Trente-cinquième session

15 mai-2 juin 2006

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes :Turkménistan

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le rapport unique valant rapport initial et deuxième rapport périodique du Turkménistan (CEDAW/C/TKM/1-2) à ses 723e et 724e séances, le 17 mai 2006 (voir CEDAW/C/SR.723 et 724). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/TKM/Q/2 et les réponses du Turkménistan dans le document CEDAW/C/TKM/Q/5/Add.1.

Introduction

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention sans formuler de réserves. Il le remercie de son rapport unique valant rapport initial et deuxième rapport périodique, tout en regrettant que celui-ci soit présenté avec retard, ne fournisse que des informations insuffisantes sur l’application des dispositions de la Convention, ne soit pas pleinement conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports et ne précise pas si les recommandations générales ont été prises en compte.

Le Comité remercie l’État partie des réponses qu’il a données par écrit à la liste de questions soulevées par le groupe de travail qui s’était réuni avant la session, tout en déplorant que les réponses lui soient parvenues très tard et ne répondent pas directement à un grand nombre des questions posées.

Le Comité remercie l’État partie du dialogue constructif et des efforts faits par la délégation, dirigée par le Représentant permanent du Turkménistan auprès de l’Organisation des Nations Unies, pour répondre à ses questions. Il note que la délégation ne comprenait aucun représentant du mécanisme national de promotion de la femme ou autre ministère ou bureau compétent, ce qui a limité sa capacité de répondre de façon succincte, claire et directe à toutes les questions qu’il a posées durant le dialogue.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. C’est avec satisfaction qu’il a appris de la délégation qu’aucun obstacle ne s’opposait à ce que l’État partie ratifie à l’avenir le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et accepte l’amendement à l’article 20, paragraphe 1, de la Convention concernant la durée des sessions du Comité.

Le Comité se félicite que la Convention ait été traduite en turkmène.

Il se félicite également de la collaboration de l’État partie, aux fins de l’application de la Convention, avec des institutions spécialisées et autres entités et organes du système des Nations Unies tels que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité déplore l’absence dans le rapport et dans les réponses écrites de données statistiques ventilées par sexe précises et fiables, ce qui rend difficile une évaluation exacte de la situation effective des femmes s’agissant de tous les points couverts par la Convention et ne permet guère de déterminer s’il existe des formes de discrimination directe et indirecte. Tout en relevant que l’État partie a commencé à recueillir et compiler de telles données dans les domaines de l’éducation et de la santé publique, le Comité craint que l’absence de données n’entrave l’évaluation de l’impact des mesures prises par l’État partie et des résultats obtenus.

Le Comité demande à l’État partie de mettre rapidement en place un système complet de collecte de données dans tous les domaines couverts par la Convention de façon à évaluer la situation effective des femmes et à repérer les tendances au fil du temps. Il lui demande aussi de suivre, au moyen d’indicateurs mesurables, l’impact des mesures prises et les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de l’égalité de fait des femmes. Il l’invite, si besoin est, à demander une assistance technique internationale pour la collecte et l’analyse de telles données. Il l’encourage à utiliser ces données et indicateurs pour l’élaboration de lois, politiques et programmes aux fins de l’application effective de la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données et analyses statistiques, ventilées par sexe et suivant qu’elles portent sur des zones rurales et des agglomérations, concernant les dispositions de la Convention , et d’indiquer l’impact des mesures prises et des résultats obtenus sur la réalisation dans la pratique de l’égalité de fait des femmes.

Le Comité s’inquiète de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations concernant le statut de la Convention dans le système juridique national. Tout en relevant que la Constitution turkmène, en son article 18, proclame que les femmes et les hommes jouissent de droits civils égaux et que toute inégalité fondée sur le sexe est réprimée par la loi, le Comité juge préoccupant que la législation de l’État partie ne comporte pas de définition de la discrimination correspondant à celle de l’article premier de la Convention. Il est aussi préoccupé par l’interprétation apparemment limitée donnée dans l’État partie aux notions d’égalité formelle et d’égalité réelle exprimées dans la Convention et à l’interdiction de la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes. Le Comité craint également que la neutralité formelle des lois ne perpétue la discrimination indirecte à l’égard des femmes.

Le Comité demande à l’État partie de clarifier le statut de la Convention dans le système juridique national et d’ incorporer pleinement, dans sa Constitution ou dans un autre texte national approprié, la définition de la discrimination à l’égard des femmes, qui comprend à la fois la discrimination directe et indirecte, conformément à l’article premier de la Convention. Il lui demande également de prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que les dispositions de la Convention soient pleinement applicables dans le système juridique interne. Il invite instamment l’État partie à prendre, sans retard, des mesures en vue d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes et d’assurer l’égalité de jure (formelle) et de facto (réelle) entre les femmes et les hommes conformément à la Convention.

Le Comité estime ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les programmes de sensibilisation et de formation concernant la Convention à l’intention des magistrats, des autres professions juridiques et des personnels des services de répression. Il craint également que l’absence d’exemple d’affaires portées devant les tribunaux sur le fondement de la Convention au cours des 10 années qui se sont écoulées depuis la ratification de celle-ci ne soit révélatrice d’une mauvaise connaissance de la Convention dans l’État partie et de sa non-application. Le Comité note avec préoccupation que les carences du droit procédural entravent l’accès des femmes à la justice et que celles-ci ont du mal à saisir les tribunaux. Il juge également préoccupante la connaissance limitée que les femmes ont de leurs droits et leur incapacité à les faire valoir.

Le Comité appelle l’État partie à faire en sorte que la Convention et la législation nationale liée à celle-ci soient intégrées à l’éducation et à la formation des personnels judiciaires, y compris les juges, les avocats et les procureurs, de façon à bien ancrer dans le pays une culture juridique qui défende l’égalité des femmes et la non-discrimination à leur égard. Il invite l’État partie à adopter toutes les lois de procédure nécessaires pour assurer aux femmes l’accès à la justice et à mieux faire connaître leurs droits aux intéressées, grâce à des programmes de vulgarisation juridique et d’aide juridique, de façon qu’elles puissent s’en prévaloir. Il encourage l’État partie à diffuser la Convention auprès du public et à la faire mieux connaître, en particulier les notions de discrimination directe et indirecte et d’égalité formelle et réelle, de façon à faire prendre conscience des droits fondamentaux des femmes. Le Comité invite aussi l’État partie à développer son infrastructure en ligne et à promouvoir l’utilisation des médias et des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour faciliter l’accès à la Convention et autres informations concernant les droits humains des femmes et l’égalité formelle et réelle, notamment grâce à l’introduction de politiques d’accès universel. Il encourage l’État partie à faire un effort de formation et de renforcement des capacités des femmes et des filles en matière d’utilisation des TIC, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité est profondément préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société au Turkménistan. Ces stéréotypes font sérieusement obstacle à l’application de la Convention et sont une cause fondamentale du handicap dont souffrent les femmes dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché du travail et dans la vie politique et la vie publique. Le Comité juge particulièrement préoccupants les stéréotypes qui cantonnent les femmes au rôle de mère, de soignante et de femme au foyer et le fait que celles-ci sont orientées vers des études et des emplois considérés comme convenant aux femmes.

Le Comité prie instamment l’État partie de s’attaquer directement aux stéréotypes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes, notamment les schémas cachés qui perpétuent la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes et des filles dans tous les domaines de la vie, y compris dans l’éducation et l’emploi, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Pour ce faire, des mesures d’éducation devraient être prises à tous les niveaux, dès le plus jeune âge ; les manuels et programmes scolaires devraient être révisés de façon à promouvoir l’égalité des femmes et des hommes; et des campagnes de sensibilisation devraient être menées en direction des femmes et des hommes.

Le Comité juge préoccupante l’absence d’un mécanisme national spécifiquement consacré à la promotion de la femme, quoique la création d’un mécanisme de coordination des actions menées aux niveaux local, national et international compte parmi les priorités prévues dans le Plan d’action national de 1999.

Le Comité prie instamment l’État partie de mettre en place un mécanisme institutionnel qui reconnaisse la spécificité de la discrimination à l’égard des femmes et qui soit exclusivement responsable de la promotion de l’égalité formelle et réelle des femmes et des hommes et du contrôle de la mise en pratique de ce principe. Il appelle l’État partie à doter, au plus haut niveau politique, un tel mécanisme de l’autorité et des ressources humaines et financières nécessaires pour promouvoir effectivement l’application de la Convention et la jouissance par les femmes de leurs droits humains dans tous les domaines , grâce à la coordination et au suivi de l’intégration d’une démarche antisexiste dans tous les domaines . Il l’ encourage à nommer dans les différents ministères de s responsables de la coordination pour l’égalité des sexes , à leur dispenser une formation adéquate en la matière , et à les mettre en rapport avec le mécanisme national.

Le Comité est préoccupé par l’ampleur limitée du Plan d’action national de 1999 et l’insuffisance des informations fournies concernant son contenu. Il déplore qu’aucune évaluation ou analyse d’impact n’ait été réalisée au sujet des politiques, programmes et plans d’action passés sur l’égalité entre les sexes et que les mesures correctives nécessaires n’aient pas été prises.

Le Comité prie instamment l’État partie d’examiner l’état d’avancement du Plan d’action national et d’y inclure un ensemble complet de mesures visant à appliquer la Convention et à mettre en œuvre les activités relevant des domaine s critiques mentionnés dans le Programme d’action de Beijing. Il l’appelle à passer en revue les politiques et programmes antérieurs relatifs à l’égalité des sexes afin de relever les carences, les lacunes et le manque de progrès , et à mettre à jour son plan d’action à la lumière de cette évaluation. Il engage également l’État partie à contrôler systématiquement la mise en œuvre de ses politiques et programmes relatifs à la parité entre les sexes, à évaluer leurs résultats et la mesure dans laquelle les objectifs définis ont été atteints, et à prendre au besoin des mesures de redressement. Il enjoint en outre l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les résultats de ses politiques et programmes.

Le Comité a bien pris note des activités de l’Union des femmes turkmènes mais il aimerait être informé sur les organisations de la société civile, comme les organisations de protection des droits de l’homme, et sur leur rôle dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes et dans l’application des dispositions de la Convention.

Le Comité engage l’État partie à instaurer des conditions favorables à la participation active des femmes et des organisations de protection des droits de l’homme à la promotion de l’application de la Convention.

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie semble ne pas comprendre pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention.

Le Comité recommande que l’État partie reconnaisse la nécessité d’adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25, dans tous les secteurs, comme éléments d’une stratégie conçue pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il lui demande d’envisager des mesures telles que quotas, critères, objec t ifs et incitations, eu égard notamment aux articles 7, 8, 10, 11 et 14 de la Convention.

Le Comité s’inquiète de voir que l’État partie ne semble pas se soucier de la situation urgente créée par la violence à l’égard des femmes, ni du fait qu’il n’existe aucune législation applicable à toutes les formes de cette violence, notamment la violence familiale, aucune mesure ni service de protection des victimes, ni aucune mesure préventive. Il s’étonne de n’avoir aucune information sur les incidences de la violence à l’égard des femmes.

Le Comité attire l’attention sur sa recommandation générale 19 relative à la violence contre les femmes. Il engage l’État partie à reconnaître l’existence de la violence à l’égard des femmes et à mener des enquêtes sur le nombre, les causes et conséquences des actes de violence commis contre les femmes, y compris dans le cadre familial, afin qu’ils servent de base à une interv ention intégrée et ciblée, et à en présenter les résultats dans son prochain rapport périodique . Il recommande à l’État partie d’adopter une législation spécialement consacrée à la violence dans la famille, y compris le viol conjugal, de manière à criminaliser les actes de violence contre les filles et les femmes, et à faire en sorte que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des moyens de réparation et de protection, et que les coupables soient poursuivis en justice et punis. Il i nvite l’État partie à accorder une attention prioritaire à la formation de professionnels de la santé et de travailleurs sociaux, d’enseignants et de personnel chargé de l’application des lois en ce qui concerne les actes de violence contre les femmes, en vue d’une intervention efficace. Il encourage en outre l’État partie à assurer la disponibilité de foyers d’accueil et de services consultatifs pour les victimes d’actes de violence.

Le Comité s’inquiète de la faible représentation des femmes dans la vie publique et politique et aux postes de responsabilités, en particulier dans les administrations locales. Il note également avec la même inquiétude l’absence de mesures concrètes visant à accroître la participation des femmes à la vie publique et politique.

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur la recommandation générale 23 relative à la participation des femmes à la vie publique, et insiste sur la pleine application des mesures préconisées. En outre, le Comité engage vivement l’État partie à prendre des mesures temporaires spéciales, y compris des quotas, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25, et à fixer des objectifs et des délais précis s’agissant de l’accroissement du nombre de femmes dans la vie publique et politique et à des postes de décision.

Le Comité s’inquiète de l’absence de politiques et de programmes réservés aux femmes et aux filles appartenant à des minorités ethniques et nationales, qui restent vulnérables et marginalisées, s’agissant notamment de l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi et de la participation à la vie publique et politique. Il déplore à cet égard la fermeture des écoles russes.

Le Comité enjoint l’État partie d’appliquer des mesures énergiques pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes appartenant à des minorité s ethniques et nationales qui risquent effectivement de subir de multiples formes de discrimination, et de leur assurer, au moyen de politiques et de programmes appropriés, la possibilité de jouir de leurs droits fondamentaux. Il le prie instamment de dresser , dans son prochain rapport périodique, un bilan fidèle de la situation réelle des femmes appartenant à des minorités ethniques et nationales, dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la participation à la vie politique et publique, et des efforts déployés par le Gouvernement pour éliminer toute discrimination à l’égard de ces femmes.

Le Comité constate avec plaisir que l’enseignement secondaire général est obligatoire et gratuit, mais s’étonne du fait que la durée de cet enseignement a été ramenée de 11 à 9 ans et que les conséquences de cette réduction pour les femmes et les filles ne soient jamais évaluées, pas plus que leur incidence sur l’emploi des enseignants, qui sont surtout des femmes. Il note également avec regret le faible pourcentage de femmes dans l’enseignement supérieur et la persistance des stéréotypes qui ont pour résultat de cantonner les femmes dans des emplois traditionnellement considérés comme étant leur domaine. Le Comité s’inquiète de constater que l’éducation concernant la santé en matière de procréation n’est pas un sujet obligatoire dans les écoles.

Le Comité engage instamment l’État partie à sensibiliser davantage le public à l’importance de l’éducation en tant que droit fondamental et base de l’autonomisation des femmes. Il invite l’État partie à revenir sur la réduction des années de scolarisation obligatoire, notamment dans la perspective des débouchés scolaires et professionnels ouverts aux femmes. Il demande à l’État partie de prendre des mesures temporaires spéciales pour accroître le nombre de femmes dans l’enseignement supérieur, et d’encourager les jeunes femmes à choisir des matières traditionnellement réservées aux garçons. Il recommande à l’État partie de prévoir dans les programmes scolaires, à tous les niveaux, qu’il s’agisse d’enseignement scolaire ou extrascolaire, et d’une manière adaptée à l’âge des élèves, un cours consacré à la santé en matière de procréation, tenant compte des droits et des besoins des adolescents. Le Comité recommande à ce propos que les enseignants reçoivent une formation adéquate dans ce domaine.

Le Comité déplore l’insuffisance des données relatives à la situation réelle des femmes sur le marché du travail officiel et parallèle, qui l’empêche de se faire une idée précise de la participation des femmes sur le marché du travail dans les zones urbaines et rurales, de leur taux de chômage, de la ségrégation verticale et horizontale dont elles sont victimes sur le plan de l’emploi et de la possibilité qu’elles ont ou n’ont pas de profiter de nouvelles perspectives économiques. Il s’inquiète de la discrimination dont elles souffrent au niveau de l’embauche et de la rémunération. Il note avec préoccupation qu’elles sont trop souvent les premières victimes des suppressions d’emplois dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour éliminer la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes et de faire en sorte que ces dernières jouissent de l’égalité des chances et de traitement sur le marché du travail conformément à l’article 11 de la Convention. Il demande à l’État partie de lui fournir dans son prochain rapport des informations détaillées , en particulier des données statistiques sur l’évolution dans le temps des tendances concernant la situation des femmes dans les domaines du travail et de l’emploi dans les secteurs public et privé, mais aussi officiel et parallèle , et sur les résultats des mesures visant à assurer l’égalité des chances des femmes.

Le Comité s’inquiète de ce que le Code du travail turkmène protège trop les femmes en tant que mères et limite leurs débouchés économiques dans plusieurs domaines, ce qui peut créer des obstacles à leur participation sur le marché du travail, notamment dans le secteur privé, et perpétuer les stéréotypes relatifs aux rôles des deux sexes.

Le Comité demande à l’État partie de s’attaquer aux obstacles pratiques et juridiques auxquels les femmes se heurtent sur le marché du travail, en particulier à la lumière du paragraphe 3 de l’article 11 de la Convention. Il l’encourage à prendre des mesures efficaces pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et familiale et le partage des tâches domestiques et familiales entre les hommes et les femmes.

Le Comité déplore le manque d’information sur la santé des femmes et l’application donnée à l’article 12 de la Convention. Il s’inquiète de l’absence de suivi de l’accès des femmes aux services de santé et du manque de données sur les effets réels des mesures prises dans ce domaine. Il prend note de l’établissement de « maisons de la santé » dans les zones rurales dans le cadre d’une série de réformes du secteur de la santé mais s’inquiète de la réduction des dépenses de santé, de la fermeture des hôpitaux situés en dehors de la capitale et de l’efficacité des maisons de la santé.

Le Comité recommande qu’une large gamme de services de santé destinés aux femmes , inspirée de s a recommandation générale 24 relative à l’ a rticle 12 de la Convention, soit assur ée et que l’accès des femmes à c es services soit suivi. Il recommande aussi que, dans son prochain rapport périodique, l’État partie donne des renseignements sur la situation sanitaire des femmes et leur accès aux services de santé.

Le Comité s’inquiète du sort des femmes rurales et regrette que le rapport ne donne pas suffisamment d’information sur leur situation réelle dans tous les domaines, notamment ceux de l’éducation, de la santé et de l’emploi ainsi que de l’accès au crédit, aux terres arables et à l’eau potable. Il est particulièrement préoccupé par les conséquences négatives de coutumes régissant notamment l’accès à la terre et la succession, qui vont à l’encontre de l’amélioration de la condition de la femme rurale et de l’application de l’article 14 de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des données ventilées par sexe et des informations sur la situation réelle des femmes rurales dans tous les domaines et sur les mesures concrètes prises pour appliquer l’article 14 de la Convention, notamment des renseignements sur l’accès des femmes rurales au crédit et les retombées qu’a eues sur l’accès des femmes à la terre le décret du Président du Turkménistan, en date du 2 février 1993, portant sur la propriété et l’exploitation des terres. Il souhaite également que l’État partie l’informe dans son prochain rapport des effets des projets de village sur les femmes.

Le Comité constate avec regret que la polygamie, bien qu’illégale, continue d’être pratiquée dans certaines régions sans faire l’objet d’aucune sanction légale ou sociale. Il note avec préoccupation que, si le Code du mariage et de la famille reconnaît bien les mêmes droits aux hommes et aux femmes lorsqu’ils se marient et les mêmes responsabilités vis-à-vis des enfants en cas de divorce, il n’y a pas de loi protégeant les femmes dont le mari est polygame. Il s’inquiète aussi de l’âge légal du mariage qui est fixé à 16 ans au Turkménistan.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer les lois réprimant la polygamie et de prendre des mesures complètes et efficaces pour éliminer cette pratique , comme le prévoit sa recommandation générale 21 sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux. Il le prie instamment de fixer à 18 ans l’âge légal du mariage aussi bien pour les femmes que pour les hommes, conformément au paragraphe  2 de l’article 16 de la Convention, à sa recommandation générale 21 et à la Convention relative aux droits de l’enfant.

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur l’exploitation des femmes à des fins de prostitution et sur les efforts déployés pour lutter contre ce phénomène. Il s’inquiète également de l’absence de données sur l’ampleur de la traite des femmes et sur les mesures prises pour la combattre.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter une approche intégrée de façon que les femmes et les filles reçoivent une éducation leur permettant de gagner leur vie autrement qu’en se prostituant, que la réinsertion sociale des prostituées soit facilitée et que des programmes de réadaptation et d’autonomisation économique soient proposés aux femmes et aux filles victimes de la prostitution. Il le prie également de lui fournir des informations détaillées sur la traite des femmes, sur les mesures, notamment législatives, adoptées pour prévenir cette pratique, protéger les victimes et punir les trafiquants, et sur les résultats donnés par ces mesures.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à accepter, le plus tôt possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la fréquence des réunions du Comité.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre à profit l’assistance technique en vue de l’élaboration et de l’exécution d’un vaste programme visant à appliquer les dispositions de la Convention. Il l’encourage également à renforcer ses liens de coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies et notamment avec le PNUD , le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), le FNUAP , l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le HCDH, la Division de statistique et la Division de la promotion de la femme du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat de l’ONU.

Le Comité encourage l’État partie à bénéficier au besoin d’activités de formation et de renforcement de ses capacités en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique. Il l’engage vivement à mettre en place un mécanisme consultatif pour assurer une large participation de tous les ministères et organes d’État à l’élaboration de son prochain rapport et de consulter à cet effet toutes sortes d’organisations non gouvernementales. Il l’encourage à faire examiner son rapport par le Parlement avant de le lui soumettre.

Le Comité exhorte l’État partie à s’appuyer au maximum, dans l’exécution des obligations qui lui incombent au titre de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des éléments d’information sur la question.

Le Comité souligne que l’application intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande qu’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes et une prise en compte effective des dispositions de la Convention soient intégrées à toutes les initiatives visant à réaliser les objectifs du Millénaire et prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations à ce sujet.

Le Comité note que, lorsque les États adhèrent aux sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme , les femmes sont mieux à même d’exercer leurs libertés et leurs droits fondamentaux dans tous les aspects de leur vie. Il encourage donc le Gouvernement turkmène à envisager de ratifier l ’instrument au quel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales en turkmène et dans toutes les langues vernaculaires du Turkménistan afin que la population du pays , notamment les responsables gouvernementaux, les personnalités politiques, les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l’homme, soit informée des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes et des mesures qu’il reste à prendre à cet égard. Il lui demande également de continuer à diffuser largement en turkmène et dans toutes les langues vernaculaires, en particulier auprès des organisations féminines et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de ses recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Soulignant combien il est important de présenter à temps les rapports périodiques pour assurer la protection et la promotion des droits des femmes, le Comité demande à l’État partie de présenter son troisième rapport périodique dû en mai 2006 et son quatrième rapport périodique dû en mai 2010 sous forme de rapport unique en 2010. Il lui demande de répondre dans ce rapport unique aux préoccupations qu’il a exprimées dans les présentes observations finales. Il l’engage à faire en sorte que la délégation qu’il enverra à l’occasion de l’examen de son prochain rapport comprenne des spécialistes des différents domaines couverts par la Convention de façon à assurer un dialogue constructif et fructueux.