’ enfant dans certains domaines et de la création du Parlement des enfants, le Comité, rappelant son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu, recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une disposition législative de portée générale consacrant le droit de l ’ enfant d ’ être entendu sans discrimination fondée sur l ’ âge, le handicap ou tout autre critère dans toute procédure administrative ou judiciaire et de faire en sorte que l ’ opinion de l ’ enfant soit prise en considération compte tenu de l ’ âge et de la maturité de l ’ intéressé  ;

b) De promouvoir la participation active et effective de tous les enfants dans la famille, dans la communauté et à l ’ école, notamment en les associant à la prise de décisions sur toutes les questions qui les concernent .

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances

24.Le Comité est préoccupé par :

a)Le nombre très élevé d’enfants qui n’ont pas d’acte de naissance et le fait que l’enregistrement entraîne de multiples coûts directs et indirects pour les parents ;

b)La grande disparité des taux d’enregistrement des naissances entre les zones urbaines et les zones rurales, et les retards d’enregistrement induits par le manque de services d’état civil à certains endroits ;

c)L’enregistrement tardif des enfants ivoiriens réfugiés qui sont nés dans des pays voisins en raison des crises politiques et militaires qu’a connues l’État partie et qui sont depuis revenus, et le fait que ces enfants ne peuvent être enregistrés qu’à Abidjan, loin du lieu où vivent la plupart des réfugiés de retour dans le pays.

25. Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De renforcer les mesures visant à promouvoir l ’ enregistrement obligatoire, universel et rapide des naissances et de supprimer tous les frais et coûts liés à l ’ enregistrement des naissances  ;

b) D ’ appliquer sans tarder la loi n o 2018-862 du 19 novembre 2018 relative à l ’ état civil et la loi n o 2018-863 du 19 novembre 2018 relative à l ’ enregistrement des naissances en vue de décentraliser autant que possible les services d ’ enregistrement des naissances et de les rendre accessibles aux populations rurales et marginalisées ainsi que de faciliter l ’ enregistrement des enfants qui n ’ ont pas encore d ’ acte de naissance  ;

c) De veiller à ce que ces mesures s ’ appliquent aux enfants dont les parents ont fui l ’ État partie en raison de crises militaires et politiques, notamment la crise qui a suivi les élections de 2010/11, et qui sont nés hors de l ’ État partie et ne sont donc pas encore enregistrés .

Nationalité

26.Le Comité prend note de la ratification en 2013 de la Convention relative au statut des apatrides et de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, de la mise en œuvre d’un plan d’action et de la création d’un comité interministériel chargé de lutter contre l’apatridie ainsi que de la décision judiciaire de 2018 en vertu de laquelle la nationalité a été accordée à 11 enfants abandonnés sur le territoire de l’État partie conformément à l’article 3 de la loi no 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité ivoirienne. Il note toutefois avec une vive préoccupation :

a)Que le nombre de personnes apatrides, y compris des enfants, dans l’État partie est très élevé et la collecte de données sur la situation des enfants apatrides n’est pas systématique ;

b)Que la loi no 61-415, telle que modifiée par la loi no 72-852 du 21 décembre 1972, n’est pas conforme à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et ne prévoit pas de garanties contre l’apatridie pour les enfants abandonnés sur le territoire de l’État partie ou pour les enfants qui sont nés sur le territoire et qui, autrement, seraient apatrides ;

c)Que l’article 45 de la loi no 61-415 restreint le droit des femmes mariées qui ne sont pas veuves de transmettre leur nationalité à leurs enfants.

27. Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De s ’ appuyer sur l ’ analyse qualitative et quantitative de l ’ apatridie dans l ’ État partie réalisée en 2018 par le Bureau du recensement et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour revoir les politiques et les stratégies concernant les droits des enfants apatrides et de mettre en place un système de collecte de données sur les enfants apatrides qui permette de recueillir des données ventilées par sexe, âge, origine nationale et ethnique, appartenance à une minorité et statut socioéconomique, entre autres  ;

b) De modifier la loi n o 61-415 pour que la nationalité soit aussi systématiquement accordée à la naissance aux enfants qui ne peuvent acquérir la nationalité de leurs parents ou qui ont été abandonnés sur le territoire de l ’ État partie  ;

c) De modifier sans tarder la loi n o 61-415 pour supprimer toute restriction au droit des femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants .

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Châtiments corporels

28. Tout en notant que le recours aux châtiments corporels en tant que sanction et mesure disciplinaire est interdit dans les établissements pénitentiaires, le Comité, rappelant son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, demande instamment à l ’ État partie  :

a) D ’ interdire expressément et inconditionnellement en droit les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, dans tous les contextes  ;

b) De sensibiliser les parents et le grand public aux effets nocifs des châtiments corporels sur le bien-être et le développement harmonieux des enfants  ;

c) De promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d ’ éducation et de discipline .

Maltraitance et négligence

29.Le Comité prend note de la création du Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants en application du décret no 2000-133 du 23 février 2000, mais note avec préoccupation :

a)Que les actes de violence visant des enfants sont courants et largement tolérés, et la violence familiale n’est pas expressément interdite par la législation de l’État partie ;

b)Que la Politique nationale de protection de l’enfant ne protège pas les droits des enfants victimes de violence ou de maltraitance, la situation des enfants handicapés n’est pas suffisamment prise en considération et les structures de l’État et les organisations non gouvernementales ne disposent pas de ressources suffisantes pour aider les enfants victimes ;

c)Qu’un système national complet de collecte, d’analyse et de diffusion de données normalisées n’a pas encore été mis en place.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De réviser sans tarder la loi n o 81-640 du 31 juillet 1981 instituant le Code pénal, de veiller à ce que la version révisée du Code réprime la violence familiale et renforcer les mesures visant à faire évoluer les comportements, les traditions, les coutumes et les pratiques qui servent souvent à justifier la violence familiale, y compris à l ’ égard des enfants  ;

b) D ’ élaborer une stratégie nationale de protection des enfants victimes de violence et de maltraitance, y compris de violence sexuelle, qui englobe expressément les enfants handicapés, de renforcer les programmes de sensibilisation et d ’ éducation et de veiller à ce que les enfants victimes de violence bénéficient d ’ une assistance médicale, juridique et psychologique appropriée et aient accès à des refuges  ;

c) De créer une base de données nationale et centralisée qui recense tous les cas de violence à l ’ égard des enfants, y compris les cas d ’ exploitation sexuelle et de maltraitance .

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

31.Le Comité note avec une vive préoccupation :

a)Que la violence sexuelle à l’égard des filles et des garçons et la violence fondée sur le genre, en particulier à l’égard des filles, est répandue, notamment dans le milieu scolaire, et seul un petit nombre de cas sont signalés et font l’objet d’enquêtes et de poursuites ;

b)Que l’article 354 du Code pénal interdit le viol sans en donner de définition, le viol conjugal n’est pas expressément incriminé et les tribunaux traitent souvent le viol comme une atteinte aux bonnes mœurs, infraction relevant de l’article 355 du Code pénal et passible d’une peine plus légère ;

c)Que les enfants victimes de violences sexuelles n’ont souvent pas accès à la justice en raison de l’indisponibilité des médecins légistes, du coût des certificats médicaux, de la stigmatisation sociale et du recours à des procédures de règlement extrajudiciaire ;

d)Que la protection et l’assistance dont peuvent bénéficier les enfants victimes de violence sont limitées et sont principalement fournies par des organisations non gouvernementales.

32. Rappelant son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence, le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre les actes de violence sexuelle à l ’ égard des enfants, y compris les actes commis par des enseignants, et de veiller à ce que ces actes soient rapidement signalés et fassent l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites en adoptant une approche multisectorielle et adaptée aux enfants qui vise à éviter que les enfants victimes ne subissent de nouveaux traumatismes et à ce que les responsables de tels actes soient dûment punis  ;

b) De faire en sorte qu ’ il soit interdit aux personnes reconnues coupables de violence sexuelle à l ’ égard des enfants de travailler avec des enfants  ;

c) De veiller à ce que la version révisée du Code pénal fournisse une définition du viol, à ce que les juges mettent fin à la pratique consistant à requalifier les cas de viol en atteintes à la pudeur, passibles de peines plus légères, et à ce qu ’ ils maintiennent les poursuites, même en cas de règlement extrajudiciaire, conformément à la circulaire interministérielle n o 016/MJ/MEMIS/MPRD du 4 août 2016 relative à la réception des plaintes consécutives aux violences basées sur le genre  ;

d) De veiller à doter la permanence téléphonique d ’ assistance (ligne 116) des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour qu ’ elle puisse être un mécanisme de signalement efficace pour les enfants victimes de violence, et de faciliter la procédure de signalement et le suivi sociojudiciaire , en particulier pour les cas de violence sexuelle, notamment en améliorant l ’ accès aux certificats médicaux, y compris dans les zones rurales, et en appliquant la circulaire n o 005 du 18 mars 2015 relative à la réception dans les services de police judiciaire des plaintes des victimes d ’ agressions physiques et la circulaire interministérielle n o 016/MJ/MEMIS/MPRD du 4 août 2016  ;

e) De doter les systèmes de protection et de réadaptation des enfants victimes de violences sexuelles de ressources humaines, techniques et financières suffisantes .

Pratiques traditionnelles néfastes

33.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour prévenir les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants, notamment en sanctionnant ceux qui pratiquent les mutilations génitales féminines, les déclarations officielles dans lesquelles le Gouvernement a condamné cette pratique et l’adoption d’un plan d’action national de lutte contre le mariage d’enfants et son application en coopération avec des mécanismes locaux de protection des enfants. Cependant, il est vivement préoccupé par :

a)Le nombre élevé de cas de mutilations génitales féminines et de mariages d’enfants ;

b)Le nombre limité de condamnations pour mutilations génitales féminines et l’absence de données statistiques sur le nombre de condamnations pour mariage d’enfants, bien que ces actes soient réprimés par la législation de l’État partie, et la faible couverture géographique des mesures visant à mettre en œuvre les stratégies et plans de lutte contre les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants ;

c)Le peu d’informations disponibles sur les programmes de protection dont peuvent bénéficier les enfants, en particulier les filles, qui sont victimes ou risquent d’être victimes de mutilations génitales et/ou de mariage précoce.

34. Faisant référence à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et à l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement par ces deux organes, le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et aux mariages d ’ enfants, et de renforcer sensiblement les programmes globaux de sensibilisation aux divers effets négatifs de ces pratiques préjudiciables  ;

b) De faire appliquer les dispositions législatives existantes en matière d ’ interdiction des mutilations génitales féminines, de proscrire expressément le mariage d ’ enfants dans la loi n o 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage en modifiant son article 22, de faire en sorte que tous ceux qui se livrent à ces pratiques préjudiciables soient traduits en justice et fassent l ’ objet de sanctions à la mesure de la gravité de leurs actes et de garantir la bonne application des plans d ’ action pertinents dans tout le pays  ;

c) De créer des mécanismes et des services de protection à l ’ intention des enfants qui risquent d ’ être victimes de mutilations génitales féminines ou de mariages précoces, et de garantir à toutes les victimes de ces pratiques l ’ accès gratuit à des services sociaux, médicaux, psychologiques et de réadaptation et à des recours juridiques  ;

Enfants atteints d’albinisme

35.Le Comité note avec une vive préoccupation que les enfants atteints d’albinisme sont victimes de meurtres rituels, d’enlèvements, d’abandons et de stigmatisation, que la politique visant à protéger les droits de ces enfants n’est pas correctement appliquée et que les violations dont sont victimes les enfants ne sont pas identifiées comme telles aux fins de la collecte de données et d’autres actions.

36. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prévenir et de combattre les meurtres, les enlèvements et les agressions visant les enfants atteints d ’ albinisme, de protéger ces enfants et de leur proposer un soutien psychologique, une réparation, une réadaptation et une aide judiciaire, de punir les auteurs de telles infractions et de renforcer les campagnes de sensibilisation en vue de combattre les superstitions concernant les enfants atteints d ’ albinisme .

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

37.Le Comité est préoccupé par :

a)Le manque de renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour que les mères et les pères soient conjointement responsables de leurs enfants et que des services de garde d’enfants soient mis à disposition ;

b)La fréquence des mariages polygames coutumiers et religieux et l’absence de dispositions juridiques interdisant le lévirat et le sororat, qui peuvent avoir des conséquences négatives pour les enfants ;

c)Le fait que les dispositions législatives nationales relatives à la pension alimentaire des enfants soient mal connues du grand public.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De soutenir et de renforcer les familles, y compris en favorisant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et en veillant à ce que des services de garde d ’ enfants soient disponibles, et de faire en sorte que les parents soient conjointement responsables de leurs enfants, dans des conditions d ’ égalité, dans tous les domaines  ;

b) De prendre des mesures en droit et en pratique pour qu ’ aucune situation familiale, comme la polygamie, le lévirat et le sororat, ne soit préjudiciable aux enfants  ;

c) De prendre des mesures concrètes pour informer les parents et la population en général des dispositions de la législation nationale relatives au recouvrement de la pension alimentaire pour enfants et d ’ envisager d ’ offrir aux parents dans le besoin des services d ’ aide juridictionnelle et d ’ assistance sociale aux fins du recouvrement de la pension alimentaire .

Enfants privés de milieu familial

39.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la législation nationale définit le placement en institution comme la seule solution pour les enfants qui ont besoin d’une prise en charge ;

b)Qu’un grand nombre d’enfants privés de milieu familial sont également confiés à un membre de la famille élargie ou à une famille de la communauté sur décision du conseil de famille de la communauté (CRC/C/C/CIV/2, par. 63), ou encore à une famille d’accueil en échange de travaux domestiques (confiage), et qu’aucun mécanisme externe de suivi et d’évaluation n’a été mis en place.

40. Appelant l ’ attention de l ’ État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale, annexe), le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De soutenir et de privilégier la prise en charge familiale de tous les enfants, de veiller à ce que le droit de vivre dans un milieu familial, qui est énoncé dans la Politique nationale de protection de l ’ enfant, soit mis en œuvre , et d ’ adopter les projets de décrets de 2017 sur les normes relatives à la prise en charge en institution et à la prise en charge par des familles d ’ accueil  ;

b) De fo urnir toutes les ressources nécessaires, des services de protection sociale et un soutien aux enfants pris en charge par leur famille élargie et d ’ instaurer un cadre juridique, une politique et un ensemble de règles minimales pour soutenir et surveiller le placement familial des enfants .

Adoption

41.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adhésion de l’État partie à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale en 2015, mais il constate avec préoccupation que la législation applicable en matière d’adoption ne reflète pas encore les normes et les garanties internationales y relatives.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier rapidement la loi n o 83-802 du 2 août 1983 relative à l ’ adoption, en veillant à ce qu ’ elle soit conforme à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale, et d ’ adopter les projets de décret sur les organes gouvernementaux compétents aux fins de son application .

Enfants vivant en prison avec leur mère

43. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les enfants qui vivent en prison avec leur mère bénéficient des conditions nécessaires à leur développement physique, mental, moral et social, y compris de l ’ accès à des services de santé et à des services à la petite enfance  ;

b) De privilégier, chaque fois que cela est possible, des solutions qui permettent d ’ éviter l ’ incarcération des femmes enceintes et des mères de jeunes enfants ainsi que de modifier l ’ article 162 du décret n o 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d ’ exécution des peines privatives de liberté .

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

44. Le Comité accueille avec satisfaction la création par l ’ État partie d ’ une Direction de la promotion des personnes handicapées au sein du Ministère de l ’ emploi et de la protection sociale, mais recommande à l ’ État partie de promouvoir un modèle fondé sur les droits de l ’ homme et  :

a) D ’ accélérer la mise en œuvre de la loi n o 98-594 du 10 novembre 1998 en faveur des personnes handicapées et des dispositions de la loi sur l ’ enseignement relatives au principe de non-discrimination et à l ’ éducation inclusive, notamment en adoptant tous les décrets nécessaires à l ’ application de ces textes  ;

b) D ’ adopter et de mettre en œuvre une politique de suivi et un plan de suivi pour la Politique nationale de protection de personnes handicapées 2012-2016 et pour le Plan stratégique national 2014-2016, en veillant à prendre expressément en compte les droits des enfants handicapés  ;

c) De faire en sorte que tous les enfants handicapés aient accès à l ’ éducation inclusive et aux services de santé et bénéficient d ’ aménagements raisonnables dans tous les domaines de la vie, y compris en allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au projet relatif à l ’ éducation inclusive  ;

d) De mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation des enfants handicapés .

Santé et services de santé

45. Le Comité relève avec satisfaction la loi n o 2014-131 du 24 mars 2014, qui institue la Couverture Maladie Universelle (CMU) . Rappelant son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible, il demande instamment à l ’ État partie  :

a) De faire en sorte qu ’ un budget suffisant soit alloué aux services de santé et de définir des postes budgétaires précis pour la santé des enfants  ;

b) D ’ envisager de développer les services de soins de santé gratuits, mis en place en 2011, de faire en sorte que les enfants et les femmes enceintes de toutes les régions de l ’ État partie y aient accès et de réduire les disparités entre les zones urbaines et les zones rurales en matière d ’ accès aux services de santé, à l ’ eau potable et à des installations d ’ assainissement adéquates, en accordant une attention particulière aux mesures de lutte contre la pollution de l ’ eau  ;

c) De continuer de consacrer des investissements importants aux mesures visant à faire baisser le taux de mortalité maternelle et réduire le nombre de décès évitables de nouveau-nés et d ’ enfants de moins de 5 ans, en particulier les décès évitables liés aux maladies infectieuses, à l ’ absence d ’ assistance professionnelle pendant l ’ accouchement, à la faible couverture vaccinale et à la prévalence de la malnutrition, de faire en sorte qu ’ il y ait suffisamment de poches de sang disponibles, en particulier pour les accouchements par césarienne, et de se conformer au Guide technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme concernant l ’ application d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire et à éliminer la mortalité et la morbidité évitables des enfants de moins de 5 ans (A/HRC/27/31)  ;

d) De continuer d ’ augmenter le taux de couverture vaccinale, en particulier dans les zones rurales, et d ’ étendre l ’ exonération des frais de vaccination des nouveau-nés aux doses de rappel pour les vaccinations systématiques et à tout autre vaccin administré aux enfants de plus d e 1  an  ;

e) De renforcer les mesures de lutte contre la tuberculose, en particulier les mesures de prévention, et de veiller à ce que les services de soins de santé correspondants soient gratuits  ;

f) De renforcer les mesures visant à lutter contre la malnutrition et à réduire les taux élevés de naissances d ’ enfants de faible poids et de retard de croissance, notamment en adoptant des mesures fondées sur des données factuelles pour améliorer réellement le poids des nourrissons à la naissance et l ’ état nutritionnel des nourrissons, des enfants et des mères et en allouant plus de ressources humaines, techniques et financières au plan multisectoriel de nutrition 2016-2020 et à la politique nationale visant à améliorer la restauration scolaire  ;

g) De mettre en œuvre une stratégie nationale pour lutter contre la vente de médicaments dans la rue ( «  médecine de rue  » ) et parer à l ’ absence de réglementation de la médecine traditionnelle .

