Nations Unies

CRC/C/83/D/30/2017

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

12 mars 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l ’ enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 30/2017 * , **

Communication présentée par :

N. R. (représenté par un conseil, Alberto Manuel Poletti Adorno)

Victime(s) présumée(s) :

C. R.

État partie :

Paraguay

Date de la communication :

10 mai 2017

Date des constatations :

3 février 2020

Objet :

Droit d’entretenir des relations personnelles et des contacts directs avec le père

Question(s) de procédure :

Irrecevabilité ratione temporis  ;non-épuisement des recours internes ; défaut de fondement des griefs

Article(s) de la Convention :

3, 4, 5, 9 (par. 3), 10 (par. 2), 18 et 19

Article(s) du Protocole facultatif :

7 (al. e), f) et g))

1.L’auteur de la communication est N. R., de nationalité argentine, né le 20 janvier 1976. Il présente la communication au nom de sa fille, C. R, également de nationalité argentine, née le 16 juin 2009. Il affirme que sa fille est victime de la violation par l’État partie des articles 3, 4, 5, 9 (par. 3), 10 (par. 2), 18 et 19 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 20 avril 2017.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Pendant une période non précisée, l’auteur a entretenu une relation avec L. R. R., de nationalité paraguayenne, relation de laquelle est née une fille, C. R., à La Plata (Argentine). En juin 2009, onze jours après la naissance de la petite fille, L. R. R. l’a emmenée avec elle dans sa ville natale, Asunción (Paraguay), où elle a établi sa résidence. L’auteur s’est rendu occasionnellement au Paraguay pour rendre visite à sa fille pendant qu’elle était toute petite. Il explique qu’à aucun moment un accord n’a été conclu au sujet de la garde de l’enfant, qui a incombé de fait à sa mère.

2.2À une date non précisée, L. R. R. a refait sa vie et commencé à empêcher tout contact entre l’auteur et sa fille. Il explique qu’à cause de l’intransigeance de son ex‑compagne, il n’a pas pu rester régulièrement en contact avec sa fille.

2.3Le 16 février 2015, l’auteur a adressé une demande de « régime de maintien des relations » au secrétariat no 7 du Tribunal pour enfants et adolescents du quatrième district d’Asunción. Il demandait que sa fille puisse avoir des contacts téléphoniques avec lui et venir lui rendre visite en Argentine, voyages qu’il s’engageait à prendre à sa charge.

2.4Le 12 mars 2015, L. R. R. a répondu à cette demande en disant clairement que, l’auteur refusant d’accepter une proposition de majoration de la pension alimentaire, « puisqu’il n’y a pas d’accord, tu n’auras plus aucun contact et aucune communication avec l’enfant parce que telle est notre volonté ». L’auteur explique que, par le passé, à une date non précisée, il avait reçu une demande de « pension alimentaire » et que la raison pour laquelle on lui refusait tout contact avec sa fille était que le montant de la pension alimentaire qu’il versait était trop peu élevé selon la mère de l’enfant.

2.5Le 14 avril 2015, une audience a eu lieu et les parties sont convenues de ce qui suit : a) l’auteur pourrait communiquer par Skype avec sa fille les lundis, mercredis et vendredis de 18 h à 19 h, l’achat de l’équipement nécessaire étant à sa charge ; b) l’enfant passerait sept jours avec l’auteur en Argentine pendant les vacances d’hiver et sept autres jours à l’occasion de l’anniversaire de l’auteur (19 janvier), pendant les vacances d’été ; c) l’auteur passerait un samedi par mois avec sa fille de 9 h à 18 h.

2.6Le 30 avril 2015, le Tribunal a rendu le jugement définitif SD no 139, dans lequel était énoncé le régime du droit de visite applicable. Dans sa requête, l’auteur avait demandé que ce régime soit sous réserve des dispositions de l’article 96 du Code de l’enfance et de l’adolescence et de la loi no 4711. Il n’a toutefois pas été fait droit à cette demande, raison pour laquelle le 11 juin 2015 il a formé un recours en explication, qui a été rejeté le 13 août 2015. Le 11 août 2016, le Tribunal d’appel a débouté l’auteur, qui avait fait appel de cette décision.

2.7Le 5 octobre 2015, l’auteur a déposé une demande tendant à rendre exécutoire le jugement en question. Depuis lors, il s’est plaint de la non-exécution du jugement et a demandé l’application de l’article 96 du Code de l’enfance et de l’adolescence, de l’article 236 du Code de l’organisation judiciaire et de la loi no 4711/2012, devant le Tribunal pour enfants et adolescents, le 14 décembre 2015 et les 6 et 12 janvier 2016. Il a déposé plainte pour retard dans l’administration de la justice les 29 avril 2015 et 24 février 2016. Il a également demandé aux tribunaux de l’État partie d’adopter des mesures provisoires les 22 avril 2015, 29 avril 2015 et 6 janvier 2016, sans jamais obtenir de réponse. Il explique que sa demande de mesures provisoires n’a été examinée par aucune instance du système judiciaire paraguayen.

