Nations Unies

CED/C/NER/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

5 mai 2022

Original : français

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Niger en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par le Niger en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention à ses 385e et 386e séances, les 29 et 30 mars 2022. À sa 399e séance, le 7 avril 2022, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport établi par le Niger en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, qui a été élaboré conformément à ses directives. En outre, il remercie l’État partie pour ses réponses écrites à la liste de points à traiter.

3.Le Comité se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, qui a permis de dissiper plusieurs de ses préoccupations, et salue en particulier l’ouverture d’esprit avec laquelle la délégation a répondu aux questions qu’il a posées. Il remercie l’État partie pour les renseignements complémentaires qu’il a fournis et les précisions qu’il a apportées oralement.

B.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié tous les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits humains et la plupart des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou d’y avoir adhéré.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption de la loi no 2020-02 du 6 mai 2020, instituant le mécanisme national de prévention de la torture.

6.Le Comité se félicite que l’État partie ait adressé une invitation permanente à tous titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité est conscient des graves difficultés auxquelles fait face l’État partie et prend note avec empathie de l’affirmation faite par la délégation au cours du dialogue selon laquelle « toutes les familles ont chacune en leur sein un disparu ou un enlevé ». Cela étant, il considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie visant à prévenir et à réprimer les disparitions forcées et à garantir les droits des victimes ainsi que le comportement de certaines de ses autorités compétentes n’étaient pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il encourage l’État partie à appliquer ses recommandations, formulées dans un esprit constructif de coopération, afin de garantir en droit et dans la pratique la pleine application de la Convention. À ce propos, il l’invite à mettre à profit les débats en cours sur différents projets de loi dans des domaines intéressant la Convention pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales.

1.Renseignements d’ordre général

Procédure d’action en urgence

8.Le Comité prend note des informations reçues au cours du dialogue quant au cas qui a fait l’objet de la demande d’action en urgence transmise à l’État partie en 2020. Néanmoins, il regrette de n’avoir reçu aucune réponse aux demandes d’informations communiquées dans le cadre de la procédure, et ce, malgré plusieurs rappels (art. 30).

9. Le Comité engage l ’ État partie à renforcer sa coopération dans le cadre de la procédure d ’ action en urgence et à répondre sans délai aux communications transmises par le Comité pour donner des informations sur les mesures prises en vue de rechercher les personnes disparues et d ’ enquêter sur leur disparition. Il l ’ invite en outre à diffuser l ’ information sur la procédure d ’ action en urgence auprès des acteurs de la société civile et de la population en général.

Communications individuelles ou interétatiques

10.Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles ou interétatiques. Cependant, il salue l’annonce faite au cours du dialogue selon laquelle le Ministre des affaires étrangères fera bientôt la déclaration conformément à l’article 31 de la Convention (art. 31 et 32).

11. Le Comité encourage l ’ État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications individuelles et interétatiques conformément aux articles 31 et 32 de la Convention, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées.

Applicabilité de la Convention

12.Le Comité regrette qu’aucune décision de justice relative à des cas de disparition forcée n’ait été recensée et que, selon l’État partie, la non-application de la Convention soit notamment due au fait que les magistrats et autres acteurs judiciaires ignorent l’existence même de la Convention. À cet égard, le Comité note avec satisfaction les informations transmises au cours du dialogue sur les efforts mis en œuvre pour faire connaître la Convention (art. 23).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour assurer la formation des juges, des procureurs et des avocats sur la Convention, de sorte qu ’ elle soit appliquée et prise en compte par les tribunaux nationaux.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Informations statistiques

14.Le Comité rappelle que, dans ses réponses à la liste de points, l’État partie a affirmé ne pas disposer de données statistiques ventilées sur les personnes disparues. Au cours du dialogue, l’État partie a toutefois affirmé qu’il disposait de statistiques par région sur les disparitions commises par des groupes armés. Le Comité regrette de n’avoir pas reçu de telles informations (art. 1er, 2, 3, 12 et 24).

15. L ’ État partie devrait générer sans délai des informations statistiques précises et à jour sur les personnes disparues, ventilées par sexe, orientation sexuelle, identité de genre, âge, nationalité, lieu d ’ origine et origine raciale ou ethnique. Ces informations devraient comprendre la date de la disparition ; le nombre de personnes disparues qui ont été localisées, vivantes ou non ; et le nombre de cas dans lesquels l ’ État aurait participé, d ’ une manière ou d ’ une autre, au sens de l ’ article 2 de la Convention.

Infraction de disparition forcée

16.Le Comité constate avec préoccupation que la disparition forcée ne constitue pas encore une infraction autonome en droit interne. Il note toutefois avec satisfaction qu’un projet de loi incriminant les actes de disparition forcée a été adopté par le Conseil des ministres le 24 février 2022, lequel sera prochainement soumis au Parlement (art. 2, 4, 6, 7 et 8).

17. Le Comité invite l ’ État partie à conclure sans attendre la procédure d ’ adoption d ’ une loi incriminant les actes de disparition forcée qui soit pleinement conforme au texte de la Convention , et prévoie notamment un délai de prescription de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité du crime qui, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, commence à courir lorsque cesse l ’ infraction.

Actes commis par des acteurs non étatiques sans participation de l’État

18.Le Comité est conscient des nombreux défis auxquels l’État partie est confronté en raison des graves exactions, y compris des disparitions, commises par des groupes armés non étatiques. Néanmoins, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations sur les enquêtes menées sur ces disparitions et leurs résultats, y compris les sanctions infligées aux auteurs, ainsi que sur l’assistance apportée aux victimes et sur la recherche et la localisation des personnes disparues (art. 3).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler ses efforts pour que les allégations faisant état d ’ agissements définis à l ’ article 2 de la Convention commis par des groupes armés sans l ’ autorisation, l ’ appui ou l ’ acquiescement d ’ agents de l ’ État fassent l ’ objet d ’ enquêtes immédiates, approfondies et impartiales , et que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour porter assistance aux victimes , pour rechercher et localiser les personnes disparues par suite des agissements de ces groupes armés et pour prévenir de tels actes.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Juridiction militaire

20.Le Comité constate que le tribunal militaire est compétent pour enquêter sur des cas de disparition forcée lorsqu’ils sont perpétrés par du personnel militaire ou pendant un état d’urgence. Il prend note des informations reçues au cours du dialogue concernant les garanties judiciaires qui s’appliquent à la juridiction militaire, y compris sur sa composition mixte. Cependant, le Comité rappelle que la compétence de la juridiction militaire doit être exclue dans les cas de violations graves des droits humains, notamment les disparitions forcées (art. 11).

21. Rappelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire , le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires afin d ’ exclure de la juridiction militaire les enquêtes et poursuites relatives à des disparitions forcées dans tous les cas.

Protection des personnes qui participent à une enquête

22.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les familles des personnes disparues ne courent pas de risques de représailles car les auteurs ne connaissent pas les personnes enlevées. Néanmoins, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations sur les mesures concrètes qui ont été prises pour assurer la protection des victimes et des témoins (art. 12).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir des mécanismes, y compris un programme structuré, pour assurer la protection efficace de toutes les personnes visées à l ’ article 12 (par. 1) de la Convention contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite.

Allégations de disparitions forcées

24.Le Comité est préoccupé par les allégations concernant la disparition forcée de plus de 100 personnes entre le 27 mars et le 2 avril 2020 dans le département d’Ayorou, région de Tillabéri. Il prend note des conclusions du rapport de la Commission nationale des droits humains relatif à ces allégations, notamment que les auteurs seraient des éléments des Forces de défense et de sécurité, ainsi que des affirmations de l’État partie selon lesquelles différents services ont conclu que ces disparitions auraient été commises par des terroristes ayant utilisé des tenues et des véhicules militaires officiels. Le Comité prend également note de l’affirmation selon laquelle l’identification des auteurs ne serait possible qu’après la finalisation des enquêtes qui sont en cours devant les juridictions militaires et civiles, alors même que, comme cela a été rappelé antérieurement, tous les cas de disparition forcée devraient par principe être du ressort exclusif des autorités civiles ordinaires. Le Comité est préoccupé par d’autres allégations de disparitions forcées qui auraient été commises par des agents des Forces de défense et de sécurité dans le contexte du conflit. En outre, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations précises quant à l’existence de mécanismes permettant d’écarter de l’enquête sur une disparition forcée toute personne qui pourrait être impliquée dans l’affaire (art. 1er, 11, 12 et 24).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler ses efforts afin que toutes les mesures prises pour lutter contre le terrorisme soient pleinement conformes à la Convention et de garantir le droit de toutes les victimes de disparition forcée à la justice, à la vérité et à la réparation. En ce sens, l ’ État partie doit :

a) Assurer que toutes les allégations de disparition forcée fassent l ’ objet d ’ une enquête immédiate, approfondie et impartiale, même en l ’ absence de plainte pénale officielle, et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

b) Assurer que les agents de l ’ État soupçonnés d ’ être impliqués dans la commissi o n d ’ un crime de disparition forcée soient suspendus de leurs fonctions dès le début de l ’ enquête et pendant toute sa durée, sans préjudice du respect du principe de la présomption d ’ innocence , et que les forces de l ’ ordre ou de sécurité dont les membres sont soupçonnés d ’ avoir participé à la commission du crime ne puissent pas prendre part à l ’ enquête ;

c) Encourager et faciliter le dépôt de plaintes en toute sécurité ainsi que la participation aux enquêtes, active et sans réserve, des victimes, y compris les proches de la personne disparue qui le souhaitent ;

d) Veiller à ce que le droit des victimes à la vérité soit pleinement respecté à toutes les phases de la procédure, en particulier en assurant qu ’ elles soient régulièrement informées du déroulement et des résultats des enquêtes, même lorsqu ’ elles ne se sont pas constituées parties civiles ;

e) Prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver, libérer et, en cas de décès, identifier toutes les personnes victimes de disparition forcée dont le sort n ’ a pas encore été élucidé, et veiller à ce que les procédures de recherche mises en œuvre soient conformes aux p rincipes directeurs du Comité concernant la recherche de personnes disparues  ; à cet égard, il lui recommande également de mettre en place le s protocole s et mécanismes mentionnés par l ’ É tat partie aux paragraphes 196 à  198 de son rapport soumis en application de l ’ article 29 (par. 1) de la Convention  ;

f) Assurer une coordination et une coopération efficaces entre tous les organes prenant part aux enquêtes et aux recherches , et veiller à ce qu ’ ils disposent des structures et des ressources financières, techniques et humaines ainsi que de l ’ expertise nécessaires pour s ’ acquitter de leurs tâches avec diligence et efficacité.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement et protection des personnes migrantes contre les disparitions forcées

26.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des individus auraient été éloignés du Niger dans le cadre de procédures administratives ou extraditionnelles, en dépit de risques avérés qu’ils soient exposés à des tortures ou des mauvais traitements dans le pays de renvoi. Il est préoccupé également par des informations indiquant que, en raison de leur approche répressive, certaines dispositions de la loi no 2015-36 du 26 mai 2015 relative au trafic illicite de migrants inciteraient des migrants à vivre dans la clandestinité, dans des conditions les exposant à de nombreux abus qui pourraient inclure le risque d’être victime de disparition forcée. À cet égard, le Comité note avec satisfaction que, selon l’État partie, cette loi est en cours de révision (art. 16).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le principe de non ‑ refoulement que consacre l ’ article 16 (par. 1) de la Convention soit strictement respecté en toutes circonstances. En particulier, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ envisager d ’ i nscrire expressément dans la législation nationale l ’ interdiction d ’ expulser, de refouler, de remettre ou d ’ extrader une personne s ’ il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être victime d ’ une disparition forcée ;

b) De g arantir qu ’ avant de procéder à une expulsion, à un refoulement, à une remise ou à une extradition, toutes les procédures pertinentes ont été épuisées et un examen individuel approfondi a été effectué afin de déterminer s ’ il existe des motifs sérieux de croire que la personne concernée risquerait d ’ être victime d ’ une disparition forcée et, si de tels motifs existent, que la personne concernée n ’ est pas expulsée, extradée, remise ou refoulée ;

c) De g arantir en droit et dans la pratique l ’ effet suspensif des recours contre les décision s d ’ expulsion, de refoulement, de remise ou d ’ extradition.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie également de prévenir les disparitions forcées des migrants, y compris en révisant la loi n o 2015-36 à la lumière des normes internationales pertinentes.

Détention en secret et garanties juridiques fondamentales

29.Tout en prenant note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle la détention secrète est interdite dans tout autre lieu que ceux fixés par la loi, le Comité est préoccupé par les allégations soulevées par le Comité contre la torture selon lesquelles certains individus seraient placés en garde à vue ou en détention provisoire dans des lieux tenus secrets, non prévus par la loi, à l’instar de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure, l’École nationale de police et certains camps militaires. Il est également préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale ne garantit pas le droit des personnes en garde à vue d’informer leur famille de la privation de liberté. Tout en prenant note des informations relatives aux registres de détention, le Comité s’inquiète des rapports faisant état de défaillances dans la tenue de registres des personnes privées de liberté. Il regrette également l’absence de clarté quant aux dispositions du droit interne établissant un recours spécifique conformément à l’article 17 (par. 2 f)) de la Convention (art. 17, 18 et 21).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir que nul ne soit détenu en secret, y compris en veillant à ce que toute personne privée de liberté jouisse de toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées à l ’ article 17 de la Convention et dans les autres instruments relatifs aux droits humains auxquels le Niger est partie. En ce sens, l ’ État partie doit :

a) Assurer que les personnes privées de liberté soient uniquement placées dans des lieux de privation de liberté officiellement reconnus et contrôlés à toutes les étapes de la procédure ;

b) Garantir, d ès le début de sa privation de liberté , que toute personne, quelle que soit l ’ infraction dont elle est accusée, a un accès effectif à un avocat , et que ses proches, toute autre personne de son choix et, s ’ il s ’ agit d ’ un étranger, les autorités consulaires de son pays sont effectivement informés de sa privation de liberté et de son lieu de détention;

c) Inscrire toutes les privations de liberté, sans exception et dès leur commencement , dans des registres et/ou dossiers uniformes qui contiennent au moins les informations requises par l ’ article 17 (par. 3) de la Convention, sont remplis et tenus à jour avec précision et sans retard, et font l ’ objet de vérifications régulières ;

d) Garantir à toute personne privée de liberté, y compris en garde à vue, et, en cas de soupçon de disparition forcée, la personne privée de liberté se trouvant dans l ’ incapacité de l ’ exercer elle-même, à toute personne ayant un intérêt légitime, le droit d ’ introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue à bref délai sur la légalité de la privation de liberté et ordonne la libération si cette privation de liberté est illégale.

5.Mesures pour protéger et garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Droit d’obtenir réparation

31.Le Comité constate avec inquiétude que le droit interne ne prévoit pas de système de réparation intégrale qui soit pleinement conforme à l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention. Il s’inquiète également de ce que les « fonds spéciaux » pour les victimes de terrorisme et de la traite d’êtres humains ont été créés mais n’ont pas été rendus opérationnels. Le Comité est également préoccupé de ce que l’État partie ne semble pas avoir pris en considération les recommandations de la Commission nationale des droits humains et y avoir répondu, relativement à la réparation à accorder aux victimes des disparitions forcées intervenues entre le 27 mars et le 2 avril 2020 dans le département d’Ayorou, région de Tillabéri (art. 24).

32. Le Comit é recommande à l ’ État partie d ’ inclure dans la législation nationale un système de réparation complet qui  : a) soit pleinement conforme aux dispositions de l ’ article 24 (par 4 et 5) de la Convention et des autres normes internationales en la matière et assurant ainsi des garanties de non-répétition  ; b) soit applicable même lorsqu ’ aucune procédure judiciaire n ’ a été engagée ; et c) se fonde sur une approche différenciée tenant compte de la situation particulière de chaque victime, notamment le sexe, l ’ orientation sexuelle, l ’ identité de genre, l ’ âge, l ’ appartenance ethnique, la condition sociale et le handicap . Il recommande également à l ’ É tat partie de rendre opérationnels les fonds spéciaux créés en faveur des victimes du terrorisme et de la traite des êtres humains. L ’ État partie devrait en outre examiner soigneusement les recommandations sur la réparation faite par la Commission nationale des droits humains dans son rapport d ’ enquête sur les disparitions forcées à Tillabéri , et y apporter une réponse circonstanciée dans les meilleurs délais.

Situation des femmes membres de la famille d’un disparu

33.Le Comité rappelle les limitations subies par les femmes nigériennes en matière d’héritage et d’accès aux prestations sociales, qui ont été signalées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et s’inquiète du potentiel impact négatif de ces limitations sur la pleine jouissance par les femmes des droits consacrés à l’article 24 de la Convention (art. 24).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer que toutes les femmes et filles membres des familles des personnes disparues puissent exercer sans restrictions tous les droits consacrés par la Convention, y compris ceux qui figurent à l ’ article 24.

Droit de former des organisations et des associations

35.Le Comité est préoccupé par l’information fournie par l’État partie selon laquelle il n’existerait pas d’associations de victimes de disparitions forcées dans le pays. Il note également avec inquiétude les préoccupations exprimées notamment par le Comité des droits de l’homme et par la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que par le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, concernant les restrictions à la liberté d’association qui sont en vigueur dans l’État partie (art. 24).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser sa législation relative à la liberté d ’ association pour la rendre pleinement conforme à l ’ article 24 (par. 7) de la Convention , et de créer un cadre propice à la création d ’ associations indépendantes de victimes de disparitions forcées.

6.Mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 25)

Soustraction d’enfants

37.Le Comité prend note des articles du Code pénal concernant les crimes et délits contre l’enfant et la famille, en particulier l’article 248. Cependant, il constate avec préoccupation que la législation en vigueur n’est pas entièrement conforme à l’article 25 de la Convention. En outre, le Comité s’inquiète de ce que dans l’affaire dite des « bébés importés », l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour identifier les enfants victimes de soustraction ou de disparition forcée et pour les rendre à leurs familles d’origine, y compris en coopération avec le Nigéria, qui est également partie à la Convention. Le Comité regrette également de n’avoir pas reçu d’informations sur les mesures prises pour prévenir tout risque de soustraction d’enfant qui pourrait être le résultat d’actes de corruption (art. 25).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ incriminer expressément les actes visés à l ’ article 25 de la Convention et d ’ adapter sa législation nationale pour la rendre pleinement conforme à cette disposition. Il lui recommande également d ’ assurer la prévention des actes visés à l ’ article 25, de rechercher et d ’ identifier les enfants victimes afin de les rendre à leurs familles d ’ origine et , à cette fin, de solliciter autant que nécessaire la coopération des pays d ’ origine, notamment le Nig é ria.

D.Mise en œuvre des droits et obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

39. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte soient pleinement conformes à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents.

40. Le Comité tient à souligner l ’ effet particulièrement cruel qu ’ ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants qu ’ elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d ’ une personne disparue sont particulièrement susceptibles d ’ être gravement défavorisées sur les plans économique et social , et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu ’ elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d ’ une disparition forcée, qu ’ ils y soient soumis eux-mêmes ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition d ’ un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits humains . C ’ est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l ’ État partie, de tenir systématiquement compte des questions de genre et des besoins particuliers des femmes et des enfants lors de la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales, ainsi que des droits et obligations énoncés dans la Convention.

41. L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application de l ’ article 29 (par. 1) de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à promouvoir la participation de la société civile au processus de mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

42. En application de l ’ article 29 (par. 4) de la Convention et en vue de renforcer sa coopération avec l ’ État partie , le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre, au plus tard le 8 avril 2025 , des informations précises et à jour sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l ’ exécution des obligations énoncées par la Convention depuis l ’ adoption des présentes observations finales. Ce document doit être préparé conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l ’ article 29 de la Convention . Le Comité encourage l ’ État partie à associer la société civile à la compilation de ces informations.