Santé des adolescents

46. Rappelant ses observations générales n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention, et n o 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l ’ enfant pendant l ’ adolescence, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer les mesures visant à prévenir les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles, de mettre en œuvre le Programme national d ’ éducation sexuelle complète 2016-2020 et d ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ une loi sur la santé procréative et sur la planification familiale  ;

b) De garantir l ’ accès à l ’ information et aux services de santé sexuelle et reproductive dans tout le pays pour les filles et les garçons dans les écoles, en particulier l ’ accès aux méthodes modernes de contraception, notamment en mettant en œuvre le Programme national d ’ éducation sexuelle complète et en faisant en sorte que l ’ éducation à la santé sexuelle et procréative fasse partie du programme scolaire obligatoire  ;

c) D ’ abroger l ’ article 366 du Code pénal afin de dépénaliser l ’ avortement en toutes circonstances, et de faire en sorte que les adolescentes aient accès à des services d ’ avortement médicalisé et de soins après avortement, en veillant à ce que leur opinion soit toujours entendue et dûment prise en considération dans le cadre de la prise de décisions  ;

d) De mettre en œuvre la loi n o 2014-430 du 14 juillet 2014 portant régime de prévention, de protection et de répression en matière de lutte contre le VIH/sida ainsi que l ’ arrêt n o 213/MSHP/CAB du 20 août 2008 portant gratuité du traitement antirétroviral pour les enfants atteints du VIH/sida  ;

e) D ’ élaborer un cadre de coordination et de collaboration multisectorielles pour promouvoir la santé des adolescents, d ’ allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires et de recueillir davantage de données ventilées sur la santé des adolescents  ;

f) De renforcer les mesures prises pour lutter contre la consommation de drogues, de tabac et d ’ alcool, et de mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques qui soient accessibles et adaptés aux jeunes  ;

g) De veiller à ce que tous les enfants aient accès à des services de santé mentale et d ’ accompagnement psychologique et d ’ accroître le nombre de pédopsychiatres et de psychologues pour enfants .

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

47. Notant avec satisfaction que la scolarisation est obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans, conformément à l ’ article 2 , par . 1), de la loi n o 2015-635 du 17 septembre 2015 portant modification de la loi n o 95-696 du 7 septembre 1995 relative à l ’ enseignement, et rappelant son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer l ’ allocation des ressources humaines, techniques et financières nécessaires au système éducatif, en particulier dans les zones rurales et pour l ’ éducation préscolaire, la formation professionnelle et les programmes d ’ alphabétisation  ;

b) De veiller au respect de l ’ article 2, par . 1), de la loi n o 2015-635 et de favoriser sa mise en œuvre en continuant d ’ accroître le nombre d ’ écoles, de salles de classe et d ’ enseignants, et en soutenant les enfants en situation de vulnérabilité et les enfants vivant dans la pauvreté  ;

c) De prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre les violences faites aux enfants, en particulier aux filles, dans le cadre scolaire, y compris les violences sexuelles et le harcèlement sexuel de la part des enseignants, en mettant l ’ accent sur les politiques de prévention, et de poursuivre en justice les auteurs de ces violences  ;

d) D ’ améliorer l ’ accès à l ’ éducation pour tous, en particulier pour les filles et les enfants vivant dans les zones rurales, et de renforcer les initiatives de sensibilisation et les campagnes d ’ information sur le droit des filles à l ’ éducation  ;

e) De prendre des mesures pour éliminer les coûts indirects élevés de l ’ éducation et réduire les effets discriminatoires de l ’ enseignement privé sur les enfants issus de familles financièrement défavorisées en réglementant le secteur de l ’ enseignement privé  ;

f) De veiller à ce que les normes nationales et les réglementations techniques relatives aux services de santé, à l ’ eau et à l ’ assainissement dans les écoles soient respectées et appliquées , et d ’ augmenter les fonds alloués aux cantines scolaires  ;