2.8Le 30 mars 2016, le Tribunal d’appel, par décision interlocutoire AI no 64, a accepté la plainte pour retard dans l’administration de la justice et chargé le Tribunal de première instance de rendre une ordonnance exigeant l’exécution du jugement dans les soixante‑douze heures suivant la notification de la décision. Le 7 avril 2016, par décision interlocutoire AI no 66, le Tribunal pour enfants et adolescents a de nouveau demandé l’exécution du régime de maintien des relations, sa décision devant être notifiée à la défenderessedans les trois jours. En mai 2016, par décision interlocutoire AI no 128, le Tribunal a ordonné l’exécution du jugement et décidé d’envoyer une assistante sociale au domicile de la défenderesse aux fins de faire exécuter le régime de maintien des relations de l’enfant avec l’auteur. Le 28 juin 2016, le Tribunal, par décision définitive SD no 188, a ordonné l’exécution demandée par l’auteur selon les termes du jugement définitif SD no 139 du 30 avril 2015. L’auteur signale que les mesures imposées par la décision interlocutoire AI no 66 et le jugement définitif SD no 188 ne traitent pas des mesures visant à assurer l’exécution à la suite des nombreuses plaintes présentées par l’auteur. Elles ne mentionnent pas non plus les nombreuses plaintes qu’il a déposées pour dénoncer le non‑respect du régime de maintien des relations par la défenderesse et demander que des mesures provisoires soient prises.

2.9Depuis lors, l’auteur a déposé de nouvelles plaintes pour non-exécution du jugement les 8 juillet, 2 et 24 août, 3 novembre, 7 et 26 décembre 2016 et les 15 février et 6 mars 2017. Le 23 mars 2017, il a adressé à la Cour suprême de justice une autre plainte pour retard dans l’administration de la justice.

2.10L’auteur fait observer que, le 25 avril 2017, le Tribunal d’appel, par décision interlocutoire AI no 60, a dit que :

le droit à l’exécution des jugements et décisions judiciaires fait partie du droit fondamental à la protection effective des droits (art. 163 et 519 du Code de procédure civile) et [qu’] aucune autorité ne peut laisser sans effet des décisions qui ont acquis la force de la chose jugée et encore moins retarder leur exécution, surtout lorsqu’est en jeu l’intérêt supérieur d’une enfant qui a le droit d’avoir des contacts avec le parent avec lequel elle ne vit pas […] il incombe au magistrat de faire exécuter les jugements et décisions adoptés en temps opportun […] Par ailleurs, si l’on peut ajouter foi à ce qu’a déclaré la mère à l’assistante sociale, à savoir qu’elle n’a pas les moyens de s’abonner à Internet et que l’enfant elle-même ne souhaite pas se rendre en vacances chez son père, qu’elle ne connaît guère, on ne saurait perdre de vue que, si le régime de maintien des relations reste lettre morte et que les communications entre père et fille deviennent de plus en plus sporadiques, cette situation finira par amener l’enfant à refuser de rendre visite au parent avec lequel elle ne vit pas. Mais cela ne veut pas dire que la mère doive rester passive face à une situation qui l’arrange bien ; elle doit au contraire redoubler d’efforts pour que le régime de maintien des relations soit appliqué ou mettre en place d’autres modalités de visite si le régime de maintien des relations établi judiciairement est difficile à appliquer […] Par ailleurs, s’il n’existe pas de procédure visant à faire exécuter les jugements de ce type, le juge dispose de l’arsenal juridique nécessaire pour leur donner effet, à savoir, qu’il peut se fonder sur une série de règles de procédure grâce auxquelles il pourra faire appliquer et exécuter le jugement.

2.11L’auteur indique que, malgré toutes les plaintes qu’il a déposées, l’État partie n’a pris aucune mesure pour faire exécuter le jugement et n’a tenu aucun compte des demandes qu’il a faites en vue de pouvoir participer, par vidéo conférence, aux procédures qui ont eu lieu dans l’État partie.

2.12L’auteur explique que les autorités de l’État partie n’ont pas non plus tenu compte des nombreuses demandes qu’il a adressées au Colegio San José pour qu’il facilite les contacts avec sa fille, ni des plaintes qu’il a déposées concernant la non-application du régime d’appels téléphoniques et qu’elles n’ont pris aucune décision concernant le rapport de l’assistante sociale en vue de faire exécuter le jugement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les autorités de l’État partie n’ont pas pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant consacré à l’article 3 de la Convention, puisqu’elles n’ont adopté aucune mesure pour veiller à l’exécution du jugement qui réglemente les contacts avec sa fille. Il indique que les contacts de sa fille avec son père et sa famille paternelle revêtent une importance essentielle pour le développement de l’enfant. Il renvoie à la jurisprudence argentine en matière de droit de visite pour étayer l’argument selon lequel « conformément à la Convention, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Ainsi, aux fins de résoudre les cas portant sur le régime de visite du mineur dont les parents séparés de fait résident dans des États différents, la protection du droit de l’enfant de maintenir régulièrement des relations personnelles et un contact direct avec ses deux parents doit être considéré comme un facteur primordial dans toute procédure judiciaire.

3.2L’auteur fait observer que la procédure relative à l’exécution des jugements portant régime de maintien des relations n’est pas expressément prévue par le Code de l’enfance et de l’adolescence (loi no 1680/2001). Il renvoie à l’arrêt Strumia c. Italie de la Cour européenne des droits de l’homme, dans lequel la Cour a condamné l’État partie au motif qu’il n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour assurer les contacts d’un père avec sa fille malgré l’existence d’une décision judiciaire qui imposait une telle mesure, portant ainsi atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il renvoie également à l’arrêt Giorgioni c. Italie, où la Cour a conclu à une violation du droit à la vie familiale. Enfin, il renvoie à la décision S. B. S., M. V. et consorts du 28 avril 2014 dans laquelle le Tribunal d’appel pour enfants et adolescents d’Asunción a conclu que le droit-devoir du parent qui n’exerce pas légalement la garde de maintenir des communications adéquates avec son enfant et de veiller à son éducation, en cas de séparation ou de divorce, doit être dûment pris en compte pour qu’il ne devienne pas source de situations conflictuelles qui finissent par nuire gravement au développement personnel de l’enfant, conformément à ce que prévoit la Convention en son article 9 (par. 3).

3.3L’auteur allègue également que l’État partie a violé l’article 4 de la Convention puisque, malgré l’existence d’une sentence judiciaire et de normes juridiques qui favorisent le maintien de contacts, les autorités judiciaires de l’État partie n’ont pas adopté les mesures nécessaires pour donner effet aux droits que sa fille tient de la Convention.

3.4L’auteur soutient en outre que l’État partie a violé l’article 5 de la Convention puisqu’on lui a réclamé une pension alimentaire et parce que le déni de contact avec sa fille serait uniquement lié au fait que la mère a estimé que le montant versé n’était pas suffisant. Cependant, l’auteur soutient que le montant équivaut à une part importante de son traitement. Il fait observer que l’examen de la question en première instance a duré deux ans et qu’en fin de compte, il a dû doubler le montant de la pension avec effet rétroactif. Il soutient qu’on ne devrait pas empêcher les contacts avec sa fille dans le seul objectif d’obtenir un soutien financier plus important et qu’il n’a pas les moyens d’augmenter la pension qu’il verse à cause de la crise aiguë que traverse l’État argentin, qui est son employeur.

3.5L’auteur affirme également que l’État partie a violé l’article 9 (par. 3) de la Convention, selon lequel les États parties sont tenus de faire respecter le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un deux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents. L’auteur renvoie à un arrêt de la justice argentine selon lequel, après la séparation, les parents doivent veiller à ce que leurs enfants communiquent avec le parent avec lequel ils ne cohabitent pas et, plus encore, les États doivent respecter ce droit que la Convention décrit comme un droit ayant pour objet d’assurer à l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents. L’auteur affirme qu’il s’acquitte régulièrement de ses obligations en matière de pension alimentaire et que rien ne s’oppose donc à ce que la mère souscrive à un service d’accès à Internet, ce qui est facile à faire, y compris pour les téléphones portables.

3.6L’auteur affirme que l’État partie a également violé l’article 10 (par. 2) de la Convention selon lequel un enfant dont les parents résident dans des États différents a le droit d’entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. Il appelle l’attention sur le fait qu’en l’espèce, il n’existe pas de circonstances exceptionnelles qui l’empêcheraient d’avoir des relations avec sa fille. Bien qu’il se soit adressé aux autorités de l’État partie en de nombreuses occasions, il n’a reçu aucune réponse positive ou rapide.

3.7L’auteur affirme en outre que l’État partie a violé les articles 18 et 19 de la Convention. Il fait observer que ces articles évoquent les conséquences que la non‑exécution du régime de maintien des relations a pour sa fille. Il indique que les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement et que l’inaction de l’État partie s’agissant de garantir ses droits est manifeste.

3.8L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes prévus par la législation de l’État partie, puisqu’il est allé jusqu’au Tribunal d’appel pour enfants et adolescents, dont les décisions ne sont pas susceptibles de pourvoi devant la Cour suprême de justice. Il réaffirme que tous les juges de première comme de seconde instance ont refusé toute mesure provisoire, notamment la possibilité de communiquer avec sa fille par le truchement du Colegio San José, afin qu’il puisse au moins avoir de meilleures relations avec elle.

3.9L’auteur conclut qu’il existe une sentence judiciaire définitive, confirmée par le Tribunal d’appel. Il réaffirme avoir demandé diverses mesures aux autorités judiciaires, mais qu’il n’a jamais été donné suite aux demandes suivantes : a) modifier le régime de maintien des relations conformément à l’article 96 du Code de l’enfance et l’adolescence ; b) imposer les amendes prévues à l’article 236 du Code de l’organisation judiciaire ; c) l’autoriser à avoir des contacts avec sa fille par l’intermédiaire du Colegio San José. Il indique avoir manifesté à de nombreuses reprises que sa préférence irait aux deux premières options, laissant la troisième option, l’ouverture de poursuites pénales pour outrage à magistrat (loi no 4711), pour le cas extrême où la défenderesse persisterait à interdire toute communication avec l’enfant.

3.10L’auteur prie le Comité de déclarer la présente communication recevable et « de condamner l’État partie à lui prêter immédiatement assistance pour faire appliquer le régime de maintien des relations, en ordonnant que des garanties de non-répétition lui soient données et qu’une enquête soit menée en vue d’engager des poursuites et de condamner les responsables, en sus d’une indemnisation à raison des préjudices qui lui ont été causés ». Il fait savoir qu’il est disposé à trouver un règlement à l’amiable si l’État partie accepte d’intervenir énergiquement pour défendre ses droits et ceux de sa fille.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations du 4 septembre 2018, l’État partie soutient que la communication doit être déclarée irrecevable ratione temporis, conformément à l’article 7 (al. g)) du Protocole facultatif, puisque les faits allégués sont antérieurs à la date d’entrée en vigueur du Protocole pour l’État partie. Il rappelle que l’accord de conciliation initial conclu entre l’auteur et la mère de sa fille a été confirmé judiciairement par le jugement définitif no 139 du 30 avril 2015. Il considère qu’on ne saurait affirmer que les faits allégués en ce qui concerne C. R. se sont poursuivis sans interruption depuis le 20 avril 2017, date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie.

4.2L’État partie soutient également que, conformément à l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif, la communication est irrecevable parce que tous les recours internes n’ont pas été épuisés. Il fait observer que l’auteur ne s’est pas pourvu devant la Cour suprême de justice, qui pourrait statuer sur le fond du litige, selon les dispositions du Code de l’enfance et de l’adolescence. L’auteur s’est borné à saisir la chambre pénale de la Cour suprême de justice avec des effets purement procéduraux en déposant un recours pour retard dans l’administration de la justice en vertu des articles 412 et 414 du Code de procédure civile.

4.3L’État partie fait observer que le Secrétariat national de l’enfance et de l’adolescence a vérifié dans quelle situation se trouvait C. R. et a présenté un rapport dont il ressort que rien n’indique que les droits de la petite fille seraient lésés, car elle est scolarisée dans un établissement privé, vit avec sa mère dans un logement décent et entretient des contacts avec son père par Internet. La mère de C. R. a fait une déclaration dans laquelle elle décrit la relation entre C. R. et son père, indiquant qu’elle a, pour sa part, toujours insisté pour que la communication soit maintenue entre eux, qu’entre 2017 et 2018 elle s’est rendue avec C. R. en Argentine pour que l’enfant puisse voir son père et qu’elle a elle-même financé un de ces voyages.

4.4L’État partie indique qu’en vertu du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, il continuera de veiller au respect des droits qui sont reconnus à C. R. par les dispositions de la Convention et par la législation nationale en la matière.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires du 18 janvier 2019, l’auteur prie le Comité de rejeter les observations de l’État partie dans lesquelles celui-ci lui demande de déclarer la communication irrecevable. En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la communication doit être déclarée irrecevable rationae temporis, l’auteur soutient que l’État partie fait mine d’ignorer qu’il ressort des relevés d’appel téléphoniques que la communication entre l’auteur et sa fille demeure difficile à ce jour. Cet état de fait a commencé en 2015, s’est aggravé en 2017 et se poursuit jusqu’à présent, bien que le Tribunal d’appel ait enjoint à la mère de sa fille de faire davantage d’efforts pour permettre et faciliter la communication entre le père et sa fille. Il soutient que sa fille n’est venue qu’une seule fois en Argentine, pays dont elle est originaire. En outre, il indique qu’il est absolument faux de dire que la mère de C. R. s’est acquittée des obligations prévues par le régime de maintien des relations. Il fait observer que cette déclaration n’est accompagnée d’aucune preuve et que, jusqu’à présent, il n’a pas reçu sa fille en Argentine, contrairement à l’accord conclu avec la mère, et qu’il ne communique avec sa fille par téléphone que de façon sporadique.

5.2L’auteur fait observer que l’État partie n’a formulé aucun commentaire concernant son manque de collaboration s’agissant d’obliger la mère de sa fille à se conformer au jugement. Il ajoute que, alors que le Code de l’enfance et de l’adolescence prévoit un délai de six jours pour qu’un jugement soit rendu en première instance et un délai de dix jours en deuxième instance, ces délais n’ont pas été respectés. L’auteur a dû former des recours pour retard dans l’administration de la justice tant en première qu’en seconde instance.Il signale que, depuis le 20 avril 2017, date d’entrée en vigueur du Protocole à l’égard de l’État partie, la situation ne s’est pas améliorée.

5.3L’auteur signale que, non seulement il a offert une tablette à sa fille pour qu’elle puisse communiquer avec lui, mais qu’à la demande de la mère, il a également fourni un modem pour faciliter la connexion Internet. Malgré cela, la communication avec sa fille ne s’est pas améliorée. L’auteur rappelle qu’il s’est plaint de cet état de fait devant le pouvoir judiciaire, à qui il incombe de faire exécuter le jugement, mais qu’il n’a obtenu aucune des réponses prévues dans le système en vigueur dans l’État partie, à savoir l’imposition d’amendes, l’ouverture de poursuites pour outrage à magistrat ou la modification du régime de maintien des relations.

5.4En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur affirme que l’État partie a omis de citer la dernière partie de l’alinéa e) de l’article 7, qui se lit comme suit : « Cette règle ne s’applique pas si la procédure de recours excède des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elle permette d’obtenir une réparation effective ». Les demandes que l’auteur a adressées aux autorités judiciaires se sont toujours heurtées « à l’inefficacité, à l’inertie et à l’incapacité de faire exécuter un jugement prononcé par des juges paraguayens, qui concernait une petite fille et son père de nationalité argentine ». L’auteur affirme que le non-respect répété des délais prescrits montre que la justice paraguayenne n’est pas disposée à répondre comme il se doit à ses demandes et que, bien qu’il ait été décidé de renvoyer le dossier au ministère public en vue de l’ouverture de poursuites pour outrage à magistrat, jusqu’à présent aucune suite n’a été donnée à cette ordonnance rendue à la majorité des membres du Tribunal d’appel.

5.5L’auteur signale que, contrairement à ce que prétend l’État partie, il ne lui était pas loisible, par la procédure ordinaire, de se pourvoir devant la Cour suprême de justice, et ce, d’autant moins que l’appel qu’il a interjeté a été accueilli. Il fait observer que ni l’article 28 du Code de l’organisation judiciaire, ni la loi no 609/1995 qui régit le fonctionnement de la Cour suprême de justice ne prévoient que les dossiers concernant des enfants soient examinés par cette instance. Il réitère son argument selon lequel seule la partie défenderesse (la mère de sa fille) pourrait éventuellement contester l’arrêt du Tribunal d’appel et, comme elle ne l’a pas fait, cette décision judiciaire a acquis la force nécessaire pour être exécutée, à la suite des manquements répétés de la mère concernant le régime de visite et l’inaction de l’État paraguayen face aux nombreuses réclamations introduites par l’auteur. Il n’appert pas que, dans des cas semblables, on puisse aller jusqu’au troisième ressort, pas même en se référant aux règles supplétives du Code de procédure civile. La décision du Tribunal d’appel a été rendue dans le cadre d’un appel interjeté contre une décision interlocutoire de première instance, c’est pourquoi l’article 403 du Code de procédure civile ne s’applique pas en l’occurrence.

5.6De plus, l’auteur fait observer qu’aucune suite n’a été donnée aux démarches entreprises auprès du Secrétariat de l’enfance et de l’adolescence de l’État partie et auprès de l’établissement scolaire privé San José fréquenté par sa fille pour que les contacts entre père et fille soient facilités.

5.7L’auteur maintient que, malgré la promulgation, le 30 mai 2018, de la loi no 6038/2018 portant modification du Code de l’enfance et de l’adolescence, la situation de non-exécution de la sentence persiste, de même que les difficultés qu’il a à entretenir des contacts avec sa fille. L’auteur renvoie à des constatations du Comité des droits de l’homme dans laquelle le Comité a fait observer que :

l’auteur a obtenu une autorisation judiciaire pour que ses filles passent quelques jours avec lui, autorisation qui n’a pu aboutir en raison du refus de la mère. Les autorités n’ont pris aucune mesure pour que l’ex-épouse de l’auteur se plie à cette décision de justice.

Le Comité a conclu que l’État partie n’avait pas pris les mesures nécessaires pour garantir le droit à la protection de la famille consacré par l’article 23 du Pacte en faveur de l’auteur et de ses filles. De même, l’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme pour étayer l’argument selon lequel le droit à un jugement équitable inclut le droit à ce que les instances judiciaires statuent sans délai et que la nature même des procédures relatives à la garde d’enfants ou au droit de visite d’un parent divorcé exige qu’il soit rapidement statué sur les questions qui ont fait l’objet de plaintes.

5.8L’auteur demande que l’État partie assure gratuitement un soutien psychologique à sa fille et à la mère de sa fille pour faciliter les relations et prévenir l’apparition de nouveaux conflits familiaux. De même, il demande à l’État partie d’adopter les mesures prévues par le nouvel article 96 du Code de l’enfance et de l’adolescence, la loi no 4711 qui régit l’outrage à magistrat et l’article 236 du Code de l’organisation judiciaire, à savoir l’imposition d’amendes aux parties à un litige si elles ne respectent pas les dispositions judiciaires, aussi longtemps que la mère ne fera pas en sorte que sa fille puisse se rendre en Argentine pour voir son père.

Observations complémentaires de l’auteur

6.1Dans ses observations du 5 mars 2019, l’auteur demande à nouveau que soit prise une mesure provisoire par laquelle le Comité prie l’État partie d’imposer une astreinte à la mère de sa fille pour chaque journée où la communication entre l’auteur et sa fille n’aura pas eu lieu. De plus, l’auteur fait savoir que, le 31 décembre 2018, il a conclu avec la mère de sa fille un accord tendant à modifier le régime de maintien des relations énoncé dans le jugement rendu par le Tribunal pour enfants et adolescents de la ville de Luque, lieu de résidence actuel de la petite fille. Néanmoins, l’accord n’a pas été respecté.

6.2En janvier 2019, la mère a décidé de façon arbitraire de bloquer les appels de l’auteur, et sa fille n’est pas allée lui rendre visite en Argentine comme cela était prévu. Le 1er février 2019, l’accord modifiant le régime de visite a été présenté au Tribunal.

6.3Le 20 février 2019, l’auteur a demandé au Tribunal pour enfants et adolescents d’Asunción l’application des mesures prévues à l’article 96 du Code de l’enfance et de l’adolescence. Il fait observer que le Tribunal n’a pas respecté le délai de trois jours et qu’il n’a toujours pas convoqué l’audience. Il soutient au contraire qu’il l’a déjà admonesté pour non-respect du régime de visite, ce qui ne figure pas dans le dossier. L’auteur explique à ce sujet qu’en raison de la situation économique difficile que traverse l’Argentine et du fait qu’il ne peut pas prendre de congés, il n’a pu se rendre au Paraguay comme il l’aurait souhaité pour voir sa fille, sans que cela ne diminue en rien son désir d’être présent et d’avoir des contacts téléphoniques avec elle. Il indique qu’il n’a aucun contact avec sa fille, ainsi qu’il ressort du relevé des appels sur WhatsApp auxquels la mère n’a pas répondu. Il répète que, bien qu’il ait fourni un modem pour permettre une connexion Internet, il n’a toujours pas de contact avec sa fille. Il répète également que, bien qu’il se soit plaint de cette situation au pouvoir judiciaire, il n’a obtenu aucune des réponses prévues par la loi.

6.4Dans ses commentaires du 29 août 2019, l’auteur signale que les autorités de l’État partie continuent à refuser de faire exécuter comme il se doit le jugement prononcé par le Tribunal.

6.5Le 11 mars 2019, le Tribunal pour enfants et adolescents a fixé une audience pour le 18 mars 2019, violant une fois de plus le principe de célérité prévu par la loi no 6038/2018. Au cours de l’audience, la mère de sa fille a nié les faits et il n’a pas été pris acte des preuves documentaires versées au dossier.

6.6Le 30 avril 2019, le Tribunal d’appel pour enfants et adolescents a rejeté la demande de mesures provisoires de l’auteur par voie de décision interlocutoire AI no 107, confirmant la décision du tribunal de première instance de Luque en date du 18 février 2019.

6.7Le 8 juillet 2019, par décision interlocutoire AI no 278, l’auteur a de nouveau enjoint à la mère de sa fille d’appliquer le jugement définitif SD no 139 du 30 avril 2015 et, à titre de mesure provisoire, la communication entre père et fille par l’intermédiaire du Colegio San José a été autorisée. L’auteur indique que le Tribunal a reconnu expressément qu’il avait demandé que la mère de sa fille soit passible d’astreinte pour chaque journée de non-respect du jugement, mais qu’il ne s’est pas prononcé à propos de cette demande. Selon l’auteur, cela montre que la décision du Tribunal porte atteinte au principe de congruence, au droit de se plaindre aux autorités et au droit qu’il a d’entretenir des relations avec sa fille auxquels il n’a pas pu donner effet entre décembre 2018 et juin 2019.

6.8L’auteur soutient qu’étant donné le risque qu’à l’avenir, la mère de sa fille persiste dans l’attitude qu’elle a eue jusqu’à présent et continue d’empêcher tout contact entre l’enfant et son père, il est nécessaire de donner effet à l’article 96 de la loi no 6083/2018.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

7.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication de l’auteur doit être déclarée irrecevable ratione temporis parce que les faits qui y sont dénoncés − le non‑respect de l’accord qui régit les visites et les autres formes de contact et a été confirmé judiciairement par le jugement définitif no 139 du 30 avril 2015 − ne se « sont pas produits sans interruption » depuis le 20 avril 2017, date à laquelle le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie. Le Comité rappelle que, conformément à l’article 7 (al. g)) du Protocole facultatif, il est interdit ratione temporis d’examiner une communication lorsque les faits qui en font l’objet sont antérieurs à la date d’entrée en vigueur du présent Protocole à l’égard de l’État partie intéressé, à moins que ces faits ne persistent après cette date. Il prend note de l’argument de l’auteur selon lesquels les violations des dispositions de la Convention se sont poursuivies après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, puisqu’il a continué à avoir des difficultés à communiquer avec sa fille et à rester en relation avec elle après le 20 avril 2017, malgré les différentes plaintes qu’il a déposées contre les autorités judiciaires de l’État partie pour non-exécution du jugement qui régit les visites et les autres formes de contact entre lui et sa fille. Par conséquent, il considère qu’en l’espèce, les violations dénoncées par l’auteur se sont poursuivies après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Il conclut donc qu’il n’est pas empêché ratione temporis par l’article 7 (al. g)) du Protocole facultatif d’examiner la communication.

7.3Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel, au moment du dépôt de la communication, l’auteur n’avait pas épuisé les recours internes disponibles parce qu’il n’avait pas saisi la Cour suprême de justice pour qu’elle statue sur le fond du litige, conformément aux dispositions du Code de l’enfance et de l’adolescence. Cependant, il note que l’auteur affirme qu’il ne lui était pas loisible, en l’espèce, de se pourvoir devant la Cour suprême de justice parce que la législation de l’État partie ne prévoit pas qu’une « procédure incidente » puisse aller jusqu’au troisième ressort. En particulier, il prend note de l’argument de l’auteur selon lequel, conformément à l’article 403 du Code de procédure civile, l’arrêt du Tribunal d’appel pour enfants et adolescents, qui a été rendu dans le cadre d’un appel interjeté contre une décision interlocutoire de première instance, ne pouvait pas être soumis à la Cour suprême de justice (par. 5.5, supra). Il observe que l’auteur a présenté en de nombreuses occasions, avant et après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie, des plaintes pour non-exécution du jugement définitif no 139 du 30 avril 2015 qui régit les relations entre lui et sa fille, ainsi que des demandes de mesures provisoires et des plaintes pour retard dans l’administration de la justice, y compris devant la Cour suprême de justice. Il observe également que l’État partie n’a pas précisé en quoi un recours de plus devant la Cour suprême de justice aurait pu s’avérer utile et approprié aux circonstances de la cause. Compte tenu de la nature du sujet à l’examen, il considère que l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles s’agissant de sa plainte déposée devant les autorités judiciaires de l’État partie. En conséquence, le Comité conclut que l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente communication.

7.4Le Comité considère que les griefs soulevés par l’auteur au titre des articles 18 et 19 de la Convention n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

7.5Le Comité considère que, aux fins de la recevabilité, l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il soulève au titre des articles 3, 4, 5, 9 (par. 3) et 10 (par. 2) de la Convention au motif que l’État partie n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et n’a pas appliqué la décision de justice établissant un droit de visite et garantissant le droit de sa fille de maintenir des contacts personnels et directs avec lui. Par conséquent, il considère que la plainte est recevable et décide de procéder à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 10 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité doit notamment déterminer si, en l’espèce, l’État partie a adopté des mesures efficaces pour garantir le droit de la fille de l’auteur d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec son père. L’auteur affirme en outre que les autorités de l’État partie n’ont pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, sachant que la relation de la petite fille avec son père et sa famille est essentielle pour son développement et devrait être une considération primordiale dans les procédures nationales.

8.3à cet égard, le Comité prend note en particulier des arguments de l’auteur selon lesquels : a) l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer l’exécution du jugement définitif no 139 du 30 avril 2015 régissant les visites et les autres formes de contact entre l’auteur et sa fille, et les effets de cette décision ont persisté au-delà du 20 avril 2017, date de l’entrée en vigueur du Protocole pour l’État partie ; b) l’auteur a dû former divers recours pour retard dans l’administration de la justice contre les tribunaux de première et de seconde instances ; c) en dépit du rapport soumis par l’assistante sociale, les autorités de l’État partie n’ont pris aucune des mesures prévues par la législation pour garantir la bonne exécution du jugement définitif no 139 du 30 avril 2015 (par. 3.9, supra).

8.4Conformément à l’article 9 (par. 3) de la Convention, les États parties ont l’obligation de respecter le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant :

La préservation du milieu familial englobe la préservation des attaches de l’enfant au sens large. Ces attaches […] ont une importance particulière si les parents sont séparés et vivent dans des lieux différents.

Par conséquent, le Comité doit déterminer si les autorités de l’État partie ont pris des mesures efficaces pour préserver les relations personnelles et les contacts entre l’auteur et sa fille.

8.5Le Comité rappelle qu’en règle générale, il est de la compétence des autorités nationales d’interpréter et d’appliquer la législation nationale, à moins qu’un tel examen ne soit manifestement arbitraire ou constitue un déni de justice. Il appartient au Comité de vérifier qu’il n’y a pas eu d’arbitraire ou de déni de justice dans l’évaluation à laquelle ont procédé les autorités et de s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant a été une considération primordiale dans cette évaluation.

8.6À cet égard, le Comité note qu’un régime de visites a été établi pour l’auteur et sa fille en application de la décision no 139 du 30 avril 2015. Cependant, malgré les demandes répétées présentées par l’auteur au fil des ans pour que cette décision soit exécutée, et malgré une décision de justice du 25 avril 2017 ordonnant à la mère de faciliter les conversations entre C. R. et l’auteur sur Skype, la décision n’a pas été exécutée. Le Comité prend également note de l’argument de l’auteur, non contesté par l’État partie, selon lequel, en dépit de la décision de mai 2016 ordonnant l’intervention d’une assistante sociale et de la décision du 8 juillet 2019 autorisant à titre de mesure provisoire la communication entre père et fille par l’intermédiaire du Colegio San José, C. R. n’a pas pu exercer son droit à maintenir des contacts directs, personnels et réguliers avec son père pendant plus de quatre ans.

8.7Le Comité considère que les procédures judiciaires portant sur les droits de visite entre un enfant et un parent dont il est séparé doivent être menées rapidement, car le passage du temps peut avoir des conséquences irréparables sur les relations entre l’enfant et son parent. Cela inclut la mise en œuvre rapide des décisions résultant de ces procédures. En l’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’auteur, non contesté par l’État partie, selon lequel, malgré ses nombreuses tentatives pour faire respecter le régime de visites établi par la décision du 30 avril 2015, cette décision n’a pas été mise en œuvre et il n’a pas été en mesure de maintenir des contacts réguliers et effectifs avec sa fille au fil des ans. À cet égard, le Comité prend note des observations faites par la mère à l’assistante sociale et consignées dans l’ordonnance interlocutoire no 60 du 25 avril 2017, selon lesquelles elle n’avait pas les moyens d’assurer la connexion à Internet et c’était la petite fille qui, n’ayant pas passé beaucoup de temps avec son père, ne souhaitait pas partir en vacances avec lui. Au moment où le tribunal a rendu sa décision, il a estimé que l’intérêt supérieur de l’enfant était d’avoir des contacts avec son père. Si cette décision de justice avait été effectivement exécutée, le problème de l’éloignement progressif de l’enfant par rapport à son père aurait pu être évité. Dans ces conditions, le Comité estime que les autorités n’ont pas pris en temps utile des mesures suffisantes pour que la mère de la fille de l’auteur se conforme à la décision du tribunal.

8.8Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que le fait que l’État partie n’ait pas adopté de mesures effectives pour garantir le droit de la fille de l’auteur de maintenir de manière régulière des relations personnelles et des contacts directs avec son père a empêché l’intéressée de jouir des droits qui lui sont reconnus par la Convention. Dans les circonstances particulières de l’espèce, notamment le temps écoulé depuis la décision de justice de 2015 par laquelle ont été établis les droits de visite, et compte tenu du jeune âge de la fille de l’auteur à l’époque, le Comité estime que les autorités n’ont pas fait appliquer les décisions du tribunal de manière opportune et efficace et qu’elles n’ont pas pris les mesures nécessaires pour garantir l’exécution de ces décisions de manière à assurer le maintien de contacts entre l’auteur et sa fille. Il conclut que cela constitue une violation des articles 3, 9 (par. 3) et 10 (par. 2) de la Convention.

8.9Ayant conclu à une violation des articles 3, 9 (par. 3) et 10 (par. 2) de la Convention, le Comité n’estime pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les mêmes faits constituent une violation distincte des articles 4 et 5 de la Convention.

8.10Le Comité des droits de l’enfant, agissant en vertu l’article 10 (par. 5) du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 3, 9 (par. 3) et 10 (par. 2) de la Convention.

9.En conséquence, l’État partie devrait accorder à la fille de l’auteur une réparation effective pour les violations subies, et en particulier veiller à l’adoption de mesures efficaces pour garantir l’exécution du jugement définitif no 139 du 30 avril 2015 établissant le régime de visites entre l’auteur et sa fille, y compris des mesures d’accompagnement et la fourniture d’autres services d’appui adaptés et proactifs visant à reconstruire la relation entre la fille et son père, sur la base d’une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant à l’heure actuelle. L’État partie a également l’obligation de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. à cet égard, le Comité lui recommande :

a)D’adopter les mesures nécessaires pour que les décisions de justice soient immédiatement et effectivement appliquées, d’une manière adaptée aux besoins des enfants, afin de rétablir et de maintenir le contact entre l’enfant et ses parents ;

b)De dispenser une formation aux juges, aux membres du Secrétariat national de l’enfance et de l’adolescence et aux autres professionnels compétents sur le droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents et, en particulier, sur son observation générale no 14.

10.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est aussi invité à faire figurer des renseignements sur ces mesures dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. Enfin, il est invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement.