Nations Unies

CERD/C/PHL/CO/21-25

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

23 mai 2023

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport des Philippines valant vingt et unième à vingt-cinquième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport des Philippines valant vingt et unième à vingt‑cinquième rapports périodiques, à ses 2969e et 2970e séances, les 19 et 20 avril 2023. À sa 2977e séance, le 26 avril 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant vingt et unième à vingt-cinquième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau et la remercie des informations qu’elle a fournies pendant l’examen du rapport par le Comité et après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, le 24 mars 2022, et au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 17 avril 2012.

4.Le Comité salue les mesures législatives, générales et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)Loi de 2012 contre les disparitions forcées ou involontaires (loi de la République no 10353) ;

b)Loi de 2013 sur l’indemnisation et la reconnaissance des victimes de violations des droits de l’homme (loi de la République no 10368) ;

c)Loi de 2013 sur la lutte contre le harcèlement (loi de la République no 10627) ;

d)Loi de 2018 sur la sécurité sociale (loi de la République no 11199) ;

e)Loi de 2018 sur la protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé (loi de la République no 11188) ;

f)Programme conjoint des Nations Unies sur la coopération technique et le renforcement des capacités aux fins de la promotion et de la protection des droits de l’homme aux Philippines (2021-2024), signé le 22 juillet 2021 ;

g)Décret-loi no 163 de 2022 institutionnalisant l’accès des réfugiés, des apatrides et des demandeurs d’asile aux services de protection.

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité prend note des statistiques présentées par l’État partie sur la population totale des peuples autochtones, ventilées par zone géographique. Il regrette cependant que l’absence de statistiques publiques complètes et fiables sur la composition démographique de la population et de données sur les indicateurs socioéconomiques, ventilées par zone géographique, sexe, genre, âge et origine ethnique ou nationale, notamment en ce qui concerne les non-ressortissants tels que les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les apatrides et les déplacés, ne lui permette pas vraiment d’évaluer la manière dont les différents groupes vivant dans l’État partie exercent les droits que leur reconnaît la Convention (art. 1er, 2 et 5).

6.Rappelant ses directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention , le Comité recommande à l’État partie de mettre en place, selon le principe de l’ auto-identification , un système permettant de recueillir systématiquement des données complètes sur les indicateurs socioéconomiques, ventilées par zone géographique, sexe, genre, âge et origine ethnique ou nationale, notamment en ce qui concerne les non-ressortissants, afin que le Comité puisse mieux évaluer la manière dont les différents groupes vivant dans l’État partie exercent les droits que leur reconnaît la Convention. Il l’invite à mettre ces statistiques à la disposition du public et à les faire figurer dans son prochain rapport périodique.

Transposition de la Convention dans l’ordre juridique interne

7.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles 215 lois couvrant des droits inscrits dans la Convention ont été adoptées entre 2009 et 2018 et plusieurs projets de loi contre la discrimination ont été soumis au Congrès ou sont examinés par lui. Bien que certains de ces projets, dont le projet de loi no 8243, prévoient des dispositions qui reprennent la définition de la discrimination raciale consacrée à l’article premier de la Convention et tiennent compte des obligations faites à l’État partie par la Convention, force est de constater qu’aucun d’eux n’a encore été adopté. Le Comité demeure préoccupé par l’absence de loi complète contre la discrimination définissant et interdisant la discrimination raciale fondée sur les différents motifs visés à l’article premier de la Convention, notamment la discrimination directe et indirecte définie à l’article premier (par. 1), et reprenant toutes les autres dispositions de fond de la Convention (art. 1er et 2).

8. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption d’un projet de loi contre la discrimination regroupant les différents textes élaborés en la matière, et rappelle la recommandation qu’il lui avait adressée précédemment au sujet de l’adoption d’une loi complète contre la discrimination qui définisse et interdise la discrimination raciale fondée sur les différents motifs visés à l’article premier de la Convention, notamment la discrimination directe et indirecte définie à l’article premier (par. 1), et qui reprenne toutes les autres dispositions de fond de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

9.Le Comité se félicite que l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme a accordé le statut « A » à la Commission des droits de l’homme. Malgré les nombreux projets de loi déposés et les propositions faites au sujet d’une charte qui renforcerait et élargirait les fonctions et attributions de la Commission de manière à lui conférer, en plus de ses fonctions et attributions actuelles, le pouvoir d’enquêter sur les violations des droits économiques, sociaux et culturels et de formuler des recommandations sur la ratification, l’adhésion et l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le Comité constate avec préoccupation qu’aucun projet de loi de ce type n’a encore été adopté et que le décret no 163 de 1987 reste en vigueur, ce qui signifie que les fonctions et attributions de la Commission se limitent aux enquêtes sur les violations des droits civils et politiques et à la surveillance du respect des obligations découlant des traités internationaux (art. 2).

10. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer, en consultation avec la Commission des droits de l’homme et les organisations de la société civile, la promulgation d’une loi prévoyant l’adoption d’une charte de la Commission des droits de l’homme qui énonce les fonctions et attributions de cette dernière, notamment celles d’enquêter sur les violations des droits économiques, sociaux et culturels et de formuler des recommandations sur la ratification, l’adhésion et l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Incrimination des discours et des crimes de haine à caractère raciste

11.Le Comité est profondément préoccupé par les informations concernant des discours de haine, des crimes de haine et des actes d’incitation à la haine raciale de la part d’agents publics et gouvernementaux, notamment sous forme de déclarations appelant au bombardement des peuples autochtones et au viol des femmes appartenant à des groupes ethnoreligieux minoritaires. Il constate avec préoccupation que le droit interne de l’État partie ne contient aucune disposition précisant expressément que les discours et les crimes de haine à caractère raciste constituent des infractions réprimées par la loi, comme le prescrit l’article 4 de la Convention. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels les discours de haine à caractère raciste sont érigés en infraction par des dispositions vagues interdisant la diffamation qui figurent dans la version révisée du Code pénal et la loi de 2012 sur la prévention de la cybercriminalité et sont interprétées dans un sens large, de sorte qu’elles incriminent les déclarations faites par des personnes exerçant leur liberté d’expression, y compris celles qui défendent leurs droits découlant de la Convention, ce qui a pour effet de museler toute liberté d’expression (art. 4, 6 et 7).

12. Rappelant ses recommandations générales n o  7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, n o  15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, ainsi que la précédente recommandation du Comité des droits de l’homme dans laquelle celui-ci invitait l’État partie à dépénaliser la diffamation , le Comité fait à l’État partie les recommandations suivantes :

a) Réviser son cadre juridique pour ériger expressément en infraction punissable par la loi les discours et les crimes de haine, selon les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité, l’incrimination des discours de haine à caractère raciste devant être limitée aux cas les plus graves pouvant être prouvés au-delà de tout doute raisonnable ;

b) Prendre des mesures efficaces pour que l’encouragement ou l’incitation à la discrimination raciale par des autorités ou des institutions publiques, tant au niveau national que local, soient condamnés, conformément à l’article 4 c) de la Convention ;

c) Prendre des mesures pour détecter la diffusion de discours de haine à caractère raciste sur Internet et dans les médias sociaux ;

d) Prendre des mesures efficaces pour encourager le signalement des discours et des crimes de haine à caractère raciste, assurer la disponibilité et l’accessibilité des canaux de signalement, recueillir des données sur les plaintes pour discours de haine à caractère raciste et crimes à motivation raciale et sur les poursuites engagées et les condamnations et les peines prononcées suite à de telles plaintes, et faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

Terres, territoires et ressources des peuples autochtones

13.Le Comité prend note de la protection prévue par les textes législatifs, notamment par la loi de 1997 relative aux droits des peuples autochtones. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le fait que des projets d’extraction et de développement soient menés sur des terres appartenant à des peuples autochtones ou traditionnellement utilisées par eux, sans leur consentement préalable, libre et éclairé, en particulier à Mindanao, sur les îles de Negros et de Luzon et dans la province de Quezon, et en application du décret no 130 de 2021, par lequel le moratoire sur l’extraction minière a été levé ;

b)L’absence de sécurité juridique, de mécanismes rapides et efficaces permettant d’assurer la protection des droits des peuples autochtones et de garanties concernant la délivrance de titres de propriété, la délimitation, la démarcation et la restitution des terres et territoires traditionnellement occupés par ceux-ci ;

c)Les obstacles entravant l’accès des peuples autochtones à la justice, notamment dus à leur isolement géographique, à des barrières linguistiques et au manque de compréhension ou à la méconnaissance des lois et des procédures judiciaires, qui limitent l’accès de ces peuples à des recours utiles, y compris à une indemnisation juste et équitable pour les terres, territoires et ressources qu’ils possédaient ou utilisaient traditionnellement et qui ont été confisqués, occupés, épuisés ou endommagés (art. 5 et 6).

14. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les peuples autochtones soient consultés sur les projets ou les mesures législatives ou administratives qui ont une incidence sur les terres et les ressources naturelles qu’ils possèdent ou ont traditionnellement utilisées, afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé ;

b) De mettre en œuvre la législation existante, notamment la loi de 1997 relative aux droits des peuples autochtones, et d’engager en temps voulu le processus de reconnaissance légale nécessaire pour protéger les droits qu’ont les peuples autochtones de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, conformément aux normes internationales ;

c) De prendre les mesures voulues, en coordination avec les autorités judiciaires et agricoles et les autres institutions concernées, pour faciliter la revendication et la restitution des terres et des territoires ancestraux ;

d) De remédier aux obstacles qui entravent l’accès à la justice, y compris ceux qui sont dus à l’isolement géographique, à des barrières linguistiques et au manque de compréhension ou à la méconnaissance des lois et des procédures judiciaires, et de garantir l’accès à l’aide juridictionnelle et à des modes alternatifs de règlement des conflits, dans le respect des droits, des coutumes, des traditions et des cultures des personnes et des communautés touchées ;

e) De garantir l’accès des peuples autochtones à des voies de recours utiles, en privilégiant la restitution de leurs terres, territoires et ressources et, dans les cas où celle-ci est jugée matériellement impossible par un tribunal, d’accorder aux peuples autochtones touchés une indemnisation juste et équitable et de leur offrir des possibilités de réinstallation adéquates et culturellement appropriées ;

f) De renforcer le cadre des politiques et leur mise en œuvre, conformément aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, afin d’empêcher les entreprises de mener des activités portant atteinte aux droits des peuples autochtones, entre autres groupes.

Situation des groupes ethniques, ethnoreligieux et ethnolinguistiques minoritaires et des peuples autochtones dans le contexte du conflit armé

15.Le Comité prend note de la création de la Région autonome bangsamoro en Mindanao musulman, mais il constate avec préoccupation que les affrontements violents entre les forces de sécurité et les forces armées non étatiques se poursuivent et touchent de manière disproportionnée les groupes ethniques, ethnoreligieux et ethnolinguistiques minoritaires et les peuples autochtones, en particulier dans les régions de Mindanao et sur l’île de Negros. Il est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles ces communautés seraient victimes de graves violations de leurs droits de l’homme, notamment des homicides illicites, des enlèvements, des déplacements forcés, des attaques et la destruction de biens, y compris d’écoles. Bien qu’ayant noté les mesures que l’État partie a prises pour répondre aux besoins de base des communautés vivant dans les régions touchées par des conflits et confrontées à la pauvreté, par exemple grâce au programme de développement de Barangay, le Comité constate avec préoccupation que ces communautés n’ont toujours pas accès aux services sociaux de base et que les chefs de communautés qui exposent ces besoins de base et des prestataires de services de proximité sont harcelés, intimidés, attaqués ou tués (art. 5).

16. Le Comité adresse à l’État partie les recommandations suivantes :

a) Veiller à ce que toutes les violations des droits de l’homme commises par des agents de l’État dans le cadre d’opérations de sécurité fassent l’objet d’enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et impartiales, notamment par le Médiateur, et garantir l’efficacité de ces enquêtes en y allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en accordant aux victimes et à leur famille des réparations et un soutien psychologique, matériel et autre, dans le respect de leurs coutumes, de leur culture et de leurs traditions ;

b) Prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes vivant dans des zones touchées par le conflit l’accès aux services de base et, à cette fin, éliminer la pratique consistant à harceler, intimider, agresser ou tuer les chefs communautaires qui font part des besoins de base de leurs communautés et les prestataires de services de proximité, en particulier les enseignants et les prestataires de soins de santé ;

c) Donner la priorité aux processus de réconciliation et de justice transitionnelle, en veillant à ce que les groupes ethniques, ethnoreligieux et ethnolinguistiques minoritaires et les peuples autochtones participent effectivement à la reconstruction de leurs communautés et en garantissant l’établissement des responsabilités pour les violations des droits de l’homme perpétrées par les forces armées, quelles qu’elles soient ;

d) Veiller à ce que toutes les mesures concernant les communautés qui vivent dans des régions touchées par des conflits soient prises selon une approche fondée sur les droits de l’homme et tenant compte des questions de genre, notamment en donnant suite aux recommandations du Comité des droits de l’homme, du Comité contre la torture et des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales.

Situation des personnes déplacées

17.Le Comité prend note des mesures d’atténuation et de riposte prises par l’État partie, notamment celles prévues par la circulaire no 34 de 2020 relative à la mise en œuvre d’un programme de développement piloté par les peuples autochtones, et des programmes transitoires de soutien aux familles, mais il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris les mesures de protection nécessaires, étant donné que les personnes et les communautés, en particulier celles appartenant à des groupes ethnoreligieux minoritaires à Mindanao, continuent d’être exposées à un risque important de déplacement dû à des conflits, des catastrophes naturelles ou des catastrophes liées aux changements climatiques, et au risque de déplacement forcé lié à des projets d’extraction et de développement de grande ampleur. Le Comité prend note également des diverses mesures que l’État partie a prises pour répondre aux besoins de base des personnes déplacées, notamment les aides au logement et les programmes « travail contre rémunération » et « vivres contre travail », mais il demeure préoccupé par l’absence de solutions durables qui permettraient aux personnes déplacées d’exercer les droits garantis par l’article 5 de la Convention (art. 5).

18. Le Comité adresse à l’État partie les recommandations suivantes :

a) Prendre des mesures pour adopter une loi garantissant la protection des droits des personnes déplacées, notamment dans la Région autonome bangsamoro en Mindanao musulman ;

b) Procéder systématiquement à des évaluations d’impact et s’acquitter de son obligation de veiller à ce que des consultations soient organisées avec les peuples autochtones avant d’autoriser tout projet d’investissement ou de développement susceptible d’avoir des effets néfastes sur leur droit à la terre et aux ressources qu’ils possèdent ou qu’ils utilisent depuis toujours, en vue d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des communautés ou des personnes, en particulier celles appartenant à des minorités ethniques ou à des communautés autochtones, ne soient victimes de déplacements forcés et, lorsque ces déplacements sont inévitables, veiller à ce que les personnes et les communautés touchées obtiennent un logement de remplacement et une indemnisation convenables ;

d) Garantir à toutes les personnes déplacées l’accès à des services de base, notamment par l’allocation de ressources financières et techniques suffisantes, tout en veillant à ce qu’une approche fondée sur les droits de l’homme et tenant compte des questions de genre soit adoptée dans toutes les politiques et tous les programmes mis en œuvre pour s’occuper de leur situation.

Situation des demandeurs d’asile, des réfugiés, des apatrides et des personnes menacées d’apatridie

19.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures visant à protéger les droits des demandeurs d’asile, des réfugiés, des apatrides et des personnes menacées d’apatridie, en particulier de la communauté des Sama-Bajau et des personnes d’ascendance indonésienne, par exemple le décret no 163 de 2022, qui institutionnalise l’accès des réfugiés, des apatrides et des demandeurs d’asile aux services de protection. Il s’inquiète cependant du fait que l’État partie ne s’est pas doté d’une législation globale sur la protection et que certains groupes de personnes dont la situation est préoccupante, notamment les enfants non enregistrés qui sont victimes de déplacement forcé, et les besoins de ces personnes en matière de protection n’ont pas encore été recensés, ni pris en charge de manière appropriée (art. 5).

20. Le Comité adresse à l’État partie les recommandations suivantes :

a) Prendre des mesures en vue d’adopter une législation globale sur la protection des droits des réfugiés, des demandeurs d’asile, des apatrides et des personnes menacées d’apatridie, y compris des dispositions prévoyant des procédures justes en matière d’examen des demandes et de détermination du statut, conformément aux normes internationales ;

b) Prendre des mesures supplémentaires pour recueillir des données qualitatives et quantitatives sur les demandeurs d’asile, les réfugiés, les apatrides et les personnes menacées d’apatridie dans le pays afin d’évaluer leurs besoins de protection ;

c) Renforcer les mécanismes locaux d’enregistrement des faits d’état civil et des naissances dans les zones reculées et les zones touchées par le conflit en vue d’accroître l’enregistrement de telles données.

Plaintes pour discrimination raciale et accès à la justice

21.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour assurer l’accès à la justice, notamment à l’aide de programmes de formation à l’intention des avocats et des juges. Il prend également note de la loi sur la protection des fonctionnaires de justice (loi de la République (no 11691) portant création d’un service chargé d’enquêter sur les cas d’intimidation, de harcèlement, d’agression et de meurtre de juges, d’avocats et d’autres membres du personnel judiciaire. Il regrette néanmoins l’absence d’informations détaillées, par exemple sur le nombre, le type et l’issue des affaires ou des plaintes portant sur la discrimination raciale directe ou indirecte fondée sur les motifs visés à l’article premier de la Convention, y compris celles introduites par des personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires ou à des communautés autochtones (art. 6).

22. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o  31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et rappelle que l’absence d’affaires et de plaintes visant des actes de discrimination raciale ne signifie pas qu’il n’y a pas de discrimination raciale au sein de l’État partie, mais qu’elle peut plutôt révéler une méconnaissance des voies de recours disponibles, l’existence d’obstacles entravant l’accès à la justice, la crainte de représailles ou un manque de volonté de la part des autorités pour ce qui est d’enquêter sur de tels actes et d’en poursuivre les auteurs. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’organiser, à l’intention des policiers, des procureurs et des autres responsables de l’application des lois, des programmes de formation sur la détection et l’enregistrement des actes de discrimination raciale ;

b) De mener des campagnes d’information visant à encourager le signalement des actes de discrimination raciale et à faire connaître les voies de recours disponibles ;

c) De prendre des mesures efficaces pour protéger les juges et les avocats contre toutes les formes de harcèlement, d’intimidation et d’agression et enquêter sur tous les cas signalés ;

d) De garantir le fonctionnement efficace du Service de la protection des fonctionnaires de justice et de veiller à ce qu’il dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;

e) De mettre en place un mécanisme de collecte et de publication de statistiques et d’informations sur les affaires et les plaintes visant des actes de discrimination raciale dont sont saisis les tribunaux nationaux et d’autres autorités compétentes, notamment sur les conclusions formulées et les réparations accordées aux victimes.

Défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et participation de la société civile

23.Le Comité est profondément préoccupé par les disparitions forcées et les meurtres de défenseurs ou défenseuses des droits de l’homme et de chefs de communautés autochtones, ethnoreligieuses et ethnolinguistiques, ainsi que par les actes de violence, les menaces, les intimidations, le harcèlement et les représailles dont ils font constamment l’objet. Il est particulièrement préoccupé par les informations concernant la pratique qui consiste à qualifier des personnes de communistes (« red-tagging »), et par l’assassinat et l’arrestation de chefs autochtones Tumandok (dont neuf ont été tués et 17 arrêtés), dans une opération menée conjointement par l’armée et la police, le 30 décembre 2020, sur la base de présomptions d’affiliation à la Nouvelle Armée populaire. Il craint en outre que les dispositions vagues de la loi de 2020 contre le terrorisme ne soient interprétées de manière à favoriser le harcèlement judiciaire, pratique qui serait susceptible d’aggraver le profilage criminel des groupes ethniques minoritaires et des peuples autochtones. Tout en notant la création, par l’arrêté no 35 de 2012, du Comité interinstitutions des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, de la torture et d’autres graves violations du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, le Comité s’inquiète du faible nombre d’enquêtes menées, du retard accumulé dans la conduite des enquêtes et du manque d’informations sur l’issue de celles-ci et les poursuites engagées contre les auteurs de telles infractions. Il regrette de n’avoir reçu qu’une seule contribution de la société civile (art. 5 et 6).

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures de protection contre les disparitions forcées, les meurtres, les actes de violence, les menaces, l’intimidation, le harcèlement et les représailles en faveur des personnes et des communautés concernées, en particulier les journalistes et les avocats, ainsi que de leur famille et de leurs proches, et en consultation avec eux ;

b) De veiller à ce que toutes les allégations concernant de tels actes fassent l’objet d’une enquête rapide, approfondie, impartiale et efficace, à ce que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés et à ce que les victimes ou leurs familles bénéficient d’une réparation intégrale ;

c) De revoir la loi de 2020 contre le terrorisme en consultation avec les parties prenantes, notamment la Commission des droits de l’homme et les organisations de la société civile ;

d) De mener des campagnes d’information et de sensibilisation sur le travail essentiel qu’accomplissent les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, de manière à créer un climat de tolérance dans lequel ces derniers puissent mener leurs activités sans craindre de faire l’objet d’intimidations, de menaces ou de représailles d’aucune sorte ;

e) De prévenir le harcèlement judiciaire en intégrant des modules relatifs aux principes de sécurité juridique, de prévisibilité et de proportionnalité dans les programmes de formation dispensés aux agents des forces de l’ordre, aux procureurs et aux membres du personnel judiciaire ;

f) D’accélérer l’adoption d’un projet de loi sur la protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et de consulter la Commission des droits de l’homme et les organisations de la société civile à cet effet.

Formation, éducation et autres mesures visant à lutter contre les préjugés et l’intolérance

25.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour promouvoir la diversité et l’inclusion, dont la création, par le décret no 100 de 2019, du Comité interinstitutions sur les questions de la diversité et de l’inclusion, chargé de mener des campagnes d’information, et le lancement du projet Epanaw (Voyage), initiative de sensibilisation aux pratiques culturelles, mais il regrette que l’État partie n’ait pas communiqué de renseignements précis sur les mesures visant à lutter contre les préjugés et l’intolérance (art. 7).

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour garantir un enseignement public de qualité et la tenue de campagnes de sensibilisation ;

b) D’intégrer l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes scolaires ;

c) D’intensifier les activités de promotion de la compréhension mutuelle et de la tolérance entre les différents groupes ;

d) D’encourager les organes d’information publics et privés à adopter et respecter des codes de déontologie et des codes de la presse, qui tiennent compte notamment des principes de la Convention et d’autres normes fondamentales relatives aux droits de l’homme, et à éviter de recourir à des stéréotypes et à des références inutiles à l’appartenance ethnique, à la religion et à d’autres caractéristiques de groupes susceptibles de favoriser l’intolérance.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

27. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Amendement à l’article 8 de la Convention

28. Le Comité recommande à l’État partie d’accepter l’amendement à l’article 8 (par. 6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

29. Tout en prenant acte des fonctions et attributions de la Commission des droits de l’homme, notamment de sa compétence pour enquêter sur les violations des droits civils et politiques, le Comité constate avec préoccupation que cela ne s’appliquerait pas aux violations d’autres droits consacrés par la Convention, y compris les droits économiques, sociaux et culturels des personnes et des communautés appartenant à des minorités ethniques et ceux des peuples autochtones. Il engage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

30.À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il lui demande d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

31.À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et d’appliquer un programme adapté de mesures et de politiques en collaboration avec les personnes d’ascendance africaine et les organisations qui les représentent. Il demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

32. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

33. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de publier également les observations finales du Comité qui s’y rapportent sur le site Web du Ministère des affaires étrangères dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

34. Le Comité engage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 1994, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

35. Conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 12 a) (incrimination des discours et des crimes de haine à caractère raciste), 20 b) et c) (situation des demandeurs d’asile, des réfugiés, des apatrides et des personnes menacées d’apatridie) et 22 d) (plaintes pour discrimination raciale et accès à la justice).

Paragraphes d’importance particulière

36.Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8 (transposition de la Convention dans l’ordre juridique interne), 10 (institution nationale des droits de l’homme), 18 b) et c) (situation des personnes déplacées) et 24 e) et f) (défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et participation de la société civile), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

37. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ sixième à vingt-neuvième rapports périodiques, d’ici au 4 janvier 2028, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.