Nations Unies

CCPR/C/CHN-HKG/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 novembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de Hong Kong (Chine) *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Hong Kong (Chine) à ses 3891e, 3893e et 3895e séances, qui se sont tenues les 7, 8 et 12 juillet 2022 sous forme hybride en raison des restrictions imposées dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 3912e séance, le 22 juillet 2022, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à Hong Kong (Chine) d’avoir soumis son quatrième rapport périodique et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de Hong Kong (Chine) au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité remercie Hong Kong (Chine) des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués ultérieurement par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de :

a)L’adoption de l’ordonnance de 2021 portant modification de l’ordonnance relative à la discrimination fondée sur le sexe ;

b)L’adoption de l’ordonnance de 2020 portant diverses modifications de la législation relative à la discrimination ;

c)La création de la Commission de l’enfance, chargée de formuler des objectifs et des orientations stratégiques à long terme concernant le développement global des enfants et les principales étapes de leur croissance, en 2018 ;

d)L’introduction du congé de paternité légal, en 2015 ;

e)Le lancement du Mécanisme unifié de sélection, en 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

4.Le Comité constate que tant le Gouvernement populaire central que le Gouvernement de Hong Kong (Chine) sont attachés au principe « un pays, deux systèmes », qui vise à préserver l’autonomie du Gouvernement de Hong Kong (Chine) dans la gestion de ses propres affaires. Le Comité est conscient du caractère unique des dispositions législatives prises en vertu de ce principe et des difficultés qui en résultent du point de vue du respect par Hong Kong (Chine) des obligations découlant du Pacte, étant donné que le Gouvernement populaire central n’est pas lié par cet instrument. Le Comité note avec satisfaction que les dispositions du Pacte ont été incorporées ou sont garanties dans les lois locales de Hong Kong (Chine), notamment la Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et l’ordonnance portant Charte des droits de Hong Kong. Le Comité est toutefois vivement préoccupé par le fait que la loi de la République populaire de Chine relative à la sauvegarde de la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong (loi sur la sécurité nationale) prévaut sur les autres lois locales en cas de conflit et, par conséquent, prime sur les droits et libertés fondamentaux protégés par le Pacte. Répétant ses préoccupations antérieures concernant l’interprétation de la Loi fondamentale par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures visant à garantir la pleine conformité avec le Pacte de l’interprétation de la Loi fondamentale par le Comité permanent (art. 2 et 14).

5. Hong Kong (Chine) devrait veiller à ce que les dispositions du Pacte priment sur la législation et les lois locales applicables à Hong Kong (Chine), y compris la loi sur la sécurité nationale, et mettre ces lois et pratiques en pleine conformité avec le Pacte. Elle devrait également veiller à ce que toutes les interprétations de la Loi fondamentale et de toutes les autres lois applicables à Hong Kong (Chine), y compris les interprétations du Comité permanent, ainsi que toutes les pratiques soient pleinement conformes au Pacte et au principe « un pays, deux systèmes ».

Institution nationale des droits de l’homme

6.Le Comité prend note de l’affirmation de Hong Kong (Chine) concernant le cadre institutionnel existant de protection et de promotion des droits de l’homme, qui est composé de la Commission pour l’égalité des chances, du Commissariat à la protection des données personnelles et du Bureau du Médiateur, mais reste préoccupé par les lacunes existant dans le mandat et les pouvoirs de ces organismes, individuellement et collectivement, pour ce qui est de promouvoir et de protéger tous les droits consacrés par le Pacte, et par le fait qu’ils ne sont pas suffisamment indépendants dans l’exercice de leurs mandats respectifs (art. 2 et 14).

7. Le Comité engage Hong Kong (Chine) à mettre en place une institution nationale des droits de l’homme indépendante dotée d’un mandat complet et de pouvoirs appropriés, en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). En attendant la création d’une telle institution, Hong Kong (Chine) devrait prendre des mesures concrètes pour renforcer l’indépendance et l’efficacité des institutions existantes et pour élargir leurs mandats.

Non-discrimination

8.Le Comité prend note des efforts déployés par Hong Kong (Chine) pour améliorer sa législation antidiscrimination, notamment l’adoption de l’ordonnance de 2020 portant diverses modifications de la législation relative à la discrimination et de l’ordonnance de 2021 portant modification de l’ordonnance relative à la discrimination fondée sur le sexe. Le Comité reste toutefois préoccupé par la persistance de lacunes dans le cadre de lutte contre la discrimination existant en ce qui concerne la protection contre toutes les formes de discrimination fondées sur l’un quelconque des motifs de discrimination interdits, y compris l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans tous les contextes, et par l’approche fragmentaire adoptée par Hong Kong (Chine) pour remédier à ces lacunes. Le Comité regrette, à cet égard, l’intention exprimée par Hong Kong (Chine) de ne pas adopter une législation globale contre la discrimination. En outre, le Comité s’inquiète du nombre extrêmement faible de plaintes pour discrimination raciale dont a été saisie la Commission pour l’égalité des chances en dépit des discriminations dont les travailleurs migrants seraient fréquemment la cible, et du fait qu’aucune des plaintes pour discrimination soumises à la Commission au titre des quatre ordonnances antidiscrimination n’a abouti (art. 2, 3, 25 et 26).

9. Le Comité exhorte Hong Kong (Chine) à revoir sa position et à prendre des mesures concrètes en vue d’adopter une législation complète contre la discrimination, qui interdise toutes les formes de discrimination directe, indirecte et multiple fondée sur l’un quelconque des motifs de discrimination interdits, dont l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, dans les sphères publique et privée. Hong Kong (Chine) devrait renforcer la capacité et l’efficacité de la Commission pour l’égalité des chances afin qu’elle puisse s’acquitter avec compétence de sa tâche de traitement des plaintes et des autres mandats dont elle est investie.

Discrimination à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes

10.Le Comité note avec préoccupation que Hong Kong (Chine) ne mène pas suffisamment d’actions pour sensibiliser sa population à l’incidence de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre sur les personnes qui en sont victimes. Il est également préoccupé par l’absence d’un cadre législatif qui permette de lutter contre la discrimination, le harcèlement, les discours haineux et les crimes de haine auxquels les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes ne cessent d’être confrontées. Il est préoccupé en outre par le fait que, malgré la création en 2014 d’un groupe de travail interministériel sur la reconnaissance de l’identité de genre, aucun progrès n’a été réalisé en vue de l’élaboration d’un projet de loi sur la question, et que les personnes transgenres qui souhaitent voir la mention de leur genre modifiée dans leurs documents d’identité ne peuvent obtenir cette modification qu’à condition d’avoir subi une intervention chirurgicale (art. 2, 25 et 26).

11. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Intensifier l’action qu’elle mène pour lutter contre la discrimination à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, notamment en conduisant des campagnes de sensibilisation de la population  ;

b) Adopter un cadre législatif pour interdire expressément et prévenir la discrimination, le harcèlement, les discours haineux et les crimes de haine visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, et veiller à ce que tous les faits de cette nature donnent lieu à des enquêtes approfondies, à des poursuites et à des sanctions, et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles  ;

c) Mettre en place une procédure rapide, transparente et accessible pour la reconnaissance juridique de l’identité de genre des personnes transgenres et mettre immédiatement fin à la politique contraignant les intéressés à se soumettre à des opérations de réassignation de genre médicalement non nécessaires.

Loi sur la sécurité nationale

12.Le Comité note avec préoccupation que la loi sur la sécurité nationale a été adoptée par le Congrès populaire national sans consultation du public et de la société civile de Hong Kong (Chine). Le Comité est vivement préoccupé par l’interprétation trop large et l’application arbitraire qui sont faites de cette loi, qui, depuis sa promulgation en 2020, aurait conduit à l’arrestation de plus de 200 personnes, dont 12 enfants, pour des atteintes présumées à la sécurité nationale, et par le fait que 44 des chefs d’accusation retenus contre les 12 personnes condamnées sur le fondement de cette loi ne relevaient pas des quatre catégories d’infractions qui y sont définies. En outre, constate avec inquiétude que, bien que l’article 4 de la loi garantisse le respect et la protection des droits de l’homme dans le cadre de la sauvegarde de la sécurité nationale, l’application de la loi et les règles d’application établies en vertu de l’article 43 de celle-ci ont injustement limité l’exercice d’un large éventail de droits consacrés par le Pacte, comme il est indiqué tout au long des présentes observations finales (art. 2, 4, 7, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22 et 25).

13.Le Comité relève avec une vive inquiétude les défauts suivants de la loi sur la sécurité nationale :

a)Le manque de clarté de la notion de « sécurité nationale » et en ce qui concerne les types de comportement et de conduite qui constituent une infraction pénale au sens de cette loi, qui compromet la sécurité juridique ;

b)Le transfert des affaires ayant trait à la sécurité nationale aux organes du Gouvernement populaire central pour ce qui est des enquêtes, des poursuites, des procès et de l’exécution des peines, comme le prévoient les articles 55, 56 et 57, en dépit du fait que la Chine n’est pas partie au Pacte, ce qui peut entraîner une violation de facto des obligations de Hong Kong (Chine) au titre du Pacte ;

c)L’absence de mécanismes permettant aux personnes soupçonnées d’avoir comme des infractions portant atteinte à la sécurité nationale de contester les mesures coercitives prises par les autorités du Gouvernement populaire central et d’accéder à des recours judiciaires en cas de violation des droits consacrés par le Pacte par les responsables de l’application de la loi du Gouvernement populaire central ;

d)Le pouvoir excessif dont est investi le Chef de l’exécutif, et d’autres mesures prévues par la loi, qui peuvent compromettre l’indépendance du pouvoir judiciaire ainsi que les garanties procédurales d’accès à la justice et au droit à un procès équitable, comme il est expliqué au paragraphe 35 ci-dessous ;

e)Les pouvoirs d’enquête étendus dont est investi le Département des forces de police de Hong Kong s’agissant de la sauvegarde de la sécurité nationale, qui sont prévus par l’article 43 de la loi et par les règles d’application, et l’absence de contrôle judiciaire à cet égard ;

f)Le manque de clarté en ce qui concerne les motifs pour lesquels peut être invoquée l’application extraterritoriale de la loi (art. 2, 4, 7, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22 et 25).

14. Le Comité se félicite des assurances données par la délégation que l’élaboration de la future législation en application de l’article 23 de la Loi fondamentale donnerait lieu à des consultations publiques. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Prendre des mesures concrètes en vue d’abroger l’actuelle loi sur la sécurité nationale et, en attendant que l’abrogation soit effective, s’abstenir d’appliquer cette loi  ;

b) Faire en sorte que le processus législatif devant aboutir à l’adoption d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale soit inclusif et transparent et prévoie la participation effective et libre de la société civile et de la population, et que les préoccupations formulées par les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris par le Comité, à propos de l’actuelle loi sur la sécurité nationale soient prises en considération de sorte que la nouvelle législation soit pleinement conforme au Pacte.

Sédition

15.Notant que l’infraction de sédition définie dans l’ordonnance relative aux infractions pénales a été invoquée en 2020 pour la première fois depuis plusieurs décennies, le Comité constate avec inquiétude que des universitaires, des journalistes et des représentants de la société civile ont été arrêtés et accusés de sédition pour avoir légitimement exercé leur droit à la liberté d’expression, par exemple en scandant des slogans en public, par des applaudissements dans la salle d’audience d’un tribunal et en exprimant des critiques à l’égard de l’action du Gouvernement. Les responsables de l’application des lois et les procureurs n’ont apparemment pas indiqué la nature exacte de la menace que représentaient de tels actes. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que la sédition est considérée comme une atteinte à la sécurité nationale et que, par conséquent, les enquêtes sur les affaires de cette nature sont menées par le service des forces de police de Hong Kong chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale, comme l’a confirmé le Tribunal de dernière instance. Le Comité est également préoccupé par les pouvoirs d’enquête excessifs prévus par les règles d’application, qui s’appliquent également aux affaires de sédition (art. 2, 4, 7, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22 et 25).

16. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Abroger les dispositions sur la sédition de l’ordonnance relative aux infractions pénales et s’abstenir de les utiliser pour réprimer l’expression d’opinions critiques et dissidentes  ;

b) Cesser immédiatement d’appliquer la loi sur la sécurité nationale et les règles d’application aux actes de sédition  ;

c) Revoir les affaires de sédition en souffrance afin de s’assurer que personne n’est poursuivi pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression.

État d’urgence

17.Le Comité constate avec inquiétude que l’ordonnance relative au régime applicable à l’état d’urgence n’est pas conforme à l’article 4 du Pacte, et constate : a) le pouvoir illimité conféré au Chef de l’exécutif d’adopter, sans aucun véritable contrôle préalable du pouvoir législatif, des règlements dont la violation est passible de sanctions pénales pour aller jusqu’à l’emprisonnement à vie ; b) l’absence de définition de l’« urgence » et du « danger public », qui constitue un manquement aux critères énoncés à l’article 4 du Pacte ; c) l’absence de contrôle judiciaire adéquat de ces règlements, qui prive les personnes qui y sont soumises de leur droit de contester la légalité, la nécessité et la proportionnalité de telles mesures ; d) l’absence d’interdiction explicite de déroger aux dispositions du Pacte qui ne sont pas susceptibles de dérogation en période d’état d’urgence (art. 2, 4, 7, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22 et 25).

18. Hong Kong (Chine) devrait réviser l’ordonnance relative au régime applicable à l’état d’urgence afin de la mettre en pleine conformité avec l’article 4 du Pacte et l’observation générale n o 29 (2001) du Comité (art .  4).

Droit de réunion pacifique et usage excessif de la force

19.Le Comité regrette que Hong Kong (Chine) n’ait pas communiqué d’informations précises sur les directives et instructions relatives au recours à la force par les forces de police, et s’inquiète de ce que les directives et instructions existantes ne seraient pas conformes au Pacte et aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le Comité est profondément préoccupé par l’usage excessif qui est fait, sans discernement, d’armes à létalité réduite et de substances chimiques, notamment de balles en caoutchouc, de balles en mousse, de gaz lacrymogènes et de canons à eau contenant un mélange d’eau et de produits chimiques irritants, contre des manifestants non armés, y compris des femmes enceintes, des passants et des journalistes, comme cela a été le cas notamment lors des manifestations qui ont eu lieu entre juillet et novembre 2019. Il s’inquiète également de l’instruction donnée à ses subordonnés par le commandant en chef de la police anti-émeute de tirer sur les manifestants en visant la tête lors de manifestations tenues à proximité de la City University de Hong Kong. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les résultats des enquêtes menées à la suite des plaintes déposées contre la police et sur l’étendue et la nature des mesures disciplinaires prises, le cas échéant, contre les policiers reconnus responsables à cet égard (art. 6, 7, 9, 10, 14 et 21).

20. Hong Kong (Chine) devrait adopter des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser effectivement toutes les formes d’usage excessif de la force par les agents des forces de l’ordre. Elle devrait en particulier  :

a) Veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient rapidement diligentées sur toutes les allégations d’usage excessif de la force par la police, en particulier les allégations concernant les opérations de maintien de l’ordre menées lors des manifestations qui ont eu lieu entre juillet et novembre 2019, à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent réparation  ; envisager de créer une commission d’enquête à ce sujet  ;

b) Revoir les directives et la réglementation relatives à l’usage de la force par les responsables de l’application des lois actuellement en vigueur afin de vérifier qu’elles sont pleinement conformes au Pacte, aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et aux Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois  ;

c) Renforcer la formation des agents des forces de l’ordre sur l’usage de la force, en particulier dans le contexte des manifestations, l’emploi de moyens non violents et les techniques de maîtrise des foules  ;

d) Tenir registre des cas de recours à la force par les responsables de l’application des lois, et faire en sorte que ces informations soient accessibles au public.

Mécanismes de contrôle des services de police

21.Le Comité est préoccupé par le fait que Hong Kong (Chine) n’a pris aucune mesure concrète pour donner suite à la recommandation qu’il lui a faite d’établir un mécanisme de contrôle des services de police pleinement indépendant. Le Comité demeure préoccupé par le fait que le Bureau des plaintes contre la police et le Conseil indépendant d’examen des plaintes contre la police ne sont pas suffisamment indépendants et manquent de capacité et de pouvoirs, comme l’a confirmé un groupe d’experts internationaux dans un rapport d’étape ainsi que la Haute Cour dans un arrêt du 19 novembre 2020 (art. 6, 7, 9, 10 et 14).

22. Le Comité engage Hong Kong (Chine) à prendre sans délai des mesures concrètes en vue de mettre en place un mécanisme totalement indépendant, doté de pouvoirs suffisants et ayant mandat pour mener des enquêtes en bonne et due forme sur les plaintes pour faute ou abus de pouvoir mettant en cause des policiers, et à prendre des décisions contraignantes concernant les enquêtes menées et leurs résultats.

Traitement des personnes privées de liberté

23.Le Comité regrette l’absence d’informations actualisées et détaillées sur les décès en détention et sur les plaintes pour torture, mauvais traitements et abus d’autorité dans les établissements pénitentiaires déposées auprès du Service d’examen des plaintes du Département de l’administration pénitentiaire. Le Comité constate avec inquiétude que les mécanismes de plainte destinés aux personnes privées de liberté, à savoir le Service d’examen des plaintes et les juges de paix, sont inefficaces car ils ne sont pas dotés de pouvoirs et de moyens suffisants et ne sont pas suffisamment indépendants (art. 6, 7, 9, 10 et 14).

24. Hong Kong (Chine) devrait prendre des mesures concrètes pour faire cesser définitivement le recours à la torture et aux mauvais traitements, et notamment  :

a) Faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté aient accès à un mécanisme de plainte indépendant et efficace, sans avoir à craindre des représailles  ;

b) Mettre en place un mécanisme de plainte indépendant, doté de pouvoirs et de moyens adéquats, ayant mandat pour traiter les plaintes pour torture, mauvais traitements et abus d’autorité dans les lieux de détention et pour effectuer des visites de contrôle dans ces lieux sans préavis et sans supervision  ;

c) Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et efficaces, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale.

Traitement des étrangers, notamment des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

25.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de cadre législatif sur l’octroi de l’asile et que tous les demandeurs d’asile, y compris ceux qui fuient la torture et d’autres violations graves des droits de l’homme, sont par conséquent soumis aux lois sur l’immigration, ce qui rend leur séjour irrégulier, les expose à des stéréotypes négatifs et les prive de leurs droits fondamentaux. Tout en prenant donne de la création du Mécanisme unifié de sélection en 2014, le Comité reste préoccupé par la très faible proportion (1,25% seulement) des recours formés au titre du principe de non-refoulement qui sont jugés fondés, par le nombre très élevé de demandes de contrôle judiciaire visant à contester les décisions du Mécanisme unifié de sélection, et par la non-publication des décisions rendues par la Commission de recours contre les décisions relatives aux plaintes pour torture. Il est également préoccupé par le fait que les demandeurs d’asile, y compris ceux dont la demande a été acceptée, n’ont pas le droit de travailler à Hong Kong (Chine) en général et vivent de l’aide humanitaire financée par les autorités, qui est très inférieure au minimum vital, et par le fait que leurs enfants n’ont pas accès à l’enseignement supérieur (art. 7, 9, 12, 13, 14 et 24).

26. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Revoir ses politiques et sa législation globales en matière d’immigration afin de les mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les normes humanitaires internationales, de renforcer la protection des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés et de lutter contre les stéréotypes négatifs  ;

b) Améliorer l’efficacité du Mécanisme unifié de sélection et la qualité des décisions en simplifiant les critères d’octroi de la protection, en améliorant les services de conseil juridique et d’interprétation, en informant les requérants sur les procédures et en publiant les décisions de la Commission de recours contre les décisions relatives aux plaintes pour torture  ;

c) Prendre des mesures concrètes pour autoriser les demandeurs d’asile à travailler, relever le niveau de l’aide humanitaire afin de garantir un niveau de vie adéquat, et permettre aux enfants demandeurs d’asile d’accéder à l’enseignement supérieur.

27.Le Comité constate avec préoccupation que la pratique de Hong Kong (Chine) à l’égard des demandeurs d’asile semble être basée sur le cadre juridique de la détention administrative. À cet égard, il constate en particulier que le Département de l’immigration dispose de pouvoirs étendus lui permettant de détenir une personne en attendant son éloignement ou pendant l’examen de sa demande de non-refoulement et que cette détention est souvent de durée excessive, que ces pouvoirs ont été encore élargis par les modifications apportées à l’ordonnance sur l’immigration en 2021, et qu’il a été décidé de transformer le centre pénitentiaire de Tai Tam Gap en centre de détention d’immigrants afin d’accroître la capacité de détention. Le Comité constate également avec préoccupation que l’ordonnance révisée relative à l’immigration de 2021 prévoit des garanties procédurales limitées contre la détention arbitraire des demandeurs d’asile, notamment en ce qui concerne le contrôle juridictionnel et la protection des personnes en situation de vulnérabilité (art. 7, 9, 12, 13, 14 et 24).

28. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Éviter de placer en détention administrative les demandeurs d’asile et les migrants, en privilégiant les mesures de substitution à la détention et en veillant à ce que celle-ci ne soit utilisée qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, et éviter de séparer des familles migrantes  ;

b) Revoir l’ordonnance révisée de 2021 relative à l’immigration afin de mettre sa politique et sa législation en matière d’immigration en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les normes humanitaires et les meilleures pratiques internationales  ;

c) Renforcer les garanties procédurales contre la détention arbitraire, notamment le contrôle juridictionnel et l’évaluation individuelle des demandes d’asile, en particulier en ce qui concerne les personnes qui sont en situation de vulnérabilité.

Traite des personnes

29.Tout en prenant note des actions menées par Hong Kong (Chine) pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’adoption d’un plan d’action et le renforcement de la formation dispensée aux agents chargés de l’application des lois, le Comité reste préoccupé que les différents textes législatifs relatifs à la traite des personnes continuent de ne pas interdire toutes les formes de traite. Le Comité regrette que Hong Kong (Chine) n’ait pas donné de précisions sur la définition de la notion de victime de la traite qui est utilisée dans le cadre de la procédure de repérage des victimes, et il est inquiet du très petit nombre de victimes identifiées au moyen de cette procédure. Le Comité prend note avec regret de l’intention exprimée de ne pas étendre à Hong-Kong (Chine) l’application du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (art. 2, 7, 8 et 26).

30. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Revoir son cadre législatif de lutte contre la traite en vue d’ériger en infractions pénales toutes les formes de traite des personnes, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme pertinentes, et envisager d’adopter une loi globale contre la traite à cette fin  ;

b) Améliorer le repérage et l’identification des victimes, notamment en revoyant la définition de la notion de victime de la traite et en renforçant la formation des agents chargés de l’application des lois  ; protéger les victimes, notamment contre les sanctions qui peuvent être infligées dans le cadre des procédures d’immigration ou pour des infractions que leur situation les contraints à commettre  ; leur fournir toute l’assistance nécessaire  ;

c) Veiller à ce que les cas de traite fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les auteurs des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité des infractions commises  ;

d) Reconsidérer sa position et prendre des mesures en vue d’appliquer à Hong Kong (Chine) le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, afin de lutter avec plus de détermination contre la traite des personnes dans la région.

Travailleurs migrants

31.Tout en notant que dans certains cas isolés des travailleurs domestiques migrants ont été autorisés à changer d’employeur parce qu’il était avéré qu’ils étaient victimes d’exploitation ou d’abus, le Comité est inquiet que Hong Kong (Chine) n’ait a pas pris de mesures concrètes en vue d’abroger la règle des deux semaines − selon laquelle les travailleurs domestiques migrants doivent trouver un nouvel emploi ou quitter Hong Kong (Chine) dans les deux semaines suivant la fin d’un contrat de travail − ou pour adopter une approche systématique qui permette de remédier à l’incidence négative de cette règle sur la jouissance des droits consacrés par le Pacte par les travailleurs domestiques migrants. Il est également préoccupé par le fait que cette règle, ainsi que l’obligation d’habiter chez l’employeur, continuent d’exposer les travailleurs domestiques migrants à un fort risque d’être victimes d’abus et d’exploitation de la part de leurs employeurs et des agences de placement et de les empêcher de dénoncer de tels faits par crainte de perdre leur emploi et de devoir quitter Hong Kong (Chine) (art. 2, 7, 8 et 26).

32. Le Comité renouvelle les recommandations qu’il a déjà formulées. Hong Kong (Chine) devrait abroger la règle des deux semaines et l’obligation de vivre chez l’employeur et, dans l’intervalle, prendre des mesures concrètes pour remédier à l’incidence négative de ces dispositions sur les travailleurs domestiques migrants. Elle devrait également mettre en place des mécanismes de plainte efficaces pour permettre le signalement des abus et de l’exploitation, en tenant compte du contexte particulier dans lequel travaillent les travailleurs domestiques migrants, et faire en sorte que les cas d’exploitation et d’abus donnent lieu à des enquêtes approfondies, que les auteurs de tels faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours utiles.

Accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

33.Le Comité s’inquiète de ce que la récente réforme de l’aide juridictionnelle a encore restreint les droits à cette aide et à un conseil de son choix, en particulier dans le cas des personnes mises en cause sur le fondement de la loi sur la sécurité nationale, en empêchant les demandeurs de l’aide juridictionnelle de choisir leur propre avocat au pénal et en limitant le nombre d’affaires de contrôle judiciaire que les avocats et les barristers sont autorisés à prendre en charge chaque année (art. 2 et 14).

34. Hong Kong (Chine) devrait prendre des mesures efficaces, notamment créer une autorité indépendante chargée de l’aide juridictionnelle, pour garantir le droit de bénéficier en temps voulu d’une aide juridictionnelle compétente et le droit d’être représenté par un conseil de son choix, y compris dans le cas des personnes mises en cause sur le fondement de la loi sur la sécurité nationale.

35.Le Comité constate avec une vive inquiétude que certaines dispositions de la loi sur la sécurité nationale compromettent considérablement l’indépendance du pouvoir judiciaire et restreignent le droit d’accès à la justice et le droit à un procès équitable. Il constate notamment avec préoccupation que :

a)Les articles 44 et 47 de cette loi investissent le Chef de l’exécutif de pouvoirs excessivement larges, tels que le pouvoir de nommer, en les choisissant dans une liste qui n’est pas rendue publique et en concertation avec le Comité pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la Région administrative spéciale de Hong Kong et le Président du Tribunal de dernière instance, des juges qui seront appelés à statuer sur les affaires relevant de la sécurité nationale, et le pouvoir de délivrer des certificats ayant force contraignante pour les tribunaux déterminant si un acte relève de la sécurité nationale ou si des éléments de preuve relèvent de secrets d’État, lorsque de telles questions se posent dans le cadre du jugement d’une affaire ;

b)L’article 44 dispose également que les juges qui font des déclarations ou adoptent un comportement pouvant mettre en danger la sécurité nationale sont révoqués ;

c)L’article 42 introduit des critères plus stricts pour la libération sous caution dans les affaires ayant trait à la sécurité nationale que dans les autres affaires, comme l’a souligné le Tribunal de dernière instance en février 2021, ce qui crée une présomption contre la libération sous caution pour les personnes accusées en vertu de cette loi ; environ 74 % des personnes accusées d’infractions liées à la sécurité nationale se seraient vu refuser la libération sous caution sans motif valable, et nombre d’entre elles, dont 11 enfants, auraient été placées en détention provisoire, certaines pendant plus d’un an ;

d)L’article 46 autorise le Secrétaire à la justice à décider quels procès se tiendront avec jury ; aucune affaire ayant trait à la sécurité nationale n’a donné lieu à un procès avec jury jusqu’à présent (art. 2 et 14).

36. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) S’abstenir d’appliquer la loi sur la sécurité nationale, en particulier ses articles 42, 44, 46 et 47, en attendant que cette loi soit abrogée  ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour accroître l’indépendance du pouvoir judiciaire et protéger celui-ci de toute forme d’ingérence  ;

c) Respecter et protéger le droit à un procès équitable sans discrimination fondée sur les opinions politiques ou d’autres motifs.

37.Le Comité est préoccupé par le harcèlement, les actes d’intimidation et les agressions physiques visant les avocats, comme Chow Hang-tung, qui réclament le contrôle judiciaire de décisions ou représentent des figures de l’opposition ou des manifestants (art. 7 et 14).

38. Hong Kong (Chine) devrait prendre les mesures nécessaires pour protéger les avocats, en particulier ceux qui représentent des figures de l’opposition ou des manifestants et qui réclament le contrôle judiciaire de décisions, contre le harcèlement, les actes d’intimidation et les agressions, conformément aux Principes de base relatifs au rôle du barreau. Elle devrait aussi faire le nécessaire pour que toutes les allégations concernant de tels faits fassent rapidement l’objet d’enquêtes indépendantes et approfondies, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours utiles.

Droit à la vie privée

39.Le Comité constate avec inquiétude que l’article 3 (par. 1 a)) de l’ordonnance révisée sur l’interception des communications et à la surveillance, l’article 43 (par. 6) de la loi sur la sécurité nationale et l’annexe 6 des règles d’application, qui facilitent l’immixtion arbitraire dans la vie privée pour les besoins de la sûreté publique ou de la sécurité nationale, ne sont pas compatibles avec l’article 17 du Pacte. À cet égard, il s’inquiète des allégations de surveillance illimitée exercée dans les écoles et de la surveillance et de l’interception excessives des données des organisations syndicales. Prenant note du pouvoir conféré au Commissariat à la protection des données personnelles par l’ordonnance révisée de 2021 sur les données personnelles (protection de la vie privée) de faire cesser la divulgation de données personnelles de type doxxing, le Comité note avec préoccupation que le Bureau a supprimé 90 % des messages publiés sur les médias sociaux supposés contenir des données de ce type entre octobre 2021 et mai 2022 et a émis 774 ordres de cessation, et que six personnes ont été arrêtées. Regrettant que Hong Kong (Chine) n’ait pas communiqué d’informations détaillées sur l’application des modifications apportées par l’ordonnance, y compris les critères selon lesquels la cessation était ordonnée, le Comité est préoccupé par les allégations indiquant que les modifications avaient pour objet de réduire la liberté d’expression sur les médias sociaux et d’exercer une influence sur les plateformes de médias sociaux. En outre, il s’inquiète du fait que les applications numériques que les résidents et les visiteurs sont tenus de télécharger dans le cadre de la riposte à la COVID-19 permettraient un large accès aux données stockées sur les appareils sur lesquelles elles sont installées (art. 17 et 19).

40. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) S’abstenir d’appliquer l’article 43 ( par.  6) de la loi sur la sécurité nationale et l’annexe 6 des règles d’application, en attendant l’abrogation de cette loi  ;

b) Prendre des mesures concrètes pour mettre l’ordonnance révisée sur l’interception des communications et la surveillance et l’ordonnance révisée sur les données personnelles (protection de la vie privée) de 2021 en conformité avec l’article 17 du Pacte  ;

c) Renforcer la capacité, le mandat et les pouvoirs du Commissariat à la protection des données personnelles afin qu’il puisse assurer une supervision indépendante et efficace des activités de surveillance et autres activités supposant une immixtion dans la vie privée, et garantir l’accès à des recours utiles en cas d’abus  ;

d) Veiller à ce que les données collectées au moyen des applications numériques utilisées dans le cadre de la riposte à la COVID-19 servent strictement des objectifs spécifiques et légitimes et soient supprimées une fois ces objectifs atteints.

Liberté d’expression

41.Le Comité est préoccupé par l’incidence négative de l’interprétation trop large et de l’application arbitraire qui sont faites de la loi sur la sécurité nationale et de la législation relative à la sédition, et de leur impact sur l’exercice de la liberté d’expression. Il est notamment préoccupé par : a) la fermeture de médias, qui ont parfois volontairement mis fin à leurs activités par crainte de subir des représailles, des descentes de police ou le gel de leurs avoirs ; b) le blocage de sites Web et de comptes sur les réseaux sociaux et la suppression de contenus en ligne ; c) l’arrestation et la détention arbitraire de journalistes, de personnalités politiques, d’universitaires, d’étudiants et de défenseurs des droits de l’homme ayant exprimé des opinions dissidentes ; d) les actes d’intimidation, les attaques ou les menaces d’attaques visant des journalistes ; e) la censure ; f) l’ingérence dans l’indépendance éditoriale de médias publics, comme Radio Television Hong Kong ; g) les difficultés auxquelles se heurtent les journalistes étrangers, et d’autres personnes, pour obtenir un visa ou pour son renouvellement. Tout en prenant note de l’intention de Hong Kong (Chine) d’élaborer une nouvelle loi relative à la désinformation, le Comité prend note des préoccupations exprimées quant aux effets négatifs que cette loi pourrait avoir sur la jouissance de la liberté d’expression compte tenu du contexte actuel (art. 19, 20, 21 et 22).

42. Hong Kong (Chine) devrait  : a) cesser d’invoquer la loi sur la sécurité nationale et la législation relative à la sédition contre les journalistes, les personnalités politiques, les universitaires, les défenseurs des droits de l’homme, les étudiants et les autres personnes qui exercent leur droit à la liberté d’expression de manière légitime  ; b) abandonner toutes les procédures engagées contre des journalistes et d’autres personnes pour le seul exercice de leur droit à la liberté d’expression et leur accorder une indemnisation adéquate  ; c) garantir l’indépendance éditoriale de tous les médias  ; d) protéger les journalistes contre les actes d’intimidation et les attaques et enquêter sur tous les faits de cette nature. Elle devrait également faire en sorte que de réelles consultations, transparentes et axées sur la participation, aient lieu auprès du public et de la société civile dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle loi relative à la désinformation, et veiller à ce que le projet de texte soit pleinement conforme au Pacte.

43.Le Comité relève avec préoccupation que : a) la sauvegarde de la sécurité nationale est devenue l’un des critères déterminant le choix des collections des bibliothèques publiques, et que le Département des loisirs et des services culturels examine si le contenu du fond documentaire des bibliothèques est conforme à la loi sur la sécurité nationale et si les services connexes servent les intérêts de la sécurité nationale ; b) plus d’une centaine de livres auraient été retirés des rayons des bibliothèques publiques pour des motifs liés à la sauvegarde de la sécurité nationale ; c) la liste des ouvrages retirés des rayons des bibliothèques publiques parce qu’ils contreviendraient à cette loi ou à d’autres ou seraient contraires aux intérêts de la sécurité nationale n’a pas été rendue publique (art. 19, 20 et 21).

44. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Cesser immédiatement de censurer des ouvrages et d’autres documents proposés dans les bibliothèques publiques, y compris les bibliothèques scolaires, et lever la censure sur les livres et autres documents qui ont été retirés parce qu’ils contreviendraient à la loi sur la sécurité nationale ou seraient contraires aux intérêts de la sécurité nationale  ;

b) Rendre publique la liste des ouvrages et documents qui ont été retirés  ;

c) Prendre les mesures concrètes qui s’imposent pour que la censure ne se reproduise pas.

Liberté de réunion pacifique

45.Le Comité note qu’un nombre extrêmement élevé de personnes ont participé aux manifestations qui ont eu lieu entre juin 2019 et le début de l’année 2020, mais il est préoccupé par le fait que Hong Kong (Chine) a qualifié de violents des rassemblements dans lesquels seuls quelques manifestants isolés avaient eu un comportement violent, et qu’elle traite donc les manifestants comme des émeutiers. Il s’inquiète plus encore de ce que l’ampleur des manifestations pourrait être le signe que le système de gouvernance participative à Hong Kong (Chine) ne fonctionne pas (art. 7, 9, 10, 19, 21 et 25).

46. À la lumière de l’obligation découlant de l’article 21 du Pacte, telle que précisée dans l’observation générale n o 37 (2020) du Comité, Hong Kong (Chine) devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter et garantir le droit de réunion pacifique. Elle devrait faciliter la tenue des rassemblements et n’imposer de restrictions proportionnées que lorsque cela est strictement nécessaire pour atteindre l’un des objectifs autorisés identifiés dans le Pacte. En outre, elle devrait renforcer son système de gouvernance en vue de permettre la participation libre, effective et réelle de ses citoyens à la conduite des affaires publiques, y compris au processus législatif et décisionnel.

47.Le Comité est préoccupé par les restrictions injustifiées qui sont imposées à l’exercice du droit de réunion pacifique, notamment par l’ordonnance relative à l’ordre public, qui impose un système d’autorisation de facto pour les rassemblements publics et criminalise la participation à un rassemblement public non autorisé, ainsi que par le règlement interdisant de se couvrir le visage. Il est également préoccupé par le fait que la réglementation mise en place dans le cadre de la riposte à la COVID-19 a été invoquée pour imposer des restrictions injustifiées du droit de réunion pacifique, et a été appliquée de façon discriminatoire en fonction de l’objectif des rassemblements ou des organisateurs. Le Comité est en outre préoccupé par le nombre excessivement élevé d’arrestations, de poursuites et de condamnations de manifestants, en particulier entre 2019 et 2021 (art. 4, 7, 9, 10, 19 et 21).

48. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) Revoir l’ordonnance relative à l’ordre public et abroger la réglementation interdisant de se couvrir le visage, afin de mettre sa législation sur les rassemblements publics en conformité avec l’article 21 du Pacte et l’observation générale n o 37 (2020) du Comité  ;

b) Veiller à ce que la réglementation mise en place dans le cadre de la riposte à la COVID-19 soit appliquée sans exception ni discrimination et ne restreigne pas le droit de réunion pacifique de façon injustifiée  ;

c) Abandonner les charges retenues contre toutes les personnes qui ont été arrêtées et détenues arbitrairement dans le contexte des manifestations de 2019 et de tous les rassemblements non autorisés, et remettre ces personnes en liberté.

Liberté d’association

49.Le Comité est préoccupé par le nombre excessivement élevé d’organisations de la société civile, notamment des syndicats et des syndicats d’étudiants, qui ont déménagé ou cessé leurs activités depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale et l’invocation de la législation relative à la sédition en 2020. Il est également préoccupé par le fait que les syndicats auraient été pris pour cible à la suite d’une série de grèves ayant touché toute la ville en 2019, au moyen de la radiation et des poursuites pénales contre leurs dirigeants, ainsi que par leur vulnérabilité accrue du fait de leurs relations avec les organisations syndicales internationales. Le Comité est également préoccupé par les pouvoirs excessifs, conférés à la police par l’ordonnance relative aux associations, de refuser ou d’annuler l’enregistrement d’une association ou de l’interdire, et par le fait que le bien-fondé du refus ou de l’annulation ne font pas l’objet d’un contrôle judiciaire. En outre, le Comité note avec préoccupation la réponse imprécise donnée par la délégation, selon laquelle la loi sur la sécurité nationale ne s’applique pas aux activités « normales » des organisations de la société civile, sans préciser ce qui constitue une activité normale, ce qui ne garantit pas explicitement la protection des organisations de la société civile et de leurs représentants qui ont collaboré avec le Comité dans le cadre du présent examen contre d’éventuelles accusations fondées sur la loi sur la sécurité nationale (art. 2, 4, 19 et 22).

50. Hong Kong (Chine) devrait  :

a) S’abstenir de toute action susceptible de limiter l’exercice de la liberté d’association et créer un environnement dans lequel les organisations de la société civile, notamment les syndicats et les syndicats d’étudiants, puissent mener leurs activités en toute sécurité  ;

b) Supprimer toutes les mesures restrictives imposées aux syndicats et mettre fin à toutes les poursuites menées contre des syndicalistes en raison de leurs activités syndicales  ;

c) Réviser l’ordonnance relative aux associations et les autres lois pertinentes afin de supprimer les obstacles, procéduraux ou techniques, à l’enregistrement et au fonctionnement des associations, et mettre ces textes en conformité avec l’article 22 du Pacte  ;

d) Veiller à ce que les membres et les représentants des organisations de la société civile ne soient pas poursuivis sur le fondement de la loi sur la sécurité nationale et ne soient pas pris pour cible d’une autre manière pour avoir collaboré avec le Comité dans le cadre du présent examen ou avec d’autres mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment d’autres organes conventionnels, le Conseil des droits de l’homme, les procédures spéciales du Conseil et le mécanisme de l’Examen périodique universel, ou des organisations non gouvernementales internationales.

Participation à la conduite des affaires publiques

51.Le Comité note que Hong Kong (Chine) s’est engagé à introduire le suffrage universel. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation que le système électoral n’est pas conforme aux prescriptions de l’article 25 du Pacte, et que la situation à cet égard s’est encore détériorée depuis les changements intervenus sur le plan électoral en 2021. Le Comité est particulièrement préoccupé par : a) la réduction significative du nombre de sièges dont les titulaires sont directement élus par la population, tant au sein du Comité électoral que du Conseil législatif ; b) la diminution de la représentativité du Comité électoral par suite des changements intervenus dans la composition de ses secteurs et sous-secteurs ; c) les critères restrictifs d’éligibilité des candidats, qui laissent aux candidats des partis d’opposition peu de chances de pouvoir se présenter aux élections, voire aucune ; d) l’absence de participation du public à l’élection du Chef de l’exécutif ; e) les critères imprécis en vertu desquels certains candidats et élus sont disqualifiés (art. 2, 3, 25, 26 et 27).

52. Hong Kong (Chine) devrait prendre des mesures concrètes, assorties d’un calendrier précis, pour introduire le suffrage universel. Dans l’intervalle, elle devrait réformer le système électoral conformément à l’article 25 du Pacte et à l’observation générale n o 25 (1996) du Comité, notamment en  : a) augmentant le nombre de sièges dont les titulaires sont directement élus par la population, au sein du Comité électoral et du Conseil législatif  ; b) augmentant le nombre d’électeurs publics au sein du Comité électoral  ; c) introduisant le vote public pour l’élection du Chef de l’exécutif  ; d) révisant les critères d’éligibilité afin d’assurer la diversité parmi les candidats  ; e) revoyant les critères de disqualification, et en supprimant ceux qui sont discriminatoires. En outre, elle devrait revenir sur la décision de disqualifier certains élus.

D.Diffusion et suivi

53. Hong Kong (Chine) devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes à Hong Kong (Chine) ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. Hong Kong (Chine) devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

54. Conformément à l’article 75 ( par.  1) du Règlement intérieur du Comité, Hong Kong (Chine) est invitée à faire parvenir, le 28 juillet 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’elle aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14 (loi sur la sécurité nationale), 42 (liberté d’expression) et 50 (liberté d’association) plus haut.

55. Le Comité demande à Hong Kong (Chine) de lui soumettre son prochain rapport périodique le 27 juillet 2028 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu’elle aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à Hong Kong (Chine), lorsqu’elle élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans la région. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.