Nations Unies

CCPR/C/JAM/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 novembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapportpériodique de la Jamaïque *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Jamaïque (CCPR/C/JAM/4) à ses 3310e et 3312e séances (voir CCPR/C/SR.3310 et 3312), les 18 et 19 octobre 2016. À sa 3330e séance, le 1er novembre 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la Jamaïque et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/JAM/Q/4/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points (CCPR/C/JAM/Q/4) et qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements complémentaires qu’il a fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles ci‑après prises par l’État partie :

a)L’adoption de la loi de réforme portant abolition de la flagellation (fouet et baguette) en 2013 ;

b)L’adoption de la loi relative au handicap en 2014 ;

c)La désignation du Rapporteur national sur la traite des personnes en 2015.

Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a adhéré à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, le 9 janvier 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé de constater que l’État partie n’a pas encore mis en place une institution nationale des droits de l’homme unique, dotée d’une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe), bien qu’il s’y soit engagé à de multiples reprises (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale des droits de l’homme dotée d’un mandat étendu, conformément aux Principes de Paris, et lui allouer les ressources financières et humaines nécessaires à son fonctionnement. Il devrait engager des consultations ouvertes sur le modèle, le mandat et les fonctions de l’institution nationale des droits de l’homme, y compris avec les organisations des droits de l’homme et le grand public.

Mécanisme national chargé de l’établissement des rapports et du suivi

Le Comité note que le Comité interministériel chargé de l’établissement des rapports et du suivi, mis en place dans le cadre du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur, est, de fait, devenu le mécanisme permanent pour l’établissement de tous les rapports et pour toutes les activités de suivi concernant les traités relatifs aux droits de l’homme, mais il constate que ce mécanisme n’est pas suffisamment institutionnalisé dans le fonctionnement du Gouvernement de l’État partie (art. 2).

L’État partie devrait envisager d’établir, par une directive ou d’autres mesures obligatoires, un mécanisme gouvernemental permanent doté d’un mandat clair le chargeant de coordonner la participation du Gouvernement aux mécanismes des droits de l’homme et de donner suite aux recommandations de ces derniers, en concertation avec la société civile.

Application du Pacte

Le Comité est préoccupé par les explications de l’État partie selon lesquelles les dispositions du Pacte ne peuvent pas être directement invoquées devant les juridictions nationales et certaines, dont l’interdiction de la discrimination, ne sont pas protégées de façon adéquate par la législation nationale (art. 2).

L’État partie devrait renforcer son cadre juridique de façon à protéger tous les droits consacrés par le Pacte et prendre les mesures voulues pour faire mieux connaître le Pacte aux juges, aux avocats et aux procureurs afin de garantir que ses dispositions sont prises en considération devant les juridictions nationales.

Protocole facultatif

Le Comité regrette une fois de plus que l’État partie n’ait pas l’intention d’adhérer de nouveau au Protocole facultatif, qui donne au Comité compétence pour examiner des communications émanant de particuliers au sujet de violations alléguées du Pacte par les États parties au Protocole (art. 2).

L’État partie devrait envisager d’adhérer de nouveau au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui prévoit une procédure d’examen des communications présentées par des particuliers, afin que ceux-ci aient droit à un recours utile.

Personnes handicapées

Le Comité salue l’adoption de la loi de 2014 sur le handicap et les mesures que l’État partie a prises pour promouvoir l’inclusion des personnes handicapées, mais il s’inquiète du fait que ces personnes continuent de rencontrer des difficultés, y compris en matière d’accès aux bâtiments et aux services publics (art. 2 et 26).

L’État partie devrait appliquer de façon effective la loi sur le handicap afin de garantir la non-discrimination, promouvoir l’inclusion des personnes handicapées et veiller à ce que ces personnes aient accès à des recours utiles en cas de violation de leurs droits.

Interdiction de la discrimination

Le Comité note avec préoccupation que la Charte des libertés et droits fondamentaux ne protège pas toutes les personnes contre toutes les formes de discrimination et qu’elle contient des clauses de sauvegarde qui sont contraires aux dispositions du Pacte. Il regrette que le droit de ne pas être l’objet de discrimination soit fondé uniquement sur le fait « d’être un homme ou une femme » et que la discrimination fondée sur d’autres motifs tels que l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la situation matrimoniale, le handicap et l’état de santé ne soit pas interdite. Le Comité constate une fois de plus avec inquiétude (voir CCPR/C/JAM/CO/3, par. 8) que l’État partie maintient en vigueur les dispositions de la loi relative aux atteintes à la personne qui érigent en infraction pénale les relations homosexuelles librement consenties, encourageant de ce fait la discrimination à l’égard des personnes homosexuelles (art. 2, 3, 17 et 26).

L’État partie devrait modifier ses lois et adopter une législation globale de lutte contre la discrimination afin d’interdire toutes les formes de discrimination. Il devrait également dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe afin de mettre sa législation en conformité avec le Pacte et de faire disparaître les préjugés et la stigmatisation sociale visant l’homosexualité. Les clauses de sauvegarde figurant dans la Charte des libertés et droits fondamentaux se rapportant à la loi relative aux atteintes à la personne et à la loi relative aux infractions sexuelles devraient être supprimées dès lors qu’elles font obstacle à la modification de lois visant à renforcer les droits des femmes ou de tout autre groupe.

Agressions visant les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres

Malgré quelques faits nouveaux positifs tels que l’adoption par les forces de police jamaïcaines en 2011 d’une politique de la diversité, et la tolérance accrue qui régnerait dans la société jamaïcaine, le Comité prend note avec inquiétude d’informations faisant état d’actes de discrimination et de harcèlement et d’agressions violentes visant des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles ou transgenres et du fait que l’État partie ne préviendrait pas ces agressions ni ne mènerait d’enquêtes à leur sujet (art. 2, 6 et 26).

L’État partie devrait veiller à ce que les actes de violence à l’égard de personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours utiles. Il devrait mener une campagne nationale afin de diffuser des informations sur les droits de l’homme et promouvoir le respect de la diversité et des droits de toutes les personnes, en particulier les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres.

Personnes vivant avec le VIH/sida

Le Comité est préoccupé par la persistance de la discrimination et de la stigmatisation subies par les personnes vivant avec le VIH/sida et par la forte proportion de filles âgées de 15 à 19 ans parmi les personnes séropositives. S’il salue l’adoption du Plan stratégique intégré de santé sexuelle et de lutte contre le VIH (2014-2019) et de la politique nationale relative au VIH/sida sur le lieu de travail, il s’inquiète du fait qu’il n’existe pas de cadre législatif propre à garantir leur mise en œuvre (art. 2 et 26).

L’État partie devrait modifier sa législation de sorte à prévoir une protection contre la discrimination fondée sur l’état de santé et à garantir une meilleure protection des personnes vivant avec le VIH/sida, y compris les catégories de population vulnérables telles que les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres et les femmes et les filles ayant contracté le VIH, en particulier à la suite de violences sexuelles. Il devrait travailler davantage avec les parties prenantes, allouer des ressources financières et humaines suffisantes pour appliquer la politique nationale relative au VIH/sida sur le lieu de travail et garantir le bon fonctionnement du système national de dépôt de plaintes et de demande de réparations pour discrimination en rapport avec le VIH. Il devrait aussi poursuivre ses efforts de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/sida.

Rôle des hommes et des femmes et femmes aux postes de responsabilité

S’il salue la représentation accrue des femmes aux postes de responsabilité et les efforts déployés par l’État partie dans ce domaine, le Comité regrette que les femmes restent sous-représentées aux postes de responsabilité élevée. Il est également préoccupé par les inégalités persistantes entre hommes et femmes, notamment en ce qui concerne la participation à la vie économique, et par les stéréotypes concernant les rôles respectifs des hommes et des femmes dans les sphères publique et privée (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait redoubler d’efforts, y compris en menant des campagnes publiques de sensibilisation aux questions de genre, pour promouvoir l’égalité entre les sexes et la présence des femmes aux postes de responsabilité dans la vie publique et la vie politique. Il devrait envisager d’adopter des mesures qui favorisent un équilibre pour ce qui concerne l’éducation et la garde des enfants, de sorte à permettre aux femmes de chercher et d’occuper des postes de responsabilité plus élevée. De plus, l’État partie devrait prendre les mesures temporaires spéciales voulues pour faire augmenter le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité dans la vie publique et la vie politique.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence intrafamiliale

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation n’offre aux femmes et aux filles qu’une protection limitée contre la violence, y compris la violence intrafamiliale. Il note avec inquiétude que la loi relative aux infractions sexuelles (2009) reflète une conception étroite du viol et ne protège contre le viol conjugal que dans certaines circonstances, que la loi relative à la violence familiale (2004) n’inclut pas la violence sexuelle, et que le projet de loi sur le harcèlement sexuel n’inclut pas le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Le Comité regrette le manque de foyers pour les victimes de la violence familiale (art. 7).

L’État partie devrait modifier la loi relative aux infractions sexuelles et la loi relative à la violence familiale afin de renforcer la protection des femmes et des filles ainsi que des hommes et des garçons contre la violence sexuelle. Il devrait également adopter une loi contre le harcèlement sexuel, y compris le harcèlement sexuel dans les lieux publics. De plus, il devrait prendre rapidement des mesures pour mettre à la disposition des victimes de la violence sexiste, y compris de la violence intrafamiliale, des foyers adaptés à leurs besoins.

Interruption volontaire de grossesse

Le Comité est préoccupé par le taux élevé de mortalité maternelle résultant d’avortements non médicalisés et par le manque de données officielles sur le nombre d’avortements clandestins et leurs liens avec la forte mortalité maternelle. Il prend note une fois de plus avec inquiétude de la criminalisation générale de l’avortement prévue dans la loi relative aux atteintes à la personne (voir CCPR/C/JAM/CO/3, par. 14), y compris dans les cas de grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste et dans les cas d’anomalies fœtales mortelles. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les filles âgées de moins de 16 ans n’ont pas accès aux informations et aux services de santé sexuelle et procréative sans le consentement de leurs parents, au vu notamment de l’incidence élevée des grossesses d’adolescentes et de l’inceste dans l’État partie (art. 3, 6, 7 et 17).

L’État partie devrait, à titre prioritaire, modifier sa législation sur l’avortement pour aider les femmes à faire face aux grossesses non désirées de sorte qu’elles ne recourent pas aux avortements illégaux qui pourraient mettre leur vie en danger. Il devrait prendre des mesures pour protéger les femmes contre les risques en terme de santé liés aux avortements non médicalisés, en améliorant le suivi et la collecte des données relatives à l’accès des femmes aux soins de santé et en donnant accès à l’information et aux services dans le domaine de la santé sexuelle et procréative à toutes les femmes, y compris aux filles âgées de moins de 16 ans.

État d’urgence, exécutions extrajudiciaires et enquêtes

Le Comité prend note du rapport établi en 2016 par la Commission d’enquête sur la partie ouest de Kingston concernant les circonstances dans lesquelles l’état d’urgence a été proclamé en mai 2010 à la suite des faits survenus dans le quartier de Tivoli Gardens, dans la partie ouest de Kingston, et de la décision du Gouvernement de présenter des excuses et d’assurer une indemnisation aux personnes lésées, mais il est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie sur l’état d’urgence n’est pas conforme aux normes de l’article 4 du Pacte (art. 2, 4 et 6).

L’État partie devrait mettre pleinement en application les recommandations énoncées dans le rapport de la Commission d’enquête sur la partie ouest de Kingston, notamment permettre aux victimes d’obtenir réparation, renforcer l’obligation de rendre des comptes en cas de recours à la force et démanteler les ghettos (garrisons). Il devrait également réviser ses lois sur l’état d’urgence et les mettre en conformité avec les dispositions de l’article 4 du Pacte.

Le Comité demeure préoccupé par le fait que le mandat et les attributions de la Commission indépendante d’enquête et la répartition des compétences en matière de conduite des enquêtes et des poursuites entre la Commission indépendante d’enquête et le Bureau du Directeur des poursuites ne sont toujours pas clairement définis (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait préciser le mandat et le rôle de la Commission indépendante d’enquête pour garantir la conduite d’une enquête effective et indépendante sur les membres des forces de l’ordre et éviter qu’il y ait conflit avec les mandats des autres organes de l’État partie.

Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants et droit à la vie

Le Comité demeure préoccupé par les conditions déplorables qui règnent dans les prisons et les lieux de détention de l’État partie, notamment le surpeuplement, les mauvaises conditions sanitaires et l’absence de soins médicaux. Il est aussi préoccupé par le manque de cadre légal explicite régissant le traitement des personnes en détention avant jugement et par le fait que les prévenus ne sont pas séparés des condamnés (art. 7 et 10).

L’État partie devrait accélérer l’action qu’il mène en vue de réduire le surpeuplement des lieux de détention, y compris en recourant aux mesures de substitution à l’emprisonnement, et améliorer les conditions de détention, en ce qui concerne en particulier les conditions sanitaires et l’accès aux soins médicaux, conformément à l’article 10 du Pacte et à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Nelson Mandela ») (résolution 70/175 de l’Assemblée générale, annexe). L’État partie devrait adopter une législation régissant la détention avant jugement et mettre en place un système permettant de détenir séparément les prévenus et les condamnés.

Le Comité demeure préoccupé par le fait que la législation pénale de l’État partie ne garantit pas de façon adéquate que les actes de torture tels que visés à l’article 7 du Pacte sont pleinement réprimés par la loi. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de torture et de mauvais traitement ou d’usage excessif de la force par des membres de la police ou des forces de sécurité lors d’arrestations ou d’interrogatoires dans des commissariats et d’autres lieux de détention. Il est préoccupé en outre par le fait qu’aucune autorité indépendante n’est habilitée à examiner ces plaintes (art. 7).

L’État partie devrait :

a) Modifier son Code pénal de manière à garantir que tous les actes de torture tels que visés à l’article 7 du Pacte et dans les normes internationales en la matière sont interdits et sanctionnés par des peines en rapport avec la gravité des infractions ;

b) Garantir que les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants font l’objet d’une enquête par une autorité indépendante, que les auteurs de tels actes sont poursuivis et punis à la hauteur de la gravité de leurs actes, et que les victimes obtiennent une réparation adéquate  ;

c) Améliorer la formation dispensée aux personnels de police dans ce domaine, de façon à obtenir que toute personne qui est arrêtée ou placée en détention soit informée de ses droits  ;

d) Faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les plaintes déposées pour des violations de cette nature, montrant le nombre de personnes poursuivies et condamnées et la réparation accordée aux victimes.

Le Comité prend note du moratoire de facto sur les exécutions en place depuis 1988, mais relève avec regret que l’État partie ne compte pas abolir la peine de mort. De plus, il relève avec préoccupation que les conditions de vie dans le quartier des condamnés à mort demeurent inhumaines (art. 6 et 7).

L’État partie devrait envisager d’abolir la peine de mort et d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort. Il devrait veiller à ce que le régime de détention dans le quartier des condamnés à mort ne constitue pas une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

Protection contre la traite des personnes

Le Comité salue l’adoption du Plan d’action national visant à lutter contre la traite des personnes (2015-2018) et la désignation du Rapporteur national sur la traite des personnes en 2015. Il est toutefois préoccupé par le fait que la capacité du Rapporteur national de remplir ses fonctions peut être entravée par l’insuffisance des ressources. Le Comité est également préoccupé par le fait que la législation nationale n’empêche pas de façon adéquate le renvoi des victimes de la traite des personnes vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elles courraient un risque réel de préjudice irréparable, tel qu’énoncé aux articles 6 et 7 du Pacte (art. 6 et 7).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts en matière de formation et de renforcement des capacités des professionnels qui portent assistance aux victimes de la traite. Il devrait allouer les moyens humains et financiers voulus au Bureau du Rapporteur national sur la traite des personnes et faire en sorte que les victimes de la traite jouissent des droits prévus par le Pacte et qu’elles ne soient pas renvoyées vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elles courraient un risque réel de préjudice irréparable, tel qu’énoncé aux articles 6 et 7 du Pacte.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Le Comité est préoccupé par l’absence de législation sur la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés. Il est préoccupé également par le fait qu’il n’est pas délivré de documents d’identité aux réfugiés et que les mineurs non accompagnés sont officiellement empêchés d’accéder aux processus d’octroi du statut de réfugié dans l’État partie (art. 2, 6, 7 et 24).

L’État partie devrait légiférer pour assurer la protection des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, délivrer aux réfugiés des documents d’identité et faciliter l’accès de ces personnes aux procédures d’asile afin de les protéger contre leur renvoi vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elles courraient un risque réel de préjudice irréparable, tel qu’énoncé aux articles 6 et 7 du Pacte.

Droit à un recours utile et droit à un procès équitable

Le Comité demeure préoccupé par les retards excessifs constatés dans l’administration de la justice et par le fait que les services d’aide juridictionnelle sont peu disponibles (art. 2 et 14).

L’État partie devrait poursuivre la réforme de la justice de façon que les procès se tiennent rapidement et dans le respect d’une procédure équitable, et notamment allouer les ressources budgétaires et humaines nécessaires et renforcer ses capacités en matière d’aide juridictionnelle pour les cas dans lesquels l’intérêt de la justice l’exige.

Droits de l’enfant

Le Comité salue les mesures que prend l’État partie pour réviser la loi sur la protection de l’enfance, notamment la suppression de la possibilité d’incarcérer un enfant au motif que celui-ci « échappe au contrôle parental », et la prestation par l’Agence pour le développement de l’enfant et le Département des services pénitentiaires de services de santé psychologique et mentale aux enfants et à leur famille. Malgré la diminution sensible du nombre de décisions de placement d’enfants encentre de redressement, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des enfants font encore l’objet de telles décisions. Il est également préoccupé par le fait que, régulièrement, des mineurs sont détenus dans les postes de police, souvent plus de vingt-quatre heures durant (art. 9, 10 et 24).

L’État partie devrait modifier sa loi dans les meilleurs délais de façon à supprimer la possibilité d’incarcérer un enfant au motif qu’il « échappe au contrôle parental » et remédier aux lacunes dans : la prestation de services aux enfants en conflit avec la loi, la coordination et la supervision du secteur de la protection de l’enfance, l’appui aux familles et la réadaptation des enfants qui ont connu l’exploitation, les sévices et d’autres traumatismes. L’État partie ne devrait recourir à la détention des mineurs qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible prévue par la loi, continuer de mettre en place des cellules spécialement destinées aux enfants et offrir des mesures de substitution à la détention conformément aux dispositions du Pacte. Il devrait continuer d’offrir aux enfants en conflit avec la loi un soutien de remplacement, y compris des services psychologiques et de réadaptation, et des programmes de règlement des conflits.

Châtiments corporels

Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels sont toujours autorisés dans la famille et à l’école, qu’ils continuent d’être pratiqués dans l’État partie et qu’ils sont largement acceptés par la société (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes, y compris, si nécessaire, d’ordre législatif, pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait en outre encourager le recours à des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour faire mieux connaître les effets dommageables de ces châtiments.

Liberté d’expression et défenseurs des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’obstacles à la mise en œuvre de la loi sur l’accès à l’information (2004), tels que le faible niveau de connaissances des responsables de l’information et l’inaccessibilité de la procédure de plainte. Il est également préoccupé par des informations selon lesquelles des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme se heurteraient à des obstacles lors de l’enregistrement au titre de la loi sur les œuvres caritatives. Il est préoccupé en outre par les informations faisant état de menaces proférées, d’actes de harcèlement commis et d’agressions perpétrées contre des défenseurs des droits de l’homme (art. 2, 19, 21,22 et 26).

L’État partie devrait prendre des mesures pour renforcer l’application intégrale de sa loi sur l’accès à l’information, notamment par la formation des responsables, la conduite de campagnes d’information auprès du public et l’instauration d’un mécanisme de plainte accessible. Conformément à l’observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, l’État partie devrait veiller davantage à ce que l’examen et l’octroi du statut d’œuvre caritative à une organisation non gouvernementale se fasse sans discrimination et ne fasse pas obstruction aux activités des défenseurs des droits de l’homme ni n’en limite les activités, comme consigné dans la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (résolution 53/144 de l’Assemblée générale, annexe). L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit des défenseurs des droits de l’homme à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

D.Diffusion et suivi

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, afin de les sensibiliser aux droits inscrits dans le Pacte.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est prié de faire parvenir dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 26 (interruption volontaire de grossesse), 32 (interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) et 44 (droits de l’enfant).

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique d’ici au 4 novembre 2021 et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il lui demande aussi de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que les groupes minoritaires et les groupes marginalisés, lorsqu’il établira son prochain rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. L’État partie a également la possibilité d’accepter, d’ici au 4 novembre 2017, d’utiliser la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui consiste pour le Comité à transmettre une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette le rapport périodique. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le rapport périodique devant être soumis en application de l’ article  40 du Pacte.