Nations Unies

CCPR/C/SLE/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 avril 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initialde la Sierra Leone *

Le Comité a examiné le rapport initial de la Sierra Leone (CCPR/C/SLE/1) à ses 3040e et 3041e séances (CCPR/C/SR.3040 et 3041), les 11 et 12 mars 2014. À sa 3060e séance (CCPR/C/SR.3060), le 25 mars 2014, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Sierra Leone, qui était attendu de longue date, et les informations qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’entamer un dialogue avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures que l’État partie a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte depuis son entrée en vigueur dans l’État partie.

Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait soumis ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CCPR/SLE/Q/1/Add.1) que le premier jour du dialogue. Il apprécie les efforts de la délégation pour répondre aux questions mais regrette qu’elle n’ait comporté aucun représentant venu de la capitale et qu’elle n’ait pas été en mesure de donner des renseignements complets sur la situation actuelle des droits civils et politiques en Sierra Leone.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles suivantes, prises par l’État partie depuis l’entrée en vigueur du Pacte, en 1996:

a)L’adoption de la loi contre la traite des êtres humains, en 2005;

b)L’adoption de la loi relative aux droits de l’enfant, en 2007;

c)L’adoption de la loi sur la violence intrafamiliale, en 2007;

d)L’adoption de la loi sur les infractions à caractère sexuel, en 2012;

e)La promulgation de la loi sur l’aide juridictionnelle, en 2012;

f)L’introduction de la gratuité des soins de santé pour les mères allaitantes et les jeunes enfants, en 2010.

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après:

a)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2001;

b)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2011;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Commission nationale des droits de l’homme

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour que la Commission des droits de l’homme de la Sierra Leone soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris) mais il est préoccupé par l’insuffisance des ressources de la Commission, qui ne lui permettent pas de s’acquitter pleinement de son mandat. Il relève avec regret le manque d’indépendance de la Commission et le fait que ses recommandations ne soient pas dûment prises en compte par les autorités de l’État partie (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures pour renforcer l’indépendance de facto de la Commission nationale des droits de l’homme et veiller à ce que les recommandations de la Commission soient dument prises en compte par les autorités, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe). Dans le même temps, la Commission devrait être dotée de ressources financières et humaines suffisantes pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat .

Applicabilité du Pacte par les tribunaux nationaux

Le Comité note avec préoccupation que les droits protégés par le Pacte n’ont pas été pleinement incorporés dans la législation interne et que le Pacte n’a pas été diffusé suffisamment largement pour que ses dispositions soient invoquées directement devant les tribunaux et les autorités de l’État partie (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures législatives pour donner effet à tous les droits consacrés par le Pacte qui ne sont pas encore protégés par la législation interne. Entre-temps, l’État partie devrait redoubler d’efforts pour mieux faire conna î tre le Pacte aux juges, aux avocats et aux procureurs afin que ses dispositions soient prises en compte à la fois par les tribunaux nationaux et par la justice traditi onnelle . À cet égard, l’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour diffuser largement le Pacte auprès du public. Il devrait également envisager d’adhérer au Protocole fa cultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques établissant la procédure de présentation de communications.

Réparations pour les violations des droits de l’homme

Étant donné la gravité et l’ampleur des violations des droits de l’homme qui ont été commises pendant la guerre civile et compte tenu des recommandations de la Commission Vérité et réconciliation, le Comité regrette que le Programme national de réparation mis sur pied en 2008 ne garantisse pas pleinement tous les aspects du droit à une réparation adéquate, y compris la réinsertion complète des enfants soldats et la prise en charge psychologique des victimes de violence sexuelle, et qu’un grand nombre de victimes n’aient reçu aucune réparation à ce jour. Le Comité note avec préoccupation que le Fonds d’affectation spéciale pour les victimes de la guerre connaît d’importants problèmes de financement. Il est également préoccupé par les informations indiquant que la Commission nationale pour l’action sociale a eu des difficultés pour enregistrer les victimes qui vivent dans des zones reculées et rurales et qu’un grand nombre de victimes n’ont pas été enregistrées et ne peuvent donc pas bénéficier d’une aide (art. 2, 6 et 7).

L’ État partie devrait inclure dans le Programme national de réparation toutes les mesures propres à donner effet au droit à réparation, comme l’accès à des moyens de réadaptation, une indemnisation juste et équitable et l’accès à des programmes sociaux. Il devrait en outre veiller à ce que le Programme soit doté des ressources nécessaires pour mener à bien ses activités dans tout le pays. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour faire en sorte que toutes les victimes sur son territoire soient enregistrées et reçoivent une réparation adéquate.

Cadre législatif

Le Comité accueille avec satisfaction le processus actuel de révision de la Constitution, qui donnera à l’État partie la possibilité d’incorporer les droits consacrés par le Pacte dans la nouvelle Constitution, mais il est préoccupé par les informations faisant état d’une insuffisance des fonds consacrés à ce processus et d’une participation limitée de la société civile ainsi que par la lenteur du processus. Le Comité est particulièrement préoccupé par les dispositions de la Constitution actuellement en vigueur qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, en particulier par le paragraphe 4 d) de l’article 27 (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait consacrer des fonds suffisants au processus de révision de la Constitution et redoubler d’efforts pour accélérer la révision de la Constitution afin d’abroger ou de modifier les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, qui sont contraires au Pacte, et d’incorporer tous les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait s’employer à encourager la pleine participation de la société civile au processus de révision en cours.

Non-discrimination et égalité entre hommes et femmes

Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national pour l’application des résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité mais il note avec préoccupation que les femmes restent sous-représentées tant dans le secteur public que dans le secteur privé, en particulier aux postes à responsabilité. Le Comité est également préoccupé par la persistance de stéréotypes patriarcaux négatifs et profondément ancrés concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société en général. Il est en outre préoccupé par les dispositions législatives discriminatoires à l’égard des femmes concernant l’acquisition et la transmission de la nationalité pour les enfants nés en dehors du territoire de l’État partie (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour éliminer les stéréotypes patriarcaux et sexistes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, notamment en adoptant des programmes visant à sensibiliser la population aux questions relatives à l’égalité des sexes. L’État partie devrait s’employer à renforcer la participation des femmes dans les secteurs public et privé. Il devrait prendre des mesures immédiates pour garantir aux femmes et aux hommes des droits égaux en ce qui concerne l’acquisition et la transmission de la nationalité.

Discrimination à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT)

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation et la Constitution de l’État partie ne contiennent aucune disposition interdisant expressément la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre et que les relations homosexuelles entre adultes consentants constituent une infraction. Il relève avec préoccupation l’existence de stéréotypes et de préjugés envers les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) et s’inquiète en particulier des actes de violence dont seraient victimes les personnes LGBT (art. 2 et 26).

L’État partie devrait réviser sa Constitution et sa législation afin de garantir que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre soit interdite, y compris en dépénalisant les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, afin de rendre sa législation conforme au Pacte. L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour mettre fin à la stigmatisation sociale de l’homosexualité et faire clairement comprendre qu’il ne tolérera aucune forme de harcèlement, de discrimination ou de violence visant des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

Le Comité est vivement préoccupé par les informations persistantes faisant état de pratiques traditionnelles préjudiciables, en particulier les mutilations génitales féminines. Il accueille avec satisfaction la loi relative aux droits de l’enfant (2007), qui érige en infraction certaines pratiques traditionnelles préjudiciables, mais prend note avec une vive préoccupation du rejet du projet de disposition criminalisant les mutilations génitales féminines lors de l’adoption de cette loi. Le Comité regrette que les auteurs de tels actes illicites et néfastes restent le plus souvent impunis (art. 2, 3, 7 et 26).

