Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Tadjikistan *

Le 31 octobre 2018, à ses 1643e et 1644e séances (voir CEDAW/C/SR.1643 et CEDAW/C/SR.1644), le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Tadjikistan (CEDAW/C/TJK/6). La liste de points établie par le Comité figure dans le document paru sous la cote CEDAW/C/TJK/Q/6 et les réponses du Tadjikistan, dans le document paru sous la cote CEDAW/C/TJK/Q/6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son sixième rapport périodique. Il lui sait également gré d’avoir soumis un rapport de suivi (CEDAW/C/TJK/CO/4-5/Add.1) et fourni des réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, et accueille avec satisfaction la présentation orale faite par sa délégation et les éclaircissements donnés en réponse aux questions qu’il a posées oralement pendant le dialogue.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation, conduite par le Procureur général, Yusuf Rahmon, et composée de la Cheffe de cabinet du Président tadjik, de la Directrice de l’Agence tadjik de la statistique, de la Présidente du Comité pour la promotion de la femme et de la famille et des représentants de la Mission permanente de la République du Tadjikistan auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis, depuis l’examen en 2013 du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/TJK/CO/4-5), dans la mise en œuvre des réformes législatives, en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)Loi constitutionnelle sur la nationalité, en 2015 ;

* Adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (22 octobre-9 novembre 2018).

b)Loi sur la lutte contre la traite des personnes et l’aide aux victimes, en 2014 ;

c)Loi révisée sur les réfugiés, en 2014 ;

d)Loi révisée sur l’inscription au registre d’état civil.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer ses structures institutionnelles et ses politiques en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment par l’adoption des textes suivants :

a)Programme national en faveur de la formation et de la sélection de femmes et de filles compétentes en vue de leur affectation à des postes de direction pour la période 2017-2022, en 2017 ;

b)Décret présidentiel visant à encourager les femmes à rejoindre la fonction publique, en 2017 ;

c)Programme national de lutte contre l’épidémie de VIH/sida pour la période 2017-2020, en 2017 ;

d)Programme national de prévention de la transmission materno-fœtale du VIH pour la période 2017-2020, en 2017 ;

e)Plan d’action national pour la santé sexuelle et procréative des mères, des nouveau-nés, des enfants et des adolescents pour la période 2016-2020, en 2016 ;

f)Plan d’action national pour la prévention de la traite des personnes pour la période 2016-2018, en 2016 ;

g)Décision du Gouvernement de mettre en place et d’accorder des subventions présidentielles destinées à soutenir et à encourager l’entrepreneuriat féminin pour la période 2016-2020, en 2015 ;

h)Stratégie et plan d’action nationaux sur la promotion du rôle des femmes pour la période 2015-2020, en 2015 ;

i)Plan d’action national pour la mise en œuvre des recommandations du Comité concernant le rapport unique de l’État partie valant quatrième et cinquième rapports périodiques, en 2014 ;

j)Programme national de prévention de la violence domestique pour la période 2014-2023, en 2014 ;

k)Programme national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2014-2016, en 2014 ;

l)Plan d’action national pour la mise en œuvre des résolutions 1325 (2000) et 2122 (2013) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, qui visent à renforcer le rôle que jouent les femmes à toutes les étapes de la prévention des conflits.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les accords internationaux mentionnés ci-après ou d’y avoir adhéré au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le 3 novembre 2015 ;

b)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 22 juillet 2014.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité de jure et de facto des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans l’ensemble des 17 objectifs. Il demande instamment à l’État partie de considérer les femmes comme moteur de son développement durable et d’adopter des politiques et des stratégies à cette fin.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite la Majlisi Oli à prendre, dans le cadre de son mandat, les mesures nécessaires en vue d’appliquer les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique en application de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Retrait de la déclaration

Le Comité est préoccupé par la déclaration prononcée par l’État partie au moment de son adhésion au Protocole facultatif à la Convention, selon laquelle il ne lui reconnaît pas la compétence que lui confèrent les articles 8 et 9 du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de retirer sa déclaration relative à la compétence au titre des articles 8 et 9 du Protocole facultatif.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes et cadre législatif

Le Comité observe que la législation de l’État partie interdit toutes les formes de discrimination, y compris la discrimination fondée sur le genre. Il se félicite de la création d’un groupe de travail interdisciplinaire en vue de l’élaboration d’une loi distincte contre la discrimination. Il reste toutefois préoccupé par le fait que la définition de la discrimination qui figure dans la législation actuelle n’englobe pas la discrimination directe et indirecte (CEDAW/C/TJK/CO/4-5, par. 9). Il s’inquiète également de ce qui suit :

a)L’absence d’informations sur la question de savoir si la Convention est directement appliquée ou invoquée dans les procédures judiciaires ;

b)Le fait que la législation, les politiques et les programmes de l’État partie ne tiennent pas suffisamment compte des besoins spécifiques des femmes et des filles ;

c)Le manque présumé de connaissances sur les droits des femmes et l’égalité des genres au sein de la fonction publique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer, en vue de son adoption, l’élaboration d’une loi sur la lutte contre la discrimination et de veiller à ce qu’elle contienne une définition globale de la discrimination à l’égard des femmes, qui soit conforme à l’article premier de la Convention, embrasse la discrimination directe et indirecte et interdise toutes les formes de discrimination, notamment les formes de discrimination croisées ;

b) D’intensifier le renforcement des capacités des magistrats et des professionnels du droit afin qu’ils disposent des outils nécessaires pour invoquer ou appliquer directement la Convention, ou interpréter la législation nationale à la lumière de celle-ci, lors des procès ;

c) D’adopter une démarche qui tienne compte des questions de genre dans la mise en œuvre de ses lois, politiques et programmes, de manière à s’assurer qu’ils permettent de réduire suffisamment les inégalités et les disparités de genre préexistantes et de répondre aux besoins des groupes de femmes et de filles vulnérables ;

d) De renforcer les campagnes de sensibilisation existantes et de dispenser des formations aux parties prenantes concernées, notamment les agents de l’État et de la force publique, les parlementaires, les juges, les avocats, les professionnels de l’éducation et de la santé, les chefs religieux et les responsables locaux, pour accroître leurs connaissances sur les droits des femmes et l’égalité des genres.

