Nations Unies

CRC/C/OPSC/SEN/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

8 décembre 2022

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ enfant

Rapport soumis par le Sénégal en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, attendu en 2005 * , **

[Date de réception : 23 septembre 2016]

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Le contexte national4

III.Analyse de la situation5

A.La traite des enfants5

B.La prostitution des enfants6

C.La pornographie mettant en scène des enfants8

D.Déterminants des risques et de leur évolution8

IV.Les instruments internationaux et régionaux10

A.Au plan international10

B.Au plan régional11

V.Le cadre législatif national11

A.La loi no 99-05 du 29 janvier 1999 réprimant les abus et exploitations sexuels11

B.La loi no 2008-11 du 25 janvier 2008 relative à la cybercriminalité12

C.La répression du mariage précoce12

D.La lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées12

E.Le travail des enfants13

F.La prostitution enfantine14

G.La pornographie enfantine15

VI.Le cadre institutionnel16

VII.Les mesures prises par l’État du Sénégal pour une meilleure application du Protocole et les progrès réalisés16

A.Sur le plan institutionnel16

B.Au plan sous-régional21

C.Sur le plan juridique21

D.Au niveau politique : l’adoption de la SNPE21

VIII.Les difficultés rencontrées dans l’application du Protocole22

IX.Quelques axes stratégiques pour une meilleure application du Protocole23

X.Conclusion24

I.Introduction

1.Le Sénégal, en ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant le 31 juillet 1990 et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie, mettant en scène les enfants, le 19 août 2003 par la loi 2003-24, s’est engagé conformément aux dispositions à soumettre au Comité des droits de l’enfant de Genève, son rapport initial.

2.En se soumettant à cet exercice, l’État du Sénégal réaffirme son engagement en faveur de la protection des enfants, d’autant plus qu’il est partie prenante à la quasi-totalité des protocoles et conventions qui visent à sauvegarder l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment :

•La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, punir et réprimer la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ratifiés en 2003 ;

•La Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, signée par le gouvernement du Sénégal le 4 février 1985 et ratifiée 26 août 1986 ;

•La Convention des Nations Unies relative à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes, signée par le gouvernement du Sénégal le 29 juillet 1980 et ratifiée le 5 février 1985 ;

•La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la loi no 90-21 du 26 juin 1990 ;

•La Convention no 138 de l’OIT, sur l’âge minimum d’admission à l’emploi du 26 juin 1993, ratifiée par la loi no 99-71 du 14 janvier 1999 ;

•La Convention no 182 de l’OIT du 17 juin 1999 sur les pires formes de travail des enfants, ratifiée par la loi no 99-72 du 14 janvier 1999 ;

•La Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille du 13 décembre 1990, ratifiée par la loi no 99-73 du 14 janvier 1999 ;

•La Convention sur la protection des enfants migrants et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993, ratifiée par la loi no 99-33 ;

•Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armés du 25 mai 2000, ratifiée par la loi no 2003-25 du 19 août 2003.

3.Le présent rapport a pour but de renseigner sur l’ampleur des différentes problématiques, ainsi que les dispositions et mesures prises pour donner effet aux dispositions du Protocole. Aussi, il retrace les difficultés liées à son application et dégage les orientations en vue d’une meilleure prise en compte de ce protocole dans le domaine de la protection de l’enfant.

4.La démarche adoptée pour la rédaction est de présenter d’abord le contexte national avant de faire une analyse de la situation, et de visiter les différents instruments internationaux et régionaux ratifiés par le Sénégal en matière de protection de l’enfance ; par ailleurs, le cadre législatif national et le cadre institutionnel mis en place dans la cadre de la protection des enfants seront étudiés. Ensuite, les différentes mesures prises par l’État pour une meilleure application du Protocole seront examinées, ainsi que les progrès réalisés avec l’appui des ONG et partenaires et aussi les difficultés relatives à son application. Enfin, nous proposerons des perspectives et quelques axes stratégiques pour une meilleure application du Protocole.

Méthodologie

5.La rédaction de ce rapport a été menée à la suite d’une étude articulée sur deux principales étapes. Cette étude a été pilotée par le cadre enfant du Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance (DDPEGV, ANPECTP, DPE, Centre GINNDI). L’étude a été confiée à un consultant expert en droit de l’enfant pour une durée d’un mois répartie en deux étapes phares :

•Une étape de collectes de données a été effectuée auprès des différents acteurs travaillant dans les domaines couverts par le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (voire liste des acteurs concernés en annexe à la page 51). Pour cette collecte de données, la méthode adoptée recoupe la revue documentaire au niveau des acteurs qui disposaient de documents, les interviews inter personnels ou en groupes, par échanges téléphoniques ou par mail, compte tenu du calendrier chargé de certains acteurs et des délais fixés ;

•Une étape de rédaction du rapport déclinée en deux phases : la conception d’un rapport provisoire soumis à la validation du comité de pilotage, et la rédaction du rapport final qui a fait l’objet d’un partage à travers un atelier national regroupant les acteurs étatiques, les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers concernés par la problématique.

II.Le contexte national

6.Pays soudano-sahélien situé à l’extrême ouest du continent africain, le Sénégal est limité, au nord, par la République de Mauritanie, à l’est, par le Mali, au sud, par la Guinée Bissau et la Guinée et, à l’ouest, par l’Océan atlantique. Il est traversé par la Gambie qui est une enclave de terre située entre les régions de Kaolack et de Ziguinchor, sur le cours inférieur du fleuve du même nom.

7.D’une superficie de 196 722 kilomètres carrés, le Sénégal possède une grande ouverture sur l’Océan atlantique avec ses 700 kilomètres de côtes. C’est un pays plat, l’altitude dépassant rarement 100 mètres et le point culminant, le mont Assiriki, situé au sud-est du pays, a une hauteur de 381 mètres.

8.Le Sénégal dispose d’une masse importante de données sociodémographiques et économiques grâce à de nombreuses enquêtes réalisées au cours des trente dernières années. En effet, en dehors de trois recensements généraux (RGP de 1976, RGPH de 1988 et RGPH de 2002), plusieurs enquêtes d’envergure nationale ont été menées, parmi lesquelles on peut citer l’Enquête Sénégalaise sur la Fécondité de 1978, l’Enquête sur les Migrations et l’Urbanisation au Sénégal en 1993, l’Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (1994/1995 et 2001/2002), cinq Enquêtes Démographiques et de Santé (1986, 1992-1993, 1997, 2005 et 2010-2011), l’Enquête Nationale sur le Travail des Enfants au Sénégal en 2005 et l’Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal en 2006 et en 2011. Ces différentes investigations ont permis d’obtenir des indicateurs démographiques de base à différentes dates qui contribuent au suivi et à l’évaluation des projets et programmes de développement.

9.La population du pays recensée en 2013 est de 12 873 601dont 6 428 189 hommes et 6 445 412 femmes. Cette population en 2002 s’établissait à 9 858 482 habitants, soit un taux d’accroissement moyen annuel intercensitaire entre 2002-2013 de 2,5 %. Avec 4 958 085 en 1976 et 6 881 919 en 1988, les taux d’accroissement intercensitaires étaient respectivement de 2,7 % et 2,5 % pour 1976-1988 et 1988-2002.

10.La population sénégalaise se caractérise par sa grande jeunesse : la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans (17 ans chez les hommes contre 19 ans chez les femmes). En outre, les moins de 20 ans représentent 52,7 %. Les enfants âgés de moins de 15 ans constituent 42,1 % de la population globale. La proportion est plus importante chez les garçons (43,6 %) que chez les filles (40,5 %). Par ailleurs, 3,5 % de la population a 65 ans et plus. C’est dire que le coefficient de dépendance démographique est élevé. Il correspond à 84 personnes inactives (moins de 15 ans et 65 ans et plus) pour 100 personnes actives (15 à 64 ans). La population électorale, celle âgée de 18 ans ou plus est de 51,4 %. Elle est plus importante chez les femmes (53,0 %) que chez les hommes (49,7 %).

11.Dans cette population, on observe une quasi-égalité entre l’effectif des hommes et celui des femmes. En effet, le rapport global de masculinité s’élève à 99,7 hommes pour 100 femmes. En 2002, ce rapport était de 96,9.

12.Toutefois, en considérant les grands groupes d’âges, on observe un avantage numérique des hommes sur les femmes aux âges jeunes moins de 15 ans avec 107 garçons pour 100 filles.

13.Pour les tranches d’âges 15-64 ans et 65 ans ou plus, la tendance s’inverse en faveur des femmes avec respectivement 95 et 94 hommes pour 100 femmes. Cette situation pourrait s’expliquer par une migration différentielle en faveur des hommes pour la tranche d’âge 15-64 ans. Au-delà de 65 ans, en plus de la migration, cela pourrait s’expliquer par une espérance de vie plus longue chez les femmes.

14.Au niveau national, le taux d’analphabétisme se situe à 65 %. Ce taux d’analphabétisme varie d’une région à une autre : le plus faible est observé à Dakar (35 %) ; Ziguinchor suit avec 43 %. Dans les autres régions, en dehors de Saint-Louis et Thiès, l’analphabétisme se situe à plus de 75 %.

15.Ces différentes données impactent sur la situation des enfants au Sénégal, car combinées au faible revenu de la majorité des ménages, et créent les conditions favorisant une plus grande vulnérabilité chez les enfants.

III.Analyse de la situation

16.La Rapporteuse spéciale des Nations Unies Mme Najat Maala Mjid a effectué une mission au Sénégal du 21 au 30 octobre 2009 dont l’un des objectifs était d’apprécier les réalisations depuis la ratification du Protocole en vue de respecter les engagements de l’État partie vis-à-vis dudit Protocole. Ainsi après avoir fait l’état des lieux, elle a présenté son rapport au Conseil des Droits de l’Homme qui a formulé un ensemble de recommandations visant à renforcer la prévention, la protection des enfants et le renforcement de notre arsenal juridique.

17.Ce rapport reflète les avancées qui ont été réalisées après sa mission en réponse aux recommandations formulées.

A.La traite des enfants

18.La traite des personnes, une des formes d’esclavage les plus lucratives et les plus importantes à côté du trafic illicite d’armes et de stupéfiants, a connu un développement sans précédent en Afrique de l’Ouest et plus particulièrement au Sénégal au cours de ces dernières décennies.

19.Cette pratique constitue une violation grave des droits inhérents à la personne humaine et à sa dignité. Elle se manifeste par la pratique d’actes à caractère lucratif et réprimés par la loi tels que la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

20.Au Sénégal, il apparait que les victimes de la traite sont principalement les femmes et les enfants, car étant considérées comme les groupes les plus vulnérables. Ces cibles sont généralement exploitées à des fins sexuelles et/ou économiques (pornographie, pédophilie, travail domestique, mendicité, etc.).

21.Le phénomène de la traite au Sénégal se complexifie par les différentes formes qu’il revêt et les plus manifestes sont l’exploitation par la mendicité et le travail des enfants.

1.La mendicité des enfants

22.Le rapport de « Human Right Watch » donne un effectif d’environ 50 000 enfants sujet à la mendicité dans les villes, la plupart d’entre eux sont âgés en moyenne de 10 ans et proviennent soit des régions affectées par la pauvreté et la sécheresse (Kolda, Kaolack) soit des pays voisins (50 % des enfants viendraient de la Guinée Bissau, de Guinée Conakry, du Mali et de la Gambie). Ces enfants vivent dans des conditions précaires en matière de logement, d’habillement et d’alimentation. De ce fait, ils sont surexposés à la violence, à l’exploitation, au trafic humain et aux abus sexuels.

23.La mendicité constitue chez eux un « travail à plein temps », car occupant environ 6 à 7 heures par jour de leurs occupations, voire plus. L’essentiel de ces enfants sont victimes de l’exploitation à des fins économiques par leur « Maître coraniques » : c’est l’exploitation par la mendicité. Il s’y ajoute d’autres qui ont quitté le milieu familial à la suite de conflits ou ont fugué du daara (école coranique) par fait de maltraitance. Ces enfants sont ainsi exposés à toutes sortes de risques (pédophilie, abus sexuels, trafic d’organes, …).

2.Le travail des enfants

24.Les enquêtes nationales sur le travail des enfants (ENTES) réalisées par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) en 2005, en collaboration avec le programme d’informations statistiques et de suivi sur le travail des enfants (SIMPOC) du BIT, renseignent que le nombre d’enfants âgés de 5 à 14 ans astreints aux travaux dangereux était estimé à plus de 450 000, soit plus de 15 % de cette classe d’âge. Le taux d’enfants occupés économiquement est beaucoup plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. Ceci peut être lié aux disparités constatées dans le taux d’alphabétisation plus faible en milieu rural qu’en milieu urbain.

25.Le travail des enfants revêt de multiples formes si l’on s’en réfère à la nature des activités exercées, l’agriculture emploie le plus grand nombre d’enfants avant le commerce, l’industrie et les services (domestiques ou autres). La plus grande partie des enfants ne sont donc pas rémunérés pour les activités économiques auxquelles ils se consacrent. L’emploi salarié ne concerne qu’une part négligeable des enfants.

26.En outre, l’exploitation des mines (fer, or, autres) surtout dans la région de Kédougou a fait apparaître l’utilisation grandissante de la main d’œuvre infantile dans des travaux, répertoriés dans les pires formes de travail. Toutefois, il manque des études dans ce domaine pouvant donner des statistiques fiables mais les reportages effectués par la presse montrent une présence considérable d’enfants dans les zones minières.

B.La prostitution des enfants

27.Les statistiques des cas qui sont référés aux autorités peuvent faire penser que la prostitution infantile est une activité marginale. Mais l’observation au niveau des lieux de distractions et de loisirs dans les villes, fait constater une fréquentation grandissante de ces endroits par des mineurs se livrant à des actes de prostitution. Les faits divers de plus en plus fréquents rapportés par la presse ou les reportages effectués par des chaînes de télévision montrent que le phénomène de la prostitution des mineurs est devenu une réalité.

28.Elle se décline sous plusieurs formes et les plus marquantes sont :

•Le fait pour un mineur d’avoir une ou plusieurs partenaires (bien plus âgés) qui subviennent à ses besoins (scandales des réseaux des établissements scolaires) ;

•Les mineurs qui sont exploités à des fins de prostitution par des personnes ayant autorité sur eux.

29.À cela s’ajoutent les abus sexuels de toutes sortes qui sont perpétrés sur des mineurs :

•Les enfants abusés par une personne ayant autorité (maître coranique ou école, parent, …) ;

•Les enfants dans la rue par le fait d’autres enfants plus âgés ou par des adultes ;

•Les filles domestiques par le fait de leur employeur ou des enfants de ce dernier.

30.Quel que soit la catégorisation effectuée, qui diffère selon les études ou les institutions, les enfants victimes d’exploitation sexuelle et les enfants en rupture temporaire ou définitive avec leur famille (souvent appelés enfants des rues) occupent une part importance du lot.

31.Les deux phénomènes ont cependant les mêmes causes ou presque :

•Prostitution ou vagabondage volontaire dû à un processus de socialisation défectueux ;

•Prostitution ou vagabondage occasionnels dus à une fugue ;

•Prostitution ou vagabondage orientés par un adulte ou par les proches parents.

32.Un échantillon de quelques statistiques fournies par la DESPS montre que ces enfants victimes sont le plus souvent issus de familles à risques, comme le montre ce tableau :

Age

Niveau

Parents

Origine

Famille

Revenus

Placement

N°1

13

CE1

Mère célibataire Père inconnu

Fatick

Grands-parents maternels âgés Oncle chauffeur

Mère : technicienne de surface

Décision judiciaire

N°2

18

CI

Divorcés

Saint-Louis

Père TanteFrère

Père : électricien habite chez ses beaux-parents

Assistance éducative

N°3

15

Néant

Divorcés

Dakar

MèreFrère et sœurs germains

La famille vit dans une maison prêtée (une chambre et un salon)

N°4

15

Néant

Remariée après le décès de son premier époux

Pire

Un frère germainDeux sœurs utérines

La famille est prise en charge par le père épaulé par la mère de la mineure vendeuse de café Touba

Assistance éducative

N°5

17

3ème

Marié polygame

Dakar

Trois filles et un garçon consanguinUn frère et une sœur utérine

Père : employé de banque (France). Il a une maison à Diamalaye et les besoins de la famille incombe au couple. Mère : secrétaire médicale à l’hôpital principal

Assistance éducative

N°6

16

CM1

Mariés

Saint-Louis

Quatre frères germains

Son père ne travaille plus, il est tuberculeux. Sa mère s’adonne au travail domestique.

Assistance éducative

N°7

15

Néant

Enfant naturel

Saint-Louis

Trois sœurs utérinesUn frère germain

Son père ne travaille plus, il est tuberculeux. Sa mère s’adonne au travail domestique

Décision judiciaire

N°8

17

CE2

Mariés

Dakar

Trois frères et sœurs germainsQuatre frères et sœurs consanguins

Mère : vendeuse de pain Père : chauffeur

Assistance éducative

C.La pornographie mettant en scène des enfants

33.Il faut noter que pour la pornographie mettant en scène des enfants, il n’a pas été possible de disposer de statistiques pouvant permettre d’apprécier l’ampleur du phénomène, mais on peut supposer qu’avec tous les cas de pédophilie relatés par la presse, qu’il pourrait y avoir des réseaux de pédophiles qui pourraient utiliser des images d’enfants dans un but pornographique.

34.Le commandant de la brigade de Saly rapporte qu’il arrive de trouver dans les différents matériels saisis sur des pédophiles (caméra, ordinateurs, téléphones portables, …) des images d’enfants pouvant se rapporter à a pornographie. Mais ces personnes ne sont poursuivies que pour pédophilie.

35.La facilité d’accès à internet et l’échange d’images ou de films par les TIC doivent faire prendre conscience que les risques de développement de ce phénomène sont réels et qu’il est impératif dans le cadre de la protection de l’enfant de prendre toutes dispositions nécessaires pour y faire face.

D.Déterminants des risques et de leur évolution

1.De la dégradation des conditions de vie à la paupérisation

36.La pauvreté est un des éléments explicatifs et structurants de la vulnérabilité des enfants. Elle se manifeste sous diverses formes parmi lesquelles :

•Le changement dans le modèle de gestion de l’économie domestique entrainant une prise de rôle économique des jeunes enfants dans un contexte où à priori rien ne les prédestine à en prendre ;

•Les revenus deviennent insuffisants pour couvrir les besoins sociaux de base des familles c’est ainsi que le modèle récurrent basé sur le bricolage se généralise.

2.Effritement des valeurs et remise en cause du modèle sociétal

37.Le Sénégal s’urbanise de plus en plus tandis que les institutions sociales pétries pour la plupart dans un contexte d’une économie agricole se modifient en s’ajustant. Cette transition est le théâtre de développement d’arrangements sociaux dont l’instabilité est en elle-même facteur de vulnérabilité. Les valeurs sociales changent d’une génération a une autre, d’un groupe social à l’autre. Le modèle sociétal leur emboite le pas. En effet, le modèle classique de réussite sociale organisé selon une patiente socialisation de type vertical (accompagnement par les ainés, transmission de patrimoine intellectuel et moral, insertion progressive dans la durée, prépondérance du groupe social qui légifère, etc.) a cédé la place à des procédés hachés, contournés, où la part d’improvisation par des acteurs esseulés est prépondérante. Dans ce cadre, les effets miracles sont recherchés, le bricolage est le mode privilégié de survie. Plusieurs facteurs sont repérables :

•La perte de l’autorité et de responsabilité des enfants ;

•L’effritement des principes et valeurs traditionnelles (déprotection de l’enfant et de la femme) ;

•La légitimation de certaines pratiques déviantes ;

•Les représentations populaires entrainant des formes de suggestions déviantes ;

•La remise en cause de l’autorité parentale et la défaillance au niveau de l’éducation des enfants ;

•La suggestion des parents à des forces de déviance sexuelle ;

•Le décrochage scolaire précoce (la crise de l’école) ;

•La prolifération des maisons closes (chambre de passe) ;

•Les arrangements sociaux compromettants, la crise de la solidarité communautaire ;

•L’impunité dont jouissent les auteurs (arrangement à l’amiable, étouffement de l’affaire) ;

•La complicité passive de certaines populations (silence des témoins) ;

•L’extraversion du modèle de comportement sexuel des jeunes ;

•La faible référence aux principes religieux chez les jeunes ;

•La recherche de partenaires multiples pour capter le maximum de ressources ;

•Le développement de réseau de « trafic d’enfants ».

3.Insécurité et déstabilisation du processus de socialisation

38.Elles se structurent par un ensemble de situations non exclusives qui anéantissent ou fragilisent la capacité de réaction des acteurs, les fonctions symboliques ne sont plus assurées comme précédemment annoncées. La famille devient, dans ce cas, incapable de protéger ses enfants ; la société ou le groupe qui constituait le relais ou l’autre maillon semble essoufflé là ou traditionnellement l’environnement immédiat (parents, voisins ou tierces personnes) se sentait aussi responsable qu’impliqué dans les fonctions réservées à l’éducation, l’initiation au commerce social et à l’adaptation des mécanismes de protection sociale mais surtout à la construction de la personnalité. Cette détérioration du processus d’intégration et de capacitation des enfants à évoluer dans un environnement de sécurisation des principes fondamentaux de la société se constate de plus en plus dans certaines familles telles que :

•Les familles disloquées (ou familles monoparentales) ;

•Les familles déplacées (à cause de la guerre, des inondations) ;

•Les orphelins de la guerre ;

•L’insécurité dans la partie sud du pays ;

•La peur des représailles des auteurs ;

•L’émergence de quartiers spontanés, non lotis, qui favorisent l’exposition aux risques d’insécurité ;

•La proximité des cantonnements militaires avec les quartiers périphériques et les villages situés en zone d’insécurité ;

•Le confiage se passe sans heurt et permet aux enfants qui vivent avec quelqu’un d’autre que sa famille biologique se développe avec l’impression d’appartenir au groupe et à la communauté, d’avoir le sentiment de maintenir une bonne cohésion sociale. De nos jours, cette conception du rôle protecteur de la communauté et de la famille est battue en brèche, en raison des transformations sociales et économiques que connait la société sénégalaise. Les pratiques traditionnelles ont changé, et les familles ou institutions d’accueil peuvent parfois les détourner pour contraindre les enfants au travail, cela au détriment de leur éducation et de leur protection.

4.Impact du tourisme

39.L’influence du tourisme trouve un écho favorable au modèle de réussite sociale qui privilégie l’accumulation de ressources dans des situations d’immigration. Ainsi le touriste est détenteur de devises fortes et, à ce titre, il constitue un gisement de ressources susceptibles d’être mobilisées en vue de favoriser la prostitution des enfants. Le tourisme concentre de nombreux facteurs d’attrait dont :

•Le mirage du partenariat touristique (couple mixte) ;

•Le développement des réseaux proxénètes ;

•La forte progression du tourisme sexuel (pédophilie, pornographie, exhibitionnisme) ;

•Les sources de revenus qui attirent des vagues de jeunes (filles et garçons) ;

•L’extraversion de modèles de comportement sexuel déviant (libertinage sexuel, précocité des relations sexuelles …) ;

•L’attrait de l’extérieur (possibilité de s’expatrier via les touristes) ;

•La préférence en faveur des touristes occidentaux (à cause des devises fortes et de leur pouvoir d’achat).

5.Impact des TIC

40.Les TIC ont des influences non moins négatives sur le comportement sexuel des enfants. Parmi celles-ci, on peut citer :

•La prolifération des cybercafés ;

•L’accès aux sites pornographiques non réglementé ;

•L’influence de la télévision (diffusion de films pornographiques) ;

•Le développement de la téléphonie mobile facilitant les contacts entre clients, victimes et intermédiaires) ;

•L’usage des TIC par les filles et les garçons pour leur marketing personnel à l’étranger.

Statistiques sur la traite, les abus sexuels et la prostitution du centre GINDDI

Année 2013

Année 2014

155 enfants victimes de traite dont 94 provenant de la sous-région

29 enfants victimes de traite dont 23 provenant de la sous-région

10 filles victimes d’abus sexuels et d’inceste, 1 fille sujette à la prostitution

4 cas de viols et d’abus

IV.Les instruments internationaux et régionaux

41.Le Sénégal est partie prenante aux instruments internationaux et régionaux qui traitent également de la traite des personnes.

A . Au plan international

•La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, punir et réprimer la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ratifies en 2003 ;

•La Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, signée par le gouvernement du Sénégal le 4 février 1985 et ratifiée 26 août 1986 ;

•La Convention des Nations Unies relative à l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, signée par le gouvernement du Sénégal le 29 juillet 1980 et ratifiée le 5 février 1985 ;

•La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la loi no 90-21 du 26 juin 1990 ;

•La Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi du 26 juin 1973, ratifiée par la loi no 99-71 du 14 janvier 1999 ;

•La Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille du 13 décembre 1990, ratifiée par la loi no 99-73 du 14 janvier 1999 et la convention sur la protection des enfants migrants et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993, par voie d’adhésion ;

•Le Protocole facultatif se rapportant à la convention des droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armes du 25 mai 2000, ratifiée par la loi no 2003-25 du 19 août 2003 ;

•Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des droits de l’enfant concernant la vente des enfants, la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants du 25 mai 2000, ratifiée par la loi no 2003-24 du 19 août 2003.

B . Au plan régional

•La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant en particulier ses articles 15 (travail des enfants contre les mauvais traitements et la torture), 29 (vente, trafic et enlèvement des enfants) et 42 (exploitation de la mendicité des enfants) ;

•Le Protocole de la CEDEAO relatif aux mécanismes de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité adoptée le 10 décembre 1999 et ses dispositions concernant la lutte contre la criminalité transfrontalière ;

•La Convention de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire en matière pénale ;

•La Convention de la CEDEAO relative à l’extradition ;

•Le Plan d’action conjoint CEDEAO-CEEAC visant à lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ;

•L’Accord bilatéral en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants, signé entre le Sénégal et le Mali en 2004.

V.Le cadre législatif national

42.On peut noter une bonne consécration des droits de l’enfant en droit positif sénégalais.

A. La loi no 99-05 du 29 janvier 1999 réprimant les abus et exploitations sexuels

43.Cette loi modifie plusieurs dispositions du Code pénal réprimant des abus et exploitations sexuels, notamment :

Le viol (article 320 CP) 

44.Cette infraction vient de subir une évolution importante. En effet, la loi du 29 janvier 1999 élargit la définition du viol en prenant en compte des actes contre nature et en rendant possible pour un homme d’en être victime. Selon l’article 320 du Code pénal, tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Ce délit supporte des circonstances aggravantes nombreuses, dont certaines criminalisent le viol.

La pédophilie (article 320 bis CP)

45.Tout geste, attouchement, caresse, manipulation pornographique, utilisation d’images ou de son par un procédé technique quelconque, à des fins sexuelles sur un enfant de moins de 16 ans de l’un ou de l’autre sexe constitue l’acte pédophile. Il s’agit d’un délit puni de 5 ans à 10 ans d’emprisonnement. Il est aggravé et puni du maximum de la peine, lorsqu’il est commis par un ascendant ou personne ayant autorité de droit ou de fait.

La corruption des mineurs

46.Cette incrimination nouvelle introduite dans le Code pénal par la loi no 99/05 du 29 janvier 1999 vise essentiellement à réprimer le comportement dépravé, la perversion de la jeunesse. Les exemples les plus fréquents concernent la participation, même, en tant que spectateurs, de mineurs, à des ébats sexuels entre adultes. Le fait de favoriser la corruption d’un mineur est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 100 000 à 150 000 frs CFA. Les peines encourues sont de 3 à 7 ans d’emprisonnement et de 200 000 à 300 000 FCFA d’amende lorsque le mineur est âgé de moins de 13 accomplis. Les mêmes peines sont notamment applicables au fait commis par un majeur, d’organiser des réunions sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.

L’attentat à la pudeur (article 319 CP)

47.L’attentat à la pudeur sur mineur de 13 ans sans violence est puni par une peine d’emprisonnement de 2 à 5 ans (la tentative est toujours punissable).

48.Circonstances aggravantes : Lorsque l’attentat a été commis, même sur un mineur de moins de 13 ans,

a)Par un ascendant légitime naturel ou adoptif de la victime ;

b)Par personne ayant autorité sur la victime ;

c)Par personne ayant abusé de l’autorité conférée par ses fonctions.

B. La loi no 2008-11 du 25 janvier 2008 relative à la cybercriminalité

« Section première : pornographie infantile

Article 431-34 CP

Quiconque aura produit, enregistré, offert, mis à disposition, diffusé, transmis une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie infantile par le biais d’un système informatique, sera puni d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de 5.000.000 à 15.000.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement.

Article 431-35 CP

Quiconque se sera procuré ou aura procuré à autrui, importé ou fait importer, exporté ou fait exporter une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie infantile par le biais d’un système informatique, sera puni d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de 5.000.000 francs à 15.000.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement.

Article 431-36

Sera puni des mêmes peines, celui qui possède une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie infantile dans un système informatique ou dans un moyen quelconque de stockage de données informatisées.

Sera puni des mêmes peines, quiconque aura facilité l’accès à des images, des documents, du son ou une représentation présentant un caractère de pornographie à un mineur.

Article 431-37

Les infractions prévues par la présente loi, lorsqu’elles ont été commises en bande organisée, seront punies du maximum de la peine prévue à l’article 43123 de la présente loi. »

C. La répression du mariage précoce

49.C’est l’article 300 du Code pénal qui prévoit la répression du mariage précoce :

« Quiconque, lorsqu’il s’agit de la consommation d’un mariage célébré selon la coutume, aura accompli ou tenté d’accomplir l’acte sexuel sur la personne d’un enfant au-dessous de 13 ans accomplis, sera puni de deux ans à cinq ans d’emprisonnement.

S’il en est résulté pour l’enfant des blessures graves, une infirmité, même temporaire, ou si les rapports ont entraîné la mort de l’enfant ou s’ils ont été accompagnés de violences, le coupable sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans ».

D. La lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées

50.La loi no 2005-06 du 10 mai 2005 réprime la traite des personnes et les pratiques assimilées.

51.L’article 1 de cette loi définit la traite des personnes comme :

« Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la violence, enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation sexuelle, de travail ou de services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, de servitude ».

52.La définition de la traite des personnes adultes implique l’existence d’un vice de consentement de la personne du fait d’un moyen de pression. Mais, le seul fait de recruter, transporter, transférer, héberger, ou accueillir un enfant aux fins d’exploitation, suffit à qualifier l’acte de traite des enfants (art. 1, al. 2 de la loi de 2005).

53.La traite des personnes adultes est punie d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 5 à 20 millions de francs CFA. Elle est punie de peine de détention de 10 à 30 ans lorsqu’elle est commise avec des circonstances aggravantes. La peine maximale est prononcée notamment, lorsque l’infraction est commise sur une personne mineure ou par un ascendant ou par une personne ayant une autorité sur la victime.

54.Par ailleurs, aux termes de la loi, l’exploitation de la mendicité d’autrui est une pratique assimilée à la traite mais incriminée de manière autonome. La loi cherche ici à incriminer l’exploitation de la mendicité des enfants notamment, dans un contexte social qui tolère la mendicité des talibés ou élèves des écoles coraniques traditionnelles.

55.La loi 2005-06 en son article 3 incrimine le délit en ces termes :

« Quiconque organise la mendicité en vue d’en tirer profit par embauche, entrainement, détournement de personne en la livrant à la mendicité ou en vue d’exercer sur la victime une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire ».

56.L’infraction est punie d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 500 000 à 2 000 000 franc CFA.

57.Le caractère particulièrement vulnérable de la personne est une circonstance aggravante entrainant le prononcé du maximum de la peine. 

58.L’article 17 de la loi no 2005-06 permet aux ONG, le droit de se constituer partie civile dans les procès mettant en cause les victimes de traite.

E. Le travail des enfants

59.Pour ce qui est du travail des enfants : en 1999, les pays membres de l’OIT ont adopté à l’unanimité la Convention no 182 et la Recommandation no 190 sur les pires formes de travail des enfants. Elle demande aux pays signataires de s’engager à prendre des mesures immédiates et efficaces pour interdire et éliminer ces formes de travail des enfants.

60.Selon les dispositions de cette convention, l’expression « pires formes de travail des enfants », en son article 3, comprend : 

•Toutes formes d’esclavages, ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage, ainsi que le travail forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés ;

•L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ;

•L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins d’activités illicites, notamment dans la production et le trafic de stupéfiants tels que les définissent les conventions internationales pertinentes ;

•Les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.

61.Cette convention a été ratifiée par le Sénégal en juin 2000. Par la suite, trois (3) arrêtés ont été pris en 2003, interdisant les pires formes de travail des enfants, fixant la nature des travaux dangereux interdits aux enfants et fixant les catégories d’entreprises et travaux interdits aux enfants :

•L’arrêté no 003749/MFPTEOP/DTSS du 6 juin 2003 sur la fixant et interdisant les pires formes de travail des enfants ;

•L’arrêté no 003750/MFPTEOP/DTSS du 6 juin 2003 sur la fixation de la nature des travaux dangereux interdits aux enfants et jeunes gens (2003) ;

•L’arrêté no 003751/MFPTEOP/DTSS du 6 juin 2003 sur la fixation des catégories d’entreprises et travaux interdits aux enfants et jeunes gens ainsi que l’âge limite auquel s’applique l’interdiction (2003).

62.La nature des travaux interdits est très diversifiée, il s’agit :

•Du travail forcé ou exercé en servitude par des enfants pour le compte de tiers (prostitution, productions ou actes pornographiques, production et vente de drogues, activités illicites, …) ;

•Des travaux très pénibles exercés par des enfants (travaux domestiques précoces, très pénibles, très dangereux ou exposant les enfants à des abus physiques, chimiques ou sexuels, travaux impliquant le port de lourdes charges, concassage de pierres, orpaillage, …) ;

•Des travaux très dangereux exercés par des enfants : utilisation, manipulation et transport de produits chimiques, biologiques et toxiques, utilisation d’outils et de machines complexes ;

•Du transport public de biens et de personnes exercé par des enfants ;

•De la récupération de déchets et ordures par des enfants ;

•L’abattage des animaux par des enfants.

F. La prostitution enfantine

63.La prostitution de mineur est interdite au Sénégal. Les articles 323 à 327 sont consacrés à la prostitution et au proxénétisme en général, tandis que l’article 327 bis couvre la prostitution de mineurs.

64.La prostitution est juridiquement définie comme « le fait de tirer tout ou partie de ses moyens d’existence du commerce sexuel avec des partenaires de rencontres ». Au Sénégal, elle est réglementée par la loi no 66-21 du 1er février 1966 relative à la lutte contre les maladies vénériennes et à la lutte contre la prostitution et son décret d’application no 69-616 du 20 mai 1969. Aux termes de cette loi, toute personne désirant se livrer à la prostitution doit être inscrite au Fichier sanitaire et social.

65.L’acte de prostitution lui-même recoupe trois phases :

•L’acte sexuel ;

•La rémunération ;

•Un partenaire de rencontre.

66.Les conditions pour se prostituer :

•Être âgé de 21 ans ;

•Présenter une carte d’identité pour les Sénégalaises et une pièce d’identité pour les étrangères ;

•Se munir de 4 photos ;

•Se présenter aux visites gynécologiques tous les 15 jours ;

•Présenter le carnet lors des interpellations de la police ou de la gendarmerie ;

•Ne pas racoler sur la voie publique.

67.Il est à noter que la minorité est définie par l’article 276 du Code de la famille selon lequel : « est mineure la personne de l’un ou de l’autre sexe qui n’a pas encore l’âge de 18 ans accomplis ».

68.C’est au titre de cette protection que la loi no 66-21 du 1er février 1966 relative au fichier sanitaire et social a fixé l’âge d’accès au carnet sanitaire à 21 ans. Avec l’abaissement de l’âge de la majorité, l’âge d’accès au carnet sanitaire est de 18 ans révolus.

69.Pour ce qui est du tourisme, le Sénégal a instauré une charte sénégalaise du tourisme en date du 30 avril 2003 qui stipule dans son premier alinéa que les signataires de cette charte doivent promouvoir un tourisme respectueux des mœurs et des valeurs culturelles en minimisant les impacts négatifs, les activités touristiques sur l’environnement et les collectivités locales.

G. La pornographie enfantine

70.La pornographie enfantine est réprimée dans ses diverses formes :

« Article 371 CP

Quiconque produit, enregistre, offre, met à disposition, diffuse, transmet une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie enfantine par le biais d’un système informatique, est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 500 000 de F CFA à 10 000 000 de F CFA ou de l’une de ces peines.

Article 372 CP

Quiconque se procure ou procure à autrui, importe ou fait importer, exporte ou fait exporter une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie enfantine par le biais d’un système informatique, est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 500 000 F CFA à 10 000 000 de F CFA ou de l’une de ces peines.

Article 373 CP

Est puni des mêmes peines, celui qui possède en connaissance de cause une image ou une représentation présentant un caractère de pornographie enfantine dans un système informatique ou dans un moyen quelconque de stockage de données informatiques.

Article 374 CP

Est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 500 000 francs à 10 000 000 de francs ou de l’une de ces peines quiconque facilite sciemment à un mineur l’accès à des images, documents, sons ou représentations présentant un caractère de pornographie ou à des contenus manifestement illicites.

Article 375 CP

Quiconque propose intentionnellement, par le biais des technologies de l’information et de la communication, une rencontre avec un mineur, dans le but de commettre à son encontre une des infractions prévues par les articles 372 à 374 ou les infractions de viol, de pédophilie ou d’attentat à la pudeur est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 500 000 francs à 10 000 000 de francs ou de l’une de ces peines.

Lorsque la proposition sexuelle a été suivie d’actes matériels conduisant à ladite rencontre, le juge ne pourra ni prononcer le sursis à l’exécution de la peine, ni appliquer à l’auteur les circonstances atténuantes.

Article 376 CP

Quiconque accède habituellement et sans motif légitime, à des contenus de pornographie enfantine est puni d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de 500 000 francs à 10 000 000 de francs ou de l’une de ces peines.

Article 377 CP

Les infractions prévues par la présente section, lorsqu’elles sont commises en bande organisée, sont punies du maximum de la peine prévue à l’article 371 du présent code. ».

VI.Le cadre institutionnel

71.Le cadre institutionnel qui s’intéresse aux questions de traite des personnes en particulier des femmes et des enfants regroupe diverses structures dont :

•La Direction des Droits, de la Protection de l’Enfance et des Groupes Vulnérables ;

•Le Centre Ginddi ;

•La Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale ;

•La Direction des Droits Humains ;

•La Direction Générale de l’Action Sociale ;

•La Brigade des mineurs ;

•La Cellule de Coordination de la Lutte Contre le Travail des Enfants ;

•La Cellule Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes ;

•Le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme ;

•La Cellule d’Appui à la Protection de l’Enfance (CAPE).

72.À ce cadre institutionnel, la société civile regroupée en ONG et en associations apporte un appui appréciable dans la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées en constituant un cadre de sensibilisation et d’alerte aux autorités compétentes. De même, l’appui des partenaires internationaux et des organisations du système des Nations Unies est appréciable.

VII.Les mesures prises par l’État du Sénégal pour une meilleure application du Protocole et les progrès réalisés

73.Les autorités étatiques ont jugé nécessaire d’adopter un certain nombre d’initiatives dans les domaines législatifs, politiques et institutionnels, aussi bien au plan national que régional afin de remédier ces fléaux jugés comme étant une atteinte sérieuse aux droits humains.

A.Sur le plan institutionnel

74.L’État, dans le but d’apporter des solutions au problème de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, a créé un certain nombre de structures, notamment :

1. Les services extérieurs de la Direction de l’ Education Surveillée et de la Protection Sociale

75.(DESPS), qui est un service de protection judiciaire à vocation éducative et sociale du Ministère de la Justice. Elle a pour mission la prise en charge de « l’ensemble des questions intéressant la protection, la rééducation et la réinsertion des enfants de 0 à 21 ans, en danger ou en conflit avec la loi ».

76.Pour mieux prendre en charge cette cible, la DESPS dispose de différents types de structures que sont : les services de l’Action Educative en Milieu Ouvert (A.E.M.O), les Centres de Sauvegarde (C.S), les Centres Polyvalents (C.P) et les Centres d’Adaptation Sociale (C.A.S). Celles-ci mènent principalement des actions d’écoute, d’observation, d’animation, d’accompagnement, de médiation, de soutien psychologique, d’orientation.

77.La DESPS offre le cadre institutionnel suivant :

•4 centres de sauvegarde : Pikine, Cambérène, Ziguinchor, Thiès ;

•4 centres polyvalents : Liberté 6 (fermé), Thiaroye (pour jeunes filles), Kaolack, Diourbel ;

•2 centres d’adaptation sociale : Sébikotane, Nianing ;

•3 centres de premier accueil : Dakar, Ziguinchor et Saint Louis destinés à la prise en charge de situations d’urgence.

78.Ce dispositif est complété par :

•14 coordinations régionales ;

•10 sections départementales ;

•2 secteurs de quartier : Dakar ville et Pikine.

79.Ces institutions qui sont au nombre de 37 collaborent étroitement avec le Tribunal pour Enfants pour la mise en œuvre de 2 sortes de mesures :

•Soit la décision judiciaire ;

•Soit l’action éducative.

80.Ces mesures sont assorties de rapports de suivi sur l’évolution de la prise en charge.

2. Le Centre Ginddi

81.Le Centre d’Ecoute d’Information et d’Orientation pour Enfants en Situation Difficile, « GINDDI » a été créé en juin 2003 par le gouvernement du Sénégal, très préoccupé par la situation des enfants de la rue, des enfants en rupture familiale.

82.Ce centre est logé par décret no 2012-437 du 10 avril 2012 portant répartition des services de l’État dans la rubrique autres administrations et relève du Ministère en charge de l’enfance.

83.Le centre, de par ses missions, contribue à la bonne intégration des enfants et des filles en situation de vulnérabilité dans la vie familiale et sociale.

84.Cette structure, de par ses réalisations, est aujourd’hui l’un des plus pertinents instruments d’opérationnalisation de la politique du gouvernement pour la prise en charge de l’enfant en situation de vulnérabilité. Ses missions et ses cibles sont :

•Les missions :

•Contribuer au retrait et à la réinsertion des enfants en situation de maltraitance ;

•Assister les jeunes filles victimes d’abus et de maltraitance ;

•Assurer la promotion de la ligne d’assistance dans le système national de protection ;

•Contribuer à la promotion de l’éducation alternative des enfants non scolarisées ou déscolarisées ;

•Apporter une assistance sociale et médicale aux enfants en situation de vulnérabilité.

•Les cibles :

•Enfants mendiants ;

•Enfants orphelins ;

•Enfants guide ;

•Enfants en rupture avec la famille ;

•Jeunes filles victimes de maltraitance ou d’abus sexuels ;

•Jeunes filles non scolarisés ou déscolarisés.

85.Au sein du centre, il a été mis en place un numéro vert (le 116). Le numéro vert au sein du Centre est un outil technique d’informations et de communication à distance qui permet à toute personne (majeure ou mineure) :

•De signaler les actes de maltraitance et toutes les autres formes d’abus ;

•De solliciter une aide ou assistance ;

•De dénoncer les faits et les actes de violences à l’encontre des enfants ;

•D’orienter et d’accompagner les cas d’abus et de maltraitance au besoin.

86.Tous les appelants en situation de détresse reçoivent de la part des conseillers un conseil pour les rassurer et les inviter à plus de vigilance à l’égard des enfants. Ces appels traités concernent essentiellement les besoins relatifs :

•À l’orientation des personnes demandeurs des services de la ligne 116 ;

•Au signalement d’enfants en détresse par des parents, des familles/communautés et autres acteurs intervenant dans la protection de l’enfance ;

•À l’information sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents jeunes et l’orientation vers les services adéquats.

L’assistance sociale et médicale

87.Le Centre dispose d’une infirmerie fonctionnelle qui assure les premiers soins aux pensionnaires. Tous les pensionnaires accueillis bénéficient dès leur arrivée d’une consultation médicale.

88.Cette prise en charge concerne les pensionnaires et tous autres enfants en suivi externe et concerne la période 2012-2013.

Tableau 1Prise en charge médicale

Suivi médical

Nombre

Nombre de consultations au Centre

858

Nombre de cas référés à Samu social

2

Nombre de cas référés à Hoggy

4

Nombre de cas référés à Albert Royer

5

Nombre de cas référés à Keur Khaleyi

2

Nombre de cas référés à Samu municipal

1

Nombre de cas référés à Nabil Chouker

3

Total

875

La section formation

Tableau 2Séances de sensibilisation et d’accompagnement socio-éducatif (2012-2013)

Nombre de causeries/animations de groupes tenus

302

Nombre de séances d’animations socio-éducatives et sportives tenues

325

Nombre de séances de sensibilisation sur la santé de la reproduction pour les jeunes filles tenues

106

Nombre de séances de thérapie du comportement (initiation civique, morale et sanitaire) tenus

205

Nombre de Pënc tenus

265

Nombre de séances d’éducation artistique tenues

53

Nombre de séances d’éducation religieuse tenues

91

Nombre de séances de logico maths tenues

37

Nombre de séances de médiation familiale interne et externe

444

Nombre de séances d’action de rue

156

NB : Un cas peut faire l’objet de plusieurs médiations familiales .

Tableau 3Effectif des jeunes filles en situation de déperdition scolaire placées en apprentissage à Ginddi (année 2012-2013)

Filières

Total

Couture

Restauration

36

29

65

89.Cet effectif concerne les jeunes filles qui sont présentement en session de formation à Ginddi.

Le Projet de formation des talibés victimes de traite

90.Dans le cadre de la lutte contre la mendicité des enfants, le centre Ginddi a identifié 15 daara informels dans la zone de grand Yoff et mené plusieurs séances d’information et de sensibilisation qui ont abouti à la mise en place d’un commun accord d’un projet pilote de deux classes d’alphabétisation. Cent enfants (100) ont été sélectionnés, un répétiteur à la charge du centre est engagé pour assurer leur formation après leurs cours de coran. Le répétiteur est placé sous la supervision d’un directeur d’école volontaire à la retraite. Le répétiteur initie également à l’alphabétisation en français pour les pensionnaires en transit qui en expriment le besoin. Dans le cadre de l’amélioration du cadre de vie sanitaire des séances de désinfection ont été organisées en collaboration avec le Service d’hygiène.

3. La Cellule Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes

91.Face à ce nombre impressionnant d’intervenants dans la lutte contre la traite des personnes, le gouvernement a décidé de créer une structure nationale de coordination au Sénégal. À ce jour, l’absence d’une structure de coordination au Sénégal pesait lourd sur les actions de prévention, de rapatriement, de réinsertion ou de protection de victimes de la traite.

92.La création de la cellule Nationale de Lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants, par un arrêté du premier ministre no 09051 du 8 octobre 2010 (CNLTP) apparait comme un engagement fort en la matière et répond ainsi aux efforts des autorités à tous les niveaux à donner une réponse appropriée contre ce phénomène.

93.La cellule nationale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants a comme attributions :

•Assurer le rôle d’alerte et de veille dans la lutte contre la traite des personnes ;

•Dénoncer auprès des autorités compétentes tous les cas de traite portés à sa connaissance ;

•Mettre en place des structures régionales de lutte contre la traite des personnes ;

• Définir et mettre en œuvre une politique de sensibilisation en faveur de la population ;

•Associer et recueillir l’avis de la société civile et des partenaires au développement dans les actions et programmes de la cellule ;

•Proposer toutes modifications législatives ou réglementaires tendant à améliorer la législation relative à la lutte contre la traite des personnes.

94.La cellule nationale de lutte contre la traite des personnes est composée de représentants des institutions étatiques, non étatiques de la société civile et religieuse.

95.Elle peut aussi recourir aux services de toute personne qualifiée dans le domaine de la prophylaxie sociale et de la lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants (article 5 alinéa 2 du texte).

96.La cellule nationale de lutte contre la traite des personnes a élaboré un plan d’action 2012/2014 afin de permettre à l’État du Sénégal d’être en conformité avec les engagements que lui impose le Protocole (voir annexe).

4. La Cellule de coordination de la lutte contre le travail des enfants

97.Cette cellule a été mise en place pour coordonner toutes les activités visant le travail des enfants, principalement les pires formes de travail. Cette politique que le Sénégal compte mener dans ce domaine a été décliné dans un Plan-cadre national de prévention et d’élimination du travail des enfants validé en novembre 2012 qui tournent autour de cinq axes stratégiques :

•Appropriation nationale de la lutte contre le travail des enfants ;

•Lutter contre les pires formes de travail des enfants d’ici à l’horizon 2016 ;

•Prévenir le travail des enfants par l’élargissement de l’offre éducative et de formation ;

•Renforcer et appliquer le cadre juridique ;

•Renforcer les capacités d’intervention des mécanismes institutionnels.

98.Ces axes stratégiques ont fait l’objet d’un Plan d’action national 2012-2016 qui est en train d’être déroulé sous la coordination de la Cellule (voir annexe).

5. Le Comité Sénégalais Des Droits de l’Homme

99.L’État du Sénégal a jugé nécessaire de renforcer le statut du Comité Sénégalais des Droits de l’Homme jusque-là régi par le décret no 93-141 du 16 février 1993.

100.Un projet de loi, qui est dans le circuit, va transformer le CSDH en institution indépendante. Ainsi son statut est rehaussé puisqu’il est clairement défini comme une « institution indépendante ». Dans l’article premier de cette loi, il ressort :

« Le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme est une institution indépendante de consultation, d’observation, d’évaluation, de dialogue, de concertation et de proposition, en matière de respect des droits de l’homme. Il assure la représentation pluraliste des forces sociales issues des institutions et de la société civile concernées par la promotion et par la protection des droits de l’homme ».

6. Les Comités Départementaux de Protection de l’Enfant

101.Les Comités Départementaux de Protection de l’Enfant regroupent au niveau départemental les services techniques de l’État, les responsables communautaires et des organisations de la société civile travaillant autour de la problématique de l’enfance. Ils sont placés sous la présidence des préfets des départements. Ils ont vocation à se décliner jusqu’au niveau les plus décentralisés par la création de comités villageois de protection de l’enfant. Ce système permet une synergie des acteurs et une harmonisation des interventions.

7. Le Parlement des Enfants

102.L’État s’est résolument engagé à donner au Parlement des Enfants les moyens de pouvoir remplir ses missions en validant le travail de restructuration et le plan d’action élaboré qui va lui permettre d’être renouvelé.

8. La Société Civile

103.La Société Civile mène à côté de l’État beaucoup d’activités dans le cadre de la prise en charge et la prévention des enfants en situation de risques.

104.Au niveau de la prévention, des activités de sensibilisation sont menées à l’endroit des populations sur les droits de l’enfant, ainsi que des formations et des renforcements de capacité sont effectués au profit des différents acteurs.

105.Au niveau de la prise en charge, des actions de retrait et de réinsertion des enfants dans la rue sont régulièrement effectuées. Des structures d’accueil existent, dans lesquels les enfants en rupture familiale, orphelins ou victimes d’abus, sont recueillis, réintégrés ou intégrés dans le système scolaire ou mis en situation d’apprentissage de métiers. Des outils sont développés permettant une meilleure rationalité au niveau des services fournis.

106.Les organisations de la Société Civile se regroupent de plus en plus en réseaux rassemblant tous ceux qui travaillent dans les mêmes thématiques et ou partagent des zones d’intervention similaires. Elles constituent une force d’appui à l’État pour l’amélioration de la situation des enfants au Sénégal.

B. Au plan sous-régional

107.Parmi les mesures retenues par l’État du Sénégal, on peut citer entre autres, la signature de conventions interétatiques ainsi que la ratification d’un certain nombre de protocoles, visant à apporter des solutions au phénomène de traite des enfants. Ces mesures tournent autour d’une meilleure sécurisation des frontières, et d’un renforcement des capacités des acteurs concernés :

•Forces de l’ordre (police, gendarmerie, douanes) ;

•Transporteurs ;

•Acteurs de la société civile.

108.Néanmoins la situation instable qui prévaut dans certains pays limitrophes tels que le Mali et la Guinée Bissau rend difficile l’exécution des différentes conventions signées entre les différents pays.

C. Sur le plan juridique

109.Dans le souci de mettre sa législation plus conforme aux standards internationaux découlant de ses engagements internationaux, le Sénégal a, dans le cadre de la révision de son code pénal et de son code de procédure pénale, en ses dispositions relatives à l’enfance délinquante et à l’enfance en danger, pris une série de nouvelles dispositions. Ces nouvelles dispositions doivent être validées et adoptées par voie législative (voir annexe).

D. Au niveau politique : l’adoption de la SNPE

110.Pour une protection efficace et efficiente des enfants, le Sénégal a validé, en décembre 2013, une Stratégie Nationale de Protection de l’Enfance (SNPE), dont la vision est la suivante :

« Le Sénégal offre, à travers un système de protection intégré, un environnement politique, institutionnel et légal protecteur contre toutes formes de maltraitance, négligence, abus, exploitation et violence que subissent les enfants, leurs familles et leurs communautés ».

111.La SNPE contribue à conférer davantage de poids aux questions de la protection de l’enfant au niveau politique et à améliorer le cadre juridique et la mobilisation des ressources financières pour la mise en œuvre des programmes destinés aux enfants.

112.La SNPE aspire à créer un environnement protecteur et sécurisé où les enfants ne seront ni brutalisés, ni exploités, ni inutilement séparés de leur famille et bénéficieront de services appropriés. Cette approche fondée sur les droits humains met l’accent sur la responsabilité première de l’État et d’autres acteurs, notamment les familles, les communautés et les Partenaires au développement. Elle rend plus efficaces les interventions, en renforçant les capacités nationales de protection de l’enfance. Enfin, elle met en avant le rôle des enfants comme acteurs de changement et de renforcement de l’environnement protecteur.

113.La SNPE préconise une meilleure coordination du financement public et privé des programmes et mobilise des moyens financiers supplémentaires pour réaliser des projets pertinents à l’échelon national.

114.Elle vise à bâtir un consensus, une sorte de « philosophie » commune dans le domaine de la protection de l’enfant en le subordonnant aux deux objectifs stratégiques suivants :

•Mise en place d’un système national intégré de protection ;

•Appui et promotion au changement social positif.

115.La SNPE a été adoptée en décembre 2013 autour d’un Conseil interministériel présidé par le Premier Ministre. Pour sa mise en œuvre, il a été institué un Comité Intersectoriel de Protection de l’Enfance, présidé par le Premier Ministre, et composé de l’ensemble des départements sectoriels, des partenaires Techniques et Financiers et des ONG. Au niveau opérationnel, les acteurs définissent un schéma intégré d’intervention dont la mise en œuvre nécessite l’adoption d’un Plan d’Actions pour l’Enfance, que le Gouvernement s’attachera à évaluer tous les deux ans.

116.La SNPE est désormais le cadre de référence de toutes les politiques publiques en matière de protection de l’enfance.

VIII.Les difficultés rencontrées dans l’application du Protocole

117.Les principales difficultés rencontrées pour l’application du Protocole tournent essentiellement autour de :

•L’état civil : beaucoup d’enfants ne sont pas déclarés à la naissance, ce qui entraîne des difficultés pour connaître leur âge réel et déterminer leur statut de mineur. Il s’y ajoute qu’il est difficile d’établir leur lieu d’origine ou domicile ou de retrouver les parents dans le cadre de la réinsertion ou du retour en famille ;

•Les réalités sociales culturelles font que la dénonciation est mal perçue par la communauté ce qui a pour conséquence que l’on passe sous silence beaucoup de cas d’infraction à la loi, ou qu’ils se règlent à l’amiable au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant ;

•L’insuffisance des ressources financières allouées par l’État pour permettre une bonne exécution des différents programmes et plans d’actions ;

•Le fait qu’il n’existe qu’une seule brigade des mineurs se trouvant dans la capitale qui fait que les missions qui lui sont assignées sont assumées par les commissariats de police dans les régions avec très souvent du personnel insuffisamment formé ;

•L’absence dans la charte du tourisme de dispositions spécifiques concernant la traite des enfants et la prostitution des enfants ;

•La non-spécialisation des magistrats qui ont tout de même reçu des sessions de renforcement de capacités ces dix dernières années ;

•Une insuffisance de dispositions légales (question de la pornographie n’est pas prise en compte) ;

•L’insuffisance ou l’inadaptation de la prise en charge institutionnelle : c’est cette difficulté dans la prise en charge, caractérisée par l’inadaptation de l’article 327 bis du Code pénal qui prévoit des mesures d’assistance éducatives pour le mineur de moins de 21 ans qui se prostitue même de façon occasionnelle qui a motivé la création en 1996 du centre polyvalent de Thiaroye, institution d’internat accueillant uniquement des filles mineures ;

•Le centre polyvalent de Thiaroye est ainsi limité aussi bien dans sa capacité d’accueil, que dans ses offres bien qu’il dispose d’un plateau de compétences instrumentales sous forme de formation scolaire ou professionnelle qui a donné certains résultats positifs tangibles en termes de réinsertion ;

•L’inadéquation entre la cure mise en place pour le mineur et le soutien à apporter à la famille, alors que la cause du phénomène y est peut-être localisée ;

•La déperdition scolaire de grande ampleur qui constitue un important vivier pour le développement de la population d’enfants de la rue et des victimes de traite ;

•L’implication très faible des collectivités locales du fait de la méconnaissance des dispositions du Protocole et de l’absence dans les politiques locales de mécanismes de prise en charge des enfants vulnérables malgré le transfert de certaines compétences relatives à la décentralisation ;

•L’insuffisance des ressources financières allouées à la protection de l’enfance.

118.Cette énumération de facteurs qui est loin d’être exhaustive, montre s’il en était besoin qu’il existe encore du chemin à faire, mais le Sénégal est résolument décidé à relever ces défis.

IX.Quelques axes stratégiques pour une meilleure application du Protocole

119.En vue d’une meilleure application du Protocole, la mise en œuvre de certains axes stratégiques est nécessaire, notamment :

•La création d’un réseau opérationnel pour la protection des enfants contre la prostitution et le vagabondage ;

•La prévention et la prise en charge des enfants victimes d’exploitation sexuelle ;

•L’harmonisation des textes nationaux et internationaux relatifs aux droits des enfants (cf. annexe) ;

•La prise d’une circulaire pour une application effective des articles du Code pénal réprimant le proxénétisme ainsi que celle de la loi no 2005-06 du 10 mai 2005, sanctionnant la traite des personnes notamment la mendicité des enfants ;

•L’implication des collectivités locales dans la prise en charge des personnes vulnérables ;

•La vulgarisation des textes relatifs à la protection des droits de l’enfant contre la traite, la prostitution et le vagabondage en langues nationales ;

•La dotation en budget autonome du Tribunal pour Enfants en l’érigeant en une véritable juridiction au lieu de rester une émanation du Tribunal Régional ;

•La centralisation des données statistiques au niveau des AEMO ;

•La mise sur pied d’une stratégie et d’un plan de communication contre l’exploitation sexuelle, le vagabondage des mineurs et la pornographie mettant en scène des mineurs ;

•La mise sur pied d’un comité technique de suivi ;

•Le renforcement des brigades de gendarmerie dans les zones pilotes (Saly, Saint-Louis, Cap Skiring) en moyens humains et financiers ;

•La création d’une brigade des mineurs dans tous les départements du Sénégal ;

•Une plus grande implication des journalistes par la formation et le renforcement de capacité ;

•La mise en place d’un dispositif de collecte de données permettant d’avoir une bonne appréciation de la réalité des différents phénomènes et de mesurer l’impact des diverses actions entreprises en vue d’y apporter des réponses ;

•L’amélioration de la communication entre les structures pour renforcer la synergie des interventions afin de constituer un réseau d’impact entre les structures étatiques et les organisations de la Société Civile ;

•La mise en place d’un dispositif de collecte de données permettant d’avoir une bonne appréciation de la réalité des différents phénomènes et de mesurer l’impact des diverses actions entreprises en vue d’y apporter des réponses ;

•L’institutionnalisation d’une meilleure cohérence entre les directions techniques, les structures créées par l’État, en revisitant les missions par un bon diagnostic institutionnel qui va permettre d’identifier toutes les mesures à prendre pour rendre plus efficace les interventions en matière de protection de l’enfant ;

•La mise en place d’un mécanisme de collecte de données pour un bon suivi ; ceci permettra de capitaliser toutes les actions en faveur de l’enfance des différents acteurs (État et Société Civile) et ainsi disposer de statistiques et de données à l’échelle nationale ;

•La mise en place d’une cartographie de tous les acteurs à l’échelle nationale ;

•L’instauration de cadres de coordination et de suivi au niveau le plus décentralisé ;

•L’évaluation régulière des plans d’actions et programmes mis en œuvre ;

•La formation et renforcement des capacités de tous les acteurs intervenant en faveur de l’enfance ;

•La transcription en langues nationales du Protocole et une large diffusion ;

•L’utilisation des médias et des réseaux sociaux pour la sensibilisation des populations.

X.Conclusion

120.L’État du Sénégal a entrepris un chantier important en vue de se conformer à ses engagements découlant du Protocole depuis sa ratification. Il a mis en place des structures ayant pour objet spécifique la protection des enfants. Il a aussi engagé une politique d’harmonisation de ses lois et a décidé de prendre à bras le corps le problème de la mendicité des enfants qui demeure l’un des problèmes le plus affligeant que rencontrent les enfants.

121.Cependant de gros défis restent à surmonter tels que :

•La mendicité des enfants où il faudra en plus du changement de mentalité et de comportement de la population, amener les Chefs religieux à s’impliquer davantage dans la mise en œuvre des mesures prises par l’État du Sénégal ;

•Une meilleure protection des groupes vulnérables en leur donnant les moyens de pouvoir sortir de leur précarité par l’éducation et l’apprentissage ;

•Mettre en place des réponses appropriées au développement des TIC et à l’influence des médias ;

•Doter le parlement des enfants de moyens suffisants pour porter l’expression des besoins des enfants et veiller à l’application des lois et règlements ;

•Créer une médiature forte au profit des enfants, afin que le Médiateur soit complètement indépendant et qu’il puisse agis dans l’intérêt supérieur de l’enfant ;

•Mettre en place un système de coordination nationale et de suivi des enfants victimes pour une bonne réinsertion sociale ;

•Vulgariser le Protocole auprès de tous les acteurs (administration, système éducatif, forces de l’ordre, société civile etc.) ;

•Créer les conditions d’enregistrement des enfants à la naissance à l’échelle nationale ;

•Renforcer les missions des CDPE et CVPE, afin qu’ils puissent alerter en cas de violation des dispositions du présent Protocole et être des sentinelles pour le respect des Droits de l’Enfant en général ;

•Pour apporter un début de solution à la pauvreté des ménages, l’État à en plus des différentes politiques visant à réduire la pauvreté, parmi lesquels la Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale (SNDES), la Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP), le Programme Sénégal Emergent, mis en place des bourses familiales visant à aider les ménages pour la scolarisation des enfants, à quoi il faut ajouter la couverture maladie universelle et la gratuité des soins médicaux pour les enfants de 0 à 5 ans.

122.Toutes ces mesures accompagnées par une bonne campagne médiatique, participeront à n’en pas douter au respect des engagements pris par le Sénégal en signant et ratifiant le Protocole facultatif sur la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.