Nations Unies

CRC/C/83/D/48/2018

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

28 février 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 48/2018 * , **

Présentée par:

Y.F.

Victime(s) présumée(s) :

Les enfants de l’auteur, F.F., T.F. et E.F.

État partie:

Panama

Date de la communication:

21juin 2018

Date des constatations :

3 février 2020

Objet :

Déplacement d’enfants du Bénin vers le Panama avec le consentement du père, puis non-retour des enfants sans son consentement;droit d’entretenir des contacts directs avec le père

Question(s) de procédure :

Défaut de consentement des enfants ; compétence ratione temporis;non-épuisement des recours internes ;défaut de fondement de la communication

Article(s) de la Convention :

2, 5, 8, 9, 10, 11, 16, 35 et 37

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2)et 7 (al. c), e), f) et g))

1.1L’auteur de la communication est Y. F., de nationalité béninoise et majeur. Il présente la communication au nom de ses trois enfants, F.F., T.F. et E.F., de nationalités béninoise et panaméenne et nés respectivement le 22 décembre 2001, le 18 septembre 2003 et le 20 février 2005. Il avance que ses enfants sont victimes de violations des droits qu’ils tiennent des articles 2, 5, 8, 9, 10, 11, 16, 35 et 37 de la Convention. L’auteur n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 16 mai 2017.

1.2Le 2 juillet 2018, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, n’ayant pas décelé de risque de préjudice irréparable, a décidé de ne pas demander à l’État partie de prendre des mesures provisoires.

1.3Le 3 septembre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a maintenu sa décision de ne pas demander à l’État partie de prendre des mesures provisoires, l’auteur n’ayant apporté aucun élément nouveau quant au préjudice irréparable que pourraient subir ses enfants.

1.4Le 8 octobre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 9 du Protocole facultatif, a décidé de rejeter la demande de l’auteur qui souhaitait engager une procédure de règlement amiable.

1.5Le 3 décembre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a maintenu sa décision de ne pas demander à l’État partie de prendre des mesures provisoires, l’auteur n’ayant apporté aucun élément nouveau quant au préjudice irréparable que pourraient subir ses enfants.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a épousé une Panaméenne et le couple a décidé de résider au Bénin, pays d’origine de l’auteur. De cette union sont nés, au Bénin, trois enfants : F.F., T.F. et E.F. Le 20 juillet 2015, les enfants se sont rendus avec leur mère au Panama, avec l’autorisation du père. Ils devaient rentrer au Bénin le 12 septembre 2015, mais ni les enfants ni la mère ne sont jamais revenus.

2.2Le 22 décembre 2015, le Bureau de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) au Bénin a sollicité l’assistance du Bureau d’INTERPOL au Panama, lequel a répondu le 2 février 2016 que la mère et les trois enfants suivaient un traitement médical et psychologique.

2.3À une date non précisée, l’auteur a saisi le tribunal de première instance de Cotonou (Bénin). Dans son jugement rendu le 20 avril 2016, le tribunal a ordonné le rapatriement des enfants au domicile conjugal au Bénin et accordé la garde exclusive au père jusqu’à ce que la mère soit de retour sur le territoire.

2.4Le 20 mai 2016, l’ambassade du Bénin à Cuba a pris contact avec l’ambassade du Panama à Cuba pour solliciter sa collaboration en vue du rapatriement des enfants, mais elle n’a pas obtenu de réponse.

2.5Le 23 septembre 2016, l’auteur a déposé une demande de reconnaissance et d’exécution de jugement étranger auprès de la Cour suprême de justice du Panama. Selon l’auteur, la Cour a contacté le Ministère panaméen des relations extérieures. Le 29 septembre 2016, l’avocat de l’auteur s’est entretenu avec un représentant du Ministère, qui lui aurait dit qu’un document officiel délivré par le Bénin était nécessaire pour pouvoir procéder au rapatriement des enfants.

2.6En conséquence, le 3 novembre 2016, le Ministère béninois des affaires étrangères et de la coopération a transmis au Ministère panaméen des relations extérieures le jugement du 20 avril 2016, a sollicité son assistance pour le rapatriement des enfants et a désigné l’ambassade du Bénin à Cuba comme interlocutrice des autorités panaméennes pour les aspects opérationnels du rapatriement.

2.7Le 9 novembre 2016, le Ministère panaméen des relations extérieures a répondu aux autorités béninoises que le Bénin n’était pas partie à la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et qu’elle n’avait pas non plus conclu d’accord bilatéral avec le Panama concernant la lutte contre les déplacements illicites d’enfants.

2.8Le 29 décembre 2016, le 11 juillet 2017 et le 18 avril 2018, le Ministère béninois des affaires étrangères et de la coopération a réitéré sa demande auprès des autorités panaméennes.

Plaintes déposées contre l’auteur par la mère des enfants

2.9Le 30 décembre 2015, « avec la complicité de fonctionnaires du ministère public » panaméen, la mère des enfants a engagé une procédure pénale contre l’auteur pour violence conjugale et maltraitance d’enfants. L’affaire a été classée le 8 juin 2017.

2.10Le 30 décembre 2015, la mère a également saisi le deuxième tribunal chargé des affaires familiales de la première circonscription judiciaire du Panama d’une demande relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite. La demande a été déclarée recevable le 11 janvier 2016.

2.11Le 18 janvier 2016, le tribunal a ordonné une mesure temporaire de protection interdisant au père tout contact physique, téléphonique ou électronique avec ses enfants. Le 13 juin 2016, il a accordé la garde provisoire des enfants à la mère.

2.12Le 10 septembre 2016, le tribunal a finalement autorisé l’auteur à communiquer avec ses enfants, mais sous la supervision du grand-père maternel. Néanmoins, le 11 novembre 2016, le tribunal a interdit aux enfants de parler en français ou en yoruba (leurs langues maternelles) pendant ces communications. Le 8 novembre 2017, statuant sur l’appel interjeté par l’auteur, le tribunal supérieur chargé des affaires familiales a confirmé l’interdiction faite aux enfants d’utiliser leurs langues maternelles pendant les conversations téléphoniques avec leur père.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur avance que ses enfants sont victimes de violations des droits qu’ils tiennent des articles 2, 5, 8, 9, 10, 11, 16, 35 et 37 de la Convention, au motif que des agents de l’État partie les ont intimidés et menacés et leur ont menti afin qu’ils consentent à rester au Panama.

3.2L’auteur affirme en particulier que le tribunal n’aurait pas dû accepter d’examiner une demande de garde introduite par un parent qui ne réside pas au Panama, puisqu’il n’avait pas la compétence territoriale pour le faire, et qu’il aurait dû prendre des mesures pour mettre un terme à la situation d’enlèvement.

3.3L’auteur soutient qu’en dissimulant un enlèvement parental international, le tribunal a commis un acte extrêmement grave et, corrompu, s’est rendu complice du non-retour illicite des enfants. À cet égard, l’auteur précise qu’il a déposé une plainte auprès du service anticorruption du Bureau du Procureur général panaméen.

3.4L’auteur soutient en outre que le fait d’interdire à ses enfants de parler leur langue maternelle constitue un crime contre l’humanité car, ce faisant, l’État partie cherche à gommer leur identité. Il demande au Comité de prendre contact avec le Bureau du Procureur général de l’État partie en vue du rapatriement des enfants.

Informations complémentaires présentées par l’auteur

4.1Les 11, 14 et 25 mars, le 16 avril et le 9 juillet 2019, l’auteur a affirmé que, lors de l’audience tenue le 4 septembre 2018, les autorités de l’État partie ont fait pression sur ses enfants pour qu’ils signent un document qui lui était préjudiciable et qui a entraîné l’adoption, le 18 septembre 2018, de nouvelles mesures de protection tendant à limiter son droit de communiquer avec eux à une heure chaque samedi.

4.2L’auteur a précisé qu’il avait déposé d’autres demandes de rapatriement auprès du Ministère des relations extérieures et du Président de la République du Panama.

4.3L’auteur a également précisé que, le 27 février 2019, la Mission permanente de la République du Bénin auprès de l’Office des Nations Unies à Genève avait pris contact avec la Mission permanente de la République du Panama auprès de l’Office des Nations Unies à Genève afin de demander à l’État partie qu’il fasse part de ses observations sur la communication que l’auteur avait soumise au Comité.

4.4L’auteur a demandé une indemnisation de 1 800 000 dollars des États-Unis pour lui et ses enfants, en réparation du préjudice subi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le 16 août 2019, l’État partie a fait parvenir ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme que la communication est irrecevable au regard de l’article 5 du Protocole facultatif, étant donné que l’auteur n’apporte pas la preuve que les enfants ont consenti à ce que la communication soit présentée en leur nom et qu’il ne justifie ni ne démontre avoir agi en leur nom sans leur consentement.

5.2S’agissant des démarches diplomatiques engagées tant par le Ministère béninois des affaires étrangères et de la coopération que par l’ambassade du Bénin à Cuba, l’État partie affirme que le Ministère panaméen des relations extérieures a transmis la demande d’assistance judiciaire internationale relative au rapatriement des enfants au Département chargé des affaires internationales du Bureau du Procureur général et au Secrétariat général de la Cour suprême de justice afin que ceux-ci se prononcent sur sa recevabilité. L’État partie affirme en outre que le Ministère a répondu aux autorités béninoises qu’il n’était pas en mesure d’accéder à leur demande, pour plusieurs motifs. Ainsi, après avoir rappelé que le Bénin n’était pas partie à la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfantset qu’il n’avait pas non plus conclu d’accord bilatéral avec le Panama concernant la lutte contre les déplacements illicites d’enfants, le Ministère a expliqué qu’une puissance souveraine n’avait aucune compétence sur le territoire d’une autre puissance souveraine et qu’une décision de justice rendue au Bénin ne pouvait être exécutée au Panama sans que la quatrième chambre chargée des affaires générales de la Cour suprême de justice du Panama n’entame au préalable une procédure de reconnaissance et d’exécution de jugement étranger, conformément aux articles 100 et 1420 du Code judiciaire de l’État partie. Par conséquent, pour exiger l’exécution d’un jugement étranger, il ne suffit pas d’en prouver l’existence grâce à des documents écrits, il faut préalablement passer par la procédure d’exequatur.

5.3L’État partie précise que la demande de reconnaissance et d’exécution de jugement étranger déposée par l’auteur auprès du Ministère a été rejetée puisque l’organe compétent dans ce cas est la quatrième chambre de la Cour suprême de justice.

5.4À cet égard, l’État partie dit que, le 4 mai 2016, le consulat du Panama à Paris a saisi le Ministère panaméen des relations extérieures d’une demande d’assistance judiciaire internationale concernant la reconnaissance et l’exécution d’un jugement étranger, demande qui a été transmise à la Cour suprême de justice le 13 juin 2016. Le 21 janvier 2018, la quatrième chambre chargée des affaires générales a déclaré que le jugement du tribunal béninois n’était pas exécutoire parce qu’au Panama, un jugement étranger ne doit pas avoir été rendu par défaut pour pouvoir être reconnu et exécuté.

5.5Le 3 mai 2018, l’auteur a présenté par la voie diplomatique une nouvelle demande de rapatriement des trois enfants. Le 10 mai 2018, le Ministère panaméen des relations extérieures a demandé au Secrétariat général de la Cour suprême de justice une copie certifiée de la décision du 21 janvier 2018 rejetant l’exécution du jugement étranger, et l’a transmise à l’auteur le 4 juin 2018.

5.6Concernant la procédure engagée pour atteinte à l’ordre juridique familial et à l’état civil sous la forme d’actes de violence conjugale et de maltraitance d’enfants, l’État partie fait observer que le tribunal a mentionné la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme et déclaré dès le départ que les faits dénoncés au pénal ayant été établis, il était urgent de prendre des mesures de protection afin de garantir la tranquillité et la sécurité de la victime ayant subi les agressions qui avaient motivé le dépôt de la plainte. La procédure a toutefois pris fin le 8 juin 2017, le onzième tribunal pénal de la première circonscription judiciaire du Panama ayant rendu une ordonnance de non-lieu au motif qu’un élément empêchait la poursuite de la procédure pénale. L’État partie rejette donc les arguments de l’auteur selon lesquels le ministère public aurait agi en complicité avec la mère des enfants.

5.7Concernant la demande relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite déposée par la mère auprès du deuxième tribunal chargé des affaires familiales de la première circonscription judiciaire et dans laquelle elle a appelé le tribunal à prononcer une interdiction de sortie du territoire pour les enfants, l’État partie fait observer que le tribunal, après avoir déclaré la demande recevable, a ordonné que l’assistante sociale rattachée à la chambre des juges effectue une visite au domicile de la mère des enfants, et que l’auteur en soit notifiéau Bénin. De surcroît, le tribunal a déclaré qu’étant donné que la demande d’interdiction de sortie du territoire était une mesure visant à protéger l’intérêt supérieur des enfants, il y ferait droit, conformément aux dispositions de l’article 766 du Code de la famille. Il a donc accordéprovisoirement la garde et la charge de l’éducation des enfants à la mère, a ordonné l’interdiction de sortie du territoire et a décidé de ne pas fixer de date de visite entre l’auteur et ses enfants et d’attendre de disposer de davantage d’éléments d’appréciation pour prendre une décision quant à la demande faite par le père de pouvoir communiquer de façon continue avec ses enfants.

5.8L’État partie dit que l’auteur a demandé à pouvoir communiquer de manière directe, personnelle et continue avec ses enfants, par des moyens technologiques. Se fondant sur l’intérêt supérieur des enfants, le tribunal a décidé, le 29 août 2016, d’accepter le recours à certaines technologies de la communication en fonction des jours de semaine et de week-end, tout en précisant que, dans l’attente du règlement du litige, les conversations seraient supervisées par le grand-père des enfants afin d’éviter tout problème et toute expression inappropriée à l’égard des enfants et, partant, de veiller à ce que les intéressés soient dûment protégés, selon le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le 11 novembre 2016, le tribunal a reçu une demande spéciale de l’auteur tendant à ce que les échanges avec ses enfants se fassent en français. Le tribunal a débouté l’auteur au motif que la supervision des visites nécessitait de comprendre la langue employée et que la personne chargée de la supervision ne parlait pas français, alors que l’auteur et ses enfants parlaient espagnol.

5.9Par la suite, dans une décision rendue le 16 février 2017, le tribunal s’est prononcé sur le recours en nullité déposé par l’auteur, qui demandait que toutes les décisions prises dans le cadre de la procédure soient déclarées nulles et que l’on retire à la mère la garde provisoire des enfants. L’État partie indique que le tribunal a examiné chacun des points soulevés par l’auteur et a répondu, en particulier, que l’auteur s’était présenté en personne à la chambre des juges et qu’on lui avait personnellement notifié la décision rendue, raison pour laquelle la commission rogatoire n’était pas nécessaire, que le ministère public avait bien pris part à la procédure et que le tribunal était bien compétent pour traiter la demande relative à la garde et à l’éducation des enfants puisque la mère et les enfants étaient panaméens et qu’ils vivaient au Panama.

5.10L’État partie fait en outre observer que les services du parquet spécialisés dans les affaires civiles et familiales ont recommandé au tribunal d’organiser un entretien avec les enfants afin de déterminer comment se passaient les échanges qu’ils avaient avec leur père grâce aux technologies de la communication. Le 23 mai 2017, il a été décidé qu’un entretien avec les enfants aurait lieu le 26 juin 2017 en présence de l’assistante sociale rattachée à la chambre des juges. Lors de la discussion, l’un des enfants, F.F., a dit que leur père leur parlait en français alors qu’il savait que le grand-père ne comprenait pas cette langue, qu’il se plaignait d’avoir à payer les communications et qu’il leur disait qu’ils n’avaient pas besoin de s’inscrire à l’école parce qu’ils retourneraient bientôt au Bénin avec lui. Qui plus est, une autre des enfants, T.F., a dit que les échanges étaient pénibles et désagréables, que le père insultait et menaçait leur famille au Panama, qu’elle se sentait mal après avoir parlé à son père et qu’elle n’avait pas envie d’étudier. Elle a également tenu les propos suivants : « Nous lui disons de se calmer et lui n’arrête pas de crier. Il se met dans cet état parce qu’il n’est pas d’accord que l’on soit ici, au Panama. Moi, je me sens plus en sécurité ici parce qu’il a toujours été un homme très violent. […] Mon papa nous battait pour n’importe quelle raison et frappait ma maman aussi. Quand je parle à mon père, j’ai le même sentiment que quand nous habitions en Afrique. ». À la suite de cela, le tribunal a rappelé l’auteur à l’ordre et l’a vivement engagé à réfléchir à la portée de ses actes, afin que les échanges aient lieu en espagnol et que ses intérêts personnels ne prennent pas le pas sur la sécurité et la stabilité émotionnelle des enfants.

5.11En outre, l’État partie indique que, dans sa décision rendue le 10 juillet 2017, le tribunal a statué sur les demandes de sanction pour atteinte à l’action de la justice présentées par l’auteur contre la mère et le grand-père des enfants. L’État partie fait observer que, selon le tribunal, le grand-père prévenait les intéressés lorsque des engagements personnels ou des imprévus l’empêchaient de venir superviser les échanges, alors que le père ne prévenait pas lorsqu’il ne pouvait pas assister aux visites prévues. Le tribunal a rejeté les demandes de sanction pour atteinte à l’action de la justice.

5.12Le 8 septembre 2017, le tribunal a examiné une nouvelle demande de sanction contre la mère des enfants pour atteinte à l’action de la justice. Les services du parquet spécialisés dans les affaires civiles et familiales ont recommandé au tribunal de ne pas faire droit à la demande et celui-ci s’est fondé sur divers articles du Code de la famille et du Code judiciaire pour rejeter la demande de sanction.

5.13Le 8 novembre 2017, le tribunal supérieur chargé des affaires familiales a statué sur le recours que l’auteur avait déposé contre la décision du 11 novembre 2016 dans laquelle sa demande tendant à pouvoir parler en français ou en yoruba avec ses enfants avait été rejetée. Le tribunal s’est fondé sur les dispositions des Règles de Brasilia sur l’accès des personnes vulnérables à la justice pour confirmer la décision ; il a considéré qu’il n’y avait eu aucune omission ou négligence procédurale susceptible d’invalider la décision et que le fait de permettre au père de communiquer avec ses enfants dans une langue que le superviseur ne parlait ni ne comprenait trahissait la nature de la mission temporaire de supervision confiée à ce tiers − dans ce cas le grand-père maternel qui ne parlait qu’espagnol − l’objectif n’étant pas d’endoctriner les enfants mais d’éviter de les placer dans des situations embarrassantes afin de garantir leur pleine protection. Le tribunal a aussi fait observer que la communication par moyen électronique constituait une exception au régime des visites et que, dans l’idéal, les enfants devaient voir leurs parents en personne, afin de renouer les liens affectifs interrompus par la séparation d’avec eux. Toutefois, étant donné que l’auteur n’était pas au Panama, l’objectif recherché était de faciliter, par un moyen ou un autre, la communication entre le père et les enfants. Par conséquent, le tribunal supérieur a suivi la recommandation formulée par le septième procureur de la première circonscription judiciaire lors de l’audience civile no 159‑17, tenue le 18 octobre 2017, à savoir de confirmer la décision qui faisait l’objet du recours.

5.14En outre, le 8 mars 2018, le tribunal supérieur a statué sur le recours déposé contre la décision du 10 juillet 2017 par laquelle la demande de sanction pour atteinte à l’action de la justice présentée par l’auteur avait été rejetée. Lors du réexamen de la décision rendue en première instance, le tribunal supérieur a déclaré que l’appelant n’avait pas le droit de son côté puisqu’il avait déjà justifié son recours concernant le non-respect du régime des visites et qu’il n’avait pas présenté d’éléments de preuve qui étayaient ses allégations. Le tribunal a considéré que les arguments avancés par l’auteur ne concernaient pas réellement le point de savoir si l’atteinte à l’action de la justice était prouvée ou non, puisqu’ils portaient principalement sur l’enlèvement et le non-retour illicite des enfants et sur l’absence de compétence du tribunal pour connaître de la demande relative à la garde et à l’éducation. Il a en outre fait observer qu’il arrivait que l’auteur n’appelle pas ses enfants aux heures prévues, ceux-ci restant donc à attendre son appel, et que la conversation avec lui, au lieu d’être plaisante, s’avérait désagréable, ce qui est contraire à l’intérêt supérieur des enfants.

5.15Le 3 avril 2018, le troisième tribunal chargé des affaires familiales de la première circonscription judiciaire s’est prononcé sur la demande de récusation de la juge chargée du dossier que l’auteur avait déposée et dans laquelle il affirmait que la juge avait des liens personnels avec la mère des enfants puisqu’elles avaient fréquenté la même école et la même université. Le tribunal a estimé qu’il était inenvisageable de récuser un juge sous prétexte que l’une des parties à l’affaire avait étudié dans le même établissement d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur que le juge qui connaissait de l’affaire, au motif que cette circonstance ne reflétait ni une amitié ni une inimitié et qu’il était en outre possible que ces personnes ne se soient même pas connues, et en a conclu que la demande n’était pas fondée eu égard aux faits de l’espèce. Il a également estimé que les autres allégations de l’auteur étaient infondées.

5.16Le 20 juillet 2018, statuant sur d’autres demandes présentées par l’auteur dans le cadre de la procédure relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite, le tribunal a réaffirmé qu’il était compétent puisque la mère et les trois enfants étaient de nationalité panaméenne et résidaient au Panama. Il a en outre déclaré que l’autorité compétente pour connaître des demandes de retour reçues d’autorités étrangères était le tribunal des enfants, raison pour laquelle il a décidé de ne pas donner suite à la demande de retour international des enfants.

5.17L’État partie fait savoir que la procédure relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite, dans le cadre de laquelle les tribunaux doivent statuer sur plusieurs demandes et recours présentés par l’auteur, en est au stade de l’administration de la preuve. Il soutient que la procédure est menée avec diligence, de manière responsable, dans le respect des démarches et formalités applicables, sans inclination particulière à l’égard de l’une ou l’autre partie et qu’elle garantit le respect de l’intérêt supérieur des enfants. Par conséquent, l’État partie rejette les allégations de l’auteur selon lesquelles les enfants sont victimes de violations de la Convention, d’actes d’intimidation, de menaces et de tromperie.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

6.1Le 28août 2019, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il réaffirme que ses enfants sont victimes d’un crime contre l’humanité, car ils ne peuvent pas utiliser leur langue maternelle dans leurs conversations avec lui, et d’un enlèvement international, avec la complicité de fonctionnaires de l’État partie corrompus. À cet égard, il indique que l’accusation de corruption a été déclarée recevable le 27 mars 2019, date à laquelle le Procureur général du Panama a demandé l’ouverture d’une enquête pénale.

6.2Concernant le fait que les enfants n’ont pas consenti à ce qu’il présente la communication en leur nom, l’auteur affirme qu’en tant que père, il a qualité pour agir devant le Comité.

6.3L’auteur soutient en outre que les tribunaux compétents sont les juridictions chargées de la protection des enfants. À cet égard, le 8 novembre 2017, il a engagé une procédure devant le premier tribunal des enfants de la première circonscription judiciaire en vue d’obtenir le retour international des enfants. Le tribunal s’est toutefois déclaré incompétent au motif qu’une procédure relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite avait déjà été engagée.

6.4L’auteur réitère sa demande de mesures provisoires, à savoir la possibilité de communiquer chaque semaine avec ses enfants par voie électronique, depuis le tribunal des enfants et dans leur langue maternelle. Il réitère également sa demande d’indemnisation à hauteur de 1 850 000 dollars.

Informations complémentaires présentées par l’auteur

7.1Le 9 septembre 2019, l’auteur a présenté des informations complémentaires. Il déclare avoir demandé la protection consulaire de la Mission permanente de la République du Bénin auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, afin que celle-ci engage,au nom de l’auteur et de ses enfants, une procédure de règlement amiable auprès du Comité. L’auteur demande donc au Comité de traiter sa demande de règlement amiable (par.1.4, supra).

7.2Le 4 novembre 2019, l’auteur a fait parvenir au Comité une déclaration dans laquelle un journaliste italien affirmait, devant le Bureau du Défenseur du peuple à Panama, que les trois enfants enlevés n’avaient pas pu retourner dans leur pays d’origine à cause d’une série de ruses et d’actes illégaux effroyables. L’auteur a réitéré sa demande de mesures provisoires, à savoir la possibilité de communiquer avec ses enfants chaque semaine, par voie électronique et dans leur langue maternelle (par.1.5, supra).

7.3Le 8 novembre 2019, l’auteur a affirmé que le nom de la personne qui avait rédigé le rapport de l’État partie et autorisé sa soumission au Comité n’apparaissait pas dans le document en question mais qu’il s’agissait d’un fonctionnaire du Ministère des relations extérieures, ce qui venait empiéter sur les attributions du Secrétariat national de l’enfance, de l’adolescence et de la famille. L’auteur estime par conséquent que la présente communication a été manipulée par l’État partie, en dehors de tout cadre juridique.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

8.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication est irrecevable au motif que tous les recours internes n’ont pas été épuisés, étant donné que la procédure relative à la garde, à l’éducation des enfants et au droit de visite, dans le cadre de laquelle les tribunaux doivent se prononcer sur plusieurs demandes et recours déposés par l’auteur, en est au stade de l’administration de la preuve. Il note en outre que, selon l’État partie, la procédure est menée avec diligence, de manière responsable, dans le respect des démarches et formalités applicables et qu’elle garantit le respect de l’intérêt supérieur des enfants. Il constate que l’auteur n’a fait aucun commentaire sur la question de l’épuisement des recours internes. Il rappelle que, pour apprécier l’efficacité des recours internes, il évalue la durée de ceux-ci à la lumière des circonstances de l’espèce, y compris des actes de procédure engagés par l’auteur, car ces actes peuvent entraver ou prolonger le traitement de l’affaire et, partant, retarder son règlement. À cet égard, il fait observer ce qui suit : en novembre 2016, le tribunal s’est prononcé sur une demande de l’auteur tendant à ce qu’il puisse communiquer en français avec ses enfants ; le 16 février 2017, le tribunal s’est prononcé sur un recours en nullité déposé par l’auteur ; le 10 juillet 2017, le tribunal a tranché les demandes de sanction pour atteinte à l’action de la justice présentées par l’auteur contre la mère et le grand-père des enfants ; le 8 septembre 2017, le tribunal a examiné un nouvelle demande de sanction pour atteinte à l’action de la justice présentée contre la mère des enfants ; le 8 novembre 2017, le tribunal supérieur a statué sur le recours formé par l’auteur contre la décision par laquelle sa demande tendant à pouvoir parler en français avec ses enfants avait été rejetée ; le 8 mars 2018, le tribunal supérieur a examiné l’appel formé contre la décision rejetant la demande de sanction pour atteinte à l’action de la justice ; le 3 avril 2018, un tribunal s’est prononcé sur la demande de récusation de la juge chargée de l’affaire ; le 20 juillet 2018, le tribunal a dû statuer sur d’autres demandes présentées par l’auteur ; le 18 septembre 2018, le tribunal a dû modifier les mesures de protection adoptées afin de limiter les communications à une heure chaque samedi à cause du comportement de l’auteur pendant les conversations avec ses enfants. à la lumière de ce qui précède, le Comité conclut qu’aucun retard excessif ne semble à déplorer en ce qui concerne les recours internes.

8.3Le Comité constate que l’auteur n’a étayé aucune de ses allégations concernant des violations des droits consacrés aux articles 2, 5, 8, 9, 10, 11, 16, 35 et 37 de la Convention et déclare donc la communication irrecevable pour défaut manifeste de fondement, conformément à l’article7 (al.f)) du Protocole facultatif.

8.4À la lumière de ce qui précède, le Comité déclare la présente communication irrecevable au regard de l’article 7 (al.e) et f)) du Protocole facultatif.

9.Le Comité des droits de l’enfant décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al.e) et f)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication et, pour information, à l’État partie.