g) D ’ accroître le taux de scolarisation en rendant l ’ école accessible aux enfants non scolarisés et de soutenir les enfants qui n ’ ont pas été scolarisés jusqu ’ à présent, notamment à cause des crises militaro-politiques qu ’ a connues l ’ État partie  ;

h) De prendre des mesures pour aider les filles enceintes ou mères à poursuivre leur scolarité  ;

i) De redoubler d ’ efforts pour améliorer la qualité de l ’ enseignement, y compris en assurant la formation continue des enseignants, en améliorant encore le ratio élèves-enseignant et en veillant à ce qu ’ il y ait du matériel pédagogique pour tous les élèves  ;

j) De poursuivre le processus d ’ intégration des écoles coraniques dans le système éducatif et assurer la réglementation et le suivi de ces écoles .

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

48.Le Comité prend note des dispositions de la loi no 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail qui ont trait au travail des enfants, y compris des filles employées comme domestiques. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Que le travail des enfants, y compris sous ses pires formes, concerne un nombre toujours élevé d’enfants, en particulier les enfants effectuant des travaux dangereux sur les sites miniers et dans le secteur agricole, les filles employées comme domestiques et les enfants talibé ;

b)Que les données sur les condamnations des auteurs d’infractions liées au travail des enfants sont limitées.

49. Prenant note de la cible 8 . 7 des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De renforcer les mesures qu ’ il prend pour lutter contre l ’ exploitation économique des enfants, y compris contre les pires formes de travail des enfants, en particulier l ’ exploitation des filles employées comme domestiques, des enfants talibés , des enfants qui travaillent dans les secteurs minier et agricole et des enfants qui mendient dans la rue, notamment en adoptant et en appliquant le projet de plan d ’ action 2018-2020 visant à lutter contre le travail des enfants  ;

b) De faire respecter les dispositions législatives nationales (notamment la loi n o 2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants, l ’ article 23 . 2 du Code du travail, qui fixe l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi, l ’ arrêté n o 2250 de 2005, qui établit une liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans et l ’ arrêté n o 009 / MEMEASS/CAB du 19 janvier 2012 révisant l ’ arrêté n o 2250), de renforcer les mécanismes de surveillance et d ’ inspection et de poursuivre les auteurs d ’ infractions liées au travail des enfants  ;

c) D ’ envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l ’ Organisation internationale du Travail .

Enfants en situation de rue

50.Le Comité est préoccupé par le phénomène des enfants en situation de rue, communément appelés les « microbes », dont bon nombre ont été mercenaires dans les conflits passés de l’État partie et commettent des infractions graves, comme des homicides et des vols, en tant que membres de gangs d’enfants et, souvent, vivent dans la pauvreté.

51. Rappelant son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants en situation de rue, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre des études qualitatives et quantitatives pour mieux comprendre le phénomène des gangs d ’ enfants et de prendre rapidement des mesures pour assurer à ces enfants un niveau de vie suffisant, y compris l ’ accès à l ’ éducation et à des mesures de réinsertion .

Vente, traite et enlèvement

52. Prenant note de l ’ élaboration par l ’ État partie d ’ un plan d ’ action pour 2016-2020 et de la signature d ’ un certain nombre d ’ accords bilatéraux et multilatéraux relatifs à la traite au cours des dernières années, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la traite des enfants et  :

a) De faire respecter l ’ interdiction de la traite des personnes, énoncée dans la loi n o 2016-1111 du 8 décembre 2016 relative à la lutte contre la traite des personnes, et d ’ allouer des ressources financières, humaines et techniques suffisantes à la détection des cas de traite d ’ enfants et à la conduite d ’ enquêtes sur ces cas  ;

b) De suivre la mise en œuvre des accords bilatéraux ou multilatéraux, de la législation nationale, des politiques et des procédures qui ont trait à la traite, en prêtant une attention particulière à la lutte contre la traite des enfants .

Administration de la justice pour mineurs

53. Prenant note de l ’ adoption en 2018 d ’ un nouveau Code de procédure pénale qui renforce la protection des enfants, et de l ’ adoption de la circulaire 013/MJDH/CAB-1 du 10 avril 2018 sur la réduction de la durée de la détention provisoire, et rappelant son observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De relever l ’ âge de la responsabilité pénale pour le mettre en conformité avec les normes internationales  ;

b) D ’ appliquer l ’ article 808 du Code de procédure pénale et de faire en sorte que les enfants en conflit avec la loi bénéficient gratuitement de l ’ assistance de juristes qualifiés et indépendants, à un stade précoce et pendant toute la procédure judiciaire  ;

c) De faire en sorte que tout enfant arrêté et privé de liberté comparaisse, dans un délai de vingt-quatre heures, devant une autorité ayant compétence pour examiner la légalité de sa privation de liberté ou de son maintien en détention, et d ’ accélérer les procédures judiciaires impliquant des enfants, dans l ’ optique de réduire la durée de la détention provisoire  ;

d) De promouvoir des mesures de substitution à la détention, notamment en adoptant et en mettant en œuvre le projet de politique nationale de protection judiciaire de l ’ enfance et de la jeunesse, et de faire en sorte que la détention ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort, d ’ une durée aussi brève que possible  ;

e) De faire en sorte que, lorsque la détention est inévitable, les enfants soient séparés des adultes, conformément à l ’ article 7 du décret n o 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires, et que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, en particulier en matière d ’ accès aux services de santé, de faciliter les visites des parents aux enfants placés en détention en réduisant les obstacles administratifs, et d ’ organiser régulièrement des inspections dans les prisons  ;

f) D ’ accroître le nombre de formations pluridisciplinaires sur les droits des enfants à l ’ intention de tous les professionnels du système de justice pour mineurs et d ’ adopter des dispositions juridiques rendant automatique le transfert des enfants des postes de police vers la Brigade de protection des mineurs  ;

g) De renforcer les programmes d ’ aide destinés aux enfants risquant d ’ être en conflit avec la loi et de prévoir des services de réinsertion pour les enfants qui sortent de prison, y compris l ’ accès à l ’ éducation et à la formation professionnelle .

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant .

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

55. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments relatifs aux droits de l ’ homme fondamentaux ci-après afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant  :

a) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  ;

b) Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort  ;

c) La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées  ;

d) La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille  ;

e) Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels  ;

f) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées .

56. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de s ’ acquitter de l ’ obligation de soumettre des rapports qui lui incombe au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, les rapports au titre de ces instruments étant attendus depuis le 12 mars 2014 et le 19 octobre 2013, respectivement .

L.Coopération avec les organismes régionaux

57. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec le Comité africain d ’ experts sur les droits et le bien-être de l ’ enfant de l ’ Union africaine en vue d ’ appliquer la Convention et d ’ autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme, tant sur son territoire que dans d ’ autres États membres de l ’ Union africaine .

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

58.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre . Il recommande également que le deuxième rapport périodique, les réponses de l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays .

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

59.Le Comité accueille avec satisfaction la création du Comité interministériel de suivi de l ’ application des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme en vertu du décret n o 2001-365 de juin 2001, tel que modifié par le décret n o 2017-303 du 17 mai 2017 . Il note que ce comité interministériel n ’ a pas des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour agir en tant qu ’ organisme permanent de l ’ État chargé de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles au niveau national et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes . Le Comité recommande à l ’ État partie de lui allouer les ressources nécessaires et de solliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme . Il souligne que le Comité interministériel des droits de l ’ homme devrait être à même de consulter systématiquement la Commission nationale des droits de l ’ homme et la société civile .

C.Prochain rapport

60.Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son rapport valant troisième à septième rapports périodiques le 5 mars 2024 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales . Ce rapport devra être co nforme aux directives spécifiques à l ’ instrument adoptées le 31 janvier 2014 (CRC/C/58/Rev . 3) et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par . 16) . Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée . S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie .

61. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports à présenter en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev . 6, chap . I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale .