Nations Unies

CERD/C/ARG/CO/21-23/Add.1

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

9 février 2018

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Argentine valant vingt et unième à vingt-troisième rapports périodiques

Additif

Renseignements reçus de l’Argentine au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 11 décembre 2017]

Paragraphe 15 : À la lumière de sa précédente recommandation (voir CERD/C/ARG/CO/19-20, par. 16), le Comité exhorte l’État partie à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour procéder à la nomination du Défenseur du peuple à la faveur d’une procédure de sélection et de nomination transparente et participative accordant la priorité au mérite, aux compétences et à l’intégrité, ainsi que du Défenseur public chargé des services de communication audiovisuelle.

Contexte

1.Le Bureau du Défenseur du peuple de la Nation est une institution indépendante dotée d’une totale autonomie fonctionnelle et chargée de défendre et de protéger les droits, les garanties et les intérêts consacrés par la Constitution et les lois contre les faits, actes ou omissions de l’administration publique et d’exercer un contrôle sur le fonctionnement de celle-ci.

2.Mis en place dans le cadre du Congrès, ses compétences sont définies dans les articles 43 et 86 de la Constitution fédérale et dans la loi no 24284, modifiée par la loi no 24379.

3.Le Défenseur du peuple de la Nation est chargé d’enquêter, d’émettre des critiques, de formuler des avis et de recevoir des plaintes ; il sollicite à cet effet la collaboration des organismes publics. Il est habilité à engager une action en justice lorsque les violations commises relèvent de sa compétence mais doit en premier lieu être un collaborateur critique, sa mission étant précisément d’éviter les coûts et les lenteurs des procédures judiciaires.

4.Dans l’exercice de ses fonctions, le Défenseur du peuple peut ouvrir et conduire tout type d’enquête, d’office ou sur demande de l’intéressé.

5.Le Bureau du Défenseur du peuple s’appuie sur une équipe interdisciplinaire réunissant un certain nombre d’avocats, d’ingénieurs, d’experts comptables, de travailleurs sociaux, de psychologues, de biologistes, d’écologues et de géologues, qui étudient les actions engagées, d’office ou à la suite d’une plainte, et formulent des propositions concernant les suites à donner en utilisant des techniques modernes de gestion et de traitement de l’information.

6.Il convient de souligner qu’en Argentine, le Bureau du Défenseur du peuple de la Nation est la seule institution nationale des droits de l’homme reconnue par les Nations Unies. Étant conforme aux Principes de Paris, il bénéficie du statut le plus élevé possible (statut A).

Nomination du Défenseur du peuple de la Nation

7.Conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution fédérale, le Défenseur du peuple est désigné et révoqué par le Congrès dans le cadre d’un vote à la majorité des deux tiers des membres de chacune des chambres présents. Son mandat, d’une durée de cinq ans, est renouvelable une seule fois.

8.Le Défenseur du peuple est définitivement nommé par la Commission bicamérale permanente du Bureau du Défenseur du peuple, mise en place le 30 août 2016 dans le cadre du Sénat, après que les deux chambres ont désigné leurs représentants, au nombre de sept (7) pour la Chambre des sénateurs et sept (7) pour la Chambre des députés.

9.La Commission bicamérale a réussi à obtenir le consensus nécessaire pour faire avancer la procédure de nomination du Défenseur du peuple, mission qui se révèle complexe, la Constitution fédérale imposant une majorité qualifiée des deux tiers de chacune des deux chambres du Congrès.

10.Le 11 octobre 2017, la Commission bicamérale a adopté la résolution no 005/17 fixant la date limite de dépôt des candidatures au poste de Défenseur du peuple de la Nation au 26 octobre 2017.

11.Le nom des vingt (20) candidats a ensuite été publié dans la résolution no 006/17 du 8 novembre 2017 et la Commission bicamérale a désigné trois candidats proposés par la majorité de ses membres, à savoir Jorge Sarghini, Humberto Roggero et Alejandro Amor.

12.Il convient de signaler qu’une autre proposition a été présentée et signée par une minorité de membres de la Commission bicamérale ; elle comportait les noms de Remo Carlotto, Liliana Negre de Alonso et María José Lubertino.

13.Le 14 novembre 2017, les trois candidats ont exposé devant la Commission bicamérale les arguments en faveur de leur élection à ce poste.

14.Le vote définitif aura lieu prochainement au Sénat pour désigner le nouveau Défenseur du peuple.

Défenseur public chargé des services de communication audiovisuelle

15.Le Bureau du Défenseur public chargé des services de communication audiovisuelle a pour mission de promouvoir, diffuser et défendre le droit à la communication démocratique pour le public des médias audiovisuels sur l’ensemble du territoire national.

16.Son existence découle du droit à la liberté d’expression, qui se reflète dans les attributions et les obligations des producteurs et émetteurs du secteur des médias mais également dans celles du public. Le Défenseur public représente les intérêts et les droits du public et joue le rôle d’intermédiaire entre les deux parties.

17.Le Bureau du Défenseur public reçoit et oriente les questions, les réclamations et les plaintes du public afin de faire respecter les droits citoyens des récepteurs de médias. Il encourage la participation et le débat et assure un rôle pédagogique en expliquant ce qu’est le droit à la communication, comment l’exercer et comment réclamer si ce droit n’est pas respecté.

18.Dans le cadre de ses attributions, le Bureau du Défenseur public contribue à la consolidation d’un nouveau schéma de communication, fondé sur les droits de l’homme et les valeurs démocratiques.

19.Les missions et les fonctions du Bureau du Défenseur public sont détaillées dans l’article 19 de la loi no 26522 relative aux services de communication audiovisuelle.

20.L’article 18 de la loi précitée prévoit la mise en place de la Commission bicamérale permanente de promotion et de suivi de la communication audiovisuelle, dans le cadre du Sénat.

21.La Commission bicamérale, constituée de huit (8) sénateurs et de huit (8) députés, est notamment chargée de proposer au pouvoir exécutif fédéral les candidats au poste de Défenseur public chargé des services de communication audiovisuelle.

22.Le 29 novembre 2016, la Commission bicamérale a confié les fonctions administratives et opérationnelles du Défenseur public (décision no 15) à Mme María José Guembe, directrice de la protection des droits et des affaires juridiques du Bureau du Défenseur public, jusqu’à ce que le titulaire du poste soit nommé.

23.Consciente qu’il est indispensable de procéder rapidement à la désignation définitive du Défenseur du public, la Commission bicamérale a entamé à cette fin la procédure permettant d’obtenir des accords et des consensus débouchant sur une nomination dotée d’une forte légitimité.

24.Sans préjudice de ce qui précède, le Bureau du Défenseur public est pleinement fonctionnel, comme en témoigne son rapport de gestion pour la période 2012-2016, qui fait notamment état des données suivantes :

Présentations reçues : 9 396 ;

Personnes formées : plus de 72 000 ;

Séances de travail réalisées : 39, totalisant 115 heures de travail ;

Guides à l’usage des journalistes produits : 8, distribués à plus de 22 900 exemplaires ;

Réunions publiques organisées : 20, pour un total de 2 000 intervenants et 4 900 participants.

Paragraphe 24 : Le Comité demande instamment à l’État partie :

a)De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection des peuples autochtones face aux expulsions forcées, en veillant à ce que la loi no 26160 soit mise en œuvre intégralement et efficacement ;

b)De prendre des mesures pour garantir la sécurité des peuples autochtones qui subissent des menaces, des persécutions et d’autres actes de violence de la part aussi bien d’agents de l’État que de particuliers et pour prévenir et réprimer de tels actes et mener les enquêtes voulues.

A.Protection des peuples autochtones face aux expulsions forcées

25.Dans le cadre de la mise en œuvre des droits constitutionnels et des engagements découlant de la Convention no 169 de l’OIT en matière de territoire, l’État argentin poursuit son travail sur le relevé technico-juridique et cadastral pour déterminer la situation des terres traditionnellement occupées par les communautés autochtones.

26.La loi no 26160, adoptée à cet effet en 2006, a pour objet de délimiter les terres occupées de manière traditionnelle par les communautés autochtones et de suspendre l’exécution des décisions de justice, des actes de procédure et des actes administratifs ordonnant des expulsions forcées.

27.Compte tenu de la complexité sociale, culturelle et politique de cette question, du nombre d’acteurs impliqués dans le processus de délimitation territoriale et du nombre de communautés faisant l’objet du relevé, la loi no 26160 a été prorogée à trois reprises, en 2009, 2013 et 2017.

28.La dernière prorogation a été adoptée récemment, le 8 novembre 2017, par la loi no27400 portant prorogation de l’urgence en matière de terres occupées de manière traditionnelle par les communautés et suspension des expulsions jusqu’au 23 novembre 2021.

29.Le relevé territorial est effectué dans le cadre du Programme national de relevé des terres des communautés autochtones, mis en place en vertu de la décision no 587/07 de l’Institut national des affaires autochtones.

30.En 2017, le relevé des terres des communautés a progressé, dans le cadre des conventions signées avec les provinces de Misiones, Santiago del Estero, Salta et Jujuy. Par ailleurs, l’Institut national des affaires autochtones continue à procéder au relevé de manière centralisée dans les communautés qui en font la demande, comme c’est le cas dans les provinces de Tucumán, Jujuy, La Pampa, Corrientes, Catamarca et Río Negro.

31.Il convient de signaler qu’afin de terminer les relevés en cours, l’Institut national des affaires autochtones s’efforce actuellement d’utiliser des technologies nouvelles visant à dynamiser et à augmenter l’efficacité des procédures et à réduire les délais actuels de détermination de la situation des terres occupées de manière traditionnelle. Cela aura des répercussions directes sur le nombre de communautés qui recevront leur dossier technique.

32.Une fois le relevé territorial terminé, il convient d’attribuer ou de remettre les titres de propriété collective des terres occupées traditionnellement, actuellement et publiquement par les communautés autochtones. La régularisation ou la remise des terres est une étape ultérieure nécessitant l’intervention des autorités provinciales.

33.Le pouvoir exécutif national envisage de prendre un arrêté fédéral pour donner effet au droit de possession et de propriété collective et aborder la question de fond posée par l’urgence déclarée dans la loi no 26160 et ses versions ultérieures.

B.Sécurité des peuples autochtones

34.En matière de protection des communautés autochtones contre les menaces, actes de violence commis lors de tentatives d’expulsion et autres actes portant atteinte aux droits des autochtones, l’Institut national des affaires autochtones intervient immédiatement lorsqu’il a connaissance d’affaires judiciaires portant sur les droits inaliénables des communautés autochtones.

35.Des contacts sont immédiatement pris avec les juridictions, le ministère public, les commissariats et/ou les institutions juridiquement impliquées dans la question autochtone en vue de prouver de manière fiable l’existence des affaires signalées et les mesures de protection prises pour protéger les droits de l’homme des autochtones.

36.L’Institut national des affaires autochtones veille à faire appliquer la législation en vigueur, à savoir la loi no 26160, ses versions ultérieures et ses décrets d’application, la Constitution et les conventions qui protègent les droits des communautés autochtones. Il explicite également la notion juridique de possession et de propriété collective des terres figurant dans les conventions que l’État argentin est tenu de respecter et fournit, le cas échéant, les cartes de géoréférencement indiquant la localisation géographique des communautés autochtones, les copies des décisions de reconnaissance de personnalité juridique et autres documents concernant ces communautés. Enfin, il sollicite la remise de rapports sur l’action du système judiciaire.

37.À titre de mesure complémentaire entrant dans le cadre d’une stratégie de prévention, l’Institut national des affaires autochtones organise des ateliers d’orientation et de formation sur les droits des peuples originaires à l’intention des forces de sécurité et des professionnels de justice des provinces et de certaines municipalités et leur fournit des outils pour l’analyse des affaires portées devant la justice.

38.Par ailleurs, l’Institut national des affaires autochtones finance de nombreux services d’assistance juridique destinés aux communautés autochtones afin qu’elles soient en mesure de définir des stratégies de défense de leurs territoires communautaires et de gérer les actions et la défense juridique nécessaires pour obtenir la pleine application de la reconnaissance constitutionnelle. Des mesures visant à constituer des preuves utilisables dans le cadre d’une éventuelle action en justice ont également été financées.

39.Les services juridiques suivants sont actuellement fonctionnels :

1.Bureau du défenseur du peuple de la province de Buenos Aires − Service juridique d’assistance au peuple mapuche de Los Toldos ;

2.Service juridique d’assistance à la communauté autochtone Yahavere du peuple guaraní − Paraje Yahavere de Corrientes ;

3.Service juridique de conseil aux délégués des communautés autochtones du peuple ocloya de la province de Jujuy ;

4.Service juridique d’assistance au peuple tilian − El Volcán ;

5.Service juridique d’assistance à l’Union des peuples de la nation diaguita de Salta ;

6.Service juridique permanent d’assistance au peuple tastil de Salta ;

7.Service juridique d’assistance aux communautés kollas du département des Andes ;

8.Service juridique d’assistance aux communautés autochtones du peuple tonokote de Santiago del Estero ;

9.Projet de service juridique d’assistance à la communauté autochtone El Nogalito du peuple lule de Tucumán ;

10.Service juridique d’assistance à l’Union des peuples de la nation diaguita de Tucumán ;

11.Service juridique d’assistance au peuple mapuche Zona Centro (Ragiñ Kimvn) de Neuquén ;

12.Service juridique d’assistance au peuple mapuche Consejo Zonal Pewence de Neuquén ;

13.Service juridique d’assistance au peuple mapuche Zonal Willice de Neuquén ;

14.Service juridique d’assistance au peuple mapuche Andina de Rio Negro ;

15.Programme de renforcement communautaire − Communauté Santa Rosa Leleque du peuple mapuche de Chubut ;

16.Service juridique d’assistance à la communauté de la réserve autochtone Sakamata Liempichun de Chubut ;

17.Service juridique III d’assistance au peuple mapuche de Mendoza ;

18.Service juridique d’assistance à la communauté Rosa Moreno Mariqueo de La Pampa.

40.Il convient par ailleurs de souligner que les centres d’accès à la justice fonctionnent sous l’égide du Ministère de la justice et des droits de l’homme de la Nation. Ces structures de portée fédérale ont un caractère préventif et sont chargées d’apporter une réponse aux problèmes sociojuridiques des citoyens.

41.Les centres d’accès à la justice sont situés sur l’ensemble du pays, en particulier dans les zones socialement vulnérables. Ils organisent des consultations et informent la population bénéficiaire, facilitent l’accès à la justice, assurent un premier niveau de prise en charge juridique et accompagnent les demandes des citoyens.

Paragraphe 26 : Le Comité demande instamment à l’État partie :

a)De conduire des enquêtes sur tout acte d’intimidation et de violence dirigé contre les défenseurs des droits de l’homme et leurs communautés et de punir dûment les responsables. À ce sujet, le Comité appelle tout particulièrement l’attention de l’État partie sur le cas de Massar Ba ;

b)De garantir l’accès effectif à la justice et le respect des droits fondamentaux et des garanties d’une procédure régulière dans les actions en justice engagées contre des défenseurs des droits de l’homme et des membres des communautés autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des migrants, y compris dans le cas de Milagro Sala et de Félix Díaz. Concernant Milagro Sala, le Comité invite l’État partie à donner effet aux mesures demandées par le Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/WGAD/2016/31, par. 117).

Sur les défenseurs des droits de l’homme et leurs communautés

42.L’État argentin, à l’instar de tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies, a adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 objectifs, déclinés en 169 cibles à atteindre.

43.Estimant que la lutte contre la discrimination ne peut se faire sans inclure et rendre visibles les divers groupes qui composent le pays, le Secrétariat aux droits de l’homme a adopté la notion de pluralisme culturel en décembre 2015 afin, entre autres, de promouvoir une société inclusive.

44.La République argentine est en effet composée d’une multitude de cultures, de valeurs et de traditions d’origines diverses. Aux peuples autochtones présents sur l’ensemble du territoire avant la constitution de l’État fédéral et aux flux migratoires provenant des diverses régions du monde qui ont choisi l’Argentine comme pays de destination, s’ajoute la présence des personnes d’ascendance africaine.

Reconnaissance des communautés d’ascendance africaine

45.Dans sa résolution A/RES.68/237, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine 2014-2020, reconnaissant que ces personnes constituent un groupe spécifique dont les droits doivent être promus et protégés.

46.En août 2017, le pouvoir exécutif fédéral a signé le décret no 658/2017 adoptant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine et a demandé au Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel de coordonner les actions et d’élaborer un programme national pour la mettre en œuvre.

47.Le Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel a notamment mis en place un groupe de dialogue avec les organisations de la société civile de la communauté d’ascendance africaine chargé de proposer des politiques publiques en faveur de cette population et de travailler avec l’Institut national de la statistique et du recensement en vue d’inclure dans le recensement national de 2020 un questionnaire unique par personne, sans échantillonnage, sur la reconnaissance de l’ascendance africaine, dans le but d’obtenir des données statistiques sur ce groupe de population en Argentine.

Enquête sur la mort de Massar Ba

48.Concernant la mort du dirigeant sénégalais Massar Ba, le Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel a travaillé avec la communauté sénégalaise pour aider la justice à éclaircir cette affaire.

49.Massar Ba, représentant de la défense des droits des résidents sénégalais en Argentine, a été retrouvé blessé sur la voie publique le 7 mars 2016 dans un quartier de Buenos Aires. Transféré vers l’hôpital Ramos Mejía, il y est mort le 8 mars 2016 des suites de graves hémorragies.

50.Une action judiciaire a été engagée devant la Chambre nationale d’instruction en matière criminelle no 35, avec intervention du Bureau du procureur no 7 − affaire no 15837/2016 (88.934) − Soto Elena Carla Soledad s/muerte por causa dudosa.

51.Dans le cadre de cette affaire, le juge compétent a rendu une ordonnance de non-lieu en faveur d’Elena Carla Soto, estimant qu’elle n’avait aucun lien avec la mort de Massar Ba. En effet, au terme d’une vaste enquête, la justice a conclu que Massar Ba était mort des suites d’une consommation de stupéfiants ayant entraîné un état qui l’aurait amené à se jeter du balcon d’un immeuble.

52.Cette décision a été annulée par la IVe chambre de la Cour nationale d’appel en matière criminelle et correctionnelle en septembre 2017 au motif qu’un certain nombre d’actes devaient encore être accomplis, lesquels sont actuellement en cours.

53.Par ailleurs, dans le cadre de cette même affaire, Moustafa Sene, représentant de l’Association argentine de résidents sénégalais, a demandé à se constituer partie à la procédure, ce qui lui a été refusé le 22 mars 2016.

54.Le Bureau du Défenseur général du Gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires a fait appel de cette décision le 19 avril 2017. Le Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel est intervenu en qualité de consultant bénévole (amicus curiae) pour demander que la faculté de se constituer partie à la procédure soit reconnue à l’Association argentine de résidents sénégalais.

55.En juillet 2016, la IVe chambre de la Cour nationale d’appel en matière criminelle et correctionnelle a confirmé la décision rendue en première instance et a rejeté la demande de l’Association argentine de résidents sénégalais de se constituer partie à la procédure.

56.Le Bureau du Défenseur public officiel de la ville autonome de Buenos Aires a fait appel de cette décision devant la Cour de cassation en matière criminelle et correctionnelle, laquelle examine actuellement le dossier et doit se prononcer prochainement.

57.Il convient enfin de signaler que, bien que certains membres de la communauté sénégalaise aient affirmé que la mort de M. Massar Ba était liée à son activité en faveur des droits des migrants sénégalais, cette hypothèse n’a pas été confirmée par l’enquête.

Sur les droits fondamentaux des peuples autochtones

58.Les politiques et les mesures concernant les peuples autochtones sont fondées sur l’inclusion, la non-discrimination et l’égalité, l’accès universel aux droits et le respect des droits de l’homme, conformément à la législation nationale en vigueur et aux engagements découlant des instruments internationaux.

59.Ces principes ont pris un relief particulier à partir de 2016, lorsque l’Institut national des affaires autochtones, organisme officiel chargé de concevoir et d’exécuter les politiques autochtones, est passé de la tutelle du Ministère du développement social à celle du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel. Ce qui pourrait apparaître à première vue comme un simple réaménagement structurel des institutions de l’État correspond en réalité à une nouvelle approche de la question autochtone, qui abandonne la vision et les politiques d’assistanat et consolide les communautés autochtones en tant que sujets de droit.

60.L’Institut national des affaires autochtones travaille selon trois grands axes. Le premier axe concerne les problèmes liés au territoire et inclut les actions ayant trait au relevé territorial, aux conflits fonciers, à l’assistance juridique dans ce type d’affaires et à l’enregistrement des communautés autochtones. Le deuxième axe porte sur l’affirmation des droits. Il englobe tous les aspects liés à la législation, à la gestion de la participation et de la représentation des autochtones dans les divers espaces créés à cet effet, à la mise en œuvre de la consultation préalable et à la restitution des restes archéologiques aux communautés. Le troisième axe concerne l’articulation avec les autres ministères et organismes publics pour renforcer le développement durable, promouvoir la culture des peuples autochtones et diffuser leurs connaissances ancestrales et leurs valeurs traditionnelles, qui constituent une richesse pour l’ensemble de la société.

61.Le Conseil consultatif et participatif des peuples autochtones a été créé début 2016. Constitué de représentants des communautés autochtones des zones les plus vulnérables du pays, il démontre qu’en ce qui concerne les droits et les besoins des peuples autochtones l’Argentine s’est engagée sur une voie de réparation.

Situation de Félix Díaz

62.Il convient tout d’abord de rappeler que M. Félix Díaz assure la présidence du Conseil consultatif et participatif des peuples autochtones. Cet organe a pour mission de promouvoir le respect des droits consacrés par la Constitution fédérale (art. 75, par.  17), la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail et les autres instruments juridiques nationaux et internationaux ayant trait aux droits des peuples autochtones ratifiés par la République argentine.

63.Félix Díaz agit également en tant qu’interlocuteur permanent entre l’État fédéral et les communautés autochtones pour faciliter l’adoption de politiques et de mesures permettant de garantir l’accès aux droits des peuples autochtones et de promouvoir l’égalité des chances pour les membres de ces peuples.

64.Par ailleurs, avec d’autres représentants autochtones, Félix Díaz participe au groupe de travail interministériel sur les peuples autochtones, qui effectue des missions sur le terrain pour recenser les besoins des communautés dans les provinces et les régions où vivent les peuples autochtones les plus vulnérables. Ce groupe de travail, constitué de divers organismes et fonctionnaires, se réunit les deuxième et quatrième lundis de chaque mois.

65.Enfin, il est important de souligner que le dossier technique de la communauté Potae Napocna Novogoh (La Primavera), à laquelle appartient le dirigeant Félix Díaz, a été remis en 2017. Il contient le relevé technico-juridique et cadastral de cette communauté, et atteste l’occupation actuelle, traditionnelle et publique dans la province de Formosa.

66.Concernant les affaires judiciaires dans lesquelles M. Félix Díaz est impliqué, il convient de rappeler qu’elles ont été engagées devant la juridiction de la province de Formosa, à la suite de l’expulsion forcée qui s’est déroulée le 23 novembre 2010 sur la route nationale 86, dans le cadre d’une décision judiciaire exécutée par la police provinciale, au cours de laquelle deux personnes, un membre de la communauté et un policier, sont décédées. Ces faits ont été à l’origine de plusieurs affaires judiciaires, ouvertes à la suite des diverses constatations effectuées.

67.Deux affaires dans lesquelles Félix Díaz est mis en cause sont actuellement instruites par la juridiction provinciale :

1.Procédure pénale no 742/2011, devant la deuxième juridiction criminelle et correctionnelle de Clorinda. Félix Díaz et un groupe de membres de la communauté sont poursuivis par la justice de la province de Formosa pour résistance à l’autorité et blessures à agent de la force publique. Félix Díaz est également poursuivi pour vol d’armes. En mars 2015, le juge a prononcé un non-lieu en faveur de Félix Díaz, Miguel Quisinaquay, Clemente Sanagachi et Eugenio Fernández, en ce qui concerne les infractions de résistance à l’autorité et blessures légères au motif que celles-ci étaient prescrites. En juin 2015, le procureur saisi de l’affaire a engagé des poursuites contre Félix Díaz pour vol d’armes. La défense de M. Díaz a contesté les poursuites et demandé un non-lieu ;

2.Procédure pénale no 672/2011, devant la deuxième juridiction criminelle et correctionnelle de Clorinda. La procédure a été ouverte à la suite de la plainte de Cecilio Celías, affirmant qu’un groupe d’autochtones de la colonie La Primavera serait entré sans autorisation sur un champ dont il est propriétaire pour y construire des logements. Plusieurs personnes, dont Félix Díaz, ont été poursuivies pour appropriation.

68.Le procureur saisi de l’affaire, estimant que l’instruction était terminée, a engagé des poursuites ; la défense de Félix Díaz a demandé l’annulation de cette décision.

69.En mai 2017, la juridiction a convoqué Félix Díaz aux fins de lui demander s’il était disposé à accepter une procédure abrégée ou une autre mesure alternative au procès. Félix Díaz n’a pas accepté ces propositions ; il souhaite défendre ses droits dans le cadre d’un procès.

70.À ce stade, l’intervention de l’Institut national des affaires autochtones et du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel a été sollicitée.

71.L’État fédéral, par l’intermédiaire de l’Institut national des affaires autochtones, a présenté un mémoire dans cette affaire, affirmant qu’il est important de garantir l’accès à la justice des membres des peuples autochtones, de manière à respecter leurs règles culturelles et la défense des droits spécifiques qui ont été reconnus aux communautés autochtones et à leurs membres. Il a également été demandé que les mesures matérielles et juridiques soient adaptées pour garantir le respect de l’interculturalité, puisque le mis en cause, M. Díaz, est membre d’une communauté autochtone et que le conflit est directement lié à la défense des territoires communautaires autochtones.

Affaire Milagro Sala − Groupe de travail sur la détention arbitraire

72.Le 17 février 2016, l’État argentin a reçu une communication du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’Organisation des Nations Unies, attirant l’attention du Gouvernement argentin sur la détention de Mme Milagro Amalia Ángela Sala et l’éventuel caractère arbitraire de sa privation de liberté. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a sollicité à cet égard des précisions sur les motifs de fait et de droit justifiant l’arrestation de Mme Sala.

73.En réponse à cette requête, l’État a fourni des détails sur l’avancement des affaires judiciaires ouvertes dans la province de Jujuy, dans le cadre desquelles Milagro Sala a été placée en détention provisoire. Dans l’affaire ouverte pour incitation à commettre des infractions et sédition, le mandat d’arrêt a été délivré le 16 janvier 2016 et la remise en liberté a été ordonnée quelques jours plus tard, le 28 janvier. Par ailleurs, dans l’affaire ouverte pour association de malfaiteurs, fraude à l’administration publique et extorsion, la justice provinciale a ordonné son arrestation le 26 janvier 2016 et son placement en détention provisoire le 28 avril 2016.

74.L’État a joint des documents judiciaires motivant la détention de Mme Sala par le risque qu’elle prenne la fuite ou qu’elle entrave l’enquête judiciaire si elle était libre. Il a également souligné que la question concernant la détention ordonnée dans la première affaire était devenue sans objet puisque dans le cadre de cette affaire Mme Sala avait recouvré sa liberté.

75.Quant au contrôle par un juge et à l’accès aux recours, Mme Sala a pu organiser sa défense en bénéficiant de toutes les garanties d’une procédure régulière et former des recours contre les décisions qui, de son point de vue, lui auraient porté préjudice. La juridiction nationale s’est prononcée en temps utile dans les recours formés par la défense de Mme Sala, après avoir examiné les griefs énoncés dans divers documents écrits.

76.Il convient également de mentionner l’information transmise par l’État provincial à la Cour suprême de justice de la Nation, précisant que Mme Sala avait reçu plus de 3 300 visites en 2016 et plus de 600 visites personnelles à la date du 15 mars 2017. Elle a également bénéficié d’une assistance psychologique plus de 125 fois et a rencontré ses 11 avocats à plus de 200 reprises.

77.Dans son avis no 31/16, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Mme Milagro Sala avait un caractère arbitraire. En conséquence, il a demandé au Gouvernement argentin de libérer sans délai Mme Sala et de lui accorder une réparation suffisante. Cette décision a été portée à la connaissance de l’État argentin le 27 octobre 2016, par l’intermédiaire de la Mission permanente de la République argentine auprès de l’Organisation des Nations Unies.

78.Le pouvoir exécutif fédéral a immédiatement transmis l’avis no 31/16 aux autorités de la province de Jujuy. Conformément à la répartition des compétences et attributions prévue par la Constitution fédérale, laquelle établit la structure fédérale du système de gouvernement et le principe républicain de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif a demandé que l’avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire soit porté à la connaissance des tribunaux qui avaient ordonné l’arrestation et le placement en détention provisoire de Mme Milagro Sala.

79.Par ailleurs, le Gouverneur de la province de Jujuy a demandé (décret no 2467/16) au Conseil juridique en chef, partie dans les procédures concernant les faits de corruption visés par l’avis no 31/16 du Groupe de travail sur la détention arbitraire, de rencontrer les juges, les tribunaux et les procureurs impliqués, pour leur faire part de cet avis, afin qu’ils en tiennent compte dans l’instruction des affaires en question.

80.Les membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire ont également été invités à effectuer une visite institutionnelle dans la province de Jujuy, laquelle a eu lieu du 11 au 13 mai 2017.

81.Il convient de préciser que le 31 août 2017 Mme Sala a été transférée vers un immeuble dont elle est propriétaire et y a fait l’objet d’une assignation à domicile. Cette situation a perduré jusqu’au 13 octobre 2017, date à laquelle le juge saisi de l’affaire a annulé sa précédente décision et a ordonné le retour de Milagro Sala au Service pénitentiaire de la province de Jujuy. Cette décision a été motivée par l’impossibilité de garantir la santé et l’intégrité physique de Mme Sala, en raison de sa réticence, de son opposition et même de son refus manifeste et systématique des recommandations médicales et psychiatriques des membres des services médicaux du pouvoir judiciaire, et en particulier de son refus de se présenter aux consultations médicales et psychologiques et de se soumettre à diverses analyses cliniques.

82.Il convient de signaler que la situation pénale de MmeMilagro Sala a été portée à la connaissance du Groupe de travail sur la détention arbitraire en temps utile, lequel a été informé des diverses affaires en cours d’instruction par différents juges provinciaux et fédéraux, dans lesquelles MmeSala est impliquée pour la commission de plusieurs infractions.

83.D’autre part, il convient de préciser qu’outre la procédure portée le 3 novembre 2017 devant le Groupe de travail sur la détention arbitraire, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a informé l’État argentin que la Commission interaméricaine des droits de l’homme lui avait demandé la mise en place de mesures provisoires en faveur de Mme Sala.

84.L’État argentin, dans sa réponse, a donné des informations détaillées sur l’état d’avancement de l’affaire, et notamment sur l’état de santé de Milagro Sala, ses conditions de détention actuelles et ses examens médicaux et psychiatriques.

85.Malgré cela, le 23 novembre 2017, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a demandé que des mesures de protection effectives visant à garantir la vie, l’intégrité personnelle et la santé de Mme Sala et des mesures de substitution à la détention provisoire, telles que l’assignation à domicile ou autres, soient mises en place. Cet arrêt a été immédiatement transmis à la province de Jujuy.

86.Enfin, il convient de noter que diverses affaires font actuellement l’objet d’une enquête visant à déterminer la responsabilité pénale de Mme Milagro Sala. Les affaires suivantes ont été renvoyées devant la justice :

Affaire no 2990/12. Dans cette affaire, Milagro Sala est poursuivie pour tentative d’homicide aggravé, contre récompense ou promesse de rémunération, lors de faits commis le 27 octobre 2007. La Cour d’appel et de contrôle a confirmé la mise en accusation et la détention provisoire des mis en cause, les poursuites engagées contre eux et leur renvoi en jugement.

Affaire no P-86.175/15. Dans cette affaire, Milagro Sala est poursuivie pour menaces en lien avec deux infractions en concours réel, survenues dans un commissariat de Jujuy le 13 octobre 2014.

Affaire no P-129.652-15. Dans cette affaire Mme Sala et 31 autres personnes sont poursuivies pour association de malfaiteurs, fraude à l’administration publique et extorsion dans le cadre d’un détournement de fonds publics destinés à la construction de logements, constituant une fraude envers le trésor public présumée d’un montant de plusieurs millions. La détention provisoire de Mme Sala a été confirmée par le tribunal supérieur de justice de la province de Jujuy. À son tour, le juge chargé de l’affaire a ordonné l’ouverture d’un procès oral et public. Cette décision a été confirmée par le tribunal supérieur de justice de Jujuy. La date du procès sera fixée prochainement.

87.À cette affaire ont été jointes : l’affaire no P-131.113/16, portant sur des faits analogues à ceux commis par les personnes poursuivies dans l’affaire précédente, mais survenus dans la localité de Palpalá, dans la province de Jujuy ; et l’affaire no P-131.072/16 portant sur un retrait illicite d’un montant de 14 000 000 de pesos argentins (environ 800 000 dollars É.-U.) effectué par les membres de la coopérative de travail Pibes Villeros Ltda., appartenant à l’organisation Tupac Amaru. Ce retrait constitue une fraude à l’administration publique.

88.Il convient de signaler que les incidents soulevés pour contester la détention provisoire de Milagro Sala ont fait l’objet de recours, par l’intermédiaire de diverses requêtes devant la Cour suprême de justice de la Nation.

89.La complexité et l’étendue des actions judiciaires en cause dépasse le contexte du présent rapport. Il convient néanmoins de préciser qu’en plus des affaires évoquées précédemment, six autres affaires judiciaires dans lesquelles Mme Sala fait l’objet de poursuites pénales, sont en cours, à différents stades de la procédure.