L’État partie devrait interdire expressément les mutilations génitales féminines . L’État partie devrait en outre s’efforcer de prévenir et éliminer les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les mutilations génitales féminines, en renforçant ses programmes de sensibilisation et d’éducation, en consultation avec les organisations féminines et les chefs traditionnels. Dans cette optique, l’équipe chargée de promouvoir une perception commune de la question des mutilations génitales féminines au niveau national devrait veiller à ce que les communautés dans lesquelles cette pratique est répandue fassent l’objet d’une attention particulière afin de favoriser une évolution des mentalités.

Mariage précoce

Le Comité note que la loi relative aux droits de l’enfant de 2007 fixe l’âge du mariage à 18 ans mais il relève avec préoccupation que la loi sur l’enregistrement du mariage et du divorce coutumiers autorise le mariage des enfants avec le consentement des parents. Le Comité est préoccupé par la persistance des mariages précoces, spécialement dans les zones rurales, et par l’absence de sanctions contre les responsables (art. 3, 23 et 24).

L’État partie devrait réviser la loi sur l’enregistrement du mariage et du divorce coutumiers afin de la rendre conforme à la loi sur les droits de l’enfant de 2007 et veiller à la stricte application de sa législation interdisant les mariages précoces. Il devrait mener des campagnes pour faire connaitre la législation et informer les filles, leurs parents et les chefs communautaires des effets préjudiciables du mariage précoce.

Avortement, grossesses d’adolescentes et mortalité maternelle

Le Comité prend note avec intérêt du projet de loi sur l’avortement de 2012, mais il est préoccupé par la criminalisation actuelle de l’avortement, qui oblige les femmes enceintes qui souhaitent se faire avorter à recourir à des avortements clandestins qui mettent en danger leur vie et leur santé. Le Comité est également préoccupé par le taux de grossesses chez les adolescentes et le taux de mortalité maternelle, qui demeurent élevés malgré les efforts de prévention de l’État partie (art. 6 et 17).

L’État partie devrait accélérer l’adoption d’un projet de loi qui comprenne des dispositions prévoyant des exceptions à l’interdiction générale de l’avortement pour des raisons thérapeutiques ou lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les femmes et les adolescentes puissent accéder à des services de santé de la procréation. Il devrait en outre renforcer les programmes d’éducation et de sensibilisation, tant institutionnels (dans les écoles et les collèges) qu’informels (dans les m é dias), concernant l’importance de l’utilisation des contraceptifs et le droit à la santé en matière de procréation.

Violence contre les femmes

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour combattre la violence fondée sur le genre mais note avec préoccupation les informations persistantes faisant état de la violence contre les femmes et de la clémence avec laquelle la police traite ce type d’infractions. Il prend note avec intérêt des séances extraordinaires tenues par ce que l’on appelle «les tribunaux du samedi» et des unités de soutien aux familles, mais regrette que les autorités ne veillent pas à ce que les auteurs d’actes de violence soient rapidement et systématiquement poursuivis. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’examen médical gratuit après un viol, le classement automatique des affaires après le retrait des plaintes par les victimes de la violence conjugale, et l’accès limité à l’aide juridictionnelle et à des services d’hébergement et de réadaptation pour les victimes de la violence sexuelle et conjugale (art. 3 et 7).

L’État partie devrait adopter une approche globale pour prévenir et combattre la violence fondée sur le sexe sous toutes ses formes et manifestations. Il devrait renforcer les unités de soutien aux familles, les services d’aide juridictionnelle et les effectifs du ministère public, mener des campagnes de sensibilisation sur les effets négatifs de la violence conjugale, et inform er les femmes de leurs droits et des mécanismes de protection existants. Il devrait aussi institutionnaliser et développer un cours de formation fondé sur une perspective de genre, qui devrait être obligatoire pour tous les fonctionnaires de justice et de police et les agents des services de santé, l’objectif étant de s’assurer qu’ils sont en mesure de bien faire face à toutes les formes de violence contre les femmes. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les cas de violence et de viol conjugaux fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les victimes de sévices sexuels aient droit à un examen médical gratuit, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours et des moyens de protection efficaces, y compris un nombre suffisant de foyers dans toutes les régions du pays.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

Le Comité constate avec inquiétude que, si la torture est interdite par la Constitution, l’État partie n’a pas adopté de législation pénale pour définir et incriminer expressément la torture. Il regrette de recevoir encore des informations selon lesquelles des détenus sont torturés et maltraités par les forces de l’ordre et prend note avec préoccupation de l’information fournie par l’État partie dans son rapport initial selon laquelle «aucune plainte pour torture n’a été officiellement déposée à ce jour». Il déplore l’absence de mesures concrètes prises par l’État partie pour enquêter de façon approfondie sur les cas présumés de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de mauvais traitements par les forces de l’ordre, et pour poursuivre leurs auteurs, ainsi que les retards pris dans l’établissement du Comité indépendant chargé de l’examen des plaintes concernant la police (art. 7 et 10).

L’État partie devrait adopter dans sa législation une définition de la torture qui soit pleinement conforme aux articles 1 er et 4 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants , et à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques . Il devrait s’assurer que les forces de l’ordre soient formées aux enquêtes sur les actes de torture et les mauvais traitements, en intégrant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul de 1999) dans tous les programmes de formation destinés aux agents des forces de l’ordre. L’État partie devrait veiller à ce que les allégations de torture et de mauvais traitements fassent effectivement l’objet d’enquêtes, que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes soient convenablement indemnisées.

Lois d’amnistie

Le Comité regrette que la disposition prévoyant l’amnistie générale dans l’Accord de paix de Lomé de 1999 continue d’entraver l’enquête sur les graves violations des droits de l’homme commises dans le passé. Il prend aussi note avec préoccupation de la récente affaire Ibrahim Baldeh Bah, ressortissant sénégalais, qui faisait l’objet de poursuites pénales privées en Sierra Leone, notamment pour des actes de torture, et qui a été expulsé de façon controversée du pays par un décret présidentiel avant qu’il ne puisse être traduit devant les tribunaux (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait veiller à ce que la clause d’amnistie ne s’applique pas aux violations les plus graves des droits de l’homme qui constituent des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Il devrait veiller à ce que de telles violations des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que leurs auteurs soient tenus responsables et qu’une réparation adéquate soit offerte aux victimes et à leur famille .

Abolition de la peine de mort

Le Comité salue la poursuite du moratoire sur la peine de mort et l’engagement pris par la délégation de l’État partie de l’abolir dans la loi, mais regrette la lenteur du processus visant à abolir la peine de mort et à retirer cette disposition de la Constitution de l’État partie (art. 6).

L’État partie devrait accélérer ses efforts en vue d’abolir la peine de mort et de la retirer de la Constitution, et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques , visant à abolir la peine de mort, conformément à l’information selon laquelle l’État partie s’ engageait à le faire et à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du Protocole.

Châtiments corporels

Le Comité constate que la loi relative aux droits de l’enfant (2007) incrimine et punit la torture et les mauvais traitements sur les enfants, mais il est préoccupé par le fait que les châtiments corporels continuent d’être pratiqués dans tous les contextes et qu’ils ne sont pas expressément interdits par la loi (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes (y compris des mesures législatives le cas échéant), pour mettre fin aux châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels, et devrait organiser des campagnes d’information pour faire prendre conscience de leurs effets préjudiciables.

Détention arbitraire et détention avant jugement

Le Comité reconnaît les progrès accomplis mais est préoccupé par les informations faisant état de la détention arbitraire, de la longueur de la détention avant jugement (y compris pendant le procès) et de l’exercice d’un pouvoir imprévisible et parfois excessivement restrictif dans l’octroi de la mise en liberté sous caution. Il est aussi préoccupé par le nombre élevé de personnes placées en détention avant jugement, y compris des mineurs, et par le fait que les prévenus ne sont pas séparés des condamnés (art. 9, 10 et 14).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour veiller à ce qu’aucune personne placée sous sa juridiction ne fasse l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire, et que les personnes détenues jouissent de toutes les garanties juridiques, conformément aux articles 9 et 14 du Pacte. L’État partie devrait également encourager la mise en œuvre par les tribunaux de mesures autres que la détention, en tenant compte des Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) , et prendre des mesures urgentes concernant la situation des détenus qui se trouvent en détention avant jugement depuis de nombreuses années. Il devrait en outre prendre des mesures appropriées pour que les personnes condamnées ne soient pas détenues avec des personnes en détention avant jugement.

Conditions de détention

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions dans les prisons, y compris les centres de détention pour mineurs, mais il est préoccupé par le surpeuplement dans les centres de détention, le mauvais état de ces centres, la sévérité des mesures disciplinaires et l’absence de mécanismes de contrôle pour surveiller les lieux de détention. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes incarcérées dans des centres de détention ont été agressées par des gardiens, par l’absence de séparation entre les délinquants mineurs et adultes et par la possibilité de l’emprisonnement à vie pour les mineurs (art. 9, 10 et 14).

L’État partie devrait renforcer ses efforts pour améliorer les conditions de vie et le traitement des détenus, et remédier au surpeuplement dans les centres de détention conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait concevoir des mesures autres que l’incarcération pour les personnes accusées et condamnées pour des infractions légères, et encourager la mise en liberté sous caution des suspects. L’État partie devrait également adopter un nouveau projet de loi pénitentiaire, interdisant les mesures disciplinaires sévères telles que les coups de fouet, la manipulation par l’alimentation et l’isolement prolongé, et établir un mécanisme confidentiel pour recevoir et traiter les plaintes émanant de détenus. L’État partie devrait veiller à ce que les détenues soient protégées contre les gardiens de sexe masculin et que le principe de la séparation entre détenus mineurs et adultes soit respecté. Il devrait aussi veiller à ce qu’aucun mineur ne soit condamné à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, et devrait adopter toutes les mesures appropriées pour examiner la situation des personnes qui purgent déjà de telles peines.

Réforme du secteur de la justice

Le Comité salue les efforts de l’État partie pour assurer l’accès à la justice sur son territoire, mais il est préoccupé par les limitations qui persistent dans ce domaine. Le Comité est particulièrement préoccupé par le manque d’indépendance du corps judiciaire, les allégations de corruption, la lenteur des procès et l’absence de garanties d’une procédure régulière (art. 2 et 14).

L’État partie devrait renforcer ses efforts pour améliorer les capacités du corps judiciaire, y compris en supprimant tous les obstacles inutiles, afin de garantir l’égalité d’accès à la justice. Il devrait aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’accès à des services de conseil et renforcer l’indépendance du corps judiciaire.

Réfugiés

Le Comité salue la mise en œuvre de la loi de 2007 sur la protection des réfugiés, qui a porté création de trois organes administratifs pour s’occuper des questions relatives aux réfugiés, mais il craint que cette solution ne soit pas viable à cause de l’insuffisance des fonds mis à la disposition de ces organes (art. 7 et 15).

L’État partie devrait s’assurer que les trois organes administratifs − à savoir , l’Autorité nationale pour les réfugiés et son secrétariat, la Commission nationale pour l’action sociale et la Commission des recours relatifs au statut de réfugié − reçoivent suffisamment de fonds pour favoriser leur viabilité.

Traite

Tout en appréciant les efforts déployés par l’État partie pour appliquer la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005) et la création du Bureau de la sécurité nationale chargé de coordonner les activités de surveillance de la traite, le Comité est préoccupé par la persistance du phénomène de la traite des personnes en Sierra Leone. Le Comité regrette l’absence de renseignements précis sur les poursuites et les condamnations de trafiquants (art. 8).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour assurer la formation des forces de l’ ordre et des gardes frontière , y compris du personnel du Bureau de la sécurité nationale, à l’application de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains. Il devrait redoubler d’efforts pour veiller à ce que tous les trafiquants soient traduits en justice et à ce que les victimes soient convenablement indemnisées.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son rapport initial, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 14, 16 et 20 des présentes observations finales.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 28 mars 2017, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée à toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande aussi à l’État partie, lorsqu’il élaborera son deuxième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays.