Nations Unies

CCPR/C/GTM/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 mai 2018

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Guatemala *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique du Guatemala (CCPR/C/GTM/4) à ses 3454e et 3455e séances (voir CCPR/C/SR.3454 et 3455), les 12 et 13 mars 2018. À sa 3478e séance, le 28 mars 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son quatrième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/GTM/QPR/4). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des informations complémentaires qui lui ont été communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les nombreuses mesures législatives et institutionnelles qui ont été adoptées par l’État partie pendant la période à l’examen dans le domaine des droits civils et politiques, notamment :

a)Le décret no 31-2012 portant adoption de la loi relative à la lutte contre la corruption (2012) ;

b)La Politique publique de lutte contre la traite des personnes et pour la protection intégrale des victimes (2014-2024) ;

c)La Politique nationale pour la prévention de la violence et de la délinquance, la sécurité des citoyens et la coexistence pacifique (2014-2034) et son plan d’action national, ainsi que la Stratégie nationale de prévention de la violence et de la délinquance (2017-2027) ;

d)La Politique nationale de réforme pénitentiaire (2014-2024) ;

e)Le décret no 09-2016 portant approbation de la loi relative à la recherche immédiate des femmes disparues et le décret no 18-2016 portant création de postes de procureurs spécialisés dans les affaires de traite de personnes et de féminicide (2016) ;

f)Le décret no 32-2016 portant approbation de la loi relative à la carrière judiciaire (2016), ultérieurement modifiée par le décret no 17-2017, et le décret no 18-2016 portant modification de la loi organique relative au ministère public (2016) ;

g)Les arrêts rendus les 11 février 2016 et 24 octobre 2017 par la Cour constitutionnelle, qui annulent les dispositions autorisant l’application de la peine de mort ;

h)Le décret no 7/2017 portant réforme du Code du travail et accordant des pouvoirs de sanction à l’Inspection générale du travail (2017) ;

i)Les décrets no 8-2015 et no 13-2017 portant réforme du Code civil dans le but de fixer à 18 ans l’âge minimum du mariage ou de l’union de fait pour les hommes et les femmes ;

j)La Politique nationale pour des emplois décents (2017-2032) ;

k)Le dispositif de suivi des recommandations formulées par les systèmes de protection internationale des droits de l’homme concernant le Guatemala, dont la mise en œuvre est prévue en 2018.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Procureur aux droits de l’homme

4.Le Comité exprime sa préoccupation devant les actes d’intimidation dont le Procureur aux droits de l’homme a été la cible dans l’exercice de ses fonctions et qui ont conduit la Commission interaméricaine des droits de l’homme à prendre une mesure provisoire de protection à son égard. Il relève avec préoccupation que le budget du ministère public n’a pas augmenté depuis 2014 et que le versement des crédits budgétaires n’a pas toujours été effectué tous les quatre mois comme prévu (art. 2).

5. L’État partie devrait appuyer le mandat et l’indépendance du Procureur et garantir l’efficacité des dispositions prises en application de la mesure provisoire de protection le concernant. Il devrait également redoubler d’efforts pour faire en sorte que le ministère public obtienne, suffisamment à l’avance, les ressources nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions avec efficacité.

Discrimination et violence fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

6.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation n’interdit pas la discrimination et les crimes de haine fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et ne protège pas le droit à la reconnaissance de l’identité légale des personnes transgenres. Il est également préoccupé par l’augmentation du nombre de décès de femmes transgenres et par les lacunes dans la consignation et l’instruction des faits de violence fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime, et regrette l’absence de données consolidées sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées, les peines appliquées et les réparations accordées dans les affaires de violence et de haine visant des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (art. 2, 6, 7, 17 et 26).

7. L’État partie devrait :

a) Adopter des lois qui interdisent la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et qui protègent le droit des personnes transgenres à la reconnaissance légale de leur identité ;

b) Prendre les mesures législatives nécessaires pour qualifier comme il convient les crimes de haine fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et recueillir systématiquement des données sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées, les peines appliquées et les réparations accordées dans ce type d’affaires ;

c) Adopter les protocoles d’enquête nécessaires pour faire en sorte que dans le cas de crimes motivés par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime : i) les faits soient systématiquement consignés et donnent systématiquement lieu à une enquête ; ii) les responsables soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées ; et iii) les victimes aient accès à des mécanismes de plainte sûrs, à une protection adaptée et à une réparation intégrale ;

d) Redoubler d’efforts pour lutter contre les stéréotypes et préjugés visant les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexes et pour prévenir la discrimination et la violence à l’égard de ces personnes.

Égalité des droits des hommes et des femmes, des autochtones et des personnes d’ascendance africaine

8.Le Comité prend note de l’augmentation du nombre de femmes dans les effectifs du ministère public et aux postes de direction, mais demeure préoccupé par la faible représentation des femmes au Congrès et aux fonctions ministérielles. Il note aussi avec préoccupation que les informations manquent en ce qui concerne le taux de participation des autochtones et des personnes d’ascendance africaine dans la vie publique et politique. Il est également préoccupé par les informations relatives à la participation encore faible des femmes aux activités économiques, à la ségrégation professionnelle des femmes dans le secteur informel et à l’écart salarial qui existe entre les hommes et les femmes, surtout dans les zones rurales, malgré les importantes campagnes de sensibilisation qui ont été menées. Il est en outre préoccupé par la persistance de pratiques discriminatoires dans les entreprises, telles que les tests de grossesse durant le processus de recrutement, et par l’absence de mesures qui sanctionnent le harcèlement sexuel (art. 2, 3, 25 et 26).

9. L’État partie devrait :

a) Continuer de renforcer les institutions qui protègent les droits des femmes ainsi que des autochtones et des personnes d’ascendance africaine, en leur allouant un budget suffisant ;

b) Adopter des mesures concrètes pour que les femmes, les autochtones et les personnes d’ascendance africaine soient davantage représentés dans la vie politique et publique, en particulier aux postes de direction et de haut niveau, y compris des mesures temporaires spéciales comme l’établissement de quotas, et surveiller l’application de ces mesures ;

c) Renforcer les mesures visant à réduire l’écart salarial entre hommes et femmes et la ségrégation horizontale et verticale des emplois que subissent les femmes ;

d) Lutter contre les pratiques discriminatoires sur le lieu de travail et sanctionner le harcèlement sexuel.

Exploitation et inégalités dans le monde du travail et travail des enfants

10.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de protection sociale et professionnelle des travailleurs dans les secteurs du textile, de l’agriculture et du travail domestique, qui touche de manière disproportionnée les femmes et les autochtones. Il salue les progrès accomplis sur le plan législatif et l’augmentation du nombre d’inspections du travail conduites, mais reste préoccupé par l’insuffisance des ressources dont dispose l’Inspection générale du travail. Il est également préoccupé par les inégalités engendrées par le régime spécial applicable aux travailleurs domestiques, mais prend note des projets de loi tendant à améliorer la situation dans ce secteur. Le Comité exprime en outre sa préoccupation devant l’ampleur du travail des enfants, principalement des enfants autochtones dans les secteurs de l’agriculture et du commerce, et devant le risque d’exploitation sexuelle ou par le travail auquel ceux-ci sont exposés (art. 2, 3, 24 et 26).

11. L’État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour améliorer la protection sociale et professionnelle des travailleurs des secteurs du textile, de l’agriculture et du travail domestique, en faisant en sorte que les conditions de travail et la protection juridique des travailleurs soient les mêmes dans ces secteurs d’activité que dans les autres ;

b) Doter l’Inspection générale du travail des ressources nécessaires pour garantir le respect de la législation du travail ;

c) Redoubler d’efforts pour lutter contre le travail et l’exploitation des enfants au moyen des programmes et des institutions créés à cette fin.

Violence à l’égard des femmes et des filles, féminicides et traite

12.Le Comité est conscient des efforts importants menés par les institutions pour accélérer les poursuites pénales en cas de violence à l’égard des femmes, mais il demeure préoccupé par la fréquence croissante de ce type de violence, en particulier par le nombre alarmant de féminicides et le degré de cruauté exercé contre le corps des victimes. Il est également préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les affaires de violence fondée sur le genre et de traite des personnes, malgré l’augmentation du nombre de tribunaux spécialisés, par les informations selon lesquelles les ressources allouées aux institutions existantes seraient insuffisantes et par l’absence de réforme du Plan national de prévention et d’élimination de la violence domestique et à l’égard des femmes (art. 3, 6 et 7).

13. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre les actes de violence à l’égard des femmes, en adoptant un nouveau plan de prévention de la violence domestique et en renforçant les institutions chargées d’appliquer le cadre législatif en vigueur, en les dotant des ressources nécessaires. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie : a) d’inscrire dans les programmes d’enseignement la nécessité d’éliminer la violence à l’égard des femmes ; et b) de renforcer la formation des personnels des services de police, de l’appareil judiciaire, des établissements pénitentiaires et des services de santé aux questions relatives au genre. Il recommande aussi à l’État partie de continuer à étendre la couverture géographique des tribunaux spécialisés, afin de poursuivre et de punir les responsables d’actes de violence sexiste et de la traite de personnes. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les victimes obtiennent rapidement une réparation intégrale, notamment en garantissant l’exécution du programme de réparation pour les victimes de la violence sexuelle et en augmentant le nombre de centres d’appui dans l’ensemble du pays et en renforçant leurs capacités.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de procréation

14.Le Comité prend note de l’approbation d’un protocole de prise en charge de l’avortement thérapeutique lorsque cela est nécessaire pour sauver la vie de la mère, et du projet de loi tendant à dépénaliser l’avortement lorsque la grossesse est le résultat du viol d’une fillette. Il demeure toutefois préoccupé par la criminalisation de l’avortement, qui se traduit par un nombre élevé d’avortements non médicalisés et par des poursuites et des condamnations à des peines d’emprisonnement excessives. Le Comité demeure également préoccupé par le taux élevé de grossesse chez les adolescentes, l’impossibilité d’accéder à la contraception d’urgence, sauf en cas de viol, les informations signalant l’absence de services de santé procréative appropriés, et les lacunes dans l’exécution du programme visant à fournir une éducation sexuelle complète. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la stérilisation forcée et l’avortement forcé seraient pratiqués sur des femmes et des filles handicapées (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

15. L’État partie devrait :

a) Modifier sa législation afin de garantir l’accès légal, sûr et effectif à l’interruption volontaire de grossesse lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque la conduite de la grossesse jusqu’à son terme pourrait causer une souffrance ou un préjudice grave à la femme ou à la fille enceinte, en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste ou lorsque la grossesse n’est pas viable ;

b) Veiller à ce que les femmes et les filles qui ont recours à l’avortement et les médecins qui leur prêtent assistance ne fassent pas l’objet de sanctions pénales, étant donné que de telles sanctions contraignent les femmes et les filles à recourir à l’avortement non médicalisé ;

c) Garantir le plein accès aux services de santé sexuelle et procréative, à la contraception d’urgence et à une éducation sexuelle complète pour sensibiliser les hommes, les femmes, les filles et les garçons dans l’ensemble du pays ;

d) Veiller à ce que toutes les procédures prévues pour obtenir le consentement entier et éclairé des personnes handicapées avant une stérilisation ou un avortement soient dûment suivies.

Violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne

16.En ce qui concerne les graves violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne, le Comité prend note avec intérêt de l’avancement de l’instruction et de la répression de ces actes, notamment de la réouverture de l’affaire Molina Theissen. Il regrette toutefois que plusieurs arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme demandant l’ouverture d’enquêtes sur des faits anciens n’aient pas été appliqués, prétendument en raison d’abus des voies de recours, en particulier du recours en amparo, qu’aucune procédure disciplinaire ne soit prévue en cas de lenteur délibérée dans l’administration de la justice et que la police n’agisse pas avec diligence dans l’exécution des mandats d’arrêt. Il est également préoccupé par le projet de loi no 5377, qui tend à instaurer une amnistie générale pour les crimes commis durant le conflit armé. Le Comité relève avec préoccupation que le projet de loi no 3590 tendant à créer une commission nationale de recherche des personnes disparues, en suspens depuis 2013, n’a toujours pas été adopté, et regrette qu’aucune mesure n’ait été prise pour créer un registre unique et centralisé des personnes disparues (art. 2, 6, 7, 9, 14 et 16).

17. L’État partie devrait :

a) Instruire avec diligence toutes les affaires de graves violations des droits de l’homme qui se rapportent au conflit armé interne, y compris toutes les affaires de disparition forcée présumée, identifier les responsables et veiller à ce qu’ils soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées et proportionnelles à la gravité de leurs crimes. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il ne peut exonérer de leur responsabilité personnelle les auteurs d’actes de torture, d’exécutions arbitraires ou extrajudiciaires ou de disparitions forcées, par amnistie ;

b) Modifier la loi relative au recours en amparo pour y inscrire des dispositions propres à empêcher les recours abusifs et prendre les mesures nécessaires pour que les procédures ne soient pas entravées par l’action ou le manquement de fonctionnaires ;

c) Accélérer le processus législatif et créer efficacement et rapidement une commission nationale de recherche et un registre unique et centralisé des personnes disparues ;

d) Établir une procédure qui permette aux familles de personnes disparues d’obtenir une déclaration d’absence ;

e) Envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Programme national de réparation

18.Le Comité note avec préoccupation que le Programme national de réparation est soumis à des restrictions budgétaires et n’est guère appliqué, que le nombre élevé de demandes reçues contraste avec le nombre limité de réparations accordées et que les mesures de réparation accordées n’englobent pas la connaissance de la vérité et les garanties de non‑répétition. Il est également préoccupé par l’impossibilité d’obtenir une réparation collective, en l’absence d’un règlement à cet effet (art. 2).

19. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De doter le Programme national de réparation des ressources nécessaires et de mécanismes de contrôle efficaces pour que toutes les victimes de violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne reçoivent rapidement une réparation intégrale qui tienne compte des aspects culturels et des questions de genre ;

b) De faciliter les procédures d’inscription et d’enregistrement des victimes ;

c) D’adopter sans délai le règlement relatif à la réparation collective.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

20.Le Comité demeure préoccupé par le fait que la qualification de la torture dans le Code pénal n’est pas conforme aux dispositions du Pacte et aux autres normes internationales. Il est également préoccupé par le faible nombre de condamnations pour torture, malgré le nombre élevé de plaintes déposées et d’enquêtes ouvertes, et par le fait que les plaintes pour violences policières susceptibles de constituer un acte de torture donnent lieu à des sanctions disciplinaires. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que le mécanisme national de prévention de la torture demeure inopérant en raison du retard pris dans la nomination de trois de ses membres (art. 2 et 7).

21. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De réviser sa législation pour que la qualification du crime de torture soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte et aux normes internationales acceptées ;

b) De faire en sorte que toute allégation de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants donne lieu à une enquête ; que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, qu’ils soient condamnés à des peines appropriées ; et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) De garantir le respect des principes d’indépendance et de transparence dans la sélection des rapporteurs du mécanisme national de prévention de la torture et de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de celui-ci.

Droit à la vie et à la sécurité de la personne

22.Même si le nombre de morts violentes a quelque peu diminué, le Comité demeure préoccupé par le faible contrôle des armes, la recrudescence des lynchages et le manque d’informations sur les enquêtes et les poursuites engagées à ce sujet (art. 6, 7, 9 et 14).

23. L’État partie devrait :

a) Revoir le cadre juridique du port d’armes en vue d’établir des restrictions plus sévères et d’élaborer un plan national de désarmement ;

b) Élaborer et appliquer une politique de prévention et de répression des lynchages, en collaboration avec les autorités des municipalités ;

c) Redoubler d’efforts pour enquêter sur les actes de violence organisée et les lynchages et punir leurs auteurs et instigateurs.

24.Le Comité se félicite du renforcement des effectifs de police et de l’engagement pris par l’État partie de désengager l’armée des activités de sécurité intérieure au profit du contrôle aux frontières, mais il demeure préoccupé par l’absence de protocoles clairs limitant le rôle de l’armée dans la sécurité intérieure. Le Comité demeure également préoccupé par l’augmentation du nombre de sociétés de sécurité privée, dont beaucoup ne sont à ce jour soumises à aucun contrôle, bien qu’il note qu’elles sont régies par un cadre législatif, et par les allégations de recours excessif à la force par des militaires et des agents de sécurité privée dans des régions où la population a manifesté son opposition à des projets d’extraction et d’exploration minières (art. 2, 6, 7, 9 et 14).

25. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De continuer à renforcer la police nationale afin qu’elle assume pleinement les fonctions de protection de la sécurité intérieure auxquelles participe l’armée, de sorte que celle-ci n’intervienne que dans des circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée, selon des protocoles clairement établis à l’avance et sous le contrôle des autorités civiles ;

b) De veiller à l’application effective de la loi régissant les services de sécurité privée, en dotant la Direction générale des moyens nécessaires pour procéder à l’enregistrement et au contrôle effectif des entreprises concernées et en exigeant le respect des normes de sélection et de formation ;

c) De faire en sorte que des enquêtes soient menées sur les allégations de recours excessif à la force par des militaires et des agents de sécurité privée et que les responsables soient jugés et sanctionnés ;

d) De f ormer les forces de l’ordre et les militaires selon des normes qui soient conformes au Pacte et aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Personnes handicapées

26.Le Comité constate avec préoccupation que le décret no 135-96 sur la prise en charge des personnes handicapées n’est pas conforme au Pacte et aux autres normes internationales applicables, mais prend note du projet de loi no 5125 visant à modifier le cadre législatif. Il constate aussi avec préoccupation que les personnes handicapées sont privées du droit de vote lorsqu’elles sont soumises au régime de tutelle et de la capacité juridique lorsqu’elles sont placées en institution. Le Comité note en outre avec préoccupation que des personnes handicapées sont internées pour des durées indéterminées, que les établissements de santé mentale et d’assistance sociale ne sont pas soumis à un contrôle périodique et qu’il n’existe pas de services communautaires de substitution (art. 2, 7, 9, 10, 25 et 26).

27. L’État partie devrait :

a) Accélérer la procédure d’adoption du projet de loi n o  5125 et veiller à l’application effective de la Politique nationale relative au handicap ;

b) Réviser sa législation pour qu’elle ne crée pas de discrimination à l’égard des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap psychosocial, mental ou intellectuel, en les privant de leur droit de vote de manière excessive ou sans que cette décision ait un lien raisonnable et objectif avec leur capacité de voter (art. 25) ;

c) Définir une stratégie d’abandon du placement en milieu fermé, qui bénéficie de l’adhésion de la population et de ressources suffisantes ;

d) Établir un système de contrôle périodique des établissements de santé mentale et des institutions d’aide sociale et de bien-être social ;

e) Faire en sorte que l’internement forcé soit décidé en dernier ressort, à l’issue d’un examen médical complet garantissant qu’il est strictement nécessaire et proportionné au regard de la situation du patient et le plus bref possible. Les procédures d’internement forcé doivent être assorties de contrôles judiciaires initiaux et périodiques, ainsi que de garanties d’un recours utile.

Conditions de détention

28.Le Comité prend note du nouveau modèle d’administration des établissements pénitentiaires, qui vise à améliorer les infrastructures, mais il note avec préoccupation que le taux officiel de surpopulation carcérale s’élève encore à 245 %, malgré une réduction importante, ce qui se traduit par une absence de séparation entre prévenus et condamnés et par des conditions de vie précaires. Le Comité est aussi préoccupé par la proportion élevée de personnes en détention provisoire, le grand nombre de morts violentes, la présence de réseaux d’extorsion, les mutineries et l’absence de contrôle effectif des autorités à l’intérieur des centres pénitentiaires (art. 6, 7, 9 et 10).

29. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour réduire la surpopulation carcérale et, sans remettre en cause les efforts déployés pour combattre l’impunité et les résultats obtenus à cet égard, surtout dans les affaires à fort retentissement, recourir davantage aux mesures de substitution à la privation de liberté, en veillant à ce que la détention provisoire ne soit prescrite qu’à titre exceptionnel et soit fondée sur une appréciation individualisée de sa nécessité et de son caractère raisonnable ;

b) Veiller à ce que les conditions de réclusion dans toutes les prisons du pays soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

c) Enquêter sur tous les décès potentiellement suspects et sur tous les actes de violence et de corruption survenus dans des centres de détention, et poursuivre et punir les responsables.

Indépendance de la justice, autonomie du ministère public et lutte contre la corruption

30.Le Comité regrette que la suspension du processus de réforme de la Constitution ait empêché l’État partie de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. À cet égard, il prend note avec préoccupation de la limitation à cinq ans du mandat des juges siégeant en première instance, des juges de paix et des magistrats des cours, de la politisation du système de sélection et de désignation des hauts représentants de la justice et des procureurs de haut rang, et de l’absence de séparation entre les fonctions juridictionnelles et administratives de la Cour suprême de justice. S’il prend note avec satisfaction des progrès accomplis par le ministère public et la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) dans la lutte contre la corruption, le Comité demeure néanmoins préoccupé par les décisions politiques qui limiteraient les résultats obtenus, telles que la tentative du Président de la République de déclarer M. Velázquez, membre de la CICIG, persona non grata. Le Comité craint en outre des ingérences politiques dans les processus de sélection du nouveau Procureur général et du Contrôleur général des comptes de la Nation. Il est également préoccupé par les rapports qui dénoncent les fréquentes tentatives d’ingérence extérieure dans les décisions de justice, par les procédures disciplinaires apparemment infondées qui sont engagées contre des membres du personnel judiciaire et par les menaces, les agressions et les plaintes abusives visant des juges, des procureurs, des victimes et des témoins dans des affaires à fort retentissement (art. 14 et 25).

31. L’État partie devrait :

a) Donner la priorité à l’adoption des réformes constitutionnelles et législatives aux fins de garantir l’inamovibilité des juges et des magistrats et faire en sorte que la Cour suprême de justice s’acquitte de ses fonctions administratives en toute indépendance et en toute impartialité ;

b) Faire en sorte que les processus de sélection et de désignation des magistrats, des juges et des procureurs, ainsi que du Procureur général et du Contrôleur général des comptes de la Nation reposent exclusivement sur des critères objectifs et transparents permettant d’apprécier les qualités des candidats, conformément aux exigences d’aptitude, de compétence et de respectabilité ;

c) Établir un protocole de protection du personnel de justice et des justiciables, renforcer le programme de protection des témoins et respecter l’indépendance du personnel de justice dans ses délibérations, ses décisions et son travail ;

d) Modifier la loi sur la procédure préliminaire pour en préciser la portée ;

e) Renforcer l’appui à la CICIG et au Bureau du Procureur général et veiller à leur indépendance , de sorte qu’ils puissent combattre efficacement la corruption et l’impunité.

Protection des enfants placés sous la responsabilité de l’État

32.Le Comité constate avec préoccupation que la surpopulation, l’insalubrité et la violence qui règnent dans les quatre centres pour adolescents en conflit avec la loi ont amené la Commission interaméricaine des droits de l’homme à prendre des mesures conservatoires. Il est également préoccupé par le nombre d’enfants qui vivent dans la précarité dans des établissements d’accueil et, tout particulièrement, par l’incendie qui a ravagé le foyer Hogar Seguro Virgen de la Asunción et coûté la vie à 41 fillettes enfermées dans une salle de classe. Le Comité note avec préoccupation le retard pris dans les procédures pénales relatives à cette affaire (art. 7, 9, 10, 14 et 24).

33. L’État partie devrait :

a) Continuer d’élaborer une politique publique propre à éviter le placement d’enfants en institution et favoriser le placement en famille d’accueil ;

b) Imposer au moyen d’une loi qu’il ne soit recouru à des mesures exigeant de séparer un enfant de sa famille à des fins de protection, ou au motif d’une arrestation ou d’un placement en détention, qu’à titre exceptionnel et pour une durée aussi brève que possible, et veiller à ce que ces mesures fassent l’objet d’un réexamen périodique ;

c) Intensifier ses efforts en vue d’améliorer les conditions de vie dans les établissements d’accueil et les centres de privation de liberté pour adolescents, procéder à des inspections périodiques et favoriser les programmes socioéducatifs ;

d) Intensifier ses efforts en vue de clarifier les faits survenus au foyer Hogar Seguro Virgen de la Asunción, établir les responsabilités dans cette affaire et accorder une réparation intégrale aux victimes et à leurs proches.

Enregistrement des naissances

34.Le Comité est préoccupé par la proportion d’enfants qui ne sont pas encore enregistrés, en particulier dans les zones rurales, malgré les efforts déployés par l’État partie, et par les rapports indiquant que le Registre national des personnes continue d’exiger des parents le paiement d’une taxe municipale à l’enregistrement de leur enfant, malgré la décision de supprimer cette taxe prise en 2015 par la Cour constitutionnelle (art. 16 et 24).

35. L’État partie devrait poursuivre ses efforts visant à repérer les enfants qui n’ont pas été enregistrés, en particulier dans les zones rurales, et garantir leur enregistrement avec effet rétroactif et en exonération de la taxe municipale. L’État partie devrait en outre continuer à organiser des campagnes de sensibilisation sur l’enregistrement des naissances.

Liberté d’expression, de réunion et d’association

36.Le Comité constate avec préoccupation que, bien qu’elle soit en cours d’élaboration, la politique publique de protection des défenseurs des droits de l’homme n’est pas encore finalisée. De plus, il demeure vivement préoccupé par la recrudescence des actes de violence, d’intimidation et de stigmatisation qui visent des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des représentants syndicaux, et par le nombre élevé d’assassinats dont ceux-ci sont victimes dans un contexte de grande impunité. Il est aussi préoccupé par les procédures pénales abusives qui sont engagées contre des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et, en particulier, des dirigeants autochtones qui défendent le patrimoine foncier et les ressources naturelles. Il est également préoccupé par les projets de loi relatifs aux actes terroristes, à l’ordre public et aux organisations non gouvernementales qui, s’ils sont adoptés, restreindront la liberté d’expression, de réunion et d’association, notamment en raison de l’imprécision avec laquelle ils définissent les comportements délictueux (art. 6, 7, 19, 21 et 22).

37. Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’adopter et de mettre rapidement en œuvre une politique publique efficace de protection des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des représentants syndicaux, de reconnaître publiquement la légitimité des activités de ces personnes et de sensibiliser la population à ce sujet ;

b) De doter les organismes existants des ressources nécessaires, de façon que les autorités soient mieux à même d’analyser les agressions dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les représentants syndicaux et de prendre les mesures qui s’imposent ;

c) D’intensifier ses efforts pour que toutes les agressions donnent lieu à des enquêtes, que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et que les victimes reçoivent pleine réparation ;

d) De veiller au respect des garanties procédurales dans les affaires mettant en cause des défenseurs des droits de l’homme ;

e) De faire en sorte que toute limitation du droit à la liberté d’opinion et d’expression ou du droit de réunion et d’association soit pleinement conforme aux dispositions restrictives énoncées au paragraphe 3 de l’article 19, à l’article 21 et au paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte.

Droits des peuples autochtones

38.Le Comité prend note de l’adoption d’un guide pratique pour la consultation des peuples autochtones ainsi que de différents projets de loi sur le mécanisme de consultation, mais constate avec préoccupation que les peuples autochtones n’ont pas été associés à ces projets. Il constate aussi avec préoccupation que des permis d’exploration et d’exploitation ont été délivrés sans que les peuples autochtones qui vivent sur les territoires concernés aient été consultés et sans que les résultats des consultations organisées à leur initiative aient été pris en considération. Le Comité est également préoccupé par les expulsions forcées et violentes de communautés autochtones et par le recours excessif aux régimes d’exception à des fins de contrôle social. De plus, il est préoccupé par la non-reconnaissance des radios communautaires dans la réglementation et regrette que les personnes qui émettent sur ces radios fassent l’objet de poursuites pénales (art. 2, 4, 19, 25, 26 et 27).

39. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que les peuples autochtones soient effectivement consultés et que leur consentement libre et éclairé soit obtenu avant l’adoption et l’application de toute mesure susceptible d’influer sensiblement sur leur mode de vie et leur culture, et faire en sorte que les peuples autochtones soient consultés avant l’adoption de tout instrument normatif concernant leur consultation ;

b) Modifier les lois qui entravent l’exercice de ce droit et, entre-temps , respecter les consultations communautaires organisées dans le respect des règles établies par le Code municipal , en veillant à leur pleine conformité avec le Pacte ;

c) Veiller à ce qu’il ne soit pas procédé à des expulsions forcées en contravention des normes internationales ;

d) Veiller à ce que le recours à l’état d’urgence soit strictement limité aux conditions énoncées à l’article 4 du Pacte ;

e) Décider de manière équitable de l’accessibilité et de l’attribution des fréquences entre les sociétés de radiodiffusion publiques, commerciales et communautaires, reconnaître légalement le secteur de la radiodiffusion communautaire afin que les peuples autochtones puissent s’exprimer dans leur langue et promouvoir leur culture, et s’abstenir de sanctionner pénalement les activités de radiodiffusion exercées sans autorisation.

D.Diffusion et suivi

40. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du Protocole facultatif s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, et notamment des membres des peuples autochtones, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte.

41. Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, au plus tard le 6 avril 2020, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 31 ( indépendance de la justice, autonomie du ministère public et lutte contre la corruption), 37 (liberté d’expression, de réunion et d’association) et 39 (droits des peuples autochtones) .

42. Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 6 avril 2023 au plus tard. L’État partie ayant accepté d’utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son cinquième rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.