NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/JPN/CO/17 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑huitième sessionGenève, 30 avril‑18 mai 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

JAPON

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Japon (CAT/C/JPN/1) à ses 767e et 769e séances (CAT/C/SR.767 et CAT/C/SR.769), tenues les 9 et 10 mai 2007, et a adopté, à ses 778eet 779e séances (CAT/C/SR.778 et CAT/C/SR.779), les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Japon, qu’il considère comme une occasion d’établir un dialogue constructif. En particulier, il prend note avec intérêt des précisions et explications que la délégation a fournies en réponse aux nombreuses questions qu’il a posées oralement. Il se félicite en outre que l’État partie ait envoyé une délégation importante composée de représentants des différentes sphères du Gouvernement, montrant ainsi qu’il tient à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité salue enfin la présence d’organisations non gouvernementales lors de l’examen du rapport.

3.Le Comité regrette toutefois que le rapport, qui était attendu en juillet 2000, ait été présenté avec plus de cinq ans de retard. Il note également que ce rapport n’est pas pleinement conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports initiaux, dans la mesure où il ne contient pas d’informations détaillées sur la manière dont les dispositions de la Convention sont appliquées dans la pratique dans l’État partie. Dans ce rapport initial, l’État partie s’est essentiellement contenté de citer une série de dispositions légales plutôt que d’analyser la mise en œuvre des droits consacrés dans la Convention en fournissant des exemples et des statistiques.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la majorité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

5.Le Comité se félicite en outre de l’adoption de:

a)La loi portant amendement de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié (loi no 73 de 2004);

b)La loi relative aux établissements pénitentiaires et autres lieux de détention et au traitement des détenus, entrée en vigueur le 24 mai 2005 et modifiée le 2 juin 2006.

6.Le Comité note l’établissement de nouveaux mécanismes visant à améliorer la surveillance des lieux de détention et à prévenir de nouveaux cas de violence, tels que le Comité d’inspection des établissements pénitentiaires et le Comité chargé d’examiner les plaintes déposées par des détenus dans les établissements pénitentiaires et de mener les enquêtes correspondantes. Il salue en outre l’annonce de la création, en juin 2007, du Comité de surveillance des conditions de la garde à vue.

7.Le Comité salue les activités du Bureau des établissements pénitentiaires en matière de formation théorique et pratique du personnel pénitentiaire, laquelle inclut désormais l’enseignement des normes relatives aux droits de l’homme ainsi que des cours de science du comportement et de psychologie.

8.Le Comité se félicite en outre des mesures prises par l’État partie pour combattre la traite, en particulier l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains, en décembre 2004, et les modifications apportées aux lois connexes et aux dispositions pertinentes du Code pénal et de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié.

9.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a tenu des consultations avec des représentants de la société civile dans le contexte de l’élaboration de son rapport.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

10.Bien que l’État partie affirme que tous les actes pouvant être qualifiés de torture au sens de l’article premier de la Convention sont punissables en vertu du droit pénal japonais, le Comité constate avec préoccupation que le Code pénal ne contient toujours pas de définition de la torture telle que celle donnée à l’article premier de la Convention. En particulier, le Comité s’inquiète de ce que la «torture mentale», au sens de la Convention, n’est pas clairement définie aux articles 195 et 196 du Code pénal, et que les sanctions dont sont passibles les actes connexes tels que l’intimidation sont inadéquates. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que la législation japonaise ne vise pas toutes les catégories d’agents de la fonction publique, de personnes agissant à titre officiel et de personnes agissant à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel, telles que les membres des Forces d’autodéfense et les fonctionnaires de l’immigration.

L ’ État partie devrait incorporer dans sa législation nationale la définition de la torture figurant à l ’ article premier de la Convention, en conservant tous les éléments de la définition qui érigent les actes de torture en infractions spécifiques passibles de peines appropriées.

Applicabilité de la Convention à l ’ échelon national

11.Le Comité regrette le manque d’informations sur l’applicabilité directe de la Convention et, en particulier, l’absence d’exemples de l’application de cet instrument par les tribunaux nationaux ou en temps de guerre.

L ’ État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur les mesures prises pour faire en sorte que les tribunaux nationaux puissent appliquer directement les dispositions de la Convention, et citer des exemples pertinents. L ’ État partie devrait également donner des informations sur l ’ applicabilité de la Convention en temps de guerre.

Prescription

12.Le Comité constate avec préoccupation que les actes apparentés à la torture ou aux mauvais traitements peuvent faire l’objet d’une prescription. Il craint que la prescription applicable à de tels actes ne constitue un obstacle aux enquêtes, poursuites et sanctions à l’encontre des auteurs de ces crimes graves. En particulier, il regrette que les non‑lieux prononcés à la suite des actions intentées par des femmes qui ont été les esclaves sexuelles de militaires pendant la Seconde Guerre mondiale − les «femmes de réconfort» −, pour des raisons liées à la prescription.

L ’ État partie devrait revoir ses règles et dispositions en matière de prescription afin de les rendre pleinement conformes à ses obligations en vertu de la Convention, de sorte que les actes de torture et les mauvais traitements , les tentatives de torture et toute complicité dans la commission d ’ actes de torture et toute participation à de tels actes, quel qu ’ en soit l ’ auteur, puissent donner lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions, sans qu ’ il puisse y avoir prescription.

Indépendance de l ’ appareil judiciaire

13.Le Comité est préoccupé par le fait que les membres de l’appareil judiciaire ne bénéficient pas d’une indépendance suffisante et, en particulier, que l’inamovibilité des juges et un certain nombre de garanties nécessaires ne soient pas assurées.

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer l ’ indépendance de l ’ appareil judiciaire et, en particulier, assurer l ’ inamovibilité des juges.

Non ‑refoulement

14.Le Comité s’inquiète de ce que certaines dispositions de la législation nationale et certaines pratiques de l’État partie ne sont pas conformes à l’article 3 de la Convention, en particulier:

a)La loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié de 2006, qui n’interdit pas expressément l’expulsion de personnes vers un autre État où elles risquent d’être soumises à la torture; de plus, les autorités chargées du contrôle ne cherchent pas systématiquement à déterminer si l’article 3 est applicable;

b)L’absence d’organe indépendant chargé d’examiner les demandes de reconnaissance du statut de réfugié;

c)Les conditions de détention dans les centres de rétention administrative et les locaux des aéroports où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire national, et notamment les nombreuses allégations d’actes de violence, d’utilisation illégale de moyens de contrainte physique pendant l’expulsion, d’abus, de harcèlement sexuel et de privation d’accès à des soins de santé adéquats. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que, jusqu’à présent, un seul de ces cas a été reconnu comme constituant de mauvais traitements;

d)L’absence de mécanisme indépendant qui serait chargé de surveiller les conditions de détention dans les centres de rétention administrative et les locaux où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire national, et en particulier l’absence d’organe indépendant qui pourrait recueillir les plaintes pour violations déposées par des détenus à l’encontre de fonctionnaires du Bureau de l’immigration. Le Comité est également préoccupé par le fait que les critères retenus pour la désignation de conseillers chargés de formuler des recommandations concernant l’envoi de réfugiés dans des pays tiers ne sont pas rendus publics;

e)L’absence d’organe indépendant qui serait chargé d’examiner les décisions prises par les fonctionnaires de l’immigration, compte tenu du fait que le Ministère de la justice n’autorise pas les personnes qui demandent la reconnaissance du statut de réfugié à désigner un représentant légal dès l’ouverture de la procédure, et que les non‑résidents ont, de facto, un accès restreint à l’assistance juridique garantie par l’État;

f)L’insuffisance des garanties en matière d’accès de tous les demandeurs d’asile à un mécanisme d’examen judiciaire, ainsi que les allégations d’expulsions pratiquées dès la fin de la procédure administrative;

g)La durée injustifiée de la détention des demandeurs d’asile entre le rejet de leurdemande et leur expulsion et, en particulier, les informations faisant état de placements en détention pour une durée indéterminée ou à long terme;

h)Le caractère strict et l’effet limité du système de séjour provisoire prévu dans la loi sur l’immigration révisée de 2006.

LÉtat partie devrait faire en sorte que toutes les mesures et pratiques relatives à la détention et à lexpulsion dimmigrants soient pleinement conformes à larticle 3 de la Convention. En particulier, lÉtat partie devrait interdire expressément lexpulsion de personnes vers des pays où il y a des motifs sérieux de croire quelles risquent dêtre soumises à la torture, et établir un organe indépendant chargé dexaminer les demandes dasile. LÉtat partie devrait assurer le respect des formes régulières dans lexamen des demandes dasile et les procédures dexpulsion et établir sans délai une autorité indépendante chargée dexaminer les plaintes relatives au traitement des immigrants en détention. LÉtat partie devrait en outre limiter la durée de la détention des personnes en attente dexpulsion, en particulier celles qui appartiennent à des groupes vulnérables, et rendre publique lobligation de placer en détention toute personne à lencontre de laquelle un arrêté dexpulsion a été délivré.

Daiyo Kangoku (détention dans le système des «prisons de substitution»)

15.Le Comité est profondément préoccupé par l’utilisation systématique des «prisons de substitution» (Daiyo Kangoku) pour la détention prolongée de personnes qui ont été arrêtées, même après qu’elles ont été présentées à un juge et jusqu’au moment de la mise en accusation. Cette pratique, conjuguée à l’absence de garanties procédurales suffisantes en matière de détention et d’interrogatoire, aggrave les risques de violation des droits des détenus et peut aboutir, dans les faits, au non‑respect du principe de la présomption d’innocence, du droit de garder le silence et des droits de la défense. En particulier, le Comité est gravement préoccupé par:

a)Le nombre disproportionné de personnes détenues dans des cellules de police, et non dans des centres de détention, pendant l’enquête et jusqu’au moment de la mise en accusation, et en particulier pendant la phase de l’enquête consacrée aux interrogatoires;

b)Le fait que les fonctions relatives à l’enquête et à la détention ne sont pas suffisamment séparées et que, par conséquent, des enquêteurs peuvent participer au transfèrement de détenus puis être chargés d’enquêter sur leur cas;

c)Le caractère inapproprié des cellules de police pour une détention prolongée et le fait que les personnes placées en garde à vue ne peuvent bénéficier rapidement de soins médicaux adéquats;

d)La durée de la détention avant jugement dans les cellules de police jusqu’à la mise en accusation, qui peut aller jusqu’à vingt‑trois jours par chef d’inculpation;

e)L’absence de contrôle et d’examen judiciaires effectifs, par les tribunaux, de la détention dans les cellules de police, attestée par le nombre disproportionnellement élevé de mandats de dépôt délivrés par les tribunaux;

f)L’absence de système de caution pour les personnes qui attendent de passer en jugement;

g)L’absence de système prévoyant qu’un avocat soit désigné d’office pour tout suspect avant la mise en accusation, quelle que soit la catégorie d’infraction qui lui est reprochée. À l’heure actuelle, un tel système n’existe que pour les infractions majeures;

h)Les limitations imposées au droit des personnes détenues avant jugement de rencontrer un avocat, et en particulier le pouvoir arbitraire qu’ont les procureurs de fixer une date ou une heure précise pour de telles rencontres, qui peut avoir pour conséquence l’absence d’avocat lors des interrogatoires;

i)Le fait que les représentants légaux n’ont qu’un accès limité aux éléments pertinents des dossiers de police et, en particulier, que les procureurs ont le pouvoir de décider quels éléments de preuve ils souhaitent produire au moment de la mise en accusation;

j)L’absence de mécanisme indépendant et efficace d’inspection et de plainte accessible aux personnes détenues dans les cellules de police;

k)L’utilisation de baillons dans les locaux de détention de la police, alors qu’une telle pratique est interdite dans les établissements pénitentiaires.

LÉtat partie devrait prendre des mesures immédiates et efficaces pour rendre les conditions de la détention avant jugement conformes aux normes internationales minima. En particulier, lÉtat partie devrait modifier la loi sur les prisons de 2006 en vue de limiter lutilisation de cellules de police pour la détention avant jugement. À titre prioritaire, lÉtat partie devrait:

a) Modifier sa législation pour faire en sorte que les fonctions relatives à lenquête et à la détention (y compris aux procédures de transfèrement) soient complètement séparées, en excluant de lenquête les policiers chargés de la détention et en écartant les enquêteurs de toute affaire concernant la détention;

b) Réduire la durée maximale de la garde à vue conformément aux normes internationales minima;

c) Veiller à ce quune assistance juridique soit fournie à tout détenu dès son arrestation, que les avocats de la défense soient présents aux interrogatoires et quils aient accès à tous les éléments pertinents des dossiers de police après la mise en accusation afin de pouvoir préparer la défense, et que les personnes placées en garde à vue bénéficient rapidement de soins médicaux appropriés;

d) Garantir lindépendance du contrôle externe de la garde à vue, par exemple en veillant à ce que les commissariats des préfectures de police désignent systématiquement un avocat recommandé par le barreau pour siéger au comité de surveillance des conditions de la garde à vue qui doit être créé en juin 2007;

e) Établir un mécanisme efficace, indépendant des Commissions de la sécurité publique, chargé dexaminer les plaintes des personnes détenues dans les cellules de police;

f) Envisager dadopter des mesures autres que le placement en détention pour la période davant le jugement;

g) Interdire lutilisation de baillons dans les locaux de détention de la police.

Méthodes dinterrogatoire et aveux

16.Le Comité est profondément préoccupé par le fait qu’un grand nombre de condamnations prononcées à l’issue de procès pénaux sont fondés sur des aveux, compte tenu en particulier de l’absence d’examen judiciaire effectif des conditions de détention avant jugement et du nombre disproportionnellement élevé de condamnations par rapport aux acquittements. Il s’inquiète également de l’absence de moyens qui permettraient de vérifier que l’interrogatoire des personnes placées en garde à vue est correctement mené, et en particulier du fait que la durée des interrogatoires n’est pas strictement limitée et que la présence systématique de l’avocat de la défense n’est pas obligatoire. Il s’inquiète de ce qu’en vertu de la législation nationale, des aveux spontanés faits lors d’interrogatoires qui ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention peuvent être invoqués comme éléments de preuve devant les tribunaux, ce qui est contraire à l’article 15 de la Convention.

LÉtat partie devrait veiller à ce que linterrogatoire des détenus placés en garde à vue ou dans les prisons de substitution soit systématiquement surveillé grâce à des dispositifs denregistrements électroniques et vidéo, que le droit des détenus de rencontrer un avocat et la présence de celui ‑ci à linterrogatoire soient garantis et que les enregistrements précités soient mis à disposition pour être utilisés dans les procédures pénales. LÉtat partie devrait en outre adopter rapidement des règles strictes concernant la durée des interrogatoires, assorties de sanctions appropriées en cas de manquement. LÉtat partie devrait modifier son Code de procédure pénale pour le rendre pleinement conforme à larticle 15 de la Convention. LÉtat partie devrait fournir au Comité des informations relatives au nombre de cas daveux faits sous la contrainte, la torture ou la menace, ou après une arrestation ou une détention prolongée, qui nont pas été admis comme éléments de preuve.

Conditions de détention dans les établissements pénitentiaires

17.Le Comité s’inquiète des conditions générales de détention dans les établissements pénitentiaires, notamment la surpopulation des établissements. Tout en se félicitant de l’abolition de l’utilisation des menottes en cuir dans les établissements pénitentiaires, le Comité note avec préoccupation les allégations d’utilisation indue de «menottes en cuir du type 2» à titre de punition. Il est préoccupé en outre par les allégations relatives aux retards injustifiés en matière d’assistance médicale aux détenus et à l’absence de personnel médical indépendant dans le système pénitentiaire.

LÉtat partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer les conditions de détention et les rendre conformes aux normes internationales minima et, en particulier, remédier à la surpopulation actuelle des établissements. LÉtat partie devrait faire en sorte que lutilisation de moyens de contrainte soit strictement surveillée et, en particulier, prendre des mesures pour quelle ne serve jamais de punition. LÉtat partie devrait en outre veiller à ce quune assistance médicale adéquate, indépendante et rapide puisse être fournie à tous les détenus à tout moment. LÉtat partie devrait envisager de placer les installations médicales et le personnel médical sous la responsabilité du Ministère de la santé.

Régime cellulaire

18.Le Comité est vivement préoccupé par les allégations relatives à la persistance du placement en régime cellulaire de longue durée, en dépit des nouvelles dispositions de la loi sur les établissements pénitentiaires et le traitement des détenus condamnés de 2005 qui restreignent cette utilisation. En particulier, le Comité est préoccupé par:

a)L’absence de facto de durée maximale du placement en régime cellulaire, compte tenu du fait que le délai de trois mois peut être renouvelé indéfiniment;

b)Le nombre de détenus qui sont en régime cellulaire depuis plus de dix ans, dont l’un depuis plus de quarante‑deux ans;

c)Les allégations de placement en régime cellulaire à titre de punition;

d)Le fait que les détenus placés en régime cellulaire ne font pas l’objet d’un dépistage adéquat des maladies mentales;

e)L’absence de procédures de recours efficaces contre les décisions de placement en régime cellulaire prises à l’encontre de personnes exécutant une peine d’emprisonnement;

f)L’absence de critères qui permettraient de déterminer la nécessité d’un placement en régime cellulaire.

L’État partie devrait modifier sa législation pour faire en sorte que le placement en régime cellulaire reste une mesure exceptionnelle d’une durée limitée, conformément aux normes internationales minima. En particulier, l’État partie devrait envisager d’examiner systématiquement tous les cas de placement prolongé en régime cellulaire, en prévoyant une évaluation psychologique et psychiatrique par des spécialistes, en vue de libérer les personnes dont la détention peut être considérée comme contraire aux dispositions de la Convention.

Peine de mort

19.Tout en notant la législation récente qui étend les droits des condamnés à mort en attente d’exécution en matière de visites et de correspondance, le Comité est vivement préoccupé par un certain nombre de dispositions de la législation nationale relatives aux personnes condamnées à mort, dont l’application pourrait s’apparenter à un acte de torture ou à de mauvais traitements, et en particulier:

a)Le principe du placement en régime cellulaire une fois que la condamnation définitive a été prononcée. Étant donné la longueur de la période pendant laquelle les détenus attendent leur exécution, ce régime peut durer plus de trente ans;

b)Le secret inutile et l’arbitraire qui entourent la date de l’exécution, prétendument pour respecter l’intimité des détenus et de leur famille. En particulier, le Comité regrette la tension psychologique imposée aux détenus et à leur famille du fait de l’incertitude dans laquelle ils sont constamment maintenus quant à la date de l’exécution, puisque les détenus ne sont informés du moment de l’exécution que quelques heures auparavant.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention des condamnés à mort en attente d’exécution, en vue de les rendre conformes aux normes internationales minima.

20.Le Comité est sérieusement préoccupé par les restrictions imposées aux garanties légales dont doivent bénéficier les condamnés à mort en attente d’exécution, et en particulier par:

a)Les limitations imposées aux condamnés à mort en attente d’exécution en matière d’accès confidentiel à leurs représentants légaux, notamment l’impossibilité de les rencontrer en privé lorsqu’ils font appel pour demander un nouveau procès, l’absence d’autres moyens de communication confidentiels et le fait qu’ils n’ont pas le droit de bénéficier des services d’un avocat désigné par l’État une fois que la condamnation définitive a été prononcée;

b)L’absence de procédure d’appel obligatoire pour les condamnations à mort;

c)Le fait qu’une demande de réouverture du procès ou une demande de grâce n’entraîne pas de sursis à l’exécution de la sentence;

d)L’absence de mécanisme d’examen qui permettrait d’identifier les condamnés à mort en attente d’exécution souffrant de maladies mentales;

e)Le fait qu’il n’y a eu aucun cas de commutation de peine capitale dans les trente dernières années.

L’État partie devrait envisager de prendre des mesures en vue d’adopter un moratoire sur les exécutions avec effet immédiat et de commuer les peines capitales, et réformer les procédures en vigueur pour introduire la possibilité de prendre des mesures de grâce. Le droit d’appel devrait être obligatoirement accordé pour toute condamnation à mort. L’État partie devrait veiller en outre à ce que sa législation prévoie la possibilité de commuer une peine de mort dont l’application a été retardée. L’État partie devrait veiller enfin à ce que toute personne en attente d’exécution bénéficie des protections prévues dans la Convention.

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale, droit de porter plainte

21.Le Comité est préoccupé par:

a)L’absence de mécanisme de plainte efficace accessible aux personnes placées en garde à vue. Il regrette le fait que la loi pénale de 2006 n’établisse pas d’organe indépendant doté d’un tel mandat. Il note l’absence d’informations sur le comité de surveillance des conditions de la garde à vue, qui doit être créé en juin 2007;

b)Le fait que le Comité d’inspection des établissements pénitentiaires ne soit pas habilité à enquêter sur les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements;

c)Le manque d’indépendance du Comité chargé d’examiner les plaintes déposées par des détenus dans les établissements pénitentiaires et de mener les enquêtes correspondantes, dont le secrétariat est composé de membres du personnel du Ministère de la justice et qui a des pouvoirs limités pour enquêter directement sur les cas puisqu’il ne peut interroger les détenus et les fonctionnaires ni accéder directement à tout document pertinent;

d)Le délai limité dont les détenus disposent pour porter plainte et l’impossibilité pour les avocats de porter plainte au nom de leurs clients;

e)Les informations selon lesquelles des détenus ayant porté plainte en auraient subi des conséquences négatives et des actions auraient été rejetées au motif que le délai fixé pour demander réparation avait expiré;

f)L’absence d’informations sur le nombre de plaintes reçues, le nombre d’enquêtes ouvertes et achevées et leur résultat, et notamment sur le nombre d’auteurs de tels actes et le nombre de condamnations prononcées.

L’État partie devrait envisager d’établir un mécanisme indépendant habilité à procéder immédiatement à une enquête impartiale et efficace sur toute allégation ou plainte faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements émanant d’une personne placée en détention avant jugement dans des locaux de police ou un établissement pénitentiaire ou d’un détenu purgeant une peine d’emprisonnement. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les détenus puissent exercer pleinement leur droit de porter plainte, notamment en supprimant toute prescription pour les actes de torture et de mauvais traitements; en faisant en sorte que les détenus puissent déposer une plainte par l’intermédiaire de leur représentant légal; en établissant des mécanismes protégeant les témoins contre tout acte d’intimidation; et en revoyant toutes les dispositions qui limitent le droit de demander réparation. L’État partie devrait fournir des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, appartenance ethnique, âge et sexe, sur les plaintes faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements imputés à des membres d’institutions chargées de faire appliquer les lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes.

Éducation et formation dans le domaine des droits de l’homme

23.Le Comité note les allégations relatives à l’existence d’un manuel de formation des enquêteurs qui décrirait des méthodes d’interrogatoire contraires aux dispositions de la Convention. Il est préoccupé en outre par le fait qu’une éducation dans le domaine des droits de l’homme, et en particulier dans le domaine des droits des femmes et des enfants, ne soit dispensée systématiquement qu’aux fonctionnaires des établissements pénitentiaires, et qu’une telle éducation ne fasse pas partie intégrante des programmes de formation des fonctionnaires de police chargés de la garde à vue, des enquêteurs, des juges et des personnels assurant la sécurité de l’immigration.

L’État partie devrait faire en sorte que tous les documents servant à la formation du personnel chargé de l’application des lois, et en particulier des enquêteurs, soient rendus publics. En outre, toutes les catégories du personnel chargé de l’application des lois, ainsi que les juges et les fonctionnaires de l’immigration, devraient recevoir régulièrement une formation concernant les incidences de leur travail sur les droits de l’homme, qui mette particulièrement l’accent sur la torture et les droits des femmes et des enfants.

Indemnisation et réadaptation

23.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de difficultés auxquelles se heurteraient les victimes de violations pour obtenir réparation et une indemnisation adéquate. Il est préoccupé en outre par les restrictions imposées au droit à indemnisation, telles que les délais de prescription et les règles de réciprocité concernant les immigrants. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les indemnisations demandées et obtenues par les victimes de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements puissent exercer pleinement leur droit à réparation, y compris à une indemnisation et à une réadaptation. L’État partie devrait prendre des mesures pour créer des services de réadaptation dans le pays. L’État partie devrait en outre fournir au Comité des renseignements sur toute forme d’indemnisation ou de réadaptation offerte aux victimes.

24.Le Comité est préoccupé par le fait que les victimes de violence sexuelle, en particulier les survivantes des pratiques d’esclavage sexuel militaire au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, ne disposent pas de recours appropriés, et par l’absence de mesures efficaces, éducatives ou autres, visant à prévenir les actes de violence sexuelle et les violations des dispositions de la Convention visant spécifiquement les femmes. Les survivantes des violations commises durant la guerre, dont le représentant de l’État partie a reconnu qu’elles souffraient de «blessures incurables», continuent de subir des abus et de revivre leur traumatisme parce que l’État partie nie officiellement les faits, dissimule ou refuse de dévoiler d’autres faits, ne poursuit pas ceux qui sont pénalement responsables d’actes de torture et n’offre pas une réadaptation adéquate aux victimes et aux survivantes.

Le Comité considère que tant l’éducation (art. 10 de la Convention) que les mesures de réparation (art. 14 de la Convention) constituent en elles ‑mêmes un moyen de prévenir d’autres manquements, de la part de l’État partie, à ses obligations à cet égard en vertu de la Convention. La persistance du déni officiel, l’absence de poursuites et le fait de ne pas offrir de réadaptation adéquate aux victimes, tout cela fait que l’État partie ne respecte pas les obligations que lui impose la Convention de prévenir la torture et les mauvais traitements, y compris grâce à des mesures éducatives et des mesures de réadaptation. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures éducatives pour modifier les comportements discriminatoires à l’origine des actes de violence sexuelle et des violations dirigés contre les femmes, et de prendre des mesures de réadaptation en faveur des victimes, en y ajoutant des mesures visant à prévenir l’impunité.

Violence dirigée contre les femmes et traite des êtres humains

25.Le Comité est préoccupé par la persistance d’allégations d’actes de violence et d’abus à l’encontre de femmes et d’enfants en détention, y compris d’actes de violence sexuelle commis par des membres des forces de l’ordre. Le Comité est préoccupé également par la portée restreinte de la législation de l’État partie relative au viol, qui ne vise que les relations sexuelles impliquant les organes génitaux masculins et féminins et exclut toute autre forme d’abus sexuel ainsi que le viol d’une personne de sexe masculin. En outre, le Comité s’inquiète de ce que la traite internationale des êtres humains demeure un problème sérieux dans l’État partie, aggravé par l’utilisation répandue de visas délivrés par le Gouvernement et permettant de travailler dans le secteur du spectacle, et de ce que les mesures d’aide aux victimes identifiées comme telles demeurent inadéquates et que celles-ci sont traitées comme des immigrants illégaux et expulsées sans recours ni réparation. Le Comité s’inquiète également de l’absence de mesures efficaces visant à prévenir les actes de violence contre des femmes et des filles commis par du personnel militaire, y compris des militaires étrangers stationnés dans des bases, ainsi qu’à poursuivre les auteurs de tels actes.

L’État partie devrait prendre des mesures de prévention contre la violence sexuelle et la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexiste, et mener rapidement des enquêtes impartiales sur toute allégation de torture ou de mauvais traitements en vue de traduire les responsables en justice. Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer les mesures qu’il a prises contre la traite des êtres humains, notamment en restreignant la délivrance de visas permettant de travailler dans le secteur du spectacle pour veiller à ce que ce type de document ne soit pas utilisé pour faciliter la traite, d’allouer des ressources suffisantes à cette fin et d’appliquer résolument les lois pénales pertinentes. L’État partie est encouragé en outre à entreprendre des programmes de formation à l’intention des membres des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire pour les sensibiliser aux droits et aux besoins des victimes, à créer des unités de police spécialisées et à fournir une meilleure protection et des soins appropriés aux victimes, notamment en mettant à leur disposition des établissements sûrs, des foyers et une assistance psychosociale. L’État partie devrait veiller en outre à ce que toutes les victimes, y compris celles de violations commises par du personnel militaire étranger stationné dans une base militaire, puissent demander réparation devant les tribunaux.

Personnes souffrant d’un handicap mental

26.Le Comité s’inquiète du rôle joué par des psychiatres privés, dans des hôpitaux privés, qui sont habilités à ordonner la mise en détention de personnes souffrant d’un handicap mental, et du fait que les ordres de détention, la gestion des établissements privés de santé mentale et les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements déposés par des patients ne font pas l’objet d’un examen judiciaire suffisant.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un examen judiciaire efficace et approfondi des procédures de détention dans les établissements publics et privés de santé mentale.

27.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

28.Le Comité encourage l’État partie à envisager de devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

29.L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Japon au Comité ainsi que les conclusions et recommandations de celui‑ci, dans les langues appropriées, dans les sites Web officiels, les médias et les organisations non gouvernementales.

30.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun, selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports récemment approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

31.Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité contenues dans les paragraphes 14, 15, 16 et 24 ci‑dessus.

32.L’État partie est invité à soumettre son deuxième rapport périodique avant le 30 juin 2011.

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