Accès à la justice

Le Comité se félicite de la mise en place d’audiences foraines et des mesures prises pour fournir une aide juridictionnelle gratuite, en particulier grâce à l’adoption de la loi sur le barreau et la profession d’avocat et au cadre conceptuel relatif à l’octroi de l’aide juridictionnelle gratuite à la population. Il est préoccupé par le fait que les femmes saisissent rarement la justice lorsqu’elles sont victimes de violences fondées sur le genre ou de discrimination, en particulier dans les zones rurales, parce que, d’une part, leurs proches ou les agents de la force publique les en dissuadent et en raison, d’autre part, de la stigmatisation sociale et de la persistance des stéréotypes de genre discriminatoires. Il observe avec inquiétude ce qui suit :

a)L’absence de plaintes déposées par des femmes en vertu de l’article 143 du Code pénal relatif à la violation de l’égalité des droits, entre 2015 et 2017 ;

b)Le faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées en matière de violences fondées sur le genre et de traite des femmes et des filles ;

c)L’accès limité des femmes et des filles à une aide juridictionnelle gratuite et aux informations sur les voies de droit dont elles disposent ;

d)La baisse radicale du nombre d’avocats dans le pays à la suite des modifications récemment apportées à la loi sur le barreau et la profession d’avocat, qui est susceptible d’entraver l’accès des femmes à la justice.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que l’ensemble des femmes et des filles aient accès à un dispositif de plainte efficace et confidentiel qui tienne compte des questions de genre, et d’encourager le signalement des cas de discrimination et de violences fondées sur le genre ;

b) De promouvoir et d’assurer l’accès des femmes qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants dans l’État partie, notamment celles appartenant à des groupes défavorisés, à une aide juridictionnelle gratuite qui tienne compte des questions de genre, et de veiller à ce que le droit des victimes de bénéficier de l’aide d’un conseiller juridique de leur choix soit garanti tout au long du procès ;

c) De renforcer l’indépendance et l’efficacité de son système judiciaire afin que les magistrats puissent dûment enquêter sur les violences faites aux femmes et en poursuivre et punir les auteurs, et de veiller à ce que les tribunaux jugent comme il se doit les formes de discrimination croisées ;

d) D’organiser des activités d’information ciblées en vue de permettre aux femmes et aux filles de mieux connaître leurs droits et les voies de droit dont elles disposent ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation pour éliminer la stigmatisation et les stéréotypes négatifs à l’égard des femmes qui ont recours à la justice.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de l’augmentation des ressources financières et humaines allouées au Comité pour la promotion de la femme et de la famille, de l’adoption d’un plan d’action pour la stratégie nationale de promotion du rôle des femmes pour la période 2015-2020 et de la création d’un conseil d’experts relevant de ce comité et chargé d’analyser les projets de loi sous l’angle de la problématique femmes-hommes. Il est toutefois préoccupé par le nombre et la portée limités des projets de loi qui ont été examinés et par le fait que le mandat et les capacités dudit comité n’ont pas été renforcés.

Le Comité rappelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/TJK/CO/4-5 , par. 12) et recommande à l’État partie :

a) De renforcer le mandat du mécanisme national de promotion des femmes et d’assurer sa visibilité aux niveaux national et local en le dotant de ressources humaines et financières suffisantes et en le rendant plus apte à formuler, à coordonner et à suivre l’élaboration et l’application de mesures législatives et politiques dans le domaine de l’égalité des genres ;

b) D’instaurer l’examen obligatoire de tous les projets de loi, politiques et programmes sous l’angle de la problématique femmes-hommes, notamment au niveau local, afin de garantir qu’ils sont conformes à la Convention, et de doter les entités chargées de mener cette analyse de ressources humaines, financières et techniques suffisantes ;

c) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour mettre en œuvre le plan d’action national pour la promotion du rôle des femmes pour la période 2015-2020, assurer le suivi de son application selon que de besoin et en évaluer les résultats ;

d) D’intensifier le renforcement des capacités des membres du Comité pour la promotion de la femme et de la famille dans tous les domaines visés par la Convention, notamment l’égalité des genres, et relevant de sa compétence.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité observe que la protection des droits des femmes relève du mandat du Médiateur pour les droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par la capacité limitée de ce dernier d’examiner les plaintes déposées par les femmes et d’enquêter à ce sujet, et par le fait qu’il manque d’indépendance et, partant, ne répond pas pleinement aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le Bureau du Médiateur pour les droits de l’homme en le dotant de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière efficace, indépendante et conforme aux Principes de Paris, en particulier en ce qui concerne la protection des droits des femmes et l’examen des plaintes déposées par les femmes et les filles, en veillant à garantir la confidentialité des données fournies et à tenir compte des questions de genre.

Organisations de la société civile et organisations non gouvernementales

Le Comité est profondément préoccupé par les restrictions qui visent les activités des organisations de la société civile depuis l’adoption, en 2015, de modifications à la loi de 2007 sur les associations. Il est particulièrement inquiet au sujet de ce qui suit :

a)Les informations faisant état d’inspections fréquentes, d’exigences onéreuses en matière d’enregistrement et d’autorisation et d’obstacles à l’accès aux financements étrangers ;

b)Les cas signalés d’intimidation, de harcèlement et de détention arbitraire de militants de la société civile, notamment de femmes défendant les droits des travailleurs du sexe, et de personnes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, victimes de représailles pour avoir manifesté et prétendument porté atteinte aux valeurs traditionnelles ;

c)La coopération limitée de l’État partie avec les organisations de la société civile, en particulier celles qui luttent en faveur des droits des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’examiner les modifications apportées à la loi sur les associations et de veiller à ce que les activités des organisations de la société civile ne fassent pas l’objet de restrictions disproportionnées, en théorie ou en pratique, et que les militants des droits des femmes soient en mesure d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, sans être victimes d’intimidation ou de représailles ;

b) De s’assurer que les cas présumés d’intimidation ou de représailles contre des militants de la société civile font l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, que les responsables sont poursuivis et dûment punis et que les victimes sont protégées contre ces actes ;

c) De renforcer la coopération avec les organisations de la société civile, en particulier celles qui luttent en faveur des droits des femmes, et de les faire systématiquement participer à l’élaboration des lois, des politiques et des programmes connexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate que l’État partie a fixé des quotas et institué des bourses d’étude pour les filles, afin de leur permettre d’entrer à l’université, ainsi que des subventions aux entrepreneuses. Il reste toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Les fonctionnaires de l’État partie ne comprennent pas bien la nature, le but et l’importance des mesures temporaires spéciales, qui visent à accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

b)On ne trouve dans le droit interne aucune définition des mesures temporaires spéciales ni aucune règle concernant leur application ;

c)Aucune mesure temporaire spéciale n’a été adoptée pour soutenir les femmes appartenant à des groupes défavorisés, notamment quant à leur participation à la vie politique et publique et dans le secteur agricole.

Le Comité rappelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/TJK/CO/4-5 , par. 14) et recommande à l’État partie :

a) De renforcer sa compréhension des mesures temporaires spéciales et l’application de celles-ci afin d’accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment quant à leur participation à la vie politique et publique, dans le secteur agricole et en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes défavorisés ;

b) De mettre en place un cadre juridique et un mécanisme pour l’application des mesures temporaires spéciales ;

c) De sensibiliser les fonctionnaires, les parlementaires, les employeurs et les citoyens concernés au sujet de la nature des mesures temporaires spéciales et de leur importance pour ce qui est d’accélérer l’instauration d’une égalité réelle des genres dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a mené des activités de sensibilisation et d’information pour éliminer les stéréotypes de genre discriminatoires et examiné, pour la première fois, certains manuels scolaires sous l’angle de la problématique femmes-hommes. Il reste néanmoins préoccupé par la persistance des stéréotypes de genre discriminatoires concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société. Il s’inquiète également de ce que l’État partie n’a pas adopté de stratégie multipartite complète pour promouvoir l’égalité des genres et éliminer les stéréotypes de genre (CEDAW/C/TJK/CO/4-5, alinéa a) du paragraphe 16). Il est particulièrement préoccupé par ce qui suit :

a)Les femmes qui donnent naissance à des filles sont souvent abandonnées par leur conjoint ;

b)Les filles, en particulier celles vivant en milieu rural, sont souvent contraintes de se marier plutôt que d’aller à l’école ;

c)Les femmes appartenant au groupe minoritaire des Pamiri, qui sont plus libres d’étudier et de travailler et ne répondent donc ni aux normes de la société patriarcale ni aux règles relatives au comportement des femmes, font face aux préjugés et à l’attitude stigmatisante de la majorité tadjik.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De concevoir, d’adopter et de mettre en œuvre sans tarder, en collaboration avec les ministères, les organisations de la société civile, les responsables locaux, les chefs religieux, les enseignants, les universitaires, les entreprises et les médias concernés, une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes de genre et les attitudes patriarcales à l’égard des femmes et des filles, en particulier la perception dominante et discriminatoire du rôle des femmes dans la société et au sein de la famille ;

b) D’examiner l’ensemble des manuels scolaires, des programmes et du matériel pédagogique, même au niveau universitaire, sous l’angle de la problématique femmes-hommes et de les réviser en vue d’éliminer les stéréotypes de genre discriminatoires ;

c) De dispenser des formations au personnel enseignant à tous les niveaux d’éducation et d’intégrer les modules obligatoires sur les droits des femmes et l’égalité des genres dans les programmes scolaires ;

d) De renforcer les mesures visant à préparer les garçons et les hommes à la vie et aux responsabilités familiales et à former les filles et les femmes à la vie publique, notamment au moyen de cours ciblés correspondant à tous les niveaux d’éducation, de formations dispensées sur le lieu de travail et d’activités de sensibilisation et de promotion ;

e) De suivre régulièrement la mise en œuvre et les résultats des mesures prises pour éliminer les stéréotypes de genre.

Violences fondées sur le genre à l’égard des femmes

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 954 (2013) sur la prévention de la violence familiale et du programme national de prévention de la violence domestique pour la période 2014-2023, du Code révisé des infractions administratives sanctionnant la violation des dispositions de la loi no 954 (article 93) et définissant les conditions du prononcé des ordonnances de protection (article 93), et de la loi révisée sur la police qui attribue aux policiers des fonctions supplémentaires en matière de prévention de la violence domestique. Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Bien qu’elles demeurent répandues, les violences fondées sur le genre à l’égard des femmes sont peu signalées dans l’État partie, à tel point que 97 % des hommes et 72 % des femmes considèrent que celles-ci doivent tolérer la violence pour préserver leur famille ;

b)Les violences fondées sur le genre à l’égard des femmes, notamment la violence domestique, le viol conjugal et les agressions sexuelles, ne sont pas incriminées dans l’État partie ;

c)Il n’existe pas de stratégie globale visant à lutter contre toutes les formes de violences fondées sur le genre faites aux femmes et aux filles ;

d)Les violences fondées sur le genre à l’égard des femmes jouissent d’une impunité systématique, comme en témoignent le faible nombre de poursuites et de condamnations, les allégations de complicité de la police, l’accent mis sur la réconciliation et l’absence de protection des données confidentielles relatives aux victimes ;

e)Les services d’appui aux femmes et aux filles victimes de violences fondées sur le genre sont insuffisants ;

f)Les affaires de violences fondées sur le genre ne font pas l’objet d’un suivi systématique et on manque de données statistiques s’y rapportant ;

g)La lutte contre les violences fondées sur le genre dans l’État partie est en grande partie menée par les organisations de la société civile.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’une loi qui érige en infraction toutes les formes de violences fondées sur le genre, notamment la violence domestique, le viol conjugal et l’agression sexuelle au sein du couple et de la famille ;

b) De mener une enquête sur la prévalence des violences fondées sur le genre à l’égard des femmes et des filles, en veillant à ce qu’elle tienne compte des femmes rurales ainsi que des femmes et des filles appartenant à d’autres groupes défavorisés ;

c) D’élaborer une stratégie et un plan d’action globaux pour éliminer toutes les formes de violences fondées sur le genre à l’égard des femmes, en s’appuyant sur les résultats de l’enquête susmentionnée, et de veiller à ce qu’ils soient pleinement appliqués, suivis et évalués ;

d) De garantir l’application effective et le suivi régulier de la loi sur la prévention de la violence familiale et du programme national de prévention de la violence domestique pour la période 2014-2023, ainsi que l’allocation de ressources suffisantes à cet effet ;

e) De renforcer le rôle moteur de l’État partie dans la lutte contre les violences fondées sur le genre, notamment en définissant clairement les attributions de ses organes, tels que le Comité pour la promotion de la femme et de la famille et les Ministères de la santé, de la justice et des affaires intérieures, et en coordonnant mieux leur action, ainsi que le système d’orientation pour les victimes ;

f) De veiller à ce que tous les signalements de violences fondées sur le genre à l’égard des femmes fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, que les responsables soient poursuivis et que les victimes aient accès à une réparation effective, notamment sous forme d’indemnisation ;

g) De financer sur son budget une aide juridictionnelle –  comprenant la représentation par avocat, l’assistance médicale, psychologique et psychosociale, l’hébergement et des programmes de réadaptation et de réinsertion  – qui serait fournie gratuitement à toutes les femmes et filles victimes de violences fondées sur le genre, notamment dans les zones rurales, et de collecter des données statistiques, ventilées par âge, appartenance ethnique et zone géographique, sur le nombre de victimes en bénéficiant ;

h) D’organiser, en matière de prévention, de détection et d’éradication de toutes les formes de violences fondées sur le genre, y compris la violence domestique, des activités ciblées et obligatoires visant à renforcer les capacités des agents de la force publique, des fonctionnaires de justice, des travailleurs sanitaires et sociaux et d’autres professionnels qui luttent contre les violences fondées sur le genre et interagissent avec les victimes, notamment dans les zones rurales ;

i) De continuer à sensibiliser le public à toutes les formes de violences fondées sur le genre, aux services disponibles, aux moyens d’y accéder et à leurs fins, ainsi qu’aux mesures que peuvent prendre les autorités, notamment la police et les tribunaux nationaux, à assurer le contrôle de ces activités et à en évaluer les résultats ;

j) D’améliorer la collecte par les autorités de données sur les affaires de violences à l’égard des femmes et des filles, quelles que soient leurs formes, notamment en ventilant ces données par type de violence, auteur, âge et appartenance ethnique de la victime et issue de l’affaire, et sur le nombre de plaintes déposées, d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de peines infligées.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la lutte contre la traite des personnes et l’aide aux victimes, du programme national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2014-2016 et du plan national pour la prévention de la traite des personnes pour la période 2016-2018. Il s’inquiète néanmoins de ce que les mariages frauduleux ou forcés servent souvent à masquer la traite des femmes et des filles, essentiellement à des fins d’exploitation sexuelle. Il est également préoccupé par ce qui suit :

a)L’application insuffisante des mesures législatives et politiques relatives à la traite ;

b)Le manque de capacités et de coordination des organismes publics en vue de garantir une identification rapide et efficace des victimes, et l’absence d’activités de sensibilisation visant à prévenir la traite des femmes et des filles ;

c)Le manque de services de protection et l’insuffisance des crédits budgétaires destinés aux victimes de la traite, y compris les centres d’hébergement pour les femmes avec enfants, qui demeurent largement tributaires des dons ;

d)Les informations selon lesquelles les victimes de la traite ne peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite que si elles consentent à coopérer avec les services de police ;

e)L’absence de données statistiques sur l’ampleur de la traite des femmes et des filles et sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à la mise en œuvre effective de la loi sur la lutte contre la traite des personnes et l’aide aux victimes, ainsi que du plan national pour la prévention de la traite des personnes, d’assurer un suivi régulier de l’application de ces textes et d’allouer un budget suffisant à leur application ;

b) De renforcer la coordination des autorités publiques concernant l’identification, l’orientation et la protection des victimes de la traite des personnes, tout en définissant clairement leurs rôles et responsabilités, afin d’assurer le bon fonctionnement du mécanisme national d’orientation ;

c) D’enquêter sur les affaires de traite d’êtres humains, en particulier de femmes et de filles, d’en poursuivre les auteurs et de veiller à ce que les peines prononcées soient à la mesure de la gravité des faits ;

d) D’intensifier le renforcement des capacités des forces de l’ordre, notamment de la police des frontières, et des autorités judiciaires afin qu’elles soient mieux à même d’identifier les victimes de la traite et de les orienter vers les services compétents, d’enquêter sur les affaires de traite et d’intenter des poursuites en tenant compte de la problématique femmes-hommes ;

e) De créer sans délai un fonds public d’aide aux victimes de la traite et de garantir à ces dernières la protection voulue et des services tels que des centres d’accueil pour les mères avec enfants, l’aide juridictionnelle gratuite, sans condition de coopération avec les forces de l’ordre, ainsi que l’accès à des sources de revenus différentes ;

f) De renforcer la collecte de données statistiques ventilées par sexe, âge et type de traite, ainsi que d’informations sur les poursuites et condamnations, les services d’aide et l’accès à des sources de revenus différentes.

Le Comité juge préoccupantes les informations selon lesquelles les femmes qui se prostituent se voient refuser l’accès aux services des organisations non gouvernementales chargées de mettre en œuvre des programmes de prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles, sont victimes de discrimination, d’intimidation, de harcèlement, d’extorsion et de corruption, subissent de force des tests de dépistage du sida et des infections sexuellement transmissibles et sont en proie à la détention arbitraire et aux violences physiques de la part d’agents de police.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De recueillir des données statistiques sur le nombre et la nature des plaintes pour violences policières et complicité de corruption ciblant les femmes prostituées, et de faire en sorte que ces plaintes donnent lieu à des enquêtes en bonne et due forme, que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés et que la confidentialité des victimes soit respectée ;

b) De s’assurer que les femmes prostituées bénéficient de l’aide fournie par les organisations non gouvernementales chargées de mettre en œuvre des programmes de prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles ;

c) De proposer des programmes adaptés aux femmes souhaitant renoncer à la prostitution et de leur donner accès à d’autres sources de revenus.

Participation à la vie publique et politique

Le Comité se félicite de la création par l’État partie d’établissements d’enseignement réservés aux femmes se destinant à des fonctions de direction, et de l’imposition de quotas, si modestes soient-ils, de femmes dans la fonction publique. Cependant, il trouve préoccupante la sous-représentation des femmes à la Majlisi Oli ( 6,3  %) et dans les ministères (8 %), l’appareil judiciaire, les services diplomatiques et l’administration locale, ainsi qu’aux postes de direction dans tous les secteurs.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et d’appliquer des mesures temporaires spéciales telles que l’imposition de quotas pour l’octroi de charges politiques afin de hâter l’avènement de l’égale représentation des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie publique et politique, notamment aux postes à responsabilité aux niveaux national et local, ainsi qu’au sein des services diplomatiques, et d’affecter des ressources suffisantes à l’exécution de ces mesures ;

b) D’établir une liste de réserve de candidates compétentes aux postes d’encadrement et de direction et de veiller à son utilisation ;

c) De mettre en place des mesures incitatives, telles que le financement des partis, le financement des campagnes de candidates aux élections ou le renforcement de la composante féminine des partis politiques, afin que les femmes soient promues à des postes de haut niveau au sein des partis politiques et jouissent d’une visibilité accrue lors des campagnes électorales ;

d) De former les femmes à l’exercice de hautes responsabilités politiques et de leur apprendre à mener campagne et à négocier ;

e) De surveiller le discours public et médiatique afin d’y déceler les stéréotypes et marques d’irrespect à l’endroit des femmes, et de recueillir des données précises sur le sexisme en politique afin de mieux l’appréhender et le combattre.

Nationalité

Le Comité salue les mesures législatives qui ont été prises pour lutter contre l’apatridie des femmes et des enfants et rendre obligatoire l’enregistrement des naissances. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)Les informations selon lesquelles les femmes et les enfants constituent une grande majorité des apatrides dans l’État partie ;

b)Les informations indiquant que les femmes apatrides n’ont pas accès au logement, à l’aide sociale ni à l’emploi et sont victimes d’expulsion, de discrimination et d’extorsion de la part d’élus locaux, du fait principalement qu’elles n’ont pas de documents d’identité ;

c)Le faible niveau d’enregistrement des naissances dans l’État partie, qui s’établit à 88 %.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour que les femmes apatrides, les femmes de nationalité indéterminée et celles qui risquent de devenir apatrides, ainsi que leurs enfants, bénéficient de services d’enregistrement dans tout le pays, y compris dans les zones rurales, que ces services comprennent l’enregistrement des naissances, l’établissement de documents d’identité ainsi que l’accès à la justice, aux soins de santé, à l’aide sociale et à l’emploi, et que les intéressées ne soient pas expulsées tant que leur situation n’est pas déterminée ;

b) D’adopter sans tarder la loi d’amnistie prévoyant la régularisation des sans-papiers, notamment des femmes et de leurs enfants, et d’harmoniser la législation déléguée relative à la citoyenneté, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile ;

c) D’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

Le Comité observe l’instauration d’un quota de filles dans les établissements d’enseignement supérieur à l’initiative du Président de l’État partie, l’ouverture d’un centre de formation aux questions de genre et les efforts entrepris pour l’examen des manuels scolaires sous l’angle de ces problématiques. Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Le faible taux d’inscription des filles à l’école, en particulier dans les zones reculées ;

b)Le taux élevé d’abandon des filles dans l’enseignement secondaire et supérieur et l’absence de dispositifs permettant leur retour dans le système scolaire ;

c)L’absence de données fiables sur le taux d’abandon des filles dans l’enseignement secondaire et supérieur dû au mariage précoce, à la grossesse et aux stéréotypes sexistes discriminatoires privilégiant l’accès des garçons à l’éducation ;

d)Le faible taux d’inscription des femmes dans l’enseignement supérieur et dans l’enseignement technique et professionnel, l’absence de mesures ciblées les incitant à faire des études et à choisir une voie où elles sont traditionnellement minoritaires comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ;

e)La faible représentation des femmes parmi le personnel des établissements d’éducation supérieure et du Ministère de l’éducation ;

f)L’accès limité des femmes aux sports de loisirs et aux sports professionnels.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accorder la priorité à l’élimination des stéréotypes défavorables et des autres obstacles qui entravent l’accès des femmes et des filles à l’éducation et les cantonnent dans les domaines d’étude traditionnellement féminins, de prendre des mesures temporaires spéciales et autres et de sensibiliser les filles à la possibilité de faire carrière dans les domaines qu’elles délaissent généralement tels que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ;

b) De collecter des données ventilées par sexe sur le taux d’abandon scolaire et de réduire et prévenir l’abandon scolaire chez les filles, notamment grâce à des politiques tenant compte des disparités entre les sexes et permettant le retour des filles dans le système scolaire ;

c) De réviser régulièrement les programmes et les manuels scolaires afin de les débarrasser des stéréotypes sexistes ;

d) D’améliorer la représentation des femmes dans le personnel des établissements d’éducation supérieure et du Ministère de l’éducation ;

e) D’introduire un enseignement adapté à l’âge sur la santé sexuelle et procréative et de mener, à l’intention des jeunes, des parents, des hommes et des femmes enceintes en particulier, des programmes de sensibilisation axés sur la prévention des grossesses chez les adolescentes, de la violence domestique et du VIH/sida ;

f) De garantir la disponibilité d’installations sportives professionnelles et récréatives.

Emploi

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour aider les femmes chefs d’entreprise et réglementer le travail domestique et le travail à domicile. Il juge toutefois préoccupants :

a)La persistance de l’écart salarial entre femmes et hommes et de la ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail ;

b)La forte concentration de femmes dans le secteur informel et les emplois mal rémunérés des secteurs de la santé, de l’éducation et de l’agriculture ;

c)La faible présence des femmes sur le marché du travail (32,6 %) et leur taux d’emploi (40,5 %) inférieur à celui des hommes (59,5 %) ;

d)L’absence de couverture sociale, le manque d’établissements préscolaires et les responsabilités familiales qui limitent les possibilités de travail des femmes et font qu’elles sont particulièrement touchées par le chômage ;

e)Les restrictions qui continuent d’encadrer l’emploi des femmes pour les travaux difficiles, souterrains, physiquement éprouvants et dangereux, effectués dans des conditions préjudiciables à la santé ou nécessitant un levage manuel de charges (articles 160, 161 et 216 du Code du travail), ainsi que l’adoption de la liste des métiers interdits aux femmes (2017) ;

f)L’accès insuffisant à l’emploi pour les femmes moins à même de soutenir la concurrence sur le marché du travail, telles que les femmes handicapées, les mères de plusieurs enfants, les femmes à la tête d’une famille monoparentale, les femmes enceintes et celles dont le compagnon a émigré sans elles.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’examiner, d’un point de vue tenant compte de la problématique femmes-hommes, la mise en œuvre de l’actuelle stratégie nationale de développement du marché du travail et d’en analyser les résultats, l’objectif étant notamment de déterminer en quoi elle a permis de réduire les disparités entre les sexes en matière d’emploi et d’accroître les possibilités d’emploi des femmes ;

b) D’adopter et d’appliquer, sur la base de l’examen susmentionné, des mesures temporaires spéciales et autres, ciblées et assorties de délais, afin d’offrir aux femmes de meilleures possibilités d’accéder à des professions mieux rémunérées et à des secteurs d’activité majoritairement masculins, notamment en améliorant l’accès à l’enseignement et à la formation professionnels, en enrichissant et en diversifiant les programmes scolaires des établissements de formation professionnelle, en créant des programmes « passerelle » entre l’enseignement secondaire et l’enseignement professionnel et en prenant des mesures incitatives pour encourager les employeurs des secteurs public et privé à recruter des femmes dans les domaines traditionnellement dominés par les hommes ;

c) D’abroger les articles 160, 161 et 216 du Code du travail et la liste des métiers dont l’exercice par des femmes est restreint ou interdit, et de veiller à ce que les restrictions soient appliquées en fonction des capacités individuelles et non aux femmes en général ;

d) De mettre effectivement en œuvre le principe de l’égalité des salaires pour un travail de valeur égale, en comparant régulièrement les salaires et en adoptant des mesures visant à résorber l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;

e) D’assouplir les modalités de travail pour les femmes comme pour les hommes, de créer davantage de structures publiques de garde d’enfants, tout en améliorant celles qui existent déjà, et de sensibiliser l’opinion à l’importance d’un partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre les femmes et les hommes ;

f) D’améliorer l’accès aux possibilités d’emploi et de formation des femmes moins à même de soutenir la concurrence sur le marché du travail, telles que les femmes handicapées, les mères de plusieurs enfants, les femmes à la tête d’une famille monoparentale, les femmes enceintes et celles dont le compagnon a émigré sans elles ;

g) De ratifier la Convention de 2000 sur la protection de la maternité (n o  183) et la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (n o  156) de l’Organisation internationale du Travail, afin que toutes les femmes qui travaillent aient accès à des dispositifs de protection de la maternité et trouvent un équilibre entre vie professionnelle et vie de famille.

Santé

Le Comité observe avec satisfaction, dans l’État partie, la réforme du système de santé, la baisse de la mortalité maternelle et infantile et la diminution du taux d’avortement, ainsi que les mesures de lutte contre la pandémie de VIH/sida. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)Le taux élevé de mortalité maternelle (24,3 décès pour 100 000 naissances vivantes) ;

b)La progression du VIH/sida chez les femmes, principalement par transmission sexuelle, et l’accroissement du nombre de femmes enceintes séropositives ;

c)La criminalisation de la transmission du VIH/sida au titre de l’article 125 du Code pénal ;

d)Les informations selon lesquelles l’admission dans certains établissements secondaires d’enseignement professionnel ou supérieur est conditionnée par les résultats des tests de dépistage du VIH ;

e)Les décrets du 25 septembre 2018 et du 1er octobre 2004 interdisant aux femmes séropositives de faire des études de médecine, d’adopter un enfant ou d’être tutrices légales ;

f)L’absence de couverture médicale pour les femmes appartenant à des groupes défavorisés.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer sa politique visant à réduire le taux de mortalité maternelle, néonatale et juvénile et à prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, en garantissant une mise en œuvre efficace et un financement suffisant des programmes et des plans nationaux s’y rapportant, et en mettant en place des établissements de santé et un personnel médical qualifié ;

b) D’améliorer l’accès de toutes les femmes et les filles, y compris celles qui vivent avec le VIH/sida et en particulier dans les zones rurales et reculées, à des services de santé de haute qualité, notamment pendant la grossesse et lors de l’accouchement ;

c) De mettre en place un mécanisme garantissant que les enfants nés d’une mère séropositive reçoivent du lait de substitution depuis la naissance jusqu’au diagnostic définitif d’infection au VIH ;

d) De renforcer la prestation de services de santé sexuelle et procréative adaptés à l’âge et de favoriser l’accès à des contraceptifs modernes, abordables et sûrs ;

e) De dépénaliser la transmission du VIH/sida (article 125 du Code pénal) et d’abroger les décrets du 25 septembre 2018 et du 1 er  octobre 2004 interdisant aux femmes séropositives de faire des études de médecine, d’adopter un enfant o u d’être tutrices légales.

Femmes rurales

Le Comité se félicite de l’inclusion des femmes rurales dans la stratégie nationale de développement pour la période allant jusqu’à 2030, de la décision du Président de l’État partie d’imposer aux établissements d’enseignement technique supérieur un quota de filles issues de régions montagneuses isolées, de l’instauration d’audiences foraines et de l’utilisation d’indicateurs de la condition féminine dans le secteur agricole. Il constate en outre que 19,2 % du nombre total de fermes dehkan (fermes privées) sont dirigées par des femmes. Il relève toutefois avec inquiétude ce qui suit :

a)La majorité des femmes rurales travaillent dans le secteur informel de l’économie et leur situation demeure précaire ;

b)Les femmes auraient, dans les zones rurales, moins facilement accès que les hommes à l’éducation, aux soins de santé, à la formation, à l’emploi dans le secteur formel, aux régimes de retraite et de sécurité sociale, ainsi qu’aux ressources naturelles comme la terre ;

c)Il n’existe pas de statistiques ventilées par âge, sexe et zone géographique qui lui permettraient d’évaluer la situation des femmes rurales.

Rappelant sa recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales et ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/TJK/CO/4-5 , par. 30), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures temporaires spéciales et autres pour s’assurer que les femmes rurales, y compris celles qui travaillent dans le secteur informel, ont accès à l’éducation, aux soins de santé, au logement, à l’emploi formel et aux régimes de sécurité sociale et de retraite, qu’elles peuvent se former tout au long de leur vie, qu’elles ne sont pas exclues de la propriété foncière ni privées de l’usage de la terre et que leurs besoins particuliers sont pris en considération ;

b) De garantir l’égale participation des femmes rurales à la prise de décisions, notamment en les associant à la conception, à l’élaboration, à la mise en œuvre ainsi qu’au suivi et à l’évaluation de l’ensemble des stratégies et des plans les concernant et touchant par exemple la santé, l’éducation, l’emploi, la retraite et la sécurité sociale ;

c) De renforcer la collecte de données ventilées par âge, sexe et zone géographique concernant les femmes rurales, afin d’évaluer la situation de ces dernières et les pro grès accomplis au fil du temps.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité s’inquiète de la vulnérabilité des femmes appartenant aux groupes ci-après, victimes de discrimination multiple : les réfugiées, les migrantes, les femmes abandonnées à leur sort ou devenues veuves après l’émigration de leur compagnon, les apatrides, les femmes et les filles handicapées, celles qui vivent avec le VIH/sida, les femmes incarcérées et les anciennes détenues, ainsi que les lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles :

a)Les demandeurs d’asile et les réfugiés, y compris les femmes et les filles, sont confinés dans certaines zones de l’État partie, en application des résolutions 325 et 328 et de la décision en date du 26 juillet 2000 des autorités publiques portant établissement d’une liste de zones habitées dans lesquelles le séjour temporaire des demandeurs d’asile et des réfugiés n’est pas autorisé ;

b)Il est défendu aux prisonnières de recevoir la visite de représentants d’organisations internationales ou d’organisations de la société civile et, du fait de l’absence de cadre législatif et politique en la matière, aucune procédure adaptée de gestion des sorties de prison n’est prévue, si bien que les anciennes détenues ne bénéficient d’aucun accompagnement ni d’aucune aide à la réinsertion ;

c)Il n’existe pas de cadre législatif et politique spécifique en matière de la santé mentale et rares sont les établissements proposant une éducation inclusive et, en plus de se heurter à des obstacles physiques qui entravent leur accès aux transports publics et aux établissements de santé et d’enseignement, les personnes handicapées, dont les femmes et les filles, font parfois l’objet d’un internement obligatoire et subissent des violences, sexuelles et autres, et de mauvais traitements dans les établissements médicaux et dans la sphère privée ;

d)Les lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes sont en proie aux exactions policières telles que le chantage, l’extorsion, le dépistage forcé du VIH/sida et des infections sexuellement transmissibles, la détention arbitraire et les mauvais traitements, y compris le viol censé « servir de leçon », tandis que les autorités ont établi et utilisent à des fins de chantage des listes de ces personnes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes mesures temporaires spéciales et autres pour améliorer la situation des femmes appartenant à des groupes défavorisés, les protéger de l’exploitation, améliorer leur accès aux soins de santé, aux prestations sociales, à l’assistance psychologique, à l’éducation et à l’emploi, et leur permettre de participer davantage à la vie publique et politique, et de consacrer les fonds nécessaires à la mise en œuvre effective de ces mesures ;

b) De créer des mécanismes permettant d’évaluer régulièrement l’incidence des politiques sociales et économiques sur les groupes de femmes défavorisés ;

c) D’abroger ses résolutions 325 et 328 et la décision des autorités en date du 26 juillet 2000 concernant l’établissement d’une liste de zones habitées dans lesquelles le séjour temporaire des demandeurs d’asile et des réfugiés n’est pas autorisé, ce qui limite la liberté de circulation et de résidence de ces personnes, y compris les femmes et les filles ;

d) D’accélérer l’adoption du projet de loi sur la migration de main-d’œuvre, en s’assurant qu’il protège efficacement les droits des migrantes, des veuves de migrants et des femmes dont le compagnon a émigré sans elles ;

e) D’adopter un cadre juridique et politique global en matière de santé mentale, d’assurer aux femmes et aux filles handicapées une éducation inclusive et l’accès à l’emploi, de renforcer la mise en place d’aménagements raisonnables dans les transports et les établissements scolaires, de veiller à ce que les femmes et les filles handicapées ne soient pas victimes d’internement obligatoire, de violences, sexuelles et autres, ni de maltraitances, d’enquêter sur les signalements de mauvais traitements à l’égard de femmes et de filles dans les établissements de soins et de fournir aux victimes une aide personnelle, notamment des services d’interprétation devant les tribunaux ;

f) De faire en sorte que les représentants des organisations internationales et des organisations de la société civile aient accès aux lieux de détention à des fins de suivi indépendant, conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), d’adopter un cadre législatif et politique prévoyant des dispositifs adaptés de gestion des sorties de prison et de réinsertion sociale des anciennes prisonnières, compte tenu de leurs besoins particuliers, de fournir des services de soutien aux ex-détenues et de créer un mécanisme de protection national ;

g) De traiter efficacement les plaintes des lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes concernant les exactions policières, de mettre fin à l’utilisation de listes, officielles ou non, de ces personnes, et de veiller à ce que les organisations de la société civile qui interviennent sur des questions intéressant ces personnes puissent exercer leur droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association ;

h) De fournir des informations détaillées et collecter des données statistiques, ventilées par sexe, âge et nationalité, pouvant servir à évaluer la situation des groupes de femmes défavorisés.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)L’introduction dans le Code de la famille, en 2016, de l’obligation pour les futures mariées de subir un examen médical au cours duquel elles seraient soumises à un « test de virginité », entraînant une hausse du taux de suicide chez les jeunes femmes ;

b)Le nombre élevé d’unions polygames, de mariages d’enfants et de mariages forcés, et la baisse du nombre de mariages officiellement enregistrés ;

c)Le fait que le Code de la famille autorise les tribunaux des affaires familiales à abaisser d’un an l’âge minimum au mariage, qui est de 18 ans ;

d)Le faible taux d’exécution des ordonnances judiciaires imposant le versement d’aliments.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abolir la pratique de l’examen médical obligatoire (le soi-disant test de virginité) pour les futures mariées et de modifier le Code de la famille en conséquence ;

b) De prendre des mesures visant à prévenir et à faire cesser les mariages d’enfants et les mariages forcés, notamment :

i) en renforçant les campagnes de sensibilisation aux effets délétères de telles unions sur la santé et le bien-être des femmes et des filles ;

ii) en mettant sur pied des mécanismes de détection des mariages d’enfants et des mariages forcés ;

iii) en dressant le bilan des affaires judiciaires pour cerner les raisons des demandes de diminution de l’âge minimum au mariage ;

iv)en s’assurant que les mariages religieux (nikokh) respectent l’âge minimum obligatoire et l’interdiction de la bigamie et de la polygamie ;

v) en recueillant systématiquement des données sur le nombre de plaintes déposées, d’enquêtes diligentées, de poursuites engagées, de déclarations de culpabilité prononcées et de sanctions infligées au titre de l’interdiction des mariages d’enfants et des mariages forcés, bigames et polygames ;

c) De promouvoir et d’encourager l’enregistrement officiel des mariages, grâce notamment à des initiatives de sensibilisation, la suppression, dans le Code de la famille, de l’examen médical préalable à la conclusion d’un contrat de mariage, ainsi que la mise à disposition d’infrastructures faciles d’accès pour l’enregistrement des mariages ;

d) De prendre des mesures législatives et autres pour que les femmes ayant contracté un mariage religieux ou vivant en union libre reçoivent protection et réparation en cas de séparation et qu’une action de sensibilisation soit menée à cet égard ;

e) De garantir l’exécution effective des décisions de justice ordonnant le versement d’aliments, notamment en instaurant des mécanismes d’application et des sanctions dissuasives en cas d’inexécution.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à accepter la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement, dans ses différentes langues officielles, les présentes observations finales aux institutions concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à la Majlisi Oli et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Ratification d’autres accords

Le Comité estime que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux accords internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage par conséquent l’État partie à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, ainsi que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, auxquels il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux alinéas 26 a), 36 a) et 46 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son septième rapport périodique, attendu en novembre 2022. Ce rapport doit être soumis dans les délais et couvrir toute la période allant jusqu’à la date de soumission.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).