Nations Unies

CRPD/C/5

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

10 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence *

I.Objet et contexte

1.Les présentes lignes directrices complètent l’observation générale no 5 (2017) du Comité sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société (art. 19 de la Convention) et les directives du Comité relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées (art. 14), à la lumière desquelles elles doivent être lues. Elles ont pour objet d’orienter et d’appuyer les efforts que font les États parties à la Convention pour réaliser le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, et doivent servir de fondement à la planification de la désinstitutionnalisation et à la prévention du placement en institution.

2.Les présentes lignes directrices ont été établies à partir des expériences vécues par les personnes handicapées avant et pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) ; laquelle a mis au jour l’institutionnalisation massive, les effets néfastes du placement en institution sur les droits et la vie des personnes handicapées, et les abus et actes de violence, de négligence, de maltraitance et de torture, y compris la contention par des moyens chimiques, mécaniques et physiques, subis dans les institutions.

3.Les présentes lignes directrices sont l’aboutissement d’un processus participatif au cours duquel le Comité a tenu sept consultations régionales, qui ont réuni plus de 500 personnes handicapées, dont des femmes handicapées, des enfants handicapés, des personnes ayant survécu à un placement en institution et des personnes atteintes d’albinisme, ainsi que des représentants d’organisations locales et d’autres organisations de la société civile.

II.Obligation pour les États parties de mettre fin à l’institutionnalisation

4.Bien qu’une telle pratique soit contraire au droit international, partout dans le monde, des personnes handicapées sont encore placées dans des institutions, au péril de leur vie.

5.Le Comité constate que le travail de désinstitutionnalisation n’a pas été entrepris ou qu’il n’est pas mené dans le respect de la Convention.

6.L’institutionnalisation est une pratique discriminatoire à l’égard des personnes handicapées, contraire à l’article 5 de la Convention. Elle constitue une violation de l’article 12, en ce qu’elle suppose le déni de fait de la capacité juridique des personnes handicapées. Elle constitue également une détention et une privation de liberté au motif de l’altération des facultés, contraires à l’article 14. Elle devrait être considérée par les États parties comme une forme de violence à l’égard des personnes handicapées. L’institutionnalisation expose les personnes handicapées à des interventions médicales forcées avec administration de médicaments psychotropes tels que des sédatifs et des stabilisateurs d’humeur, à des traitements électroconvulsifs et à des thérapies de conversion, en violation des articles 15, 16 et 17. Elle les expose également à l’administration de médicaments et à d’autres interventions sans leur consentement libre, préalable et éclairé, en violation des articles 15 et 25.

7.L’institutionnalisation est contraire au droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société.

8.Les États parties devraient abolir toutes les formes d’institutionnalisation, renoncer à tout nouveau placement en institution et s’abstenir d’investir dans les institutions. Ils ne devraient en aucun cas considérer l’institutionnalisation comme une forme de protection des personnes handicapées, ni comme un « choix » offert à celles-ci. Ils devraient garantir l’exercice des droits consacrés par l’article 19 de la Convention même dans les situations d’urgence, y compris les urgences de santé publique.

9.Rien ne justifie de perpétuer l’institutionnalisation. Les États parties ne devraient pas invoquer le manque de services d’accompagnement et de services de proximité, la pauvreté ou la stigmatisation pour justifier le maintien des institutions ou le report de leur fermeture. De même, ils ne devraient pas invoquer la planification inclusive, la recherche, les projets pilotes ou la nécessité de mener des réformes législatives pour retarder la réforme du système de santé ou limiter les mesures immédiates propres à faciliter l’inclusion dans la société.

10.Les personnes handicapées qui traversent une crise personnelle ne devraient jamais être placées en institution. Une crise personnelle ne devrait pas être considérée comme un problème médical qui nécessite un traitement ou comme un problème social qui nécessite l’intervention de l’État, une médication forcée ou un traitement forcé.

11.Les stratégies de désinstitutionnalisation devraient viser à mettre fin à toutes les formes d’institutionnalisation, d’isolement et de ségrégation des personnes handicapées, tant dans la sphère privée que dans la sphère publique.

12.L’institutionnalisation ne saurait être considérée comme une forme de protection des enfants handicapés. Tout placement d’un enfant handicapé dans une institution, c’est‑à‑dire en dehors d’un cadre familial, constitue une forme de ségrégation, est préjudiciable à l’enfant et contraire à la Convention. Les enfants handicapés − comme tous les enfants − ont droit à une vie de famille et ont besoin de vivre et de grandir dans une famille au sein de la société.

13.Les États parties devraient sans délai offrir à toute personne handicapée la possibilité de quitter l’institution où elle est placée, annuler toute décision de placement en détention fondée sur des dispositions législatives non conformes à l’article 14 de la Convention, qu’il s’agisse de lois sur la santé mentale ou d’autres lois, et interdire la détention forcée fondée sur le handicap. Ils devraient bloquer immédiatement tout nouveau placement en institution, instaurer des moratoires sur les nouvelles admissions et sur la construction de nouvelles institutions et de nouveaux services, et s’abstenir de restaurer ou de rénover les institutions existantes.

III.Comprendre les éléments clés de la désinstitutionnalisation et en tenir compte

A.Institutionnalisation

14.Les institutions présentent certaines caractéristiques communes : elles imposent à leurs résidents de partager les services de plusieurs assistants et ne leur laissent guère, voire pas du tout, la possibilité de choisir ces personnes ; elles contribuent à l’isolement et à la ségrégation des personnes handicapées, au détriment de leur autonomie de vie et de leur inclusion dans la société ; elles privent les personnes handicapées de la possibilité de décider par elles-mêmes dans la vie de tous les jours ; elles les empêchent de choisir les personnes avec qui elles vivent ; elles leur imposent une routine stricte, qui ne tient pas compte de leur volonté ni de leurs préférences ; elles font participer un groupe de personnes, placé sous une certaine autorité, à des activités identiques en un même lieu ; elles ont une approche paternaliste de la prestation de services ; elles encadrent les conditions de vie ; elles se caractérisent aussi par un nombre disproportionné de personnes handicapées vivant dans le même environnement.

15.L’institutionnalisation des personnes handicapées renvoie à tout placement en détention au motif du handicap, seul ou en conjonction avec d’autres motifs tels que les « soins » ou le « traitement ». Parmi les institutions dans lesquelles les personnes handicapées sont détenues figurent notamment, mais pas seulement, les établissements de soins sociaux, les établissements psychiatriques, les hôpitaux de long séjour, les maisons de retraite, les unités sécurisées pour personnes en situation de démence, les internats spécialisés, les centres de réadaptation autres que les centres de proximité, les foyers de transition, les foyers collectifs, les foyers de type familial pour enfants, les foyers de vie protégés, les établissements de psychiatrie médico-légale, les foyers temporaires, les foyers pour personnes atteintes d’albinisme, les « colonies pour lépreux » et d’autres structures collectives.

16.Toutes les institutions, y compris celles qui sont gérées et contrôlées par des acteurs non étatiques, doivent être incluses dans les plans de désinstitutionnalisation. L’absence, la modification ou la suppression d’un ou de plusieurs de ses éléments constitutifs ne peut être invoquée pour qualifier une institution de lieu permettant l’inclusion dans la société. Ce principe s’applique notamment aux lieux dans lesquels des adultes handicapés restent soumis à une prise de décisions substitutive ou à un traitement obligatoire, ou doivent partager les services de plusieurs assistants ; aux établissements ancrés « dans la société » où les prestataires de services imposent une routine et empêchent toute autonomie ; ou encore aux « foyers » dans lesquels un même prestataire de services gère à la fois le logement et l’accompagnement.

17.Les États parties devraient reconnaître que l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société supposent un cadre de vie excluant toute forme d’institutionnalisation, conformément à l’article 19 de la Convention. Quels que soient sa taille, son objet ou ses caractéristiques, et quelle que soit la durée du placement ou de la détention, une institution ne saurait en aucun cas être considérée comme conforme à la Convention.

18.Les personnes handicapées peuvent être surreprésentées dans d’autres lieux de détention tels que les prisons, les espaces ségrégués dans les camps de réfugiés et les foyers pour migrants, les foyers pour sans-abri et les camps de prière. Les États devraient garantir le respect des droits des personnes handicapées dans les autres lieux de détention et mettre fin aux pratiques discriminatoires fondées sur le handicap.

B.Désinstitutionnalisation

19.La désinstitutionnalisation fait intervenir des processus interconnectés qui ont pour principal objectif de permettre aux personnes handicapées de retrouver leur autonomie, leur liberté de choix et le contrôle des décisions concernant leur mode de vie, leur lieu de résidence et les personnes avec qui elles vont vivre.

20.La désinstitutionnalisation devrait être confiée aux personnes handicapées, y compris à celles qui subissent l’institutionnalisation, et non aux personnes qui administrent des institutions ou en perpétuent l’existence. Les pratiques telles que la rénovation des locaux, l’ajout de lits supplémentaires, le remplacement d’institutions de grande capacité par des structures plus petites, le changement de nom ou l’application de normes comme le principe de la solution la moins contraignante dans la législation sur la santé mentale, sont contraires à l’article 19 de la Convention et devraient être évitées.

C.Respect du droit de choisir et de la volonté et des préférences de chacun et chacune

21.L’autonomie de vie et l’inclusion dans la société exigent que chaque personne dispose d’une pleine capacité juridique et puisse bénéficier de différentes possibilités de logement, d’accompagnement et de services qui soient accessibles et lui permettent de reprendre le contrôle de sa vie. La liberté de choix suppose qu’il soit dûment tenu compte des décisions prises par les personnes handicapées, y compris les femmes handicapées et les personnes âgées handicapées, ainsi que des capacités en constante évolution des enfants handicapés. Les États parties devraient offrir diverses solutions aux personnes qui quittent une institution et veiller à ce qu’elles aient accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour prendre des décisions.

D.Accompagnement de proximité

22.Les États parties devraient, en priorité et sans délai, s’attacher à proposer des services d’accompagnement individualisé et des services ordinaires inclusifs de proximité, diversifiés et de grande qualité.

23.L’autonomie de vie et l’inclusion dans la société exigent que toutes les personnes handicapées disposent, sur la base de leurs propres choix, de l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour accomplir les tâches quotidiennes et participer à la vie de la société. L’accompagnement doit être individualisé, personnalisé et offert sous diverses formes, au choix de la personne intéressée. Il englobe à la fois un large éventail de services d’aide formelle et des réseaux communautaires informels.

24.Les personnes handicapées devraient disposer du soutien nécessaire pour exercer leur capacité juridique et choisir les services d’accompagnement de proximité dont elles ont besoin, gérer la prestation de ces services et y mettre fin quand elles le souhaitent. L’accompagnement nécessaire à l’exercice de la capacité juridique peut être fournie sous la forme d’un service financé par l’État ou par l’intermédiaire des réseaux informels de la personne concernée.

25.Les services d’accompagnement nécessaires à l’autonomie de vie devraient être disponibles, accessibles, acceptables, abordables et adaptables.

26.Les services d’accompagnement englobent l’aide personnelle, l’entraide, l’aide aux enfants dans le cadre familial, les mesures d’accompagnement d’urgence, l’aide à la communication, l’aide à la mobilité, la fourniture de technologies d’assistance, l’aide à la recherche d’un logement et l’aide ménagère, et d’autres services de proximité. Un accompagnement devrait également être offert pour l’accès aux services ordinaires dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi, la justice et les soins de santé.

27.Les services d’aide personnelle doivent être individualisés, définis en fonction des besoins de chacun et contrôlés par leur bénéficiaire. Les personnes qui bénéficient de ces services devraient pouvoir décider elles-mêmes de la mesure dans laquelle elles les gèrent, en choisissant d’agir en qualité d’employeur ou en faisant appel à divers prestataires de services. Toutes les personnes handicapées devraient avoir accès à une aide personnelle, quel que soit l’accompagnement dont elles ont besoin pour exercer leur capacité juridique. Elles devraient être affiliées à des régimes d’aide personnelle avant de quitter l’institution dans laquelle elles se trouvent, de façon à pouvoir en bénéficier dès leur départ.

28.La définition des services d’accompagnement de proximité, y compris les services d’aide à domicile et autres services d’appui, et de l’aide personnelle devraient permettre d’éviter l’émergence de nouveaux services ségrégués tels que les logements collectifs (y compris les petits foyers collectifs), les ateliers protégés, les institutions offrant des services de prise en charge de répit, les foyers temporaires et les centres de soins de jour, ou les mesures coercitives comme les injonctions de soins, qui ne sont pas des services de proximité.

E.Allocation de fonds et de ressources

29.Les investissements dans les institutions, y compris les dépenses de rénovation, devraient être interdits. Les investissements devraient être consacrés à la libération immédiate des résidents et à la fourniture de tout service d’accompagnement adapté et nécessaire à leur autonomie de vie. Les États parties devraient s’abstenir de faire croire que des personnes handicapées « choisissent » de vivre en institution, et se garder d’utiliser des arguments similaires pour justifier le maintien des institutions.

30.Les États parties devraient arrêter d’affecter des fonds publics à la construction et à la rénovation d’institutions et se servir plutôt de ces fonds, y compris ceux qui proviennent de la coopération internationale, à la pérennisation des systèmes d’accompagnement de proximité et des services ordinaires inclusifs.

31.Les États parties devraient prévoir à l’intention des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, qui quittent une institution un ensemble complet de mesures compensatoires, consistant en des versements en espèces et en l’apport de produits de la vie quotidienne, de bons alimentaires, de dispositifs de communication ainsi que d’informations sur les services disponibles, qui seraient applicables dès leur sortie. Cet ensemble de mesures devrait apporter aux personnes handicapées qui quittent une institution la sécurité, l’accompagnement et la confiance dont elles ont besoin pour récupérer, demander de l’aide en cas de besoin et avoir un niveau de vie adéquat dans la société, sans craindre de devenir sans-abri ou de vivre dans la pauvreté.

F.Logement accessible

32.Les États parties devraient garantir aux personnes qui quittent une institution un logement sûr, accessible et d’un coût abordable, ancré dans la société, au moyen de programmes de logements publics ou d’allocations de logement. Le fait de regrouper les personnes qui quittent une institution dans des logements collectifs ou dans certains quartiers, ou de subordonner l’accès à un logement à la fourniture de services médicaux ou de services d’accompagnement, n’est pas conforme aux articles 18 (par. 1) et 19 de la Convention. Les personnes qui quittent une institution devraient jouir du droit de conclure des contrats de location ou de propriété juridiquement contraignants. L’accès au logement ne devrait pas dépendre du système de santé mentale ou d’autres prestataires de services ayant géré des institutions, ni être subordonné à l’acceptation d’un traitement médical ou de services d’accompagnement déterminés.

33.La mention des services en établissement à l’article 19 de la Convention ne saurait être utilisée pour justifier le maintien des institutions. Le terme « services en établissement » renvoie aux services d’accompagnement de proximité visant à garantir l’égalité et la non‑discrimination dans l’exercice par les personnes handicapées de leur droit à un logement convenable. Les services en établissement correspondent, entre autres, aux services de logement social, d’habitat groupé co-géré, de mise en relation gratuite et d’aide à la dénonciation des cas de discrimination dans l’accès au logement. Pour être considéré comme convenable, un logement doit, au minimum, répondre à certains critères concernant la sécurité d’occupation garantie par la loi, la mise à disposition de services, d’équipements, de locaux et d’infrastructures, l’accessibilité économique, l’habitabilité, l’accessibilité physique, l’emplacement et le respect du milieu culturel.

G.Participation des personnes handicapées à la désinstitutionnalisation

34.Les États parties devraient associer étroitement les personnes handicapées et les organisations qui les représentent à toutes les étapes de la désinstitutionnalisation, conformément aux articles 4 (par. 3) et 33 de la Convention, en accordant une attention particulière aux vues des personnes qui quittent une institution ou qui ont survécu à un placement en institution et aux organisations qui les représentent. Les prestataires de services, les organisations caritatives, les groupes professionnels et religieux, les syndicats et les personnes qui ont un intérêt, financier ou autre, à maintenir les institutions ouvertes devraient être empêchés d’influer sur la prise de décisions relatives à la désinstitutionnalisation.

35.Les personnes handicapées qui vivent en institution, qui ont survécu à un placement en institution ou qui sont particulièrement exposées à un placement en institution devraient recevoir un accompagnement et des informations sous des formes accessibles, propres à faciliter leur pleine participation à la désinstitutionnalisation.

36.Les États parties devraient mettre en place des procédures de planification ouvertes et inclusives, et faire en sorte que le public comprenne les dispositions de l’article 19 de la Convention, les méfaits de l’institutionnalisation et la nécessité de réformer le système en place. De telles procédures devraient prévoir la diffusion d’informations auprès du grand public, des personnes handicapées, des membres de leur famille, des décideurs et des prestataires de services, ainsi que d’autres activités de sensibilisation.

IV.Une désinstitutionnalisation respectueuse de la dignité et de la diversité des personnes handicapées

37.Toutes les personnes handicapées ont le droit de vivre dans la société ; le fait de décider que certaines personnes ne peuvent pas vivre de façon autonome et devraient être maintenues dans une institution est constitutif de discrimination. Il se peut que des personnes qui ont été privées de leur droit de prendre des décisions ne se sentent d’abord pas à leur aise lorsqu’elles sont invitées à vivre de manière autonome dans la société, même si elles bénéficient d’un accompagnement. Beaucoup d’entre elles n’ont pas connu d’autre cadre de vie que l’institution. Les États parties devraient être tenus responsables de la limitation du développement personnel des personnes placées en institution et s’abstenir de créer de nouveaux obstacles à la désinstitutionnalisation en associant les personnes handicapées aux notions de « vulnérabilité » ou de « faiblesse ». La désinstitutionnalisation devrait tendre à restaurer la dignité des personnes handicapées et à reconnaître leur diversité. L’évaluation des capacités d’autonomie au regard du handicap est discriminatoire et devrait être remplacée par une évaluation des besoins individuels et des obstacles à une vie autonome dans la société.

38.La participation des membres de la famille à la sortie de l’institution devrait être subordonnée au consentement exprès de la personne handicapée concernée, s’il s’agit d’un adulte. Certaines personnes handicapées préfèrent recevoir l’aide d’un proche, en complément ou en remplacement des services publics. Lorsqu’une personne choisit de recevoir l’appui de membres de sa famille, les États parties devraient veiller à ce que ceux‑ci aient accès à une aide financière, sociale et autre suffisante pour remplir leur rôle d’aidant. L’aide de l’État aux familles devrait être accordée dans le plein respect du libre arbitre et du droit de regard de la personne handicapée quant au type d’aide souhaité et à la manière de l’utiliser. L’aide aux familles ne saurait inclure une quelconque forme de placement en institution, même pour une courte durée. Elle devrait permettre aux personnes handicapées d’exercer leur droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société.

A.Intersectionnalité

39.Les États parties devraient adopter une approche intersectionnelle pour lutter contre la discrimination, la ségrégation, l’isolement et les autres formes de mauvais traitements dont les personnes handicapées qui vivent en institution ou qui quittent une institution peuvent faire l’objet. L’identité des personnes handicapées présente de multiples facettes, le handicap n’étant qu’une caractéristique parmi d’autres : la race, le sexe, l’identité de genre, l’expression du genre, l’orientation sexuelle, les caractéristiques sexuelles, la langue, la religion, l’origine ethnique, autochtone ou sociale, le statut de migrant ou de réfugié, l’âge, le groupe de déficience, les convictions politiques ou autres, l’expérience de l’emprisonnement ou tout autre statut, sont autant de caractéristiques qui se recoupent pour façonner l’identité d’une personne. L’intersectionnalité joue un rôle important dans les expériences vécues par toutes les personnes handicapées.

40.La discrimination fondée sur le handicap peut se produire, que les personnes visées soient ou non placées en institution explicitement au motif de leur handicap. Une discrimination multiple et une discrimination de droit et de fait peuvent également être observées dans la société lorsque l’absence de services d’accompagnement contraint des personnes handicapées à vivre dans une institution.

41.Les États parties devraient veiller à ce que l’intersectionnalité soit prise en considération à tous les stades de la désinstitutionnalisation, en particulier lors des activités de planification, d’exécution des décisions et de suivi, des activités de mise en place de systèmes d’accompagnement de proximité et de services ordinaires inclusifs, et des activités visant à garantir la participation des personnes handicapées tout au long du processus, et ce, en tenant compte du genre et de l’âge. Les États parties devraient aussi lutter contre le racisme structurel afin de prévenir la discrimination et l’institutionnalisation fondées sur la race et l’origine ethnique, en plus du handicap.

B.Femmes et filles handicapées

42.Les États parties devraient considérer que les femmes et les filles handicapées font l’objet d’une discrimination multiple, fondée sur le genre et le handicap, et qu’elles ne constituent pas un groupe homogène. Les femmes handicapées sont plus susceptibles que les autres femmes d’être soumises à la violence, à l’exploitation et à la maltraitance, ainsi qu’à la violence fondée sur le genre et à des pratiques néfastes, comme la contraception, l’avortement et la stérilisation sans consentement, pendant leur placement en institution. Elles se voient refuser plus souvent que les hommes handicapés et plus souvent que les autres femmes le droit d’exercer leur capacité juridique, ce qui entraîne un déni du droit d’accéder à la justice, d’exercer leur libre arbitre et de vivre de manière autonome. Ces risques devraient être pris en compte lors de la conception et de la mise en application des programmes de désinstitutionnalisation.

C.Enfants et adolescents handicapés

43.Dans le cas des enfants handicapés, la désinstitutionnalisation devrait tendre à la protection du droit à une vie de famille, dans le respect de leur intérêt supérieur. En l’espèce, le droit à l’inclusion dans la société est avant tout le droit de grandir dans un milieu familial.Or, une institution se définit comme tout lieu de placement autre qu’un cadre familial. Les foyers collectifs, grands ou petits, sont particulièrement dangereux pour les enfants. Les normes internationales qui justifient ou encouragent le maintien de soins en institution sont contraires à la Convention et devraient être mises à jour.

44.Les États parties devraient garantir à tous les enfants handicapés le droit à une vie de famille. Par « famille » on entend des parents mariés ou non mariés, des parents célibataires, des parents de même sexe, une famille adoptive, des proches, une fratrie, une famille élargie, une famille de remplacement ou une famille d’accueil. Un milieu et un mode de vie sains devraient permettre à l’enfant d’établir une relation stable avec un adulte chargé de s’occuper de lui ; tout devrait être fait pour éviter à l’enfant qui ne vit pas avec sa famille d’origine de subir de multiples placements. Les fonds internationaux ne devraient pas servir à financer des orphelinats, des soins en institution, des foyers collectifs ou des villages d’enfants.

45.Les enfants placés en institution au motif de leur déficience réelle ou perçue, de leur pauvreté, de leur appartenance ethnique ou de toute autre affiliation sociale sont susceptibles de développer des déficiences, ou de connaître une aggravation de celles qu’ils ont déjà, en raison de ce placement. L’aide aux enfants handicapés et à leur famille devrait être prévue dans les programmes d’aide ordinaires offerts à tous les enfants. Dans le cas des enfants et des adolescents, l’entraide est essentielle à une pleine inclusion dans la société.

46.Même un placement de courte durée en dehors d’une famille peut causer de grandes souffrances, des traumatismes et des incapacités émotionnelles et physiques. Éviter le placement d’enfants en institution doit donc être une priorité. Des possibilités de placement en famille, assorties d’un soutien financier et d’autres formes d’aide, devraient être mises en place pour tous les enfants handicapés. Le maintien dans la famille d’origine devrait être envisagé avant tout autre placement en milieu familial.

47.L’article 23 (par. 4) de la Convention interdit de séparer un enfant de ses parents en raison de son handicap ou du handicap de l’un ou des deux parents. Les États parties devraient apporter aux parents handicapés les mesures d’accompagnement et les aménagements raisonnables dont ils ont besoin pour que leurs enfants ne soient pas placés en institution et mettre en place des systèmes inclusifs de protection de l’enfance.

48.Les enfants handicapés ont le droit, comme tous les enfants, d’être entendus sur les questions qui les concernent, leurs opinions étant dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité, sans discrimination fondée sur le handicap ou le genre, et ont aussi le droit d’obtenir pour l’exercice de ce droit un accompagnement adapté à leur handicap et respectueux des questions de genre. Un accompagnement et des aménagements doivent être prévus pour que les enfants et les adolescents handicapés puissent exprimer leur volonté et leurs préférences, être consultés sur les questions de choix personnel et participer à l’élaboration des politiques publiques. Les parents, les proches et les aidants, qui peuvent jouer un rôle important lorsqu’il s’agit de permettre à l’enfant handicapé d’exprimer ses opinions, devraient tenir compte de l’avis de l’enfant.

49.Les enfants et adolescents handicapés ne peuvent pas « choisir » de vivre dans une institution. Les jeunes handicapés devraient avoir la possibilité de choisir où et avec qui ils vivent, étant entendu qu’un cadre de vie propice à l’autonomie est un cadre de vie excluant toute forme d’institutionnalisation.

50.Les États parties devraient développer et garantir l’accès des enfants et des adolescents handicapés à des services d’accompagnement de proximité, y compris des services d’aide personnelle et d’entraide. Les systèmes éducatifs devraient être inclusifs. Les États parties devraient inclure les enfants handicapés dans les écoles ordinaires, et prévenir le placement dans des écoles ségréguées, qui compromet l’inclusion dans la société et, partant, accroît les pressions au placement des enfants en institution.

51.Afin de prévenir le placement des enfants en institution, des informations accessibles devraient être mises à la disposition des familles et des enfants. Ces informations devraient être présentées sous des formes multiples et conviviales, dans les écoles, les foyers sociaux, les cabinets médicaux, les établissements de santé, les centres de ressources pour les parents et les institutions religieuses. Il convient également de former les professionnels concernés, y compris les professionnels de la protection de l’enfance, au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme pour éviter qu’ils conseillent aux familles de placer leur enfant en institution ou qu’ils les engagent à le faire.

D.Personnes âgées handicapées

52.Tout processus de désinstitutionnalisation devrait inclure les personnes âgées handicapées, y compris les personnes âgées en situation de démence qui sont placées ou qui risquent d’être placées en institution, et s’appliquer non seulement aux établissements réservés aux personnes handicapées, mais aussi à d’autres structures pour personnes âgées, dont les villages pour personnes en situation de démence. Les États parties devraient protéger les personnes âgées handicapées contre toute discrimination dans l’accès à des mesures d’accompagnement et des services dans la communauté et à leur propre domicile.

V.Cadres juridiques et stratégiques propices à la désinstitutionnalisation

53.Les États parties devraient abroger les lois et règlements et modifier ou abolir les coutumes et pratiques qui empêchent les personnes handicapées d’exercer leur droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société. Des cadres juridiques et stratégiques devraient permettre la pleine inclusion de toutes les personnes handicapées et orienter les programmes de désinstitutionnalisation jusqu’à la fermeture des institutions. Ces cadres devraient également permettre le développement de systèmes d’accompagnement de proximité et de services ordinaires inclusifs ainsi que l’instauration d’un mécanisme de réparation, et garantir la disponibilité et l’accessibilité de recours utiles pour les personnes ayant survécu à un placement en institution. Les États parties devraient partir du principe que l’absence de réforme juridique globale n’excuse pas l’inaction.

A.Instauration d’un environnement juridique propice à la désinstitutionnalisation

54.Un environnement juridique propice à la désinstitutionnalisation suppose la reconnaissance sur le plan législatif du droit qu’ont toutes les personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, y compris le droit à une assistance personnelle, aux côtés des droits fondamentaux ci-après.

1.Droit à la capacité juridique

55.Une réforme de la législation sur la capacité juridique, conforme aux prescriptions de l’observation générale no 1 (2014), devrait être menée sans délai et de front avec la désinstitutionnalisation. Lorsque des personnes handicapées, y compris des personnes placées en institution, sont soumises à une tutelle, à des injonctions de soins de santé mentale ou à d’autres dispositifs de prise de décisions substitutive, ces mesures devraient être immédiatement levées. Pour empêcher tout traitement forcé en matière de santé mentale, il est indispensable de recueillir l’expression sans équivoque, libre et éclairée du consentement de la personne concernée. L’effectivité du droit qu’ont les personnes handicapées placées en institution de prendre des décisions devrait être respectée dans le cadre de la désinstitutionnalisation. Les personnes placées en institution devraient se voir offrir les aménagements et l’accompagnement dont elles ont besoin pour exercer leur capacité juridique, et ce, dans le plein respect de leur volonté et de leurs préférences. Elles devraient continuer de bénéficier de cet accompagnement, s’il y a lieu, après leur établissement dans la société.

2.Droit d’accès à la justice

56.L’accès à la justice, en particulier pour les femmes et les filles vivant en institution ou quittant une institution qui subissent des actes de violence fondée sur le genre, joue un rôle clé dans la désinstitutionnalisation. Il convient de lever, dans tous les domaines juridiques, les obstacles à l’accès à la justice pour les personnes handicapées, y compris celles qui vivent en institution − que ces obstacles soient environnementaux, comportementaux, juridiques, procéduraux ou de l’ordre de la communication. Des aménagements procéduraux tels que l’accès à des documents sous une forme facile à lire et à comprendre (FALC) et en langue simplifiée doivent être mis à disposition. La capacité d’ester en justice et la fourniture de services de représentation juridique gratuits et accessibles devraient être garanties. Les États parties doivent réformer le droit pénal et le droit procédural afin que les personnes handicapées ne puissent plus être déclarées dans l’incapacité de participer à un procès ou être tenues pénalement irresponsables. Ils devraient veiller à ce que la législation et les procédures judiciaires en place tiennent compte du droit qu’ont les personnes handicapées de témoigner et de se présenter comme témoins devant les tribunaux, et à ce que les personnes placées en institution aient le droit effectif d’appeler la police et de déposer plainte au pénal pendant leur séjour en institution.

57.Lorsque des enfants ou des adultes placés en institution ne sont pas en mesure de déposer plainte eux-mêmes, les institutions nationales des droits de l’homme et les organisations nationales de défense des droits de l’homme peuvent être autorisées à engager une action en justice. Cette autorisation ne devrait être accordée qu’avec le consentement libre et éclairé de la personne concernée ou, si les droits de cette personne sont en jeu et qu’il n’a pas été possible d’obtenir son consentement malgré de réels efforts, au regard de la meilleure interprétation qui peut être faite de sa volonté et de ses préférences. La remise en liberté des personnes détenues en raison de leur handicap et la prévention de nouvelles mises en détention sont des obligations immédiates, qui ne peuvent faire l’objet de procédures judiciaires ou administratives discrétionnaires.

3.Droit à la liberté et à la sûreté de sa personne

58.Toutes les dispositions législatives qui autorisent la privation de liberté ou d’autres restrictions à la liberté et à la sûreté de la personne au motif d’une déficience, y compris l’internement ou le traitement sans consentement en raison d’une « maladie mentale » ou d’un « trouble mental » devraient être abrogées. Les mesures de sécurité appliquées dans le cadre de procédures pénales, la tutelle et les autres formes de régimes de prise de décisions substitutive, ainsi que les dispositions relatives à l’hospitalisation psychiatrique, y compris celle des enfants, devraient être abrogées. Les États parties devraient fournir une aide d’urgence aux personnes handicapées pour leur permettre de quitter les lieux où elles sont détenues arbitrairement.

4.Droit à l’égalité et à la non-discrimination

59.Les États parties devraient reconnaître dans la loi que le placement en institution au motif du handicap, considéré seul ou en conjonction avec d’autres motifs, constitue une forme de discrimination prohibée.

B.Cadre et ressources juridiques

60.Le recensement en bonne et due forme des lois, des cadres réglementaires, des politiques, des budgets, des structures de services formels, des services d’accompagnement de proximité informels, des nouveaux éléments d’accompagnement et des effectifs concernés est une étape essentielle pour engager une réforme exhaustive et éclairée de la législation et des politiques à l’appui de la désinstitutionnalisation. Ce recensement devrait être entrepris dans le but d’accélérer la désinstitutionnalisation et non de retarder la fermeture des institutions.

1.Législation

61.Les sources primaires, secondaires, réglementaires et autres sources du droit devraient, quels que soient les domaines visés, être systématiquement examinées afin de : a) recenser les dispositions qui facilitent ou permettent l’institutionnalisation au motif du handicap, en vue de leur abolition ; b) mettre au jour les lacunes dans la reconnaissance juridique et l’applicabilité du droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, et des droits connexes, afin de présenter des propositions législatives visant à les corriger ; c) faire en sorte que les personnes handicapées disposent de recours juridiques utiles contre l’institutionnalisation et la discrimination fondées sur le handicap, y compris contre l’absence d’aménagement raisonnable ou de service d’accompagnement de proximité.

62.Parmi les textes législatifs qui doivent être harmonisés avec la Convention figurent notamment les dispositions juridiques régissant la capacité juridique, les lois sur le handicap, les lois sur la lutte contre la discrimination, les lois sur la famille, les lois sur la santé, les lois civiles, les lois régissant la fourniture de prestations sociales aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées, et la législation sur la protection sociale. Ces textes devraient être revus à la lumière de la Convention et des observations générales du Comité. Les dispositions des lois relatives à la santé mentale qui autorisent le placement en institution des personnes handicapées devraient être abrogées.

2.Cadre institutionnel et situation des personnes vivant en institution

63.Les institutions existantes devraient être recensées. Les États parties devraient déterminer de quels moyens de financement les institutions bénéficient actuellement et réaffecter les fonds à des services qui répondent aux besoins exprimés par les personnes handicapées. De même, il serait judicieux de déterminer quelles relations importantes une personne entretient et à quels réseaux elle est rattachée, car ces informations peuvent aider, sous réserve de la volonté et des préférences de la personne visée, à planifier l’appui dont celle-ci a besoin et à développer ou adapter les divers éléments des services d’accompagnement et des services ordinaires de proximité.

3.Services de proximité

64.Tous les services de proximité existants devraient être recensés. Les services qui sont ségrégués, médicalisés ou qui ne prennent pas en considération la volonté et les préférences des personnes handicapées devraient être supprimés. La planification devrait garantir la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité, le caractère abordable et l’adaptabilité de services de proximité diversifiés et de grande qualité.

4.Déterminer les nouveaux éléments à apporter aux systèmes d’accompagnement

65.En étroite concertation avec les organisations de personnes handicapées, les États parties devraient :

a)Établir les lacunes des services d’accompagnement des personnes handicapées et déterminer les nouvelles structures de services à mettre en place ;

b)Élaborer, mettre en place et évaluer des projets pilotes ;

c)Veiller à ce qu’il existe un large éventail de mécanismes et de services d’accompagnement de proximité et à ce que toutes les personnes handicapées, y compris les personnes qui nécessitent un accompagnement plus poussé et celles qui utilisent des formes de communication non verbales, puissent planifier et diriger leur propre accompagnement ; veiller aussi à ce que les familles d’enfants handicapés bénéficient d’un accompagnement équivalent à celui offert aux enfants et aux autres personnes handicapées ;

d)Faire en sorte que les services d’accompagnement répondent à la volonté et aux préférences des personnes handicapées ;

e)Veiller à ce que les personnes handicapées, y compris celles qui peuvent avoir besoin d’un accompagnement pour choisir et gérer leur accompagnement, aient réellement le choix et ne soient pas contraintes de choisir entre différents services non conformes à la Convention.

5.Analyse de la main-d’œuvre

66.Les États parties devraient analyser la main-d’œuvre concernée, notamment les tendances démographiques et les tendances relatives à l’emploi et l’incidence que ces tendances peuvent avoir sur la désinstitutionnalisation. Ils devraient établir des priorités dans les améliorations à apporter, en évaluant les moyens d’adapter la main-d’œuvre pour que les personnes handicapées bénéficient de services qui sont conformes à la Convention. Ces services devraient être fournis uniquement sous la direction des personnes handicapées concernées, ou de leurs parents ou tuteurs dans le cas des enfants handicapés, dont l’opinion devra être dûment prise en considération. Les auteurs de violations des droits de l’homme ne devraient pas être autorisés à fournir de nouveaux services.

C.Stratégies de désinstitutionnalisation et plans d’action

67.Les États parties devraient adopter une stratégie de désinstitutionnalisation de qualité, structurée, exhaustive et prévoyant un plan d’action détaillé, lui-même assorti d’échéances, de critères de référence et d’une vue d’ensemble des ressources humaines, techniques et financières nécessaires et allouées. Les États parties devraient agir sans délai au maximum de leurs ressources disponibles. Les stratégies de désinstitutionnalisation requièrent une approche intergouvernementale tout au long de leur mise en application, ce qui implique un leadership et une coordination au niveau des ministères ou des instances équivalentes ayant l’autorité voulue pour engager et mener la réforme législative et pour diriger l’élaboration des politiques, la programmation et la budgétisation. Les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, y compris les organisations d’enfants handicapés et en particulier les organisations de personnes ayant survécu à un placement en institution, devraient être associées et consultées à tous les stades de la désinstitutionnalisation.

68.Une déclaration clairement énoncée des résultats escomptés du processus de désinstitutionnalisation, établie en consultation avec les personnes handicapées, en particulier celles qui ont survécu à un placement en institution, et les organisations qui les représentent, devrait constituer le fondement de toute stratégie et de tout plan d’action visant à la désinstitutionnalisation.

VI.Systèmes, réseaux et services d’accompagnement de proximité inclusifs

A.Systèmes et réseaux d’accompagnement

69.Les systèmes et réseaux d’accompagnement renvoient aux relations qu’une personne établit avec des membres de sa famille, des amis, des voisins ou d’autres personnes de confiance pour l’aider dans sa vie quotidienne ou lors de la prise de décisions, afin de pouvoir exercer son droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société. Les systèmes d’accompagnement sont importants en ce qu’ils permettent aux personnes handicapées de participer à la société en tant que membres à part entière. Ils sont même indispensables à certaines d’entre elles, en particulier aux personnes ayant un handicap intellectuel et aux personnes nécessitant un accompagnement poussé, pour déterminer les services dont elles peuvent avoir besoin.

70.Les États parties devraient agir en faveur des réseaux d’entraide et d’autoreprésentation des personnes handicapées, des cercles d’accompagnement et autres organisations analogues − y compris des organisations de personnes handicapées, en particulier des organisations de personnes handicapées ayant survécu à un placement en institution − et des centres d’aide à l’autonomie. Ils devraient encourager la création de tels dispositifs, leur assurer le soutien financier et l’accès au financement dont ils ont besoin, et élaborer des formations sur les droits de l’homme, la défense des droits des personnes handicapées et les mesures d’accompagnement d’urgence.

71.Les États parties devraient prendre acte de l’existence de dispositifs d’accompagnement informels et faire en sorte que la famille et les proches de personnes handicapées reçoivent la formation et l’aide nécessaires pour fournir à celles‑ci un accompagnement qui soit respectueux de leurs choix, de leur volonté et de leurs préférences. Les personnes handicapées devraient pouvoir bénéficier d’un large choix d’options d’accompagnement, qu’elles souhaitent ou non être accompagnées par leur famille ou leurs proches.

72.Le choix des personnes, des cercles et des réseaux qui fournissent l’accompagnement est réservé aux personnes handicapées, et ne saurait être celui de tierces parties telles que des autorités judiciaires ou médicales, des membres de la famille ou des prestataires de services. Ces personnes, cercles et réseaux devraient respecter la volonté et les préférences des personnes handicapées. Une personne handicapée ne devrait jamais se voir affecter un(e) accompagnant(e) contre son gré.

73.L’entraide devrait être organisée et gérée par les personnes handicapées de manière autonome, hors de toute influence d’institutions et de professionnels de la santé. Elle est particulièrement importante pour les personnes ayant survécu à un placement en institution et contribue à la sensibilisation aux questions de handicap, à la prise de décisions accompagnée, à la mise en place de mesures d’accompagnement et de services de répit d’urgence, à l’autonomie de vie, à l’émancipation, à la création de revenu, à la participation à la vie politique et à la participation aux activités sociales.

74.Les familles de personnes handicapées devraient bénéficier de services qui les aident à accompagner leurs proches, si ceux-ci le souhaitent, dans une vie autonome dans la société. L’accompagnement peut être fourni par divers intervenants, sous réserve de l’aval de la personne handicapée ou des parents ou des tuteurs dans le cas des enfants handicapés, et dans le souci de la continuité et de la qualité. Les États parties devraient tenir compte des structures et mesures d’accompagnement informel telles que les cercles d’accompagnement, l’accompagnement familial et l’entraide, et financer des services d’accompagnement de proximité, par exemple des services de conseil. Ces services ne devraient pas supposer le placement d’enfants ou d’adultes handicapés dans des institutions, même pour de courtes périodes.

B.Services d’accompagnement

75.Les services d’accompagnement devraient être définis selon un modèle fondé sur les droits de l’homme, dans le respect de la volonté et des préférences des personnes handicapées, et avec leur pleine participation, et, si celles-ci le souhaitent, avec le concours de leur réseau d’accompagnement. Afin de déterminer la mesure dans laquelle une personne handicapée a besoin d’être accompagnée pour vivre de manière autonome dans la société, une démarche centrée sur la personne et privilégiant les outils d’auto-évaluation devrait être adoptée. Les États parties ne devraient pas se fonder exclusivement ou principalement sur des critères médicaux pour élaborer de nouveaux outils d’évaluation des besoins, et les professionnels de la santé ne devraient pas se voir accorder un statut prépondérant ou supérieur à celui des autres professionnels qui interviennent dans les évaluations, ni un quelconque pouvoir de décision sur les personnes handicapées.

76.Les États parties devraient faire en sorte que les personnes handicapées se voient offrir des possibilités d’accompagnement de proximité, en dehors du système de santé et en parfait accord avec leur connaissance d’elles-mêmes, de leur volonté et de leurs préférences, sous la forme de services primaires qui ne nécessitent pas l’établissement d’un diagnostic de problème de santé mentale ni l’administration d’un traitement. Ces services devraient aider les personnes handicapées à faire face à un état de détresse ou à des perceptions inhabituelles, y compris une situation de crise, à prendre des décisions à long terme, occasionnellement ou sans délai, à guérir d’un traumatisme ou, plus généralement, à vivre en société et à profiter de la solidarité et de la compagnie des autres.

77.Les services d’accompagnement aux personnes handicapées, parfois fournis dans le cadre d’une réadaptation ou d’un développement inclusif à base communautaire, devraient être rattachés aux services et réseaux de proximité existants. Ils ne devraient pas être un vecteur de ségrégation ni isoler davantage les personnes handicapées. Les centres d’accueil de jour et les emplois protégés sont contraires à la Convention.

78.Les modèles de financement des services d’accompagnement devraient être flexibles et ne pas être limités par « l’offre ». Les États parties devraient investir dans la création et le développement d’un large ensemble de services d’accompagnement propres à répondre aux exigences de personnes variées, dans le respect de leur libre arbitre et de leur droit de regard, voire envisager de concevoir de nouvelles formes d’accompagnement.

79.Les États parties devraient garantir qu’une personne handicapée qui choisit de retourner dans sa famille après un placement en institution continue de pouvoir prétendre à un logement autonome et permanent.

80.L’accompagnement devrait rester soumis au libre arbitre et au droit de regard des personnes handicapées et ne pas être imposé contre leur gré ou fourni d’une manière qui va à l’encontre de leur autonomie, de leur liberté ou du respect de leur vie privée. Les États parties devraient instaurer des mesures de protection à cet effet, y compris des arrangements personnalisés qui tiennent compte de la volonté et des préférences de l’intéressé(e), et permettre aux personnes handicapées de signaler toute atteinte à leurs droits par des moyens accessibles et respectueux de la confidentialité. Les États parties devraient garantir que tous les services d’accompagnement, privés ou publics, se fondent sur des cadres réglementaires et éthiques qui sont conformes à la Convention.

81.Dans le cas des personnes âgées handicapées, l’accompagnement devrait permettre le maintien à domicile, au sein de la société. Les personnes handicapées ne devraient pas être privées d’accès aux mesures d’accompagnement, notamment à l’aide personnelle, en prenant de l’âge. Au contraire, les États parties devraient renforcer les services d’accompagnement de proximité au fil du temps et selon les besoins, sans jamais recourir au placement en institution.

82.Les enfants handicapés peuvent nécessiter des services d’accompagnement particuliers. Les États parties devraient veiller à ce que les services d’accompagnement fournis aux enfants handicapés et à leur famille n’aient pas pour résultat de ségréguer, d’exclure ou de délaisser davantage ces enfants. Au contraire, les services d’accompagnement devraient permettre aux enfants handicapés de s’épanouir pleinement.

C.Services d’accompagnement individualisés

83.Les États parties devraient faire en sorte que toutes les personnes handicapées, y compris celles qui quittent une institution, aient accès à une aide personnelle, si nécessaire, et soient informées du fonctionnement de l’aide personnelle afin de pouvoir décider si elles souhaitent en bénéficier.

84.Les États parties devraient fournir différents types de services d’accompagnement individualisés et centrés sur la personne, par exemple par l’intermédiaire d’accompagnants, de travailleurs sociaux ou de professionnels de l’accompagnement direct, ou dans le cadre de l’aide personnelle.

D.Technologie d’assistance

85.Les États parties devraient accroître et garantir l’accès, à un prix abordable, aux technologies d’assistance, y compris aux dispositifs d’assistance courants et traditionnels, ainsi que l’accès à des technologies et dispositifs d’information et de communication modernes. Lorsque des technologies avancées sont disponibles pour le grand public, les personnes handicapées devraient avoir accès à ces technologies dans des conditions d’égalité avec les autres, sous des formes qui leur sont adaptées.

E.Soutien au revenu

86.Les personnes handicapées devraient recevoir une aide financière directe et individualisée, qui leur assure un revenu de base et couvre les frais de santé et les dépenses liées au handicap, tout en réparant le préjudice qu’elles ont subi en étant placées en institution, selon des modalités en accord avec leur volonté et leurs préférences. Le montant de cette aide devrait être révisé régulièrement afin qu’il continue de permettre aux personnes handicapées de répondre à leurs besoins et de faire face aux situations d’urgence. Il devrait aussi évoluer au rythme des dépenses tout au long de la vie et tenir compte de l’inflation. La mise en place d’options de financement régies par la personne bénéficiaire devrait être facilitée par l’apport d’un soutien administratif et de moyens d’action, par l’entraide et l’autoreprésentation, aux personnes handicapées. Dans le cas des personnes qui quittent une institution, le soutien au revenu devrait être déterminé au regard de leurs nouvelles conditions de vie.

87.Le droit de bénéficier d’un soutien au revenu qui couvre les dépenses liées au handicap ne devrait pas dépendre du revenu général d’un individu ou d’un ménage. Les États parties devraient faire en sorte que toutes les personnes handicapées reçoivent une aide financière suffisante pour vivre de manière autonome, indépendamment de leurs revenus d’activité.

88.Les ressources budgétaires allouées aux services aux personnes handicapées devraient être placées directement sous le contrôle des personnes handicapées, ou de leurs aidants principaux dans le cas des enfants handicapés, et permettre à celles-ci de bénéficier des formes d’accompagnement et des aménagements raisonnables dont elles ont besoin, et de diverses options pour pouvoir décider elles-mêmes de leur lieu de résidence et des personnes avec qui elles souhaitent vivre ainsi que, s’il y a lieu, des services qu’elles recevront, en dehors de toute institution. Les États parties devraient faire en sorte, par le jeu d’incitations financières et au moyen de mesures d’accompagnement, que les personnes handicapées puissent acquérir et gérer des services de proximité. Ils devraient aussi apporter aux personnes handicapées, notamment celles qui nécessitent un accompagnement plus poussé, l’aide dont elles ont besoin pour effectuer les démarches administratives nécessaires à la gestion individuelle de leurs fonds.

89.La situation de pauvreté des personnes handicapées et de leur famille est l’un des principaux facteurs du placement en institution. Les États parties devraient accorder un soutien au revenu général aux adultes handicapés afin qu’ils puissent jouir d’un niveau de vie adéquat, ainsi qu’aux personnes à leur charge et à leurs proches aidants, y compris aux membres de la famille dans le cas des enfants handicapés. L’obtention de ce soutien ne devrait pas être considérée comme incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle. Les personnes qui ont été désavantagées dans leur parcours de vie en raison de leur statut de proche aidant devraient recevoir une aide complémentaire.

VII.Accès aux services ordinaires dans des conditions d’égalité avec les autres

90.Les programmes de désinstitutionnalisation devraient garantir à toutes les personnes handicapées l’accès, à un prix abordable, à divers services ordinaires de qualité, notamment à des fins de mobilité personnelle, d’accessibilité, de communication, de santé, de vie familiale, d’accession à un niveau de vie adéquat, d’éducation inclusive, de participation à la vie politique et à la vie publique, de logement, de protection sociale, et de participation à la vie culturelle, sociale et récréative, aux loisirs et aux sports. Les États parties devraient veiller à ce que l’accès aux services ordinaires soit exempt de toute discrimination et ne soit pas soumis à des conditions, suspendu ou refusé au nom d’évaluations, de l’aide obtenue de la famille ou des services sociaux, de l’observance thérapeutique, d’une quelconque décision établissant la « sévérité » du handicap ou de l’importance perçue des besoins d’accompagnement, d’un « problème de santé mentale » ou de tout autre critère d’exclusion.

91.Les États parties devraient prévenir les placements en institution en rendant les services ordinaires, par exemple dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, disponibles et accessibles à tous au moyen d’aménagements raisonnables.

92.L’accès à des services ordinaires devrait être planifié et garanti, non seulement lorsque la personne handicapée se prépare à quitter l’institution dans laquelle elle a été placée mais aussi une fois qu’elle a fait le choix de vivre dans la société et doit, entre autres, décider de son lieu de résidence. L’accès à des ressources de proximité, à un niveau de vie adéquat et à une protection sociale, devrait être garanti. Les États parties devraient proscrire le recours aux services d’institutions à titre de mesure provisoire ou de première étape vers la vie dans la société.

A.Préparer le départ de l’institution

93.Le processus de désinstitutionnalisation réduit à néant la pratique injuste de l’institutionnalisation. Il débute alors que l’intéressé(e) se trouve encore dans l’institution et prévoit un programme de transition personnalisé. Chaque personne doit jouir des mêmes chances de quitter l’institution dans laquelle elle se trouve et doit pouvoir en partir de son plein gré à tout moment. Le processus de désinstitutionnalisation ne devrait laisser personne de côté, pas même les personnes qui nécessitent un accompagnement plus poussé.

94.Les États parties devraient faire en sorte que le personnel des institutions soit formé à une procédure de désinstitutionnalisation fondée sur les droits de l’homme, visant à la réparation et centrée sur la personne. Les membres de la famille, les amis et autres personnes de confiance devraient être associés aux activités de planification, suivant la volonté et les préférences de l’intéressé(e). Les personnes placées en institution et les personnes ayant survécu à un placement en institution devraient pouvoir compter sur le soutien de pairs, dans le cadre de la planification et de la transition, pour pouvoir devenir des membres à part entière de la société. Les familles dont un membre a été placé en institution devraient recevoir des informations et des conseils, et bénéficier d’un soutien économique et administratif ainsi que de services spécialisés pour remédier au préjudice causé par ce placement et se préparer à offrir à leur proche un accompagnement constructif à sa sortie.

95.Toute personne qui quitte une institution devrait :

a)Pouvoir prendre des décisions, sous réserve de l’accompagnement nécessaire, sur tous les aspects relatifs à son départ de l’institution et les faire respecter ;

b)Se voir accorder le temps et les moyens de se préparer physiquement et émotionnellement à la vie dans la société, étant entendu que les États parties veillent à l’établissement pour chaque personne handicapée d’un programme individualisé qui tient compte de la volonté et des préférences de celle-ci ;

c)Être au cœur de l’élaboration du programme individualisé ;

d)Être respectée en tant que survivante ayant droit à réparation, et recevoir des informations sur les activités de planification et de mise en œuvre de la désinstitutionnalisation, les commissions de vérité et les procédures de réparation, et se voir offrir la possibilité d’y participer pleinement ;

e)Se voir offrir un large éventail d’expériences de vie dans la société, en préparation de son départ de l’institution, pour l’aider à développer ses connaissances empiriques, ses points forts, ses compétences sociales et ses aptitudes à la vie quotidienne, apaiser ses craintes et acquérir des expériences positives de vie autonome ;

f)Être informée des possibilités de logement, de transport, de travail, d’emploi et d’aide financière individualisée et de toute autre mesure nécessaire à l’obtention d’un niveau de vie adéquat.

96.Les États parties devraient lever tous les obstacles à l’enregistrement des naissances et à l’obtention de la nationalité que peuvent rencontrer les personnes qui quittent une institution et délivrer des documents d’identité officiels, dont des documents pour les non‑ressortissants, y compris dans des contextes humanitaires. Cette disposition s’applique à tous les documents, y compris les cartes d’identité nationale, les permis de séjour, les cartes électorales, les permis de travail, les cartes de sécurité sociale, les cartes d’invalidité et les passeports, et prévoit la délivrance de documents avec effet rétroactif, s’il y a lieu. Tous les documents doivent être fournis au moment de la sortie de l’institution. Les États parties devraient faire en sorte que ces documents ne contiennent aucun élément d’identification à caractère discriminatoire ou désobligeant ni ne fassent état du placement en institution dont leur titulaire a fait l’objet, et dans le cas des documents de santé, que les normes de confidentialité et de respect de la vie privée les plus élevées soient appliquées.

97.Les établissements financiers, les assurances et autres fournisseurs de services financiers devraient lever tous les obstacles qui empêchent les personnes handicapées d’exercer leur droit d’être entendues sur des questions financières dans des conditions d’égalité avec les autres. Le fait de soumettre les personnes handicapées à une enquête, un interrogatoire ou un contrôle de leurs antécédents au motif qu’elles ont été placées dans une institution constitue une discrimination et doit être proscrit.

98.Les administrateurs et le personnel des institutions, les professionnels de la justice et les membres des forces de l’ordre devraient recevoir une formation sur le droit des personnes handicapées à l’inclusion dans la société et sur les moyens de communication accessibles. Les États parties devraient interdire la surveillance administrative ou judiciaire des personnes handicapées après leur départ d’une institution. Les administrateurs et le personnel des institutions ne devraient pas assurer la « continuité des soins » à l’extérieur de l’institution.

B.Vivre de manière autonome dans la société

99.Les personnes qui quittent une institution ont besoin de diverses possibilités d’activités quotidiennes, d’expériences personnelles et d’épanouissement social. Les États parties doivent s’acquitter de leurs obligations générales de respecter les droits de ces personnes, sur la base de l’égalité avec les autres, pour ce qui est de l’accessibilité, de la mobilité personnelle, du respect de la vie privée, de l’intégrité physique et mentale, de la capacité juridique, de la liberté, de la non-soumission à la violence, à la maltraitance et à l’exploitation ainsi qu’à la torture et autres mauvais traitements, de l’éducation, de la participation à la vie culturelle et récréative, et de la participation à la vie politique.

100.Les États parties devraient faire mieux connaître les valeurs et les pratiques de l’inclusion dans les familles, les quartiers et les communautés. Ils devraient s’employer à faire participer les personnes handicapées, en particulier celles qui vivent en institution ou qui ont survécu à un placement en institution. Les organisations de proximité, les groupes de quartier et d’autres personnes peuvent contribuer de diverses manières à l’apport d’un accompagnement social, par la mise en relation avec des ressources locales, ou fournir eux‑mêmes un accompagnement en tant que membres de la communauté et composantes du capital social.

101.Les États parties devraient faire en sorte que les personnes qui quittent une institution aient accès à des moyens de transport, puissent circuler librement en ville, à la campagne et dans leur quartier, et puissent utiliser les espaces publics dans des conditions d’égalité avec les autres.

102.Les États parties devraient s’acquitter de leur obligation de garantir l’accessibilité des lieux publics, en veillant notamment à la mise en place de patrouilles propres à répondre aux besoins des personnes handicapées, à l’accessibilité des routes, à l’offre de moyens d’information et de communication pleinement accessibles, par exemple par l’utilisation d’un langage facile à lire et à comprendre, et à la fourniture de services d’accompagnement, afin que les personnes handicapées puissent circuler librement et en toute sécurité dans les zones urbaines, y compris rentrer sans risque dans leur quartier et à leur domicile.

103.Les États parties devraient faire en sorte que les personnes qui quittent une institution aient accès à des soins de santé complets, y compris des soins de santé primaires, des services d’adaptation et de réadaptation, et des technologies d’assistance, dans des conditions d’égalité avec les autres. Les services de santé devraient respecter le choix, la volonté et les préférences de ces personnes, et non adopter le modèle médical du handicap, et leur fournir un accompagnement complémentaire s’il y a lieu. Il peut s’agir de les aider à se sevrer de médicaments psychiatriques ou de les faire bénéficier de programmes de nutrition et d’éducation physique, toujours sous réserve de leur consentement libre et éclairé et dans le but de leur faire recouvrer un bon état général de santé et de bien-être.

104.Les États parties devraient veiller à ce que les personnes qui quittent une institution aient accès à l’emploi dans des conditions d’égalité avec les autres et interdire les emplois protégés ou ségrégués. Ils devraient garantir un cadre juridique et stratégique inclusif, qui supprime les obstacles à l’emploi des personnes handicapées. Pour ce qui est d’exercer leur droit au travail et à l’emploi, les personnes qui quittent une institution devraient se voir proposer diverses possibilités et bénéficier du temps et du soutien nécessaires pour faire leur choix.

105.Les États parties devraient prendre acte que les personnes qui quittent une institution sont exposées à un risque très élevé de tomber dans la pauvreté et de devenir sans-abri. Une solide protection sociale devrait être accordée à toutes les personnes handicapées qui quittent une institution en vue de couvrir les besoins immédiats et à moyen terme liés à leur réinstallation. Un accompagnement économique et social devrait aussi être fourni à vie. Les États parties devraient faire en sorte que les personnes handicapées et les familles d’enfants handicapés aient accès, sur la base de l’égalité avec les autres, aux mesures de protection sociale existantes telles que la pension alimentaire, les allocations de chômage, les allocations de logement, les coupons alimentaires, les prestations de retraite, les programmes de santé publique, la prise en charge des frais de transports en commun et les avantages fiscaux. L’obtention d’une protection sociale ne devrait pas être fonction du traitement suivi, du placement sous tutelle ou de critères d’admissibilité à l’emploi. Les régimes de protection sociale relatifs aux personnes handicapées devraient prévoir la couverture des dépenses liées au handicap.

106.Les personnes qui quittent une institution devraient avoir accès à une éducation inclusive, sans discrimination, et notamment pouvoir suivre une formation continue, achever leur scolarité, faire un apprentissage ou entrer dans l’enseignement supérieur, afin de s’émanciper économiquement et socialement et d’échapper à la ségrégation et au placement en institution. Les États parties devraient faire en sorte que les personnes handicapées qui quittent une institution, y compris les enfants, disposent d’informations sous des formes accessibles, soient mises au courant des possibilités qui leur sont offertes de poursuivre et de terminer leurs études, et soient capables de faire des études suivant leur volonté et leurs préférences.

VIII.Désinstitutionnalisation d’urgence dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire, y compris les conflits

107.Dans les situations d’urgence, dues à des pandémies, des catastrophes naturelles ou des conflits, les États parties devraient redoubler d’efforts pour fermer les institutions. Ils devraient aussi reconnaître que les changements climatiques ont des effets disproportionnés sur les personnes handicapées, en particulier celles qui vivent en institution. Dans les situations d’urgence, il convient de recenser sans délai les personnes handicapées placées en institution et de repérer les personnes handicapées déplacées, les enfants handicapés non accompagnés ou séparés de leurs proches, et les réfugiés handicapés afin de leur éviter d’être placés. Des mesures ciblées s’imposent pour garantir l’inclusion des personnes handicapées dans les opérations d’évacuation, de secours humanitaire et de relèvement ainsi que la pleine accessibilité dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire. Les fonds alloués en réaction à une situation d’urgence et à des fins de relèvement ne devraient pas servir à financer l’institutionnalisation. Au contraire, des dispositions visant à une accélération de la désinstitutionnalisation devraient figurer dans les programmes de relèvement et les stratégies nationales de désinstitutionnalisation, et être appliquées sans délai dans les situations d’urgence.

108.Si les situations d’urgence justifient que des précautions supplémentaires soient prises à l’égard des personnes handicapées, ces précautions ne devraient pas entraîner de modifications dans les mesures immédiates ou les programmes à long terme de désinstitutionnalisation. Même dans une situation d’urgence, les États parties devraient maintenir des normes minimales internationalement admises afin que les personnes handicapées ne soient pas isolées, maltraitées, soumises à une discrimination fondée sur le handicap ni désavantagées dans les protocoles de triage, et qu’elles soient épargnées par les blessures, les maladies et les décès évitables. L’interdiction de détenir une personne en raison de son handicap et le droit des personnes handicapées à la capacité juridique devraient être respectés, y compris dans les situations d’urgence. Les États parties devraient faire en sorte que des services d’accompagnement conformes aux droits de l’homme soient mis à la disposition des personnes handicapées et appliquer les directives du Comité permanent interorganisations sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire. Selon ces directives, le principe de non-discrimination doit être garanti dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire par l’ensemble des programmes et mesures, et les enfants handicapés doivent être pris en considération dans toute initiative visant à retrouver et à réunir les membres d’une même famille.

109.Les programmes des États parties visant à poursuivre et accélérer la désinstitutionnalisation dans les situations d’urgence devraient être élaborés avec la participation des personnes handicapées et des organisations qui les représentent, en particulier des organisations de personnes ayant survécu à un placement en institution. Les États parties et d’autres parties prenantes, dont les acteurs humanitaires, devraient veiller à la participation active des organisations qui, à tous les niveaux, représentent les adultes et enfants handicapés ainsi que les personnes vivant encore en institution, et à la coordination et à la consultation effective avec ces organisations pour la mise en place de mesures de résilience qui tiennent compte de la question du handicap. Ces organisations devraient être associées à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des interventions d’urgence et des programmes et politiques de secours et de relèvement.

110.Dans une situation d’urgence, les personnes handicapées à la santé la plus fragile devraient être les premières à quitter l’institution dans laquelle elles ont été placées.

111.Dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire, les femmes et filles handicapées courent un risque plus élevé que les autres femmes et filles de subir des actes de violence sexuelle et fondée sur le genre, et ont moins de chances d’avoir accès à des services de rétablissement et de réadaptation, et accès à la justice. Elles sont susceptibles de faire l’objet de formes multiples et croisées de discrimination, et d’être placées dans une institution. Les États parties devraient garantir que les lois, les politiques et les programmes relatifs à la préparation aux situations d’urgence, à la riposte et au relèvement tiennent compte des personnes handicapées selon une approche intersectionnelle. Cela suppose notamment, mais pas seulement, un accès prioritaire aux programmes de secours inclusifs, aux services de santé, aux services de santé sexuelle et procréative, aux services d’adaptation et de réadaptation, aux dispositifs d’assistance, à l’aide personnelle, au logement, à l’emploi et aux services de proximité.

112.Les programmes de préparation aux situations d’urgence, de riposte et de relèvement devraient être conformes aux principes de la Convention, assortis de délais précis, dotés de ressources suffisantes et d’un personnel qualifié, et inscrits au budget ; ils devraient établir clairement les responsabilités des différents acteurs. La désinstitutionnalisation devrait figurer dans les protocoles nationaux d’urgence, de même que, mais pas seulement, des scénarios d’évacuation et l’offre de services de téléassistance faisant appel à des technologies d’information et de communication accessibles. Les États parties devraient faire en sorte que l’aide humanitaire soit distribuée de manière accessible et sans discrimination, et que, dans les abris d’urgence et les camps de réfugiés, de demandeurs d’asile et de personnes déplacées, les installations sanitaires soient accessibles aux personnes handicapées. Les stratégies nationales de relèvement devraient prévoir des mesures visant à prévenir l’exploitation sexuelle, la maltraitance et le harcèlement et à protéger contre ces actes ainsi que des mesures visant à garantir l’égalité des genres.

113.Les États parties devraient faire en sorte que les institutions ne soient pas reconstruites ou réintégrées par leurs occupants une fois la situation d’urgence terminée. Ils devraient veiller à fournir des ressources financières et humaines suffisantes pour que les personnes handicapées ne soient pas laissées pour compte dans les mesures de riposte et de relèvement, par exemple en réaffectant les fonds alloués aux institutions à des services d’accompagnement de proximité. Les réfugiés et déplacés ne devraient pas réintégrer leur institution une fois que la situation d’urgence a pris fin ou que le conflit s’est apaisé. Les États parties devraient faire en sorte que les réfugiés handicapés bénéficient des services ordinaires d’assistance sociale et à des aménagements raisonnables, s’il y a lieu.

114.Dans le cadre de la préparation aux situations d’urgence, et pendant les situations d’urgence, les États parties devraient veiller à utiliser et à recueillir des données ventilées. La réduction des risques de catastrophe suppose l’adoption d’une stratégie multirisque et d’un processus décisionnel inclusif et éclairé, basé sur le libre échange et la diffusion de données ventilées, notamment par sexe, âge et type de handicap, et d’informations accessibles sur les besoins d’accompagnement des personnes handicapées tout au long du cycle des programmes d’action humanitaire. Les mêmes données et informations sont nécessaires en ce qui concerne les personnes vivant en institution ou sur le point de quitter une institution.

IX.Voies de recours et réparations

115.Les États parties devraient reconnaître que l’institutionnalisation, sous toutes ses formes, constitue à maints égards une violation des droits consacrés par la Convention. L’institutionnalisation peut être assortie de facteurs aggravants tels que le refus d’une réparation effective, la longue durée du placement en institution, la réalisation d’interventions médicales forcées ou la commission d’autres faits de violence ou de maltraitance et actes inhumains et dégradants.

116.Les États parties devraient s’engager à recenser les placements en institution et à réparer le préjudice en découlant, conformément à leurs obligations internationales, en particulier au regard de la Convention, des Principes et directives internationaux sur l’accès à la justice des personnes handicapées, des directives du Comité relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées, des Principes de base et lignes directrices des Nations Unies sur les voies et procédures permettant aux personnes privées de liberté d’introduire un recours devant un tribunal, et des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit internationalhumanitaire.

117.Les États parties devraient créer un mécanisme qui sensibilise au préjudice causé par toute forme d’institutionnalisation, détermine la nature et l’ampleur de ce préjudice et formule des recommandations en vue d’une réforme des lois et politiques. Ils devraient fournir des moyens individualisés, accessibles, efficaces, rapides et participatifs d’accéder à la justice aux personnes handicapées qui souhaitent obtenir réparation et bénéficier de mesures de justice restaurative ou de toute autre procédure d’établissement des responsabilités. Les autorités et les experts impliqués dans l’institutionnalisation ne devraient pas intervenir dans la création ou la mise en œuvre de mécanismes de réparation ; en revanche, ils devraient être invités à assumer leurs responsabilités.

118.Les mécanismes de réparation devraient tenir compte de toutes les formes de violation des droits de l’homme résultant du placement de personnes handicapées dans une institution. La réparation devrait être à la mesure des violations subies et de leurs répercussions sur la vie de l’intéressé(e) pendant et après son séjour en institution, y compris des préjudices concomitants, consécutifs et intersectionnels.

119.Les États parties devraient mettre en place un mécanisme chargé de présenter des excuses officielles aux personnes ayant survécu à un placement en institution, à l’issue de négociations avec tous les groupes qui représentent des personnes handicapées ayant été placées dans une institution, et prévoir des mesures supplémentaires, dans les domaines de l’éducation, de l’histoire et de la culture, en vue d’améliorer la situation de ces survivants dans tous les aspects de la société. Les États parties devraient faire en sorte que les personnes ayant survécu à un placement en institution reçoivent automatiquement une indemnité d’un montant proportionnel à la douleur, à la souffrance et aux préjudices qu’elles ont subis du fait de leur placement. Cette indemnisation ne remet pas en question les droits de chacun d’engager des poursuites et de recourir à d’autres moyens d’accès à la justice.

120.La réparation accordée devrait aller au-delà de l’indemnisation et s’étendre à la restitution, à l’adaptation et la réadaptation − ce qui pourra recouvrir des mesures visées à l’article 26 de la Convention ainsi que des services juridiques et sociaux propres à faciliter l’établissement dans la société et la jouissance de tous les droits et avantages associés, y compris des services de santé et des thérapies tendant à réparer le préjudice causé par le placement en institution − et devrait s’accompagner de garanties de non‑répétition. Les législateurs devraient ériger en infractions pénales la détention de personnes au motif de leur handicap, l’institutionnalisation et toute forme de torture et de mauvais traitements à l’égard des personnes handicapées. Les mesures de restitution, d’adaptation et de réadaptation devraient être adaptées aux besoins de la personne lésée, proportionnelles aux pertes ou privations que celle-ci a subies et propres à répondre à ses aspirations et désirs immédiats et à plus long terme, tels que le rétablissement de ses relations avec ses enfants ou sa famille d’origine ou la récupération de ses biens.

121.Des commissions de vérité devraient être mises en place afin d’enquêter sur les placements en institution et d’aider le grand public à mieux comprendre les différentes formes d’institutionnalisation et à prendre la pleine mesure du préjudice subi par les personnes ayant survécu à un placement en institution ; elles devraient tendre à réparer le préjudice social inévitablement causé par les politiques qui ont systématisé et fait perdurer le placement des personnes handicapées en institution.

122.Toutes les voies de recours offertes aux personnes ayant survécu à un placement en institution devraient être définies et engagées en concertation et avec la participation des personnes handicapées, en particulier celles qui ont survécu à un placement en institution. Les États parties devraient faire en sorte que les mécanismes et procédures de recours et de réparation respectent la volonté et les préférences des personnes ayant survécu à un placement en institution et que les responsables de placements en institution n’occupent pas des postes décisionnels, ni n’exercent des fonctions d’expert dans le cadre de ces mécanismes et procédures, et ne soient pas invités à fournir des services d’adaptation, de réadaptation ou autres.

123.Rien de ce qui précède ne libère les États parties de leur obligation d’enquêter sur les actes de violence et de maltraitance commis sur des personnes handicapées en violation du droit interne applicable et du droit international des droits de l’homme, et de poursuivre les auteurs de ces actes. Les États parties sont tenus de protéger les personnes ayant survécu à un placement en institution contre les représailles.

X.Données ventilées

124.Les États parties devraient recueillir des données appropriées et éthiquement ventilées, de nature statistique ou administrative ou constitutives de résultats de recherches, et en tenir compte dans leur prise de décisions. L’utilisation de ces données contribue à la désinstitutionnalisation, en facilitant l’élaboration de politiques, de plans et de programmes en ce sens et en permettant de mesurer et de suivre les progrès réalisés dans leur application. Les informations statistiques et données collectées devraient porter sur toutes les formes d’institutions, publiques, privées et d’inspiration religieuse. Les États parties ont la possibilité de se reporter au bref questionnaire sur le handicap établi par le Groupe de Washingtonet devraient faire plus pour qu’aucun groupe ne soit exclu. Ils devraient mettre en pratique les Principes fondamentaux de la statistique officielle, en veillant à ce que les données soient collectées dans le respect des normes établies concernant la participation, l’auto‑identification, la ventilation, le respect de la vie privée, la transparence et la responsabilisation.

125.Les États parties devraient faciliter la participation des personnes handicapées et des organisations qui les représentent aux procédures et exercices de collecte de données, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer les données à recueillir en priorité, de recenser les personnes handicapées et de fournir des informations sur leur situation et leurs besoins.

126.Les données recueillies par les États parties devraient être ventilées en fonction de la race, de l’origine ethnique, de l’âge, du genre, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la situation socioéconomique, du type de handicap, du motif du placement en institution, de la date d’admission, de la date de sortie prévue ou effective, et d’autres critères. Ces données doivent être fiables, accessibles et à jour, et permettre notamment de connaître le nombre de personnes placées dans des établissements psychiatriques ou des institutions de santé mentale et leurs caractéristiques démographiques, de savoir si l’obligation d’autoriser les personnes handicapées à quitter les institutions dans lesquelles elles se trouvent est respectée et combien de personnes ont exercé leur droit de partir, et d’en apprendre davantage sur les dispositions prises concernant les personnes qui sont toujours dans une institution.

127.Les États parties devraient faire en sorte que les données recueillies au sujet de la désinstitutionnalisation soient disponibles sous diverses formes accessibles pour les personnes handicapées, les membres de la société civile, les chercheurs et les décideurs, y compris pendant les situations d’urgence.

128.Lors de la collecte de données, les États parties devraient appliquer les garanties juridiques existantes, telles que les lois relatives à la protection des données, et respecter pleinement le droit à la protection des données à caractère personnel. Souvent, les lois existantes ne tiennent pas compte de la capacité juridique des personnes handicapées, en violation du droit de celles-ci à la vie privée et au détriment de la défense des droits de l’homme et du contrôle de leur respect ; ces lois devraient donc être modifiées. Les lois relatives à la protection des données devraient être mises en conformité avec les normes internationales sur la confidentialité des données, sous réserve de leur respect de la Convention.

XI.Suivi de la désinstitutionalisation

129.Les mécanismes de surveillance devraient garantir le respect des principes de responsabilité et de transparence ainsi que la protection et la promotion des droits humains des personnes handicapées à toutes les étapes de la désinstitutionnalisation. Ils devraient recenser les violations des droits de l’homme, les prévenir et y remédier, formuler des recommandations au sujet des meilleures pratiques et être tenus de remplir l’ensemble des obligations visées à l’article 33 de la Convention, conformément aux Lignes directrices sur les cadres indépendants de surveillance et leur participation aux travaux du Comité.

130.Les mécanismes de surveillance devraient se conformer aux principes établis en matière de contrôle du respect des droits de l’homme, notamment en garantissant la participation effective des personnes handicapées, en particulier de celles qui vivent dans une institution et de celles qui ont survécu à un placement en institution, et des organisations qui les représentent. Les mécanismes nationaux de prévention, les institutions nationales des droits de l’homme et autres mécanismes de surveillance devraient exclure le personnel des institutions des activités de suivi de la désinstitutionnalisation.

131.Les États parties devraient faire en sorte que les mécanismes de surveillance indépendants visés au paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention soient dotés de ressources suffisantes et bénéficient d’un plein accès, physique et autre, aux institutions, documents et informations. Ils devraient veiller à faciliter les activités de contrôle indépendant menées par la société civile et les organisations qui représentent les personnes handicapées, y compris les activités visées au paragraphe 3 de l’article 33, et à lever les obstacles qui empêchent l’accès aux institutions, documents et informations.

132.Tous les mécanismes de surveillance devraient être autorisés à enquêter librement sur les conditions de vie dans les institutions publiques et privées et sur les violations des droits de l’homme qui y sont commises. Dans ce contexte, ils devraient agir en respectant et en protégeant le droit à la vie privée des personnes ayant survécu au placement en institution. Le droit au respect de la vie privée va de pair avec l’obligation faite aux États parties de s’abstenir d’entraver la publication de rapports sur les droits de l’homme. Les États parties ne devraient pas pouvoir s’opposer à un suivi indépendant au nom du respect de la vie privée et de la confidentialité. La capacité d’obtenir, de stocker et de publier des informations sur les conditions de vie dans les institutions devrait être préservée. Il est essentiel que les constatations faites à l’issue du contrôle du respect des droits de l’homme soient étayées par des photographies et des vidéos qui rendent compte des conditions de vie dans les institutions.

133.Les États parties devraient réagir rapidement et efficacement aux violations des droits de l’homme, y compris celles qui ont été mises au jour à l’issue d’un contrôle indépendant.

134.Les États parties devraient faire en sorte que les personnes ayant survécu à un placement dans une institution publique ou privée puissent présenter facilement et sans restriction des demandes relatives à leurs données personnelles, et devraient accéder à ces demandes. Ils devraient s’abstenir de restreindre ou d’empêcher l’accès aux dossiers médicaux pour des raisons de santé publique ou d’ordre public.

135.Lorsqu’une personne handicapée quitte une institution, le dossier la concernant devrait être transmis à qui de droit et/ou effacé, suivant sa volonté et ses préférences. Le choix exprimé par les personnes ayant quitté une institution quant à la communication de leurs dossiers devrait être respecté, et les dispositions légales qui autorisent les États parties, les forces de l’ordre, les professionnels de la santé et d’autres à accéder à ces dossiers devraient être abrogées sans délai.

136.Les États parties devraient faire en sorte que les activités de surveillance se poursuivent pendant les situations d’urgence afin d’atténuer les risques autant que possible. Lorsque la surveillance ne peut pas être exercée par des moyens physiques, les États parties devraient s’employer à adopter des moyens de remplacement tels que des moyens numériques ou électroniques ou d’autres modes de communication à distance, pour garantir un contrôle indépendant et efficace.

137.Le contrôle indépendant des institutions devrait se poursuivre jusqu’à la fermeture de celles-ci et ne pas être interrompu dans les situations d’urgence. En application des articles 16 et 33 (par. 3) de la Convention, les personnes handicapées, y compris les enfants handicapés et en particulier les personnes ayant survécu à un placement en institution, les organisations qui les représentent et les organisations indépendantes de la société civile devraient participer aux activités de contrôle.

XII.Coopération internationale

138.La coopération internationale joue un rôle essentiel dans les réformes que suppose la désinstitutionnalisation. Les investissements dans toute forme d’institutionnalisation, ycompris dans des interventions d’urgence et en faveur d’institutions de taille plus petite, ne sont pas conformes à la Convention et ne respectent pas le principe de « réalisation progressive ».

139.Il faudrait mettre en place des processus de mise en œuvre de la coopération internationale et des mécanismes de responsabilisation en veillant à leur transparence et à leur indépendance, afin qu’ils ne servent pas à maintenir ni à renforcer la ségrégation dans les institutions ou l’application de mesures coercitives motivées par le handicap. Il serait ainsi possible de recueillir des données ventilées, de procéder en toute indépendance au suivi et à l’évaluation de tous les projets et programmes, et de garantir la transparence quant à la destination du financement. Des mécanismes de plainte devraient être établis par les États parties et les donateurs.

140.Les États parties devraient tenir des consultations franches et directes avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent au sujet de la conception et de l’exécution des projets de développement financés par la voie de la coopération internationale. Les personnes handicapées vivant en institution et les personnes handicapées ayant survécu à un placement en institution devraient participer à ces consultations. Lorsque les organisations de la société civile ne sont guère informées du droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, la tenue de consultations devrait entrer dans le cadre des activités de coopération internationale visant au renforcement de la société civile.

141.Les États parties devraient faire en sorte que tous les projets de coopération internationale tiennent compte des droits des personnes handicapées et que toutes les mesures visant à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 aillent dans le sens de la désinstitutionnalisation. La coopération internationale ne pouvant pas garantir la fourniture de services d’accompagnement de proximité à long terme, les États parties devraient s’organiser pour assurer eux-mêmes la continuité des services créés et mener la désinstitutionnalisation à bonne fin.

142.Les organisations régionales peuvent grandement contribuer à promouvoir la désinstitutionnalisation dans le cadre de la coopération internationale. Les coordonnateurs chargés des questions de handicap dans les organisations nationales, régionales et internationales devraient collaborer étroitement avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, et avec les personnes vivant en institution et les personnes ayant survécu à un placement en institution. Les organisations régionales d’intégration sont tenues, comme les États parties, de se conformer à la Convention et devraient mettre en place des mécanismes de transparence et de responsabilisation.

143.Il est important que les mesures visant à la désinstitutionnalisation soient coordonnées au niveau international afin de prévenir la diffusion de mauvaises pratiques consistant, par exemple, à promouvoir le modèle médical du handicap et des lois coercitives sur la santé mentale. Les États parties devraient envisager de créer une plateforme internationale sur les bonnes pratiques de désinstitutionnalisation, en étroite concertation avec les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant survécu à un placement en institution, et les organisations qui les représentent. Les États parties devraient prévenir les activités de volontariat de touristes étrangers dans des institutions (« volontourisme »), en fournissant des conseils de voyage appropriés, en faisant mieux connaître la Convention et en sensibilisant aux dangers de l’institutionnalisation.