Nations Unies

CCPR/C/CHE/CO/3/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.: générale

24 février 2011

Original: français

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports soumis par les États parties au titre de l’article 40 du Pacte

Suisse

Renseignements communiqués par la Suisse sur la suite donnée aux observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/CHE/CO/3)

[5 novembre 2010]

I.Introduction

1.Le Gouvernement de la Suisse a le plaisir de communiquer les informations figurant ci-après sur la mise en œuvre des recommandations n° 10, 14 et 18 du Comité des droits de l’homme formulées par celui-ci dans ses observations finales en date du 3 novembre 2009.

A.Mise en œuvre de la recommandation n° 10

a) Mandat de la Commission fédérale contre le racisme

2.La Commission fédérale contre le racisme (CFR) conseille les victimes d’actes de discrimination raciale, les entreprises et les services de consultation confrontés à des questions de racisme, notamment sur les démarches à entreprendre aux niveaux national et international (cf. par. 47 du troisième rapport périodique de la Suisse (CCPR/C/CHE/3) en date du 12 octobre 2007).

3.Une extension du mandat de la CFR a été envisagée avec la mise en place d’un Centre de compétences suisse pour les droits de l’homme. Le Conseil fédéral a finalement opté pour un modèle-pilote privilégiant la création d’un «Centre de compétences suisse pour les droits humains» sous la forme d’un réseau d’universités choisies par appel d’offres. Ainsi, la Confédération et d’autres acteurs, notamment les cantons, achèteront des prestations auprès de ce réseau dans le domaine de l’administration auxiliaire (voir les paragraphes 17 et suivants des réponses du Gouvernement de la Suisse à la liste des points à traiter (CCPR/C/CHE/Q/3/Add.1) en date du 10 août 2009). À l’issue de la phase-pilote, qui durera cinq ans, sera examinée la question de l’élaboration d’une structure définitive. La création d’un centre indépendant ayant compétence pour engager des actions en justice en cas de violation des droits de l’homme, notamment de discrimination raciale, pourra alors être examinée à la lumière des enseignements qui auront été tirés durant la phase-pilote du Centre.

b)Efforts pour promouvoir la tolérance et le dialogue culturel

4.La prise en compte de la problématique du racisme et de la discrimination dans tous les domaines de la vie constitue la tâche la plus importante du Service de lutte contre le racisme (SLR) tout comme elle fait partie de la politique d’intégration actuelle. En collaboration étroite avec les services compétents de la Confédération, les cantons et les communes, le SLR transpose ces thèmes dans les structures ordinaires par le biais de la stratégie du «mainstreaming».

5.Le Service de lutte contre le racisme octroie des aides financières aux projets de formation, de sensibilisation et de prévention ciblant expressément la lutte contre le racisme. Entre 2001 et 2009, le Service a financé plus de 850 projets dans toutes les régions de la Suisse, d’un montant total de 19 millions de francs suisses. Un tiers de la somme totale étant destiné à des projets dans le domaine de l’éducation.

6.À titre d’exemple, nous mentionnerons les activités et projets suivants:

i)Durant le ramadan en 2010, une discussion publique a été organisée à Bienne, à laquelle ont participé des membres de la communauté musulmane ainsi que des hauts représentants des autorités locales. Les organisateurs ont voulu par ce biais promouvoir la compréhension mutuelle et écarter les préjugés à l’encontre de la population musulmane;

ii)En décembre 2010 aura lieu un colloque organisé par la Conférence suisse des Services spécialisés dans l’intégration. Ces services sont chargés, au niveau des cantons et des communes, de la mise en œuvre des programmes d’intégration financés par l’Office fédéral des migrations. Le colloque portera sur le développement d’activités propres à ancrer la lutte contre la discrimination dans les structures régionales de promotion de l’intégration;

iii)Plusieurs corps de police cantonaux et communaux, par exemple des cantons de Zoug, Zurich et Bâle-Ville, ainsi que l’École de police de Suisse orientale ont intégré dans leur programme de formation continue un module portant sur le travail policier en milieu interculturel. Cette formation comprend un espace de réflexion important sur le racisme et la discrimination. Les policiers présentent et analysent des problèmes concrets rencontrés au contact avec les étrangers. Sur cette base, des modèles de comportement sont élaborés.

7.Plusieurs projets impliquent une collaboration étroite entre les différents services de l’administration, des cantons et des communes, en vue de garantir un large soutien et des effets durables:

i)Des projets de développement de quartier sont actuellement menés dans 11 villes suisses de taille moyenne, qui visent à améliorer les perspectives d’avenir des habitants de ces quartiers et à pallier les déficits d’intégration;

ii)Un plan intitulé «Éducation au développement durable» prévoit diverses mesures propres à ancrer le traitement des droits de l’homme et la formation politique dans les programmes scolaires et dans la formation des enseignants;

iii)À l’occasion de l’Année internationale de l’apprentissage des droits de l’homme en 2009, 200 000 francs suisses ont été affectés aux mesures de soutien de la formation aux droits de l’homme dans les écoles. Ce financement a été mis en place à l’initiative de la fondation Éducation et Développement, avec la participation du SLR, du Département fédéral des affaires étrangères, de la Commission fédérale des migrations et du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes.

8.Conseils:

i)Un réseau de services de conseil et de soutien aux victimes a été créé, qui regroupe actuellement environ 200 services dont la liste est disponible sur le site Internet du SLR;

ii)Le SLR a également soutenu la mise en place d’un système de documentation et de monitoring par l’association humanrights.ch et la Commission fédérale contre le racisme. Le système permet de rassembler des cas issus de la pratique des centres de conseil ; ces cas sont ensuite analysés puis diffusés par l’intermédiaire du rapport annuel.

9.Protection contre la discrimination:

i)En 2009 a été publié le Guide juridique – discrimination raciale,qui dispense des conseils pratiques sur les moyens disponibles pour se défendre contre les discriminations (outre la norme pénale contre le racisme);

ii) En 2009 et 2010, plus de 30 cours de formation continue ont été organisés, auxquels ont participé plus de 300 personnes actives dans des organisations non-gouvernementales, des associations ou des administrations. Dans la plupart des cas, les participants ne sont spécialisés ni dans le racisme, ni dans les questions juridiques, mais apprécient la possibilité qui leur est donnée de réfléchir collectivement sur leurs propres expériences et d’en discuter avec des spécialistes compétents.

B.Mise en œuvre de la recommandation n° 14

a) Mécanismes de plainte indépendants

10.La structure fédérale de l’État suisse permet aux cantons de choisir librement, dans les domaines relevant de leur compétence, les procédures qu’ils estiment être les plus appropriées pour autant qu’elles soient compatibles avec le droit fédéral et le droit international. Étant donné que le traitement des plaintes déposées contre les polices cantonales relèvent de la compétence des cantons, la Confédération n’a entrepris aucune action particulière pour encourager les cantons à créer des mécanismes semblables à celui dont s’est doté le canton de Genève.

11.En Suisse, la justice est indépendante à tous les niveaux. C’est la raison pour laquelle de nombreux cantons estiment que la mise en place d’un mécanisme spécialement dédié à l’examen des plaintes déposées contre la police ne se justifie pas. Dans ces cantons, les infractions commises par les membres de la police sont traitées, suivant le système en place, par l’office du juge d’instruction ou par le procureur, et les allégations incriminant le comportement de la police sont examinées par l’autorité de surveillance dans le cadre de la procédure administrative. Il est expressément prévu, dans nombre de cantons, que toute plainte mettant en cause la police doit immédiatement être transmise à un juge d’instruction ou au procureur sans être soumise à un premier examen par la police elle-même. Certains cantons prévoient également la possibilité de s’adresser à un o m budsman. Si l’autorité chargée d’instruire la plainte risque de ne pas être perçue comme indépendante, les cantons ont également la possibilité de confier l’enquête à un juge d’instruction ou à un procureur extraordinaire, le plus souvent issu d’un autre canton.

12.Un exemple récent illustre l’efficacité des procédures pénales ordinaires en cas de mauvais traitements de la part de la police: par arrêt du 30 septembre 2010, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un agent de police à une peine de dix jours-amendes avec sursis pendant deux ans pour avoir fait preuve de négligence en menottant le plaignant, provoquant chez celui-ci une mononeuropathie subaiguë due à la compression d’un nerf (arrêt 6B_459/2010 du 30 septembre 2010).

13.Hormis les procédures mentionnées aux paragraphes 391 et suivants du rapport de la Suisse et dans ses réponses écrites en date du 10 août 2010 au Comité, d’autres mécanismes ont été mis en place par les cantons, notamment:

14.Dans le canton de Bâle-Ville, hormis la possibilité de s’adresser directement aux autorités chargées d’engager des poursuites pénales, indépendantes, les plaintes alléguant de mauvais traitements de la part de la police peuvent être adressées à un ombudsman. Celui-ci n’est soumis qu’au pouvoir législatif du canton et dispose de droits d’enquête complets. S’il existe des soupçons suffisants, la procédure débouche sur une enquête pénale. Le Secrétariat général du Département cantonal de justice et de sécurité dispose également d’une instance de recours qui lui est propre: indépendante des services opérationnels, celle-ci est chargée d’examiner les plaintes relatives aux agissements des services du Département, notamment de la police, pour autant qu’il n’existe pas d’autre voie de recours et que l’affaire ne relève pas du droit pénal.

15.La législation du canton d’Argovie stipule que les plaintes alléguant de mauvais traitements de la part de la police doivent être examinées soit par le Service juridique de la police cantonale, soit par le Service juridique du Département cantonal de l’économie et de l’intérieur. Les procédures peuvent, le cas échéant, entraîner des mesures sur le plan organisationnel ou des sanctions disciplinaires. En cas de soupçon de l’existence d’une infraction pénale, une plainte pénale est déposée.

16.Dans le canton de Genève, une Inspection générale des services (IGS) a été mise en place en octobre 2009. Composé de trois officiers et de trois sous-officiers issus respectivement de la gendarmerie, de la police judiciaire et de la police de la sécurité internationale, cet organisme est directement placé sous l’autorité hiérarchique de la cheffe de la police. Il est indépendant vis-à-vis du corps de la police. Il traite avec impartialité, objectivité et dans le respect de l’équité les plaintes déposées contre des policières et des policiers et les procédures disciplinaires. Il s’occupe également de certaines doléances. Par ailleurs, le canton de Genève dispose d’un commissariat à la déontologie. Celui-ci est chargé d’examiner les dénonciations, rapports et constats se rapportant à l’usage de la force par la police et le personnel pénitentiaire ainsi que les allégations de mauvais traitements. Il peut procéder à des investigations; et le secret de fonction ne lui est pas opposable.

17.Dans le canton de Schwyz, un recours peut être porté devant le Conseil d’État puis devant le Tribunal administratif cantonal.

18.Le canton de Zurich a engagé un ombudsman avec pour mission d’examiner les plaintes incriminant l’administration, et notamment la police. L’ombudsman peut intervenir auprès de l’administration. S’il soupçonne une infraction pénale, il peut s’adresser au parquet du Procureur général. Les procédures pénales dirigées contre des fonctionnaires de la police sont conduites par un procureur spécialisé. De plus, le parquet du canton de Zürich et la police ne dépendent pas du même département, ce qui assure une indépendance accrue des autorités chargées de l’instruction. Enfin, la décision d’ouvrir ou de classer une procédure pénale contre un membre de l’administration revient toujours au tribunal, en l’occurrence à la Chambre d’accusation du Tribunal cantonal. La décision de cette instance peut faire l’objet d’un recours.

b) Indemnisation des victimes

19.Au niveau de la Confédération et des cantons, les personnes qui subissent un dommage pour cause de mauvais traitements de la part des forces de l’ordre peuvent obtenir réparation en engageant une action en responsabilité de l’État. De plus, la loi d’aide aux victimes d’infractions s’applique, en règle générale, qui offre, sous certaines conditions, la possibilité d’obtenir réparation du tort moral (cf. par. 19 et 227 du rapport de la Suisse).

c) Banque de données nationale

20.Il n’y a pas eu d’élément nouveau pour ce qui est de la mise en place d’une banque de données nationale sur les abus policiers depuis la présentation orale du troisième rapport périodique de la Suisse en octobre 2009.

d) Minorités au sein de la police

21.Pour répondre à la question du Comité, il y a lieu de distinguer entre la représentation des minorités et l’admission des ressortissants étrangers au sein de la police.

22.En ce qui concerne la représentation des minorités, il n’existe pas de statistique sur la proportion des agents de nationalité suisse issus de l’immigration au sein de la police. De nombreux cantons estiment qu’il n’y a pas lieu d’admettre des ressortissants étrangers dans leurs corps de police puisque les ressortissants étrangers remplissant les conditions nécessaires peuvent demander la nationalité suisse. En effet, un étranger résidant en Suisse depuis douze ans peut demander à acquérir la nationalité suisse en sachant que le temps qu’il aura passé en Suisse entre l’âge de dix ans et l’âge de vingt ans révolus compte double, à condition d’être intégré dans la communauté suisse, de s’être accoutumé au mode de vie et aux usages suisses, de se conformer à l’ordre juridique suisse et de ne pas compromettre la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse.

23.Certains cantons, tout en exigeant la nationalité suisse pour l’exercice d’une fonction au sein de la police, promeuvent activement la représentation des agents issus de l’immigration. Ainsi, en Argovie, lors de chaque recrutement de policiers, les autorités veillent à ce que les femmes et les personnes issues de l’immigration soient représentées de manière appropriée. D’après les informations que détient le Gouvernement, les personnes issues de l’immigration sont représentées dans les corps de police de nombreux cantons.

24.Toujours à propos de l’admission des ressortissants étrangers dans la police, les cantons de Bâle-Ville et de Schwyz ont pris une réglementation qui va dans ce sens. Dans le canton de Fribourg, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent pas être engagées comme agents de police ou comme agents auxiliaires; cette restriction, toutefois, ne vaut pas pour les collaborateurs civils de la police cantonale.

C.Mise en œuvre de la recommandation n° 18

25.Le droit à l’assistance judiciaire gratuite est consacré à l’article 29, alinéa 3, de la Constitution, qui dispose que «Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l’assistance gratuite d’un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.» Il est vrai que la loi fédérale sur la procédure administrative (PA) ne prévoit l'assistance judiciaire gratuite que dans le cadre du recours a d ministratif (art. 65, PA). Toutefois, à en juger par la jurisprudence du Tribunal fédéral, le champ d’application de l’assistance judiciaire s’étend à toutes les procédures administratives, contentieuses ou non, indépendamment de la question de savoir si la procédure en question porte sur des éléments litigieux, y compris, par voie de conséquence, à la procédure de première instance.

26.Dès lors que la loi sur l'asile (LAsi) ne contient aucune disposition à cet égard, à l’exception du cas particulier des mineurs non accompagnés, les garanties minimales prévues par la Constitution s’appliquent à la procédure d’asile de première instance. À ce stade, le requérant peut donc aussi se voir attribuer un mandataire d’office. Ce droit a été explicitement reconnu par la décision de principe du 10 juillet 2001 de l'ex-Commission suisse de recours en matière d'asile.

27.Le droit à un défenseur d’office est cependant soumis à plusieurs conditions cumulatives: la partie doit être indigente, la procédure ne doit pas être dépourvue de chance de succès et l’assistance d’un mandataire doit être nécessaire. Est indigentela personne qui «ne dispose pas de ressources suffisantes» (art. 29, al. 3, Constitution), c’est-à-dire celle qui ne peut assumer par ses propres moyens les frais d'avocat en plus de son entretien et de celui de sa famille. Une procédure est vouée à l'échec dès lors que même une personne disposant des moyens nécessaires ne l'engagerait pas du fait que, selon une appréciation raisonnable des risques, ses chances de succès seraient inférieures au risque qu’elle courrait d'être déboutée; pour en juger, l’autorité doit procéder à une appréciation anticipée des preuves et des allégations du requérant. Si les deux conditions définies ci-dessus sont réunies, la partie a droit à l’assistance gratuite d’un mandataire «dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert» (art. 29, al. 3, 2ème phrase, Constitution). C’est le critère de la nécessité. Cette condition dépend des circonstances du cas particulier et des particularités des dispositions applicables. À cet égard, il faut que la cause présente, en droit ou en fait, des difficultés spécifiques que la partie n’est pas en mesure de résoudre elle-même. La nécessité d’un défenseur d’office ne peut être exclue au seul motif que la procédure est régie par la maxime inquisitoire. Toutefois, dans un tel cas, des exigences strictes sont posées: dans la procédure de première instance, il s’agit avant tout d’une question de faits et le requérant est, en règle générale, capable d’exposer lui-même ses motifs d’asile, puisqu'il s'agit d'événements qu'il a personnellement vécus.

28.Étant donné que les demandeurs d'asile bénéficient déjà, sous certaines conditions, de l'assistance gratuite d'un avocat en première instance, tant dans la procédure ordinaire qu’extraordinaire, la Suisse estime qu'il n'est pas nécessaire de revoir sa législation en matière d'assistance judiciaire gratuite.

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