Observations finales concernant le rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique de Nauru *

Le Comité a examiné le rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique de Nauru (CEDAW/C/NRU/1-2) à ses 1538e et 1539e séances (voir CEDAW/C/SR.1538 et CEDAW/C/SR.1539), le 27 octobre 2017. La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/NRU/Q/1-2 et les réponses de Nauru, dans CEDAW/C/NRU/Q/1-2/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre de l’intérieur, de la santé, de l’éducation et de la gestion foncière, MmeCharmaine Scotty, et composée de la Secrétaire aux affaires intérieures et de représentants du Département des affaires féminines, de la Division des services axés sur la famille et la collectivité et de la Division des services de protection de l’enfance du Ministère de l’intérieur, ainsi que de l’Équipe régionale d’éducation en matière de droits de la personne de la Communauté du Pacifique.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie en 2011 en ce qui concerne les réformes législatives, notamment l’adoption des textes ci-après :

a)La loi de 2017 relative à la violence familiale et à la protection de la famille;

b)La loi de 2016 sur la fonction publique garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale, ainsi qu’un congé de maternité et de paternité;

c)La loi de 2016 sur les infractions pénales abrogeant le Code pénal de 1899 et élargissant la définition du viol, érigeant en infraction le viol conjugal et supprimant l’exigence de corroboration dans les affaires d’infraction sexuelle ainsi que l’admissibilité en preuve des antécédents sexuels du plaignant;

d)La loi de 2015 portant modification de la loi relative à l’adoption d’enfants offrant tant aux filles qu’aux garçons davantage de possibilités d’être adoptés par des familles;

e)La loi de 2011 sur l’éducation garantissant que les femmes et les filles ont le même accès que les hommes et les garçons à l’éducation, portant l’âge de l’enseignement obligatoire de 16 à 18 ans et prévoyant des mesures disciplinaires pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les écoles.

Le Comité félicite l’État partie de l’action qu’il mène pour améliorer son cadre institutionnel et général visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes, notamment par l’adoption des textes ci-après :

a)La Politique nationale sur le handicap (2015) tenant compte des préoccupations et des problèmes auxquels font face les personnes handicapées, y compris les femmes et les filles;

b)La Politique nationale en faveur des femmes (2014-2024) fournissant aux pouvoirs publics, à la société civile et aux représentants de la collectivité des orientations en vue d’atteindre les objectifs fixés en matière de promotion de l’égalité des sexes;

c)Le Plan d’action en faveur des jeunes femmes (2009-2015);

d)Le Plan d’action en faveur des femmes (2005-2015) visant à améliorer la qualité de vie des femmes;

e)La Stratégie nationale de développement durable (2005-2025) reconnaissant les droits des femmes, favorisant l’égalité des chances et énonçant l’engagement pris d’intégrer la problématique hommes-femmes dans tous les secteurs;

f)Le Plan national en faveur de l’égalité des sexes offrant un appui aux femmes et aux filles touchées par la violence familiale, l’alcoolisme et la grossesse précoce.

Le Comité se félicite que depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur son territoire, l’État partie ait ratifié ou accédé aux instruments internationaux ci-après :

a)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif, en 2012 et en 2013;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2012.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention .

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention

Le Comité constate avec préoccupation que la Convention est peu appliquée dans la pratique et qu’elle n’est pas suffisamment mise en avant en tant que fondement juridique des mesures visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues afin que la Convention et les recommandations générales du Comité soient suffisamment connues et appliquées par tous les organes de l ’ État, y compris le Parlement et le système judiciaire, comme cadre de référence pour toutes les lois, les décisions de justice et les politiques relatives à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme.

Définition de la discrimination

Le Comité prend note que la Constitution garantit l’exercice des libertés et des droits fondamentaux, sans distinction de sexe. Il déplore toutefois qu’elle ne donne pas une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes et n’énonce pas le principe de l’égalité des hommes et des femmes comme le prévoient les articles 1 et 2 a) de la Convention. Il s’inquiète également que la Constitution n’interdise pas explicitement les formes conjuguées de discrimination touchant les femmes. Cette lacune fait qu’il n’existe pas de législation adéquate ni de mesures spécifiques pour l’exercice des droits des femmes à Nauru.

