Nations Unies

CRC/C/OPSC/LAO/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

3 juillet 2015

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par la République démocratique populaire lao en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

Le Comité a examiné le rapport initial de la République démocratique populaire lao (CRC/C/OPSC/LAO/1) à sa 2004e séance (CRC/C/SR.2004), le 27 mai 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2024e séance (CRC/C/SR.2024), le 5 juin 2015.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie et ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPSC/LAO/Q/1/add.1) et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales sont à lire conjointement avec celles qu’il a adoptées le 4 février 2011 au sujet du deuxième rapport périodique de l’État partie soumis en application de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/LAO/CO/2) ainsi qu’avec les observations finales concernant le rapport initial soumis en application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/LAO/CO/1), adoptées le 5 juin 2015.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments suivants :

a)La Convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, en juin 2005 ;

b)La Convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie dans les domaines intéressant la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment l’adoption, en décembre 2014, de la loi visant à prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et des enfants.

Le Comité accueille également avec satisfaction les progrès réalisés en ce qui concerne la création d’institutions et l’adoption de plans et programmes nationaux qui facilitent la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment :

a)L’adoption du Plan d’action national pour prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes et des enfants (2014-2020) ;

b)L’adoption, en 2012, du premier Plan d’action national contre la traite des personnes et, en 2013, du nouvel accord entre la République démocratique populaire lao et la Chine sur la coopération en matière de prévention et de lutte contre la traite des personnes.

III.Données

Le Comité est préoccupé par l’absence de données ventilées sur les enfants vulnérables qui risquent d’être vendus ou utilisés à des fins de prostitution et de pornographie, tels que les enfants membres de minorités ethniques, en particulier les Môn-Khmers et les Tibéto-Birmans, les enfants migrants et réfugiés, les enfants qui vivent dans des institutions, les garçons transgenres, les enfants vivant dans des conditions d’exploitation, les enfants des zones rurales et les enfants vivant dans la pauvreté. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’un système global de collecte de données recensant toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, qui permettrait à l’État partie de déterminer l’ampleur du phénomène de la vente d’enfants ou de l’utilisation d’enfants aux fins de la prostitution et de la pornographie, ainsi que la nature précise de ces infractions.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un système complet, coordonné et efficace de collecte de données, d ’ analyse, de suivi et d ’ évaluation de l ’ impact dans tous les domaines couverts par le Protocole facultatif. Les données devraient être ventilées, entre autres, selon le sexe, l ’ âge, la nationalité et l ’ origine ethnique, la région et la situation socioéconomique et une attention particulière devrait être accordée aux enfants qui risquent d ’ être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif. Des données devraient être également collectées sur le profil des responsables des infractions et sur le nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité, ventilées par type d ’ infraction.

IV.Mesures d’application générales

Politique et stratégie globales

Le Comité note que, bien que plusieurs plans et programmes aient été adoptés et mis en œuvre pour lutter contre la traite, en particulier la traite transfrontière, il n’existe pas de stratégie globale visant à appliquer le Protocole facultatif et à mettre un terme à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer un nouveau plan d ’ action national qui traitera de manière exhaustive toutes les questions visées par le Protocole facultatif, compte tenu des documents finals des premier, deuxième et troisième C ongrès mondiaux contre l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Coordination et évaluation

Le Comité note que plusieurs départements ou organismes gouvernementaux sont chargés de la mise en œuvre du Protocole facultatif, comme la Commission nationale pour les mères et les enfants ainsi que les bureaux provinciaux du Comité directeur national sur la traite des personnes et les services de lutte contre la traite du Ministère de la sécurité publique, mais il est préoccupé par la coordination insuffisante entre ces organes, ainsi que par le manque de coopération entre les organismes gouvernementaux et les organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans les domaines visés par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la coordination entre les différents départements et organismes gouvernementaux œuvrant dans les domaines couverts par le Protocole facultatif, aux niveaux central, provincial et du district. L ’ État partie est également encouragé à renforcer la coopération avec les ONG dans la mise en œuvre et l ’ évaluation du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité prend note des initiatives menées par l’État partie pour sensibiliser la population aux problèmes de la traite des êtres humains, mais constate avec préoccupation que le Protocole facultatif n’a pas fait l’objet d’une promotion et d’une diffusion suffisantes, notamment auprès des responsables des institutions chargées de l’appliquer, des agents de la police des frontières, des travailleurs sociaux, des législateurs, des parents, des enseignants, des forces de l’ordre, des enfants et du public en général. Le Comité note également avec préoccupation que les questions se rapportant au Protocole facultatif ne figurent toujours pas dans les programmes scolaires.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour faire largement connaître les dispositions du Protocole facultatif. À cette fin, l ’ État partie devrait, en particulier :

a) Élaborer et exécuter, en concertation avec les communautés, les organisations de la société civile et les enfants, des programmes d ’ éducation et de sensibilisation de longue haleine concernant les mesures de prévention et les effets néfastes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, y compris les mécanismes d ’ assistance et de signalement qui ont été mis en place pour éviter que les enfants ne soient victimes de ces infractions ;

b) Diffuser de façon systématique le Protocole facultatif auprès des agents de l ’ État à l ’ échelle nationale comme au niveau des provinces et des districts, ainsi qu ’ auprès de tous les professionnels concernés, en particulier les agents de la police des frontières, les juges et les procureurs ;

c) Incorporer les questions se rapportant au Protocole facultatif dans les programmes scolaires de l ’ enseignement primaire et secondaire.

Formation

Le Comité note que des activités de formation portant sur la traite des êtres humains ont été entreprises en collaboration avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, mais relève avec préoccupation que toutes les infractions visées par le Protocole facultatif ne sont pas traitées de manière adéquate dans le cadre des activités de formation, lesquelles ne sont pas proposées à tous les professionnels travaillant avec ou pour les enfants, notamment dans les zones rurales et reculées, et que les professionnels concernés, notamment les agents de la police des frontières et le personnel de l’administration judiciaire, n’ont pas reçu une formation suffisante sur les dispositions du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mobiliser des ressources suffisantes pour proposer une formation systématique et ciblée sur les dispositions du Protocole facultatif et leur mise en œuvre à tous les professionnels travaillant avec ou pour les enfants, ainsi qu ’ aux agents de la police des frontières, aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux agents publics, y compris au niveau des provinces et du district ;

b) De veiller à ce que cette formation repose sur des programmes pluridisciplinaires élaborés en concertation avec les communautés, les organisations de la société civile et les enfants victimes ;

c) De procéder à des évaluations régulières des activités de formation afin de s ’ assurer que les connaissances et les compétences acquises se traduisent dans la pratique, dans le but de repérer efficacement les victimes et de protéger les enfants contre les infractions visées par le Protocole facultatif ;

d) De solliciter une assistance technique auprès des organisations internationales et des ONG partenaires pour la mise en œuvre de ces recommandations.

Allocation de ressources

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas alloué de ressources suffisantes à la mise en œuvre des plans et politiques relatifs au Protocole facultatif. Il est également très préoccupé par l’ampleur de la corruption dans l’État partie, qui est à l’origine du détournement d’une grande partie des ressources prévues pour l’application des plans et politiques essentiels à la mise en œuvre du Protocole facultatif et qui a entravé la capacité du Gouvernement à mener une action de prévention et à lutter contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité recommande vivement à l ’ État partie d ’ augmenter les crédits budgétaires alloués à la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment en prévoyant au titre du budget ordinaire des ressources humaines, techniques et financières pour mettre en place des programmes visant à donner effet aux dispositions d U Protocole, en particulier en ce qui concerne les enquêtes pénales, les services d ’ avocats et l ’ assistance au rétablissement physique et psychologique des victimes. Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre immédiatement des mesures pour prévenir et réprimer efficacement la corruption et pour poursuivre les personnes impliquées dans des actes de corruption.

Société civile

Le Comité est profondément préoccupé par les obstacles auxquels font face les ONG et par les possibilités limitées qu’ont les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes de surveiller la situation des droits de l’enfant protégés par le Protocole facultatif et d’en rendre compte, en raison des manœuvres d’intimidation, du harcèlement, des arrestations arbitraires et des mauvais traitements dont ils font souvent l’objet et des peines de prison qui leur sont infligées. Le Comité note en outre avec une vive préoccupation l’absence de progrès dans l’enquête portant sur la disparition de Sombath Somphone, un militant social de premier plan qui s’est notamment employé à améliorer l’accès des enfants à l’éducation afin de remédier aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des enfants.

Le Comité recommande vivement à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures immédiates pour permettre aux journalistes, aux défenseurs des droits de l ’ homme et à toutes les ONG, y compris aux groupes d ’ enfants, de surveiller les violations des droits des enfants, d ’ enquêter et d ’ informer à ce sujet et d ’ exercer leur droit à la liberté d ’ expression et d ’ opinion sans être menacés, harcelés ou soumis à quelque vexation que ce soit par suite de ces activités ;

b) De mettre d ’ urgence un terme à toutes les formes d ’ intimidation et de représailles contre les défenseurs des droits de l ’ homme, y compris les enfants, et d ’ adopter des lois et politiques visant spécifiquement à reconnaître et à protéger le travail des défenseurs des droits de l ’ homme ;

c) De lutter contre l ’ impunité en menant des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de disparition forcée, y compris celle de Sombath Somphone , et sur toutes les violations des droits des défenseurs des droits de l ’ homme, et de veiller à ce que les coupables soient poursuivis et que les victimes aient accès à des recours effectifs.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9, par. 1 et 2)

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité note que l’État partie a fait des efforts pour prévenir l’exploitation sexuelle et la traite des enfants, notamment en menant des campagnes de sensibilisation auprès des communautés sur les risques en la matière. Cependant, le Comité constate avec une vive préoccupation que l’État partie est essentiellement un pays d’origine de la traite, avec pour destination principale la Thaïlande, et qu’une majorité écrasante des victimes d’exploitation sexuelle sont des filles âgées de 10 à 18 ans, dont la plupart sont contraintes de se livrer à la prostitution. Le Comité est particulièrement préoccupé par les faitssuivants :

a)Les politiques et programmes actuels ne parviennent pas à s’attaquer aux causes profondes de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, à savoir notamment la discrimination à l’encontre des enfants membres des communautés ethniques, la pauvreté, le taux élevé d’abandon scolaire, l’absence d’accès à un enseignement gratuit, la situation des enfants des rues et la migration de main-d’œuvre dans des conditions peu sûres, en particulier vers la Thaïlande ;

b)La construction de barrages hydroélectriques et les activités des grandes industries extractives entraînent le déplacement de communautés, notamment d’enfants appartenant aux minorités ethniques, qui se trouvent ainsi exposés aux mauvais traitements, à l’exploitation sexuelle et à la traite ;

c)Malgré une augmentation de l’enregistrement des naissances, environ 67 % des enfants enregistrés ne possèdent pas de certificat de naissance et l’enregistrement des naissances parmi les familles de la minorité hmong-mien est particulièrement faible, ce qui expose les enfants au risque d’être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif ;

d)Le manque d’information de la société, notamment des parents et des enfants eux-mêmes, en ce qui concerne les infractions impliquant l’exploitation sexuelle des enfants, et la tolérance sociale et culturelle qui entourent l’exploitation sexuelle des enfants au sein des communautés empêchent le signalement de ces infractions et la poursuite des coupables ;

e)Il n’existe pas de mécanisme permettant la participation des enfants à l’élaboration des lois, politiques et programmes destinés à lutter contre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter une démarche globale pour lutter contre les causes profondes des infractions visées par le Protocole facultatif et de cibler les familles et les enfants se trouvant dans les situations les plus vulnérables, y compris les membres des groupes ethniques môn-khmer et tibéto-birman. Le Comité recommande notamment à l ’ État partie de renforcer ses stratégies de réduction de la pauvreté et les mesures d ’ accompagnement social des familles démunies et marginalisées, en particulier de mettre en place des programmes d ’ intervention précoce auprès des enfants pour aider les parents à mieux s ’ acquitter de leurs obligations de soins et de protection. En outre, il engage l ’ État partie à :

a) Prévenir et/ou faire cesser les déplacement s d ’ enfants autochtones provoqués par la construction de barrages hydroélectriques et les activités des grandes industries extractives, atténuer les risques d ’ exposition des enfants aux délits visés par le Protocole facultatif et leur donner accès, ainsi qu ’ à leur famille, à de s mécanismes judiciaires et non judiciaires offrant des recours effectifs lorsque leurs droits ont été violés ;

b) Élargir le dispositif en vigueur concernant l ’ obligation légale de mener des évaluations d ’ impact de façon qu ’ il prenne expressément en compte les droits des enfants et les répercussions particulières sur certaines catégories d ’ enfants, comme les enfants autochtones, en se fondant sur le Protocole facultatif et sur les observations finales et les observations générales pertinentes du Comité ;

c) Développer et renforcer les mesures visant à ce que tous les enfants, y compris les enfants des familles hmong-mien, soient enregistrés à la naissance ;

d) Entreprendre des activités de sensibilisation soutenues faisant appel aux médias et à la participation des communautés, notamment à la mobilisation des chefs de communauté, des enseignants locaux et des groupes d ’ enfants et de jeunes, afin de faire évoluer les comportements face à l ’ exploitation sexuelle des enfants et, en particulier, à la pornographie mettant en scène des enfants, et d ’ encourager le signalement de ces infractions ;

e) Intégrer les mécanismes de participation des enfants à l ’ élaboration des législations, des politiques et des programmes visant à prévenir efficacement l ’ exploitation sexuelle et la traite des enfants. À cette fin, le Comité recommande en outre à l ’ État partie de créer un environnement favorable, exempt d ’ intimidation et de représailles, pour encourager et aider les enfants à participer et à exprimer librement leur opinion.

Adoption

Le Comité note que l’État partie a édicté un nouveau décret visant à réglementer l’adoption nationale et internationale. Cependant, il regrette que l’État partie ne se soit pas doté d’un mécanisme de contrôle des adoptions nationales et internationales et qu’il n’ait pas ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Le Comité rappelle ses précédentes recommandations (voir CRC/C/LAO/CO/2, par. 46) et demande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme visant à contrôler toutes les adoptions, nationales et internationales, afin de s ’ assurer qu ’ elles sont en pleine conformité avec les principes et dispositions de l ’ ensemble des normes internationales pertinentes. Le Comité encourage également l ’ État partie à ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale.

Pornographie mettant en scène des enfants

Le Comité est extrêmement préoccupé par les faits suivants :

a)Il est facile de se procurer des images pédopornographiques en les téléchargeant sur des téléphones mobiles et des clefs USB dans des magasins vendant des CD, nombreux sur le territoire de l’État partie.L’équipe d’intervention d’urgence en matière de sécurité informatique du Centre Internet national n’a pas la capacité de détecter ou de bloquer des contenus pédopornographiques ou des sites Web diffusant de tels contenus ;

b)Un nombre croissant d’adolescents filment leurs ébats sexuels sur leur téléphone mobile et aucune politique ou plan spécifique n’a été mis en place pour lutter contre les problèmes liés à la pornographie des mineurs.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ empêcher efficacement la publication et la diffusion de matériels pornographiques concernant les enfants en mettant en place une surveillance des magasins vendant des CD et en établissant des mécanismes qui permettent de bloquer automatiquement les contenus illégaux relayés par les fournisseurs d ’ accès à Internet et d ’ autres médias  ;

b) De renforcer les capacités de l ’ équipe d ’ intervention d ’ urgence en matière de sécurité informatique afin qu ’ elle puisse détecter ou bloquer les contenus pédopornographiques ou les sites Internet diffusant de tels contenus ;

c) De mener de vastes campagnes de sensibilisation auprès des adolescents sur les effets néfastes de la pornographie.

Tourisme pédophile

Le Comité constate avec une grande préoccupation que de nombreux enfants sont exploités sexuellement par des pédophiles étrangers dans l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de législation nationale interdisant expressément le tourisme pédophile et le fait que le Gouvernement n’a pas les capacités nécessaires pour traiter efficacement cette question ;

b)L’insuffisance du cadre juridique et le manque de coordination entre l’État partie et les organismes internationaux qui s’emploient à identifier et poursuivre les pédophiles et les pédopornographes, et le fait que l’État partie demeure l’un des principaux pays de destination du tourisme pédophile ;

c)La sensibilisation insuffisante au problème de l’exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme et l’industrie des voyages, la réglementation lacunaire du secteur privé, tout particulièrement du secteur des voyages, de l’hôtellerie et du tourisme, et le manque de collaboration avec celui-ci pour prévenir et combattre le tourisme pédophile.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour détecter les enfants qui sont particulièrement susceptibles d ’ être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, tels que les enfants issus des communautés ethniques, les enfants vivant dans les zones rurales et les enfants touchés par la pauvreté, et d ’ articuler ces mesures avec les programmes de protection de l ’ enfant et les stratégies de réduction de la pauvreté existants. Il demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ interdire explicitement dans la législation nationale le tourisme pédophile organisé et de renforcer les connaissances et les capacités des forces de l ’ ordre en ce qui concerne ce problème, notamment grâce à la formation et la collaboration avec les organismes de l ’ ONU, en particulier le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance et l ’ Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la surveillance des structures d ’ hébergements touristiques non déclarées et des activités clandestines liées à l ’ exploitation sexuelle des enfants ;

c) De prévoir une réglementation et des interventions auprès du secteur privé, en particulier de l ’ industrie du tourisme, afin de prévenir, surveiller et signaler aux autorités compétentes les cas de traite et d ’ exploitation sexuelle des enfants. L ’ État partie devrait également faire en sorte que le Ministère du tourisme contrôle effectivement que les hôtels, agences de voyages et opérateurs touristiques respectent les contrats qu ’ il a signés avec eux en vue d ’ interdire le tourisme pédophile et de protéger les enfants en général ;

d) De diffuser largement la Charte d ’ honneur pour le tourisme et le Code mondial d ’ éthique du tourisme auprès des agences de voyages et de tourisme et les encourager à signer le Code de conduite pour la protection des enfants contre l ’ exploitation sexuelle dans le tourisme et l ’ industrie des voyages.

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3), 5, 6 et 7)

Lois et réglementations pénales en vigueur

Le Comité note avec une grande préoccupation que le droit interne n’énumère pas complètement et n’incorpore pas toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il est particulièrement préoccupé par le fait que :

a)Les différentes formes de vente d’enfants, y compris aux fins du transfert d’organes, visées par les articles 2 a) et 3 1) a) i) du Protocole facultatif, n’ont pas toutes été classées comme des infractions distinctes de la traite des êtres humains ;

b)Certaines dispositions du droit pénal sanctionnant des infractions visées par le Protocole facultatif, notamment la prostitution des enfants, ne protègent les enfants que jusqu’à l’âge de 15 ans et les sanctions prévues pour ces infractions par le droit pénal et les lois relatives à la protection de l’enfance ne prennent pas en compte de manière adéquate la gravité des délits ;

c)L’État partie ne dispose pas d’une législation incriminant spécifiquement la possession de matériel pédopornographique et la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles (manipulation), notamment au moyen des technologies de l’information et de la communication ;

d)Le droit pénal érige en infraction pénale uniquement le viol de filles et non le viol de garçons, ce qui a pour effet que les infractions relatives à l’exploitation sexuelle de garçons restent impunies.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à réviser son Code pénal et les lois pertinentes afin de les rendre pleinement conformes aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif. L ’ État partie devrait notamment :

a) Définir, réglementer et ériger en infraction pénale toutes les formes de vente d ’ enfants, y compris aux fins de la vente d ’ organes, qui est une notion similaire, mais non identique, à la traite des personnes ;

b) Veiller à ce que tous les mineurs de moins de 18 ans soient pleinement protégés par le droit pénal et les loi s relatives à la protection de l ’ enfance et que les sanctions prévues pour les infractions visées par le Protocole facultatif reflètent de manière appropriée la gravité des délits afin d ’ avoir un effet dissuasif et de garantir la justice pour les victimes ;

c) Ériger en infraction pénale toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, y compris la sollicitation d ’ enfants à des fins sexuelles (manipulation) et la possession de matériels pédopornographiques ;

d) Définir explicitement et ériger en infraction pénale le viol de tous les enfants de moins de 18 ans, y compris des garçons.

Impunité

Le Comité est alarmé par le grand nombre d’affaires de traite et d’exploitation sexuelle d’enfants qui n’aboutissent pas à une déclaration de culpabilité en raison de la pratique des règlements extrajudiciaires traditionnels au niveau du village et de l’incapacité des autorités judiciaires à faire appliquer la loi. Le Comité est tout particulièrement préoccupé par la rareté des poursuites engagées à l’encontre des trafiquants étrangers et par le fait que l’impunité reste très répandue lorsqu’il s’agit de la prostitution des enfants et des enquêtes et poursuites relatives à la traite, principalement en raison de la corruption et, parfois, de la complicité présumée des responsables de la police, de la justice et de l’immigration dans la traite des personnes.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de lutter efficacement contre la corruption et l ’ impunité et d ’ appliquer intégralement les lois en vigueur, qui imposent des sanctions sévères aux personnes se rendant coupables d ’ infractions visées par le Protocole facultatif. Il recommande en particulier à l ’ État partie de s ’ attaquer immédiatement, à titre prioritaire, au problème de la corruption et de l ’ impunité, notamment en menant des enquêtes rigoureuses et en engageant des poursuites contre les fonctionnaires qui se sont rendus complices de tels actes.

Extradition

Le Comité est très préoccupé par le fait que l’État partie ne s’est pas doté d’une loi spécifique sur l’extradition et qu’il maintient sa réserve au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation globale en vue de considérer dans tous les cas comme des motifs d ’ extradition les infractions visées par le Protocole facultatif et d ’ envisager de retirer sa réserve au paragraphe 2 de l ’ article 5 du Protocole facultatif.

VII.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9, par. 3 et 4)

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions interdites en application du Protocole facultatif

Le Comité est très préoccupé par le fait que les enfants victimes de traite et de prostitution sont souvent traités non pas comme des victimes mais comme des délinquants, et que le respect de leur vie privée et de leur sécurité n’est pas garanti durant la procédure pénale. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants victimes de traite dans l’État partie et les enfants utilisés à des fins de prostitution sont assimilés à des délinquants ou déclarés coupables pour s’être livrés à la prostitution.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter une démarche globale et intégrée qui prévoie une législation et une stratégie nationale pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d ’ infractions dans l ’ État partie. Il exhorte en particulier l ’ État partie à :

a) Veiller à ce que toutes les personnes âgées de moins de 18 ans qui sont victimes de l ’ une quelconque des infractions visées par le Protocole facultatif ne puissent pas, en leur qualité de mineurs, être considérées comme des délinquants ni sanctionnées par les juridictions à l ’ échelon central, de la province ou du district. À cette fin, le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ assurer que les enfants victimes bénéficient d ’ une protection jusqu ’ à l ’ âge de 18 ans et non pas un âge inférieur ;

b) S ’ assurer que les enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif sont considérés comme des victimes et non comme des délinquants et que les personnels chargés de la détection des enfants victimes, y compris les agents de la police des frontières, les juges, les procureurs, les policiers, les travailleurs sociaux, le personnel médical, les employés du service d ’ immigration, de même que les autres professionnels travaillant au contact des enfants victimes ont reçu une formation portant sur les droits et la protection des enfants ainsi que sur les techniques d ’ entretien.

Réadaptation et réinsertion des victimes

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie s’appuie trop largement sur les ONG et les organisations internationales pour fournir des financements et d’autres formes de soutien nécessaires à la réadaptation et à la réinsertion des enfants victimes. De plus, les mesures de réadaptation et de réinsertion ne concernent que les victimes de la traite et ne prennent pas suffisamment en compte les besoins des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, particulièrement au niveau du district, en raison du manque de ressources et du nombre insuffisant de fonctionnaires et de professionnels dûment formés. Le Comité regrette en outre qu’il n’existe pas de programme public de réadaptation et de réinsertion et que les activités d’assistance et de réinsertion sociale soient principalement prises en charge par des organisations non gouvernementales et des organismes de l’ONU.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les services appropriés, comme les soins médicaux (y compris l ’ accès aux services de santé sexuelle et procréative), la fourniture de conseils, un appui financier et des services de logement adéquats soient mis à disposition de tous les enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, notamment dans la perspective de leur pleine réinsertion sociale et de leur plein rétablissement physique et psychologique, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l ’ article 9 du Protocole facultatif ;

b) De prendre des mesures en vue de dispenser une formation appropriée, en particulier dans les domaines juridique et psychologique, aux personnes qui s ’ occupent des victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, conformément à l ’ article 8 de celui-ci ;

c) De veiller à ce que tous les enfants victimes d ’ infractions décrites dans le Protocole facultatif aient accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables, conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l ’ article 9 du Protocole.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, bilatéraux et régionaux

Le Comité accueille avec satisfaction les différents mémorandums d ’ accord signés par l ’ État partie avec les pays voisins dans le souci de prévenir et de combattre la traite des personnes, y compris la traite des enfants. À la lumière du paragraphe 1 de l ’ article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l ’ État partie à continuer de resserrer sa coopération internationale dans le cadre d ’ accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, et notamment en renforçant les procédures et mécanismes de coordination de la mise en œuvre de ces accords, afin de mieux prévenir les actes visés par le Protocole facultatif, d ’ en identifier les auteurs, d ’ enquêter sur eux, de les poursuivre et de les sanctionner.

IX.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédurede présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications, en vue de renforcer l ’ exercice des droits de l ’ enfant.

X.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant aux ministères compétents, au Parlement et aux autorités locales et nationales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les observations finales s ’ y rapportant, soient largement diffusés, notamment par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

XI.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 12 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.