Le Comité recommande que, dans des délais clairement définis, l’État partie :

a) Incorpore dans la Constitution une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes, conformément à l’article premier de la Convention, couvrant les formes directes, indirectes et conjuguées de discrimination, ainsi que la discrimination dans les sphères publique et privée ;

b) Incorpore le principe de l ’ égalité des femmes et des hommes dans la Constitution;

c) Examine toutes les lois existantes, y compris celles régissant le mariage et les rapports familiaux, et élimine toutes les dispositions discriminatoires afin de faire en sorte que les lois soient conformes aux principes d ’ égalité et de non-discrimination consacrés dans la Convention.

Accès à la justice

Le Comité note avec satisfaction que les femmes bénéficient gratuitement de l’assistance d’un avocat commis d’office et que celles qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants peuvent demander une réduction des frais de justice. Il s’inquiète toutefois que de nombreuses femmes ne connaissent pas leurs droits ni les moyens qui existent pour les faire valoir. Il note également avec préoccupation que de nombreuses victimes qui signalent des actes de violence sexiste à la police renoncent souvent à intenter une action en justice.

Rappelan t sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en œuvre des activités ciblées de vulgarisation pour diffuser efficacement des informations sur les mécanismes judiciaires, les dispositifs juridiques et la manière dont les femmes peuvent y avoir accès, et de promouvoir un contexte social dans lequel il est à la fois légitime et acceptable pour les femmes de faire valoir leurs droits;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles aient accès à une aide juridictionnelle et à des voies de recours efficaces en cas de violation de leurs droits;

c) De dispenser aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux autres responsables de l ’ application des lois une formation appropriée afin qu ’ ils soient mieux à même d ’ enquêter sur les affaires de violation des droits des femmes, d ’ en poursuivre les auteurs et de les juger, conformément au droit national et aux instruments internationaux pertinents.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité salue la création du Département des affaires féminines, de la Division des services axés sur la famille et la collectivité et de la Division des services de protection de l’enfance, qui relèvent du Ministère de l’intérieur. Il déplore toutefois l’insuffisance des ressources humaines et financières allouées au Département des affaires féminines, qui empêche ce dernier de prendre des initiatives préventives en faveur de l’égalité des sexes et affaiblit son autorité et sa capacité d’assurer la coordination au sein du Gouvernement.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes au Département des affaires féminines;

b) De renforcer davantage l ’ autorité du Département des affaires féminines au sein du Gouvernement et sa capacité d ’ assurer la coordination entre les institutions compétentes;

c) D ’ élaborer une stratégie d ’ intégration des questions de genre prévoyant une budgétisation tenant compte de ces questions et qui puisse être appliquée à l ’ ensemble des politiques et des programmes, à tous les niveaux, afin de toucher divers aspects de la vie des femmes;

d) De concevoir et d ’ exécuter des programmes de grande envergure, y compris un plan d’action national visant à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, en vue de parvenir à l’égalité des sexes;

e) De mettre en place un mécanisme national de collecte systématique de données, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique et autres facteurs pertinents, afin d ’ évaluer les progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes tant dans la sphère publique que privée;

f) D’utiliser les résultats de l’Étude sur la santé des familles et les services de soutien à Nauru (2014) pour orienter les politiques connexes, et de collaborer avec les organisations féminines, les hommes en tant que partenaires, les médias et le secteur privé.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate avec préoccupation que la législation ou les politiques de l’État partie ne prévoient aucune mesure temporaire spéciale et que les femmes et les hommes s’opposent à l’introduction de ces mesures, signe que le grand public comprend mal leur objet et leur caractère non discriminatoire.

Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et rappela nt sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie d ’ adopter et d’appliquer des mesures temporaires spéciales, y compris des objectifs, des quotas réglementaires et une budgétisation tenant compte de la problématique hommes-femmes, visant à parvenir à une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont défavorisées ou sous-représentées, en particulier dans la vie politique et publique, l’éducation, l’emploi et la santé .

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité déplore l’existence de stéréotypes sociaux et culturels dans l’État partie et constate avec préoccupation qu’aux yeux de la société nauruane, le rôle premier d’une femme est d’être épouse et mère au foyer, et que les hommes exercent un contrôle sur l’habillement, la mobilité et le comportement des femmes. L’omniprésence de stéréotypes sexistes ne fait qu’accroître la subordination des femmes et des filles en portant atteinte à leur statut social et à leur autonomie dans la société et en constituant une cause sous-jacente de la violence sexiste à leur égard. Le Comité s’inquiète également de ce que l’État partie ne s’occupe pas comme il faudrait de cette question.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les campagnes d ’ éducation et de sensibilisation à l’intention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société, y compris les dirigeants politiques, les responsables des collectivités et les chefs religieux et les enseignants, concernant l’égalité de fait entre les femmes et les hommes, en vue de les sensibiliser à l’égalité des sexes, ainsi qu’au rôle important et aux contributions des femmes dans les domaines public et privé;

b) De remanier les programmes et les manuels scolaires afin d’éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes, l’objectif étant d’agir sur les causes structurelles et culturelles de la discrimination à l ’ égard des femmes;

c) D’inciter les médias, notamment les médias sociaux, à lutter contre les stéréotypes discriminatoires et à donner une image positive de la femme et de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie publique et privée.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité salue l’action que mène l’État partie pour lutter contre la violence sexiste, notamment l’adoption de la nouvelle loi sur les infractions pénales et la mise en place de services de soutien tant pour les victimes que pour les auteurs d’actes de violence. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Les nombreux cas de violence à l’égard des femmes, en particulier de violence familiale et de violence sexuelle;

b)Le fait que les femmes signalent rarement les cas de violence à la police pour diverses raisons, au nombre desquelles on peut citer l’existence de stéréotypes discriminatoires, la stigmatisation des victimes et un manque de confiance dans la police;

c)Le peu de moyens dont disposent les autorités, y compris la police pour ce qui est des moyens criminalistiques, pour enquêter sur les allégations de violence sexiste à l’égard des femmes et y répondre de manière adéquate;

d)L’absence de collecte systématique de données sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations en ce qui concerne les actes de violence sexiste contre les femmes;

e)Les moyens limités dont dispose le centre d’accueil Safe House pour répondre efficacement aux besoins des victimes de violences.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l ’ égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer et de mettre en œuvre une législation et des politiques complètes, dont des plans d’action nationaux, pour prévenir la violence sexiste à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale, et y répondre comme il se doit;

b) De mettre au point des mécanismes efficaces de lutte contre la violence sexiste, y compris un mécanisme national multisectoriel d’orientation associant les juges, les agents de police locaux, les travailleurs sociaux et sanitaires et d ’ autres agents apparentés;

c) De former les responsables de l ’ application des lois, notamment les policiers et les magistrats, ainsi que les prestataires de services de santé et les travailleurs sociaux, afin qu’ils soient à même de répondre comme il convient aux besoins des victimes de violences sexistes, y compris de violences familiales et sexuelles, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes défavorisées comme les handicapées et les réfugiées et demandeuses d’asile;

d) De renforcer et d’étendre les services du centre Safe House et des autres centres d ’ accueil afin que les femmes et les filles qui sont victimes de violences sexistes aient accès à des conseils et à des services juridiques, à une formation professionnelle et à des activités rémunératrices;

e) D’élaborer et de mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation à l’intention des femmes, des hommes, des filles et des garçons afin de modifier les normes sociales et culturelles qui perpétuent les inégalités entre les sexes et la violence sexiste à l ’ égard des femmes et d’en finir avec la stigmatisation des victimes;

f) De veiller à ce que des ressources financières et autres soient mises à disposition en quantité suffisante pour appliquer efficacement les lois, les politiques et les programmes visant à prévenir et à combattre les violences faites aux femmes;

g) De collecter des données statistiques, ventilées selon le sexe, l ’ âge et le lien unissant l’auteur des violences et la victime, et des données sur le nombre de poursuites et de condamnations visant les auteurs de violence et sur les peines prononcées à leur encontre.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour lutter contre la traite des personnes et l’exploitation de la prostitution dans l’État partie et par la méconnaissance générale du problème. Il exprime également son inquiétude au sujet des capacités limitées en matière d’identification des victimes de la traite et du manque de formation spécialisée sur la traite d’êtres humains à l’intention du personnel des services de de répression.

Le Comité recommande à l’État partie de dispenser aux agents, y compris aux femmes, des services de répression et des services concernés une formation sur la traite d ’ êtres humains et l’exploitation de la prostitution afin qu ’ ils soient mieux à même d’identifier les victimes potentielles de la traite et de leur venir en aide. Il lui recommande aussi d ’ élaborer un mécanisme visant à lutter contre la traite des personnes et l’exploitation de la prostitution conformément aux instruments internationaux pertinents, et de prévenir la traite et l’exploitation de la prostitution, notamment grâce à des campagnes de sensibilisation sur les risques et le caractère criminel de la traite.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend acte que l’État partie n’a pas adopté de dispositions juridiques empêchant les femmes de participer à la vie politique et publique dans des conditions d’égalité et se félicite des initiatives que l’État partie a prises pour favoriser la participation politique des femmes, notamment au moyen de programmes de sensibilisation. Il constate toutefois avec préoccupation que les femmes sont nettement sous-représentées au Parlement et au Gouvernement, en particulier aux postes de décision, et que des stéréotypes discriminatoires et des pratiques de favoritisme font obstacle à leur pleine participation, sur un pied d’égalité, à la vie politique et publique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer une stratégie globale pour veiller à ce que des femmes soient nommées à des postes de décision dans des conditions d’égalité avec leurs homologues masculins, y compris au moyen d’activités de formation, d’un recrutement faisant place aux femmes et d’autres mesures;

b) D’adopter des mesures temporaires spéciales, telles que des quotas réglementaires, afin de garantir la représentation des femmes au Parlement et au Gouvernement, en particulier aux postes de décision, en vue d’accélérer l ’ instauration d’une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans la vie politique et publique;

c)De dispenser aux femmes, en particulier aux candidates potentielles, une formation sur les compétences en matière d’encadrement, afin de les préparer à assumer des fonctions d ’ élus et des fonctions publiques;

d) De mener des activités de sensibilisation sur l’importance de la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité, à la vie politique et publique;

e) D’associer pleinement les femmes à l’élaboration des politiques, programmes et plans d’action sur le développement, les changements climatiques et l’utilisation et l’héritage des biens fonciers.

Nationalité

Le Comité accueille avec satisfaction la modification récente apportée à la loi sur la citoyenneté, qui garantit aux femmes et aux hommes nés à Nauru les mêmes droits en matière de citoyenneté. Cependant, si l’article 74 de la Constitution permet à un homme nauruan de transmettre sa nationalité à son épouse étrangère, une femme nauruane ne jouit pas du même droit vis-à-vis de son époux étranger. Le Comité déplore que la Constitution défavorise les femmes nauruanes à cet égard.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier l’article 74 de sa Constitution afin de garantir aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’acquisition, le changement, la conservation ou la transmission de la nationalité, conformément à l’article 9 de la Convention.

Éducation

Le Comité félicite l’État partie des mesures qu’il a prises pour améliorer les taux de scolarisation et d’achèvement des études, en particulier le relèvement de l’âge de l’enseignement obligatoire de 16 à 18 ans, la promesse de récompenses aux élèves qui achèvent leur scolarité et la mise en place d’un programme de retour à l’école à l’intention de ceux qui ont abandonné le système éducatif. Il prend également note des efforts déployés par l’État partie pour élaborer, en collaboration avec les partenaires de développement, des programmes scolaires et des programmes d’information auprès de la population sur la santé sexuelle et procréative. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Les informations faisant état de la baisse des taux de scolarisation, des faibles taux d’achèvement des études secondaires et du niveau de réussite insuffisant des filles, et le fait que les femmes et les filles ont peu de possibilités d’aller à l’université;

b)Le taux élevé d’abandon scolaire des filles en raison, notamment, des grossesses précoces;

c)La sous-représentation des femmes et des filles dans les domaines d’études et les parcours professionnels non traditionnels ayant trait notamment aux technologies, aux mathématiques et aux sciences;

d)L’absence d’un enseignement adapté à chaque âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, y compris sur les comportements sexuels responsables, dans les écoles, et le manque de formations à l’intention des enseignants sur la non-discrimination et l’égalité des sexes;

e)Les informations selon lesquelles les filles réfugiées et demandeuses d’asile font l’objet d’actes de harcèlement, de brimades et de violences, qui les conduisent à abandonner l’école.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De s ’ employer à accroître les taux d ’ achèvement des études, de persévérance scolaire et d ’ inscription des femmes et des filles à tous les niveaux de l’enseignement, notamment en octroyant davantage de bourses d’études aux filles et en prévoyant des mesures incitatives et des subventions pour leur famille;

b) De veiller à ce que les filles qui réintègrent l’école après l’avoir quittée en raison d ’ une grossesse ou d ’ autres responsabilités familiales soient en mesure d’achever leurs études, en analysant les difficultés qu’elles rencontrent et en y remédiant;

c) D’inciter les femmes et les filles à poursuivre des études et à emprunter des parcours professionnels touchant des domaines non traditionnels, notamment les sciences, l’ingénierie et la gestion, en les formant à cette fin, en menant des actions de sensibilisation, en accordant des bourses d’études et en leur présentant des personnes sur qui prendre exemple;

d) D’introduire un enseignement complet, adapté à chaque âge, sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, y compris sur les comportements sexuels responsables, en mettant l’accent sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, et de former les enseignants à traiter ces sujets en tenant compte des disparités entre les sexes;

e) De veiller à ce que le droit et les grandes orientations en matière d ’ éducation tiennent compte des disparités entre les sexes, et d’intégrer la question de l’égalité des sexes dans les programmes d ’ enseignement à tous les niveaux.

Emploi

Le Comité accueille favorablement la loi de 2016 sur la fonction publique, qui énonce le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale et prévoit le droit des femmes au congé de maternité après six mois d’emploi. Il déplore toutefois que les femmes qui travaillent dans le secteur privé ne jouissent pas du même droit. Il est également préoccupé par l’absence de législation visant à interdire la discrimination sexiste sur le lieu de travail et à y remédier, le manque de structures d’accueil pour les personnes âgées et les enfants, le taux de chômage élevé chez les femmes et l’insuffisance des possibilités d’emploi offertes aux femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une législation interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail tant dans le secteur public que privé et de créer un mécanisme officiel de plainte permettant aux victimes de demander réparation;

b) De garantir le droit à des congés de maternité et de paternité rémunérés, à des pauses d’allaitement et à des congés de maladie suffisants tant dans le secteur public que privé, et d’interdire expressément le licenciement pour cause de grossesse ainsi que la discrimination fondée sur la situation matrimoniale;

c) D’améliorer l’accès des femmes à l’emploi à plein temps dans le secteur structuré de l ’ économie, notamment en créant des structures d ’ accueil publiques abordables pour les personnes âgées et les enfants afin que les aidants et les parents puissent concilier travail et vie de famille;

d) De renforcer les programmes de sensibilisation du public en mettant en particulier l ’ accent sur l’importance du partage des responsabilités familiales;

e) De promouvoir l ’ esprit d ’ entreprise et le développement des entreprises en améliorant l’accès des femmes aux dispositifs de microcrédit, à l’information, à la formation professionnelle et aux nouvelles technologies.

Santé

Le Comité félicite l’État partie pour ses investissements dans le secteur de la santé, notamment la fourniture de services médicaux gratuits, ainsi que la récente modernisation de l’hôpital et la mise en place à titre expérimental de dispensaires de proximité dans un district. Il demeure toutefois préoccupé par la situation sanitaire générale des femmes, en particulier en ce qui concerne :

a)Le manque de services de santé sexuelle et procréative, y compris l’accès limité aux contraceptifs modernes pour les femmes et les filles;

b)Le taux élevé de grossesses précoces et le nombre élevé de mariages d’enfants qui en résulte;

c)La criminalisation de l’avortement, sauf en cas de viol, d’inceste ou lorsque la vie ou la santé de la mère est en danger, ou en cas de malformation fœtale grave médicalement prouvée, et l’accès limité à des services d’avortement sûrs et légaux;

d)La nécessité d’obtenir l’accord du mari pour les décisions de santé relatives aux droits de la procréation, notamment pour une ligature des trompes, ce qui est incompatible avec l’article 63 de la loi sur les infractions pénales et la recommandation générale no 24 (1999) du Comité sur les femmes et la santé;

e)Le manque de données sur la santé en général, et en particulier sur la prévalence du cancer du col de l’utérus et du sein et sur les traitements mis à disposition des femmes et des filles;

f)L’état de santé mentale des femmes, en particulier chez les femmes et les filles réfugiées et demandeuses d’asile, et l’insuffisance des mesures prises pour remédier aux traumatismes physiques et psychologiques des femmes victimes de violence.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’une loi sur la santé publique et d’une stratégie nationale globale visant à renforcer les droits des femmes à la santé, notamment par le déploiement de dispensaires de proximité suffisamment dotés en ressources et en personnel dans les districts qui en sont encore dépourvus;

b) De promouvoir l’accès des femmes et des filles aux services de santé sexuelle et procréative, y compris l’accès à des services de consultation confidentiels, à des services de planification de la famille, à des contraceptifs modernes abordables et à des renseignements précis sur les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles;

c) D’adopter un programme national global de prévention des grossesses précoces, assorti de cibles et d’indicateurs précis, qui devrait comprendre une étude sur l ’ utilisation (actuellement faible) des contraceptifs, en particulier chez les jeunes, et d’assurer la gratuité de l’accès aux méthodes de contraception modernes pour toutes les femmes et les filles;

d) De dépénaliser l’avortement dans tous les cas et d ’ assurer l ’ accès des femmes à des services d’avortement médicalisés, notamment par la formation du personnel médical, de sorte que des avortements sans risques puissent être pratiqués en temps voulu dans l ’ État partie et à l ’ étranger;

e) De modifier sa législation afin qu’il ne soit plus nécessaire d’obtenir l’accord du mari pour les décisions de santé relatives aux droits de la procréation, notamment pour une ligature des trompes, et de veiller à ce que les travailleurs sanitaires aient connaissance de la recommandation générale n o 24 du Comité;

f) De collecter des données ventilées sur la prévalence du cancer du col de l’utérus et du sein, de former les médecins et les professionnels de la santé au dépistage précoce et d’allouer des ressources pour la création d’un service d’oncologie proposant aux femmes un dépistage régulier et en temps voulu du cancer;

g) D ’ assurer l ’ accès des femmes, en particulier des réfugiées et des demandeuses d’asile, à des services de santé mentale et de diffuser des informations sur les services de santé mentale existants.

Environnement et extraction du phosphate

Le Comité prend note des problèmes environnementaux spécifiques auxquels l’État partie fait face, notamment au regard des perspectives d’avenir de la production alimentaire locale, qui pèsent sur la santé et le bien-être des femmes et des filles nauruanes. Il s’inquiète que tout reste à faire pour remédier aux conséquences négatives que de longues années d’extraction du phosphate ont eues sur la santé des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une démarche tenant compte des disparités entre les sexes lors de la planification et de la mise en œuvre des politiques et des programmes relatifs à la restauration et à la valorisation des sols. Il lui recommande également de veiller à ce que ces politiques et ces programmes tiennent pleinement compte des besoins et des préoccupations des femmes et que celles-ci participent pleinement à tous les processus de prise de décisions dans ces domaines. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures spéciales pour remédier aux problèmes de santé des femmes résultant de l’extraction du phosphate.

Impact des changements climatiques sur les femmes

Le Comité prend acte de la vulnérabilité de l’État partie face aux changements climatiques et constate avec préoccupation que ces derniers ont des effets disproportionnés sur les femmes et les filles et que les femmes n’ont pas suffisamment de possibilités de participer utilement à l’élaboration des politiques et à la prise des décisions relatives aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les femmes puissent participer pleinement et utilement à la planification et à la mise en œuvre des politiques et des programmes concernés, y compris au sein des organes de décision. Il recommande également d ’ adopter une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans les politiques et les programmes nationaux afin que les besoins et les préoccupations des femmes soient pleinement pris en considération et intégrés, et d ’ évaluer les effets de ces politiques et de ces programmes sur les femmes.

Accès des femmes à la terre

Le Comité relève que, par tradition, l’État partie est une société matrilinéaire. Il estime toutefois préoccupant que le système de propriété foncière actuellement en vigueur ne garantit pas aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en matière de propriété foncière et d’héritage et ce, malgré la forte proportion de femmes chefs de famille, puisqu’elles dirigent plus d’un tiers de tous les ménages. Il est aussi préoccupé par le fait qu’il n’est pas pleinement tenu compte de l’opinion des femmes lors de la prise des décisions liées à l’héritage, à la location ou à l’utilisation des terres.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les femmes aient des droits égaux à ceux des hommes en matière de propriété foncière et d’héritage de biens fonciers et d’éliminer les pratiques discriminatoires qui entravent le plein exercice de ces droits, notamment en veillant à ce que les responsables locaux, les juges et les magistrats reçoivent la formation nécessaire pour défendre les droits fonciers des femmes;

b) De veiller à ce que les femmes participent pleinement et utilement aux négociations des accords de location et d’utilisation des terres et à ce que ces accords ne portent pas préjudice à leurs moyens de subsistance.

Femmes handicapées

Le Comité salue les initiatives prises par l’État partie pour répondre aux besoins des femmes et des filles handicapées, notamment la fourniture de prestations sociales et la modernisation des infrastructures scolaires pour les rendre accessibles aux élèves handicapés. Il constate cependant avec préoccupation que la plupart des personnes handicapées vivent à domicile, faisant peser une charge de travail disproportionnée sur les femmes, et que les filles handicapées ne sont pas intégrées dans le système éducatif ordinaire.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place des installations sanitaires publiques destinées aux personnes handicapées et de prévoir des aménagements raisonnables pour que les filles handicapées puissent étudier dans le système éducatif ordinaire. Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour protéger les droits des femmes et des filles handicapées et leur assurer l’accès aux soins de santé, à la vie sociale et aux possibilités économiques.

Réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité prend note de l’action menée par l’État partie pour améliorer la situation des femmes et des filles réfugiées et demandeuses d’asile envoyées par l’Australie et vivant actuellement au Centre régional d’accueil et d’orientation des réfugiés et dans des camps de détention. Il s’inquiète toutefois de leur vulnérabilité face aux formes conjuguées de discrimination et de leur accès limité aux services de base, notamment les soins de santé, l’enseignement et les possibilités d’emploi, et craint pour leur sûreté et leur sécurité en général. Il déplore en outre le nombre élevé d’actes de violence sexiste, notamment de violence sexuelle, commis contre les réfugiées et les demandeuses d’asile et le préjudice moral causé par une détention prolongée.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer aux femmes et aux filles réfugiées et demandeuses d ’ asile un accès adéquat aux services de santé, dont les services de santé mentale et d ’ appui socio-psychologique, à l ’ enseignement et aux possibilités d ’ emploi, et de garantir leur sûreté et leur sécurité en général. Il lui recommande aussi de prévoir une protection et des mesures de réparation suffisantes pour les femmes et les filles réfugiées et demandeuses d ’ asile victimes de violences sexistes, en veillant à ce qu ’ elles aient accès à une aide juridictionnelle gratuite et en traduisant les auteurs de ces actes en justice, afin qu ’ ils ne restent pas impunis.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend acte de la création d’un tribunal des affaires familiales distinct. Il est toutefois préoccupé par le fait que la législation en vigueur régissant le mariage et les rapports familiaux est obsolète et contient des dispositions discriminatoires contraires à la Convention en ce qui concerne les unions libres, la contribution du père aux dépenses de grossesse et d’accouchement dans le cas de couples non mariés, les décisions octroyant le versement d’une pension alimentaire, la répartition des biens, la garde des enfants, l’adoption et le droit de visite.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ examiner, après consultation avec les parties prenantes, dont les associations féminines, l ’ ensemble de la législation en vigueur régissant le mariage et les rapports familiaux, notamment la loi de 1959 sur l ’ obligation d ’ entretien, la loi de 1973 sur les affaires matrimoniales, la loi de 1975 sur la tutelle des enfants et la loi de 2015 portant modification de la loi relative à l’adoption d’enfants, afin de garantir sa compatibilité avec les principes d ’ égalité et de non-discrimination et de la mettre pleinement en conformité avec la Convention et la Convention relative aux droits de l ’ enfant;

b) De modifier ou d ’ abroger toutes les dispositions discriminatoires relatives à la capacité juridique, au mariage, au divorce, aux unions libres, à l ’ héritage des biens fonciers, à la garde des enfants et à l ’ adoption;

c) De renforcer les diverses dispositions du droit de la famille et de les réunir dans un code de la famille unifié et complet pour assurer l ’ égalité des femmes et des hommes en matière de mariage, de divorce, d ’ héritage et de garde des enfants;

d) De garantir le statut et la protection juridique des droits économiques des femmes vivant en union libre et des enfants nés de ces unions, conformément à la recommandation générale n o  29 (2013) du Comité sur les conséquences économiques du mariage et des rapports familiaux et de leur dissolution;

e) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au tribunal des affaires familiales, y compris du personnel spécialisé dans le droit de la famille et des psychologues et des conseillers, et de veiller à ce que les spécialistes des questions judiciaires bénéficient de formations adéquates de portée générale, ainsi qu’aux fins du développement des compétences nécessaires pour faciliter le processus de réconciliation.

Protocole facultatif à la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du programme de développement durable à l’horizon 2030 .

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquels il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 29 b), 33 b), 33 f) et 39 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son troisième rapport périodique en novembre 2021. Le rapport doit être soumis dans les délais et, en cas de retard, devra couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chapitre I).