Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la Nouvelle-Zélande *

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de la Nouvelle-Zélande (CEDAW/C/NZL/8) à ses 1616e et 1617e séances (voir CEDAW/C/SR.1616 et CEDAW/C/SR.1617), le 12 juillet 2018. La liste de points qu’il a établie figure dans le document CEDAW/C/NZL/Q/8 et les réponses données par la Nouvelle-Zélande dans le document CEDAW/C/NZL/Q/8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité prend connaissance avec intérêt du huitième rapport périodique de l’État partie. Il remercie également les autorités néo-zélandaises de leur rapport de suivi (CEDAW/C/NZL/CO/7/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Sous-Secrétaire parlementaire du Ministre de la justice, Jan Logie, et composée de représentants du Ministère des femmes, du Ministère de la justice, du Te Puni Kokiri (Ministère du développement maori) et de la Mission permanente de la Nouvelle-Zélande auprès de l’Office des Nations Unies et autres organisations internationales basées à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note des avancées réalisées en matière de réformes législatives depuis l’examen en 2012 du septième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/NZL/7), et en particulier de l’adoption des textes suivants :

* Adoptées par le Comité à sa soixante-dixième session ( 2 - 20 juillet 2018 ).

a)loi de 2015 relative aux communications numériques pernicieuses, qui vise à prévenir et à atténuer les conséquences dommageables occasionnées aux femmes par l’utilisation des communications numériques et à offrir des voies de recours aux victimes ;

b)loi de 2014 relative aux enfants vulnérables, qui a contribué à mieux protéger le bien-être de ces enfants et de leur mère.

Le Comité rend hommage aux efforts déployés par l’État partie visant à améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination envers les femmes et de promouvoir l’égalité des sexes. Il salue notamment :

a)la création, en 2017, du poste de Sous-Secrétaire parlementaire du Ministre de la justice, qui a reçu pour mission de concevoir un système intégré et souple pour lutter contre les violences familiales ;

b)l’adoption du plan national en faveur des personnes handicapées originaires des îles du Pacifique, Faiva Ora 2016-2021, qui veille à ce que les femmes et les filles handicapées originaires de ces îles et les membres de leur famille bénéficient d’un appui plus efficace ;

c)l’adoption de la loi de 2013 portant modification de la loi sur le mariage (Définition du mariage), qui légalise le mariage homosexuel ;

d)le lancement de la stratégie d’éducation pour les Maoris, baptisée « Ka Hikitia : Accelerating Success 2013-2017 », dont l’objectif est de tendre à l’équité et à l’excellence dans l’éducation des élèves maoris ;

e)l’adoption du deuxième plan d’action national pour les droits de l’homme 2015-2019 ;

f)la mise en place de la nouvelle approche d’intervention intégrée en matière de sécurité, qui cherche à garantir la sécurité immédiate des femmes et enfants victimes de violences familiales.

Le Comité note avec satisfaction qu’au cours de la période ayant suivi l’examen du précédent rapport, l’État partie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui de la communauté internationale en faveur des objectifs de développement durable et appelle à s’employer, tout au long de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, à faire de l’égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes une réalité, conformément aux dispositions de la Convention. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination dans l’ensemble des 17 objectifs. Il exhorte l’État partie à apprécier à sa juste valeur le rôle moteur qu’ont les femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies à cet effet.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante ‑ cinquième session, en 2010 ). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention

Le Comité note que les sites Web du Ministère des femmes, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères et du commerce contiennent des informations sur la Convention et reproduisent notamment les rapports périodiques communiqués par l’État partie et les observations finales établies par le Comité à leur sujet. Il relève en outre que l’Institut d’études judiciaires et le Barreau de Nouvelle‑Zélande ont dispensé aux magistrats et avocats une formation sur la législation nationale et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il note cependant que la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant n’ont pas reçu l’écho dont ils devraient bénéficier dans l’État partie : en témoignent l’absence de références directes à la Convention dans les décisions de justice et le fait que les communications concernant l’État partie soumises au Comité par le biais de la procédure de recours prévue dans le Protocole facultatif ne sont pas évoquées. Il s’inquiète également de ce que les femmes ne connaissent manifestement pas les droits que leur confèrent la Convention. Il est par ailleurs préoccupé par la modicité du soutien apporté aux organisations de la société civile qui travaillent avec le Comité et par l’étiolement de la collaboration de l’État partie avec les organisations féminines de la société civile.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de continuer à mieux faire connaître aux femmes les droits que leur confère la Convention et les procédures prévues par le Protocole facultatif, en mettant plus particulièrement l ’ accent sur la notion d ’ égalité réelle  ;

b) de veiller à ce que la Convention, la jurisprudence établie par le Comité au titre du Protocole facultatif, ainsi que les recommandations générales qu ’ il formule, fassent partie de la formation obligatoire des magistrats, des agents des services répressifs, des avocats, des travailleurs sociaux, du personnel médical et autres professionnels concernés  ;

c) de renforcer la coopération et les partenariats, notamment en apportant un soutien, d ’ ordre financier mais aussi sous d ’ autre formes, aux organisations de la société civile qui viennent en aide aux femmes.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité note qu’en vertu de l’article 19-1 de la Charte néo-zélandaise des droits (« New Zealand Bill of Rights Act ») (1990) et de l’article 21) 1) a) de la loi sur les droits de l’homme (« Human Rights Act ») (1993), la discrimination fondée sur le sexe dans les sphères publique et privée, y compris la discrimination indirecte, est interdite. Il est néanmoins préoccupé par le fait que la législation de l’État partie relative à la discrimination envers les femmes n’est pas pleinement conforme aux articles 1 et 2 de la Convention. En outre, il s’inquiète de ce que :

a)la discrimination fondée sur l’identité de genre, l’expression du genre ou les caractéristiques sexuelles ne soit pas expressément interdite ;

b)seuls les documents d’orientation soumis à la Commission ministérielle pour le bien-être social (« Cabinet Social Wellbeing Committee ») doivent faire l’objet d’une déclaration quant à leurs incidences sexospécifiques et l’établissement de notes d’information ne soit pas obligatoire pour tous les projets de loi et ordonnances complémentaires du Gouvernement ;

c)les textes de loi adoptés dans l’État partie ne fassent généralement pas, dans leur formulation, de différence entre les sexes, ce qui peut se traduire par une protection inadaptée des femmes contre la discrimination directe et indirecte et faire obstacle à l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes.

Rappelant sa recommandation générale n o 28 ( 2010 ) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention et appelant l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 5 . 1 associée aux objectifs de développement durable (mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de modifier l ’ article 21 1 ) a) de la loi de 1993 sur les droits de l ’ homme, afin d ’ y inscrire l ’ interdiction expresse de toute discrimination fondée sur l ’ identité de genre, l ’ expression du genre et les caractéristiques sexuelles  ;

b) de promulguer le projet de loi visant à rendre obligatoires les notes d ’ information pour tous les projets de loi et instruments du Gouvernement et à s ’ assurer de leur conformité au regard des normes internationales relatives aux droits de l ’ homme  ;

c) d ’ intégrer dans sa législation, ses politiques et ses programmes une approche tenant compte des disparités entre les sexes plutôt que non sexiste, conformément au paragraphe 5 de la recommandation générale n o 28 du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention.

Accès à la justice

Le Comité demeure préoccupé par la persistance de multiples obstacles empêchant les femmes et les filles d’avoir accès à la justice et de disposer de voies de recours efficaces pour dénoncer les violations de leurs droits, en particulier les femmes rurales, les Maories, les femmes originaires du Pacifique ou d’Asie, les migrantes et les réfugiées, les femmes handicapées, les lesbiennes, les bisexuelles et les femmes transgenres ainsi que les personnes intersexuées. Il s’inquiète en particulier :

a)de la moindre disponibilité de l’aide juridictionnelle, le nombre d’avocats affectés aux services d’aide juridictionnelle n’ayant cessé de diminuer depuis 2011 ;

b)des connaissances juridiques limitées des femmes et du manque d’informations dont elles disposent quant aux voies de recours qui leur sont offertes, en particulier pour les femmes rurales et les migrantes ;

c)du peu de sensibilité à la problématique hommes-femmes au sein de l’appareil judiciaire, en particulier dans les tribunaux des affaires familiales, et notamment des attitudes négatives que peuvent avoir les juges et les agents des services répressifs envers les femmes qui se plaignent de violations de leurs droits.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 ( 2015 ) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de faciliter l ’ accès des femmes à l ’ aide juridictionnelle, en particulier pour les Maories, les migrantes et les femmes issues de minorités ethniques, notamment dans les juridictions civiles et celles chargées des affaires familiales  ;

b) de diffuser des informations, en particulier en milieu rural et dans les zones reculées, concernant les voies de recours offertes aux femmes dont les droits ont été bafoués  ;

c) de mieux prendre en compte la problématique hommes-femmes au sein du corps judiciaire, notamment en augmentant le nombre de femmes juges et en mettant davantage l ’ accent sur le renforcement systématique des capacités des juges, des procureurs, des avocats, des policiers et autres agents des services répressifs concernant la Convention.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a lancé, en 2015, un plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, qui couvre la période 2015-2019. Il se félicite également des programmes dont se sont dotées tant la Police que les Forces de défense néo-zélandaises en vue de recruter davantage de femmes, de maintenir ces effectifs féminins et de favoriser leur promotion à des postes de haut niveau, ce qui permettra à terme de disposer d’un plus grand nombre de femmes pour les missions de maintien de la paix. Il s’inquiète cependant du manque de consultation des organisations de défense des droits fondamentaux des femmes lors de l’élaboration du plan d’action et de l’insuffisance des ressources allouées à ce plan.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de continuer de s ’ engager à assurer la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et des résolutions ultérieures sur les femmes et la paix et la sécurité dans les pays touchés par un conflit, notamment en veillant à ce que son plan d ’ action national contribue à renforcer de façon significative la participation des femmes aux processus de paix  ;

b) de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de son plan d ’ action national et d ’ intensifier les consultations avec les organisations de défense des droits fondamentaux des femmes, afin d ’ associer réellement les femmes à toutes les étapes des travaux relatifs aux femmes et à la paix et à la sécurité.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie ou de plan d’action national pour la promotion des femmes, étant donné que le dernier plan n’a pas été renouvelé depuis 2009, et par le manque total de prise en compte de la problématique femmes‑hommes dans le budget de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ adopter et de financer comme il se doit la mise en œuvre d ’ un plan d ’ action national pour la promotion des femmes, et de renforcer le rôle et l ’ efficacité du Ministère des femmes en lui allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter de son mandat, qui consiste à promouvoir et protéger les droits des femmes  ;

b) d ’ intégrer, dans le processus de budgétisation, la problématique femmes-hommes afin de veiller à ce que cet aspect soit pris en compte par tous les organismes publics dans l ’ élaboration des textes de loi et des politiques.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité prend note du travail important effectué par la Commission néo‑zélandaise des droits de l’homme. Il constate toutefois avec préoccupation qu’au cours des dernières années, la Commission a vu ses ressources financières, techniques et humaines baisser sans discontinuer et que son mandat est actuellement limité par l’article 392 de la loi de 2009 sur l’immigration, qui l’empêche de recevoir des plaintes de migrants.

Le Comité renouvelle sa recommandation ( CEDAW/C/NZL/CO/7 , par . 16 c)) appelant l ’ État partie à doter la Commission néo-zélandaise des droits de l ’ homme des ressources humaines, techniques et financières voulues pour qu ’ elle puisse s ’ acquitter de son mandat, qui consiste à promouvoir et protéger les droits des femmes. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ abroger l ’ article 392 de la loi de 2009 sur l ’ immigration et de faire en sorte que la Commission soit habilitée à recevoir et traiter les plaintes émanant des migrants, conformément aux recommandations formulées en 2016 par l ’ Alliance globale des institutions nationales des droits de l ’ homme.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se réjouit des progrès accomplis par l’État partie dans la réalisation de l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir parvenir à la parité des sexes dans les commissions et conseils du secteur public, et se félicite de ce que la délégation de l’État partie soit prête à considérer la discrimination positive comme moyen de tendre plus rapidement à une réelle égalité entre les femmes et les hommes, en particulier dans le secteur privé.

Rappelant sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/NZL/CO/7 , par. 20 ), le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de recourir à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o 25 ( 2004 ) du Comité sur les mesures temporaires spéciales. Il lui recommande également d ’ adopter et d ’ appliquer des mesures de ce type, y compris des quotas, dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, notamment dans la vie politique et sur le marché du travail, ainsi que dans le secteur privé, en déployant davantage d ’ efforts spécifiquement axés sur la parité des sexes dans la composition des conseils du secteur public et sur un objectif de parité dans les conseils du secteur privé. Il lui recommande par ailleurs de sensibiliser les citoyens au caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales et à l ’ importance qu ’ elles revêtent pour la réalisation de l ’ égalité effective entre femmes et hommes.

Stéréotypes discriminatoires et pratiques préjudiciables

Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour éliminer les stéréotypes négatifs dont pâtissent les femmes, le Comité se déclare préoccupé :

a)par la forte persistance du cyberharcèlement dans les établissements d’enseignement secondaire, qui touche de manière disproportionnée les femmes et les filles handicapées et les étudiantes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées ;

b)par la rémanence de normes et pratiques culturelles préjudiciables profondément ancrées, notamment les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et les mariages forcés, le versement de dots, la polygamie et les crimes commis au nom de l’« honneur », ainsi que par le manque d’informations fiables en la matière ;

c)par la réalisation d’actes médicaux inutiles sur des nourrissons ou des enfants intersexués avant que ceux-ci n’atteignent un âge auquel ils sont à même de donner leur consentement, préalable, libre et éclairé, ainsi que par l’insuffisance du soutien et des conseils fournis aux familles d’enfants intersexués et des voies de recours offertes aux victimes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, en coopération avec les organisations de la société civile, en particulier les associations de femmes, les chefs communautaires, les enseignants et les médias, afin de créer un environnement favorable à l ’ égalité des sexes. Il recommande également à l ’ État partie :

a) de recueillir systématiquement des données sur les pratiques préjudiciables, y compris le cyberharcèlement des adolescentes, et de mettre en place des mesures, telles que des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires, pour empêcher de telles pratiques  ;

b) de poursuivre la lutte contre les pratiques préjudiciables, en particulier les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et les mariages forcés, le versement de dots, la polygamie et les crimes commis au nom de l ’ « honneur », et de collecter systématiquement des données ventilées par âge et origine ethnique sur ces pratiques préjudiciables  ;

c) d ’ adopter des dispositions législatives claires interdisant expressément de procéder à des actes chirurgicaux et à d ’ autres traitements médicaux inutiles sur les enfants intersexués avant qu ’ ils n ’ atteignent l ’ âge du consentement, d ’ offrir aux familles d ’ enfants intersexués des conseils et un soutien adéquats et de veiller à ce que les personnes intersexuées ayant subi de tels actes chirurgicaux et autres traitements médicaux inutiles puissent obtenir réparation.

Violences sexistes envers les femmes

Le Comité note que le Parlement est actuellement saisi d’un projet de loi sur les violences commises dans les familles et les whanau et qu’un projet de loi relatif à la protection des victimes sur le lieu de travail devrait être adopté prochainement. Il se félicite de la création d’un nouveau poste de Sous-Secrétaire parlementaire du Ministre de la Justice chargé des violences familiales et sexuelles et de la mise sur pied d’un conseil consultatif chargé de déterminer ce qui peut être fait pour prévenir les violences familiales, en passant notamment en revue les programmes existants. Il salue également la récente augmentation de la dotation financière allouée aux services d’appui en première ligne. Il est cependant préoccupé par l’absence de stratégie globale ou de plan d’action national pour la prévention et l’élimination des violences sexistes, la discontinuité des politiques gouvernementales menées au fil du temps n’ayant fait qu’aggraver la situation. Il demeure également préoccupé :

a)par le taux alarmant des violences sexistes dont les femmes sont l’objet dans l’État partie : une femme sur trois subit dans sa vie des violences physiques ou psychologiques exercées par un proche, en particulier des violences familiales et sexuelles, y compris le viol, qui touche de manière disproportionnée les femmes maories, les femmes issues de minorités ethniques, les femmes transgenres et les femmes handicapées, qui sont plus susceptibles d’être doublement traumatisées du fait du système néo-zélandais actuel ;

b)par le très petit nombre de signalements et le taux élevé de récidive, en particulier au sein de la communauté maorie, seuls 20 % des cas de violences familiales et 9 % des cas de violences sexuelles étant signalés à la police ;

c)par l’emploi de plus en plus fréquent de l’expression « family harm » (préjudice familial), qui fait abstraction de la problématique femmes-hommes, occulte le fait que les violences familiales constituent une violation des droits des femmes et minimise la gravité du caractère sexiste ces violences aux yeux de la police , des services sociaux et de la justice ;

d)par le fait que les ressources soient essentiellement affectées au traitement et à la réadaptation, la prévention était ici délaissée ;

e)par l’absence, pour les juges, les agents des services répressifs et le personnel des services sociaux, de programmes spécialisés systématiques de renforcement des capacités concernant l’application stricte des dispositions juridiques relatives aux violences sexistes et aux méthodes d’enquête tenant compte des disparités entre les sexes ;

f)par l’absence d’une source unique de données intégrant toutes les informations relatives aux violences familiales, ventilées par sexe, origine ethnique, type de violences et relations entre l’auteur et la victime, y compris des données sur le féminicide, ainsi que par le financement insuffisant des organismes, y compris les entités non gouvernementales, qui s’occupent de recueillir des données ;

g)par l’absence d’une démarche adéquate adaptée aux réalités culturelles, qui se traduit par des barrières culturelles et linguistiques, et par la méfiance à l’égard des pouvoirs publiques, qui fait que les femmes et les filles maories et celles issues de minorités ethniques hésitent à solliciter la protection des autorités face aux violences familiales et sexuelles et à demander réparation ;

h)par l’absence de liens et de coordination entre les ordonnances de sécurité édictées par la police et les ordonnances de protection prononcées par les tribunaux ;

i)par le fait qu’en dépit d’une apparente baisse du nombre de « classements sans suite », aucune augmentation du nombre d’affaires déférées à la justice n’ait été observée ;

j)par l’exposition accrue des femmes handicapées aux violences perpétrées par les aidants.

Compte tenu de la recommandation générale n o 35 ( 2017 ) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , et rappelant l ’ objectif de développement durable 5 . 2 tendant à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l ’ État partie, en vue d ’ intensifier ses efforts pour éradiquer la violence sexiste à l ’ égard des femmes et ses causes profondes :

a) d ’ adopter une stratégie globale, valable pour l ’ ensemble des parties, sur la lutte contre les violences sexistes faites aux femmes, conformément à la recommandation générale n o 35 , et de veiller à ce qu ’ elle soit systématiquement mise en œuvre, notamment en appliquant strictement les dispositions du projet de loi relatif aux violences commises dans les familles et les whanau, une fois celui-ci adopté, et en prévoyant des mesures spécialement destinées à protéger les femmes handicapées victimes de mauvais traitements de la part de leurs aidants  ;

b) de mettre en place des programmes de sensibilisation en collaboration avec les enseignants et les médias, y compris les réseaux sociaux, pour faire comprendre le caractère criminel des violences sexistes envers les femmes et encourager les victimes et les témoins à signaler de tels faits  ;

c) de mettre davantage l ’ accent sur les actions de renforcement des capacités et de sensibilisation et sur les formations à l ’ intention des juges, des agents des services répressifs et du personnel des services sociaux concernant toutes les formes de violences sexistes et les besoins spécifiques de protection des femmes migrantes, afin de veiller à ce que les victimes ne soient en aucun cas forcées ou pressées d ’ accepter la médiation ou d ’ autres méthodes de règlement des différends en lieu et place de poursuites pénales contre leur agresseur  ;

d) d ’ affecter des ressources à l ’ élaboration d ’ une stratégie globale de prévention des violences sexistes envers les femmes  ;

e) d ’ adopter des critères et directives tendant à dispenser une assistance juridique, psychologique et économique culturellement acceptable et axée sur les victimes qui reconnaisse les besoins particuliers des femmes et des filles maories, et celles issues des minorités ethniques, tout en veillant à ce que les efforts de sensibilisation aux réalités culturelles ne soient entrepris au détriment des obligations qui incombent à l ’ État partie au titre de la Convention  ;

f) de recueillir et de communiquer au Comité des données ventilées par âge, type de violences et relations entre l ’ auteur et la victime sur le nombre de cas de violences subies par des femmes ayant fait l ’ objet d ’ une enquête et sur le nombre de ceux ayant donné lieu à des poursuites, notamment des informations sur les sanctions prononcées contre leurs auteurs, le nombre de femmes victimes de violences qui ont bénéficié d ’ une assistance juridique et de services de soutien en la matière et le nombre de victimes qui ont obtenu réparation, y compris sous la forme d ’ une indemnisation pécuniaire  ;

g) d ’ assurer une coordination et une collaboration effectives entre les différentes entités en charge de la lutte contre les violences sexistes  ;

h) d ’ envisager de renouveler l ’ invitation qu ’ il a adressée à la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences  ;

i) de veiller à ce que le projet de loi relatif aux violences commises dans les familles et les whanau protègent les femmes handicapées contre les violences perpétrées par leurs aidants.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté en 2014 la loi relative à la lutte contre le crime organisé et la corruption ; ce texte, qui est venu modifier la loi de 1961 sur les infractions pénales, donne de la traite une définition plus large, qui englobe la traite intra-étatique et la traite à des fins de travail forcé. Le Comité relève également la création d’un groupe de travail interinstitutions chargé de combattre ce phénomène et de mettre au point des stratégies conjointes. Il demeure cependant préoccupé par :

a)les conséquences négatives que pourraient avoir sur les femmes migrantes l’article 19 de la loi de 2003 réformant la législation sur la prostitution ;

b)le risque d’exploitation ou de traite que courent les migrantes qui se livrent à la prostitution, l’interdiction faite aux migrants d’exercer de telles activités les empêchant de signaler des abus de peur d’être expulsées ;

c)le nombre minime de poursuites et de condamnations, et l’extrême légèreté des peines prononcées contre les trafiquants, qui s’expliquent peut-être par la difficulté de réunir toutes les preuves nécessaires et par la complexité des procédures ;

d)l’absence de plan national de lutte contre la traite, nonobstant l’évocation par un membre de la délégation de l’État partie d’un projet de mise à jour du plan national de lutte contre la traite d’êtres humains (2009), et le manque de coordination entre les services de l’État concernés ;

e)l’inclusion, dans la qualification des faits de traite requise par la loi de 2015 portant modification de la loi sur les infractions pénales, d’un nécessaire recours à la contrainte ou à la tromperie, sans qu’il y ait d’exception pour la traite d’enfants ;

f)les lacunes des dispositifs existants, qui peinent à identifier rapidement les victimes de la traite et à les orienter vers les services compétents, et le manque de foyers d’accueil spécialisés dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de modifier l ’ article 19 de la loi de 2003 réformant la législation sur la prostitution afin d ’ en limiter les conséquences négatives sur les migrantes  ;

b) de revoir la législation relative à l ’ immigration, de supprimer la possibilité de limiter la sanction pour actes de traite à une simple amende, et d ’ adopter des mesures visant à éviter que les femmes qui se livrent à la prostitution dans l ’ État partie ne soient victimes de discrimination, afin de mettre les migrantes à l ’ abri des facteurs et structures qui les rendent vulnérables à la traite  ;

c) de renforcer les dispositifs destinés à identifier, protéger et aider les victimes de traite et d ’ exploitation sexuelle, de leur fournir une assistance juridique et de recueillir systématiquement des informations complètes sur ces victimes pour ensuite les communiquer dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra au Comité  ;

d) d ’ adopter rapidement un nouveau plan national de lutte contre la traite des êtres humains qui soit conforme au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants  ;

e) de procéder à une révision de la loi de 2015 portant modification de la loi sur les infractions pénales afin de réprimer la traite d ’ enfants, même en l ’ absence de contrainte, de tromperie ou autres formes d ’ abus de pouvoir  ;

(f) de veiller à ce que les victimes d ’ actes de traite bénéficient d ’ une protection et d ’ un soutien adaptés, notamment en mettant à leur disposition des foyers spécifiques correctement équipés et dotés d ’ un personnel qualifié pour répondre à leurs problèmes et besoins particuliers, et en renforçant les mesures destinées à faciliter leur réinsertion à long terme.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend note de l’augmentation du nombre de femmes au Parlement et de l’élection, en 2017, de la troisième Première Ministre néo-zélandaise. Il constate également que les élections législatives tenues en 2017 ont porté au Parlement 38 % de femmes, et que parmi elles figuraient des Maories et d’autres femmes issues de minorités ethniques. Le Comité est toutefois préoccupé par le nombre peu élevé de femmes occupant des postes de direction à d’autres niveaux et dans d’autres secteurs : 19 % seulement des chefs d’entreprises cotées au premier marché de la Bourse de Nouvelle-Zélande sont des femmes, et 56 % des entreprises n’emploient aucune femme à un poste à responsabilité.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures temporaires spéciales consistant notamment en des objectifs, des quotas et des traitements préférentiels assortis de délais, afin d ’ accélérer l ’ égalité de représentation des femmes aux postes de décision, en tous domaines et à tous niveaux, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Éducation

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il a déployés pour multiplier les possibilités offertes aux femmes de travailler dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, ainsi que des technologies de l’information et de la communication. Il se réjouit en particulier des encouragements donnés aux élèves du cycle secondaire, notamment celles et ceux originaires des îles du Pacifique, les appelant à opter pour des études et des carrières en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, ainsi que de l’attribution par le Gouvernement, en 2014, d’une enveloppe de 28,6 millions de dollars répartis sur quatre ans en faveur d’une filière de qualification TIC sanctionnée par un diplôme universitaire, dont le but est d’accroître la diversité au sein des étudiants en TIC. Il s’inquiète cependant :

a)de l’accès limité à l’enseignement secondaire et postsecondaire pour de nombreuses filles et femmes vivant en milieu rural ;

b)de l’inexistence, dans les programmes scolaires, de cours généraux d’éducation sexuelle adaptés à l’âge des élèves et prenant en compte leurs particularités culturelles, de l’absence de sensibilisation aux pratiques préjudiciables et aux violences sexistes que subissent les femmes et les filles et qui accroissent d’autant la forte proportion de violences sexuelles et de grossesses précoces, ainsi que du manque de cours d’éducation sexuelle adaptés aux besoins spécifiques des jeunes et des collectivités maoris ;

c)du taux croissant de filles qui abandonnent prématurément leurs études en raison notamment de grossesses précoces ;

d)du manque de données ventilées par sexe, origine ethnique et situation de handicap concernant les inscriptions aux différents niveaux de l’éducation scolaire, en particulier dans l’enseignement supérieur, ainsi que sur les taux de décrochage scolaire et les facteurs qui en sont la cause ;

e)du fait que les femmes et les filles se tournent principalement vers des filières à prédominance traditionnellement féminine et sont sous-représentées dans les sciences et les technologies ;

f)des obstacles qui entravent de plus en plus la scolarisation des filles vivant en milieu rural, notamment les hausses de coûts des transports, la fermeture des écoles rurales, la baisse des subventions de l’État aux services éducatifs communautaires et le manque d’accès aux informations concernant l’obligation de faire des « dons volontaires » aux établissements scolaires.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 ( 2017 ) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre, en leur affectant des ressources suffisantes, les mesures législatives et stratégiques qui s ’ imposent pour :

a) faciliter l ’ accès des filles et des femmes vivant en milieu rural à l ’ enseignement secondaire et postsecondaire, notamment en y consacrant davantage de moyens  ;

b) veiller à incorporer dans les programmes scolaires des cours obligatoires, adaptés à l ’ âge des élèves et prenant en compte leurs particularités culturelles, portant sur la santé en matière de sexualité et de procréation et sur les droits y afférents, ainsi que sur les comportements sexuels responsables, en mettant l ’ accent sur la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles  ;

c) offrir aux filles un cadre éducatif sûr qui soit préservé de la discrimination et des violences sexuelles, et inscrire dans les programmes des cours d ’ éducation à la non-violence  ;

d) redoubler d ’ efforts pour qu ’ aucune pression ne soit exercée sur les adolescentes enceintes dans le but de les pousser à quitter l ’ école ou à changer de cursus, et pour mettre en place une politique de réinsertion scolaire des mères adolescentes tout en évitant que les grossesses et la maternité précoces ne soient perçues comme étant la norme  ;

e) continuer de lutter contre les stéréotypes traditionnels et les barrières structurelles qui peuvent dissuader les filles de s ’ inscrire dans des filières traditionnellement masculines, de fournir aux filles des services d ’ orientation professionnelle, des bourses et autres mesures incitatives destinées à les pousser vers des disciplines scientifiques et techniques, notamment vers la météorologie, la réduction des risques de catastrophe et les changements climatiques, et de veiller à ce que les programmes de formation des enseignants traitent des stéréotypes  ;

f) lever tous les obstacles à l ’ éducation des filles vivant en milieu rural, y compris les obstacles d ’ ordre financier et ceux liés aux transports.

Emploi

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a mis en place des principes d’équité salariale. Il félicite par ailleurs la Nouvelle-Zélande pour la conclusion de l’accord d’équité salariale qui a permis d’indemniser à hauteur de deux milliards de dollars les 55 000 agents des services de soin et d’assistance en institution ou à domicile et des services d’accompagnement aux personnes âgées ou handicapées, ainsi que pour la reconstitution du Groupe de travail conjoint sur les principes d’équité salariale. Il relève toutefois avec préoccupation :

a)la discrimination dont continent de faire l’objet, sur le marché du travail, les Maories et les femmes originaires des îles du Pacifique, ainsi que les femmes handicapées ;

b)le fort taux de chômage observé chez les femmes de moins de 25 ans ;

c)la persistance des disparités salariales entre les sexes, qui touchent de manière disproportionnée les femmes exerçant des activités peu rémunérées, y compris les Maories et les femmes originaires des îles du Pacifique, ainsi que les femmes issues d’autres minorités ethniques et culturelles ;

d)la ségrégation professionnelle et les disparités salariales qui vont de pair, ainsi que la concentration des femmes dans des emplois peu ou non rémunérés du secteur non structuré de l’économie ;

e)la baisse des subventions allouées aux services et structures d’accueil pour enfants, qui empêche les femmes d’être présentes sur le marché du travail au même titre que les hommes et leur fait perdre des emplois.

Le Comité recommande à l ’ État partie de définir et mettre en œuvre des politiques dotées de cibles et d ’ indicateurs assortis d ’ échéances, qui cherchent à ouvrir les débouchés offerts aux femmes dans le secteur formel, à mettre fin à la ségrégation professionnelle et à parvenir à l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes sur le marché de l ’ emploi. Il recommande également à l ’ État partie :

a) de s ’ attacher sans plus attendre à améliorer les conditions de travail des Maories et des femmes originaires des îles du Pacifique, des femmes handicapées et des jeunes femmes dans tous les secteurs de l ’ emploi, en procédant notamment pour ce faire à la collecte et à l ’ analyse de données  ;

b) d ’ envisager l ’ adoption d ’ une nouvelle loi sur la base des recommandations du Groupe de travail conjoint sur les principes d ’ équité salariale nouvellement reconduit, et de faire en sorte qu ’ elle puisse s ’ appliquer dans le secteur public comme dans le secteur privé  ;

c) d ’ entériner et de faire respecter le principe du salaire égal pour un travail d ’ égale valeur grâce à une législation modifiée sur les relations de travail couvrant les entreprises tant publiques que privées, notamment en appliquant des méthodes analytiques de classement et d ’ évaluation des fonctions et en réalisant des enquêtes fréquentes sur les salaires, ainsi qu ’ en examinant régulièrement les rémunérations pratiquées dans les secteurs majoritairement féminins  ;

d) de prendre des mesures temporaires spéciales pour lutter contre la ségrégation professionnelle et veiller à ce que les femmes et les hommes aient les mêmes chances de promotion  ;

e) d ’ assurer un financement suffisant pour les services et structures d ’ accueil pour enfants.

Harcèlement sexuel sur le lieu de travail

Le Comité s’inquiète du harcèlement sexuel et autres formes d’agressions sexuelles qui ont cours en milieu professionnel, ainsi que du nombre très peu élevé de signalements des faits de cette nature. Il constate avec préoccupation que les cas de harcèlement sexuel et de brimades sur le lieu de travail sont nombreux, surtout au sein de la police, des forces militaires, des professions judiciaires et du secteur des soins de santé. Il rappelle à ce sujet qu’en 2017, la Commission néo-zélandaise des droits de l’homme a reçu 1577 plaintes pour pratiques illégales de discrimination, dont 123 concernaient des accusations de harcèlement sexuel, ce qui représente une hausse de 43 % des plaintes pour harcèlement sexuel en 10 ans.

Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur le fait que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail constitue une infraction pénale et a des incidences discriminatoires dans la mesure où il a souvent des répercussions sur les victimes en termes de salaire, de promotion ou de licenciement et où il crée un environnement de travail hostile, qui empêche ensuite les victimes d ’ exploiter pleinement leur potentiel professionnel. Il recommande à l ’ État partie :

a) d ’ examiner la culture des entreprises et des institutions afin de s ’ attaquer aux causes profondes des agressions et du harcèlement sexuels  ;

b) de s ’ assurer que tous les lieux de travail aient mis en place des règles concernant le harcèlement sexuel et des démarches claires pour les victimes  ;

c) de diffuser des informations sur les procédures de signalement qui peuvent être utilisées et de veiller à ce que les plaintes pour harcèlement sexuel ou brimades sur le lieu de travail donnent lieu à des enquêtes et à ce que les agresseurs soient traduits en justice.

Avantages économiques et sociaux et renforcement du pouvoir économique des femmes

Le Comité note avec préoccupation que certaines dispositions de la loi de 1964 sur la sécurité sociale pourraient exposer les femmes à la discrimination, dans la mesure où ce texte ne fait pas de différence entre les sexes. Il s’inquiète de ce que l’État partie n’ait pris aucune mesure pour s’acquitter de ses obligations extraterritoriales concernant l’évasion fiscale, la fraude fiscale et l’exploitation des économies plus faibles dans les pays en développement, ce qui limite plus encore les ressources disponibles dans ces pays pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de procéder à une révision de la loi de 1964 sur la sécurité sociale en vue de la rendre conforme aux obligations qui lui incombent au regard de la Convention  ;

b) d ’ améliorer la perception de l ’ impôt et l ’ administration des recettes publiques afin d ’ accroître les dépenses sociales  ;

c) de prendre des mesures visant à lutter contre la pauvreté et à renforcer le pouvoir économique des femmes, en particulier pour celles qui vivent en milieu rural, pour les Maories, pour les femmes originaires des îles du Pacifique, pour les femmes asiatiques, pour les immigrées, les migrantes et les réfugiées, ainsi que pour les femmes handicapées  ;

d) de mener, conformément à la recommandation générale n o 28 du Comité, des études indépendantes, participatives et périodiques sur les effets extraterritoriaux que ses politiques financières et ses règles en matière d ’ impôts sur les sociétés ont sur les droits des femmes et l ’ égalité réelle, en veillant à ce que ces études soient impartiales et que la méthodologie utilisée et les conclusions obtenues soient rendues publiques.

Santé

Le Comité se félicite de ce que le Ministre de la Justice ait sollicité l’avis de la Commission des lois concernant les modifications d’ordre législatif qu’il conviendrait d’apporter pour considérer l’avortement comme une question de santé ; il attend avec intérêt le rapport que remettra la Commission concernant la dépénalisation de l’avortement et son encadrement par la réglementation relative aux soins de santé. Néanmoins, il demeure préoccupé par ce qui suit :

a)La loi de 1961 sur les infractions pénales dresse une liste restreinte de motifs justifiant légalement le recours à l’avortement, au nombre desquels ne figurent ni le viol ni les violences sexuelles, et la loi de 1977 sur la contraception, la stérilisation et l’avortement exige l’accord de deux consultants habilités avant de pouvoir pratiquer un avortement, ce qui le rend d’autant plus difficile d’accès pour les femmes et entraîne des retards inutiles ;

b)Le nouveau système d’alerte mis sur pied par le Ministère de la santé en matière d’aide à l’enfance intègre le fœtus dans la définition du terme « enfant », de sorte que des mesures de protection fœtale ont été prises – il a ainsi été prévu qu’une protection spéciale pouvait être accordée à un fœtus par décision de justice. De telles mesures peuvent porter atteinte au droit des femmes enceintes de disposer de leur corps et aux droits qui sont les leurs en matière de santé procréative ;

c)Le nombre de sages-femmes qualifiées est en baisse, surtout dans les régions reculées ou rurales ;

d)Les services de santé mentale pour les femmes, et notamment les traitements destinés à prendre en charge la toxicomanie, qui visent principalement les Maories et les femmes handicapées, sont inadéquats.

Le Comité rappelle sa déclaration sur la santé sexuelle et procréative et les droits y afférents, adoptée à sa cinquante-septième session, et recommande à l ’ État partie :

a) d ’ abroger les dispositions de la loi de 1961 sur les infractions pénales qui ont trait à l ’ avortement et de modifier la loi de 1977 sur la contraception, la stérilisation et l ’ avortement afin de dépénaliser totalement celui-ci et de l ’ intégrer dans la législation relative aux services de santé  ;

b) de faire en sorte de légaliser l ’ avortement, au moins en cas de viol, d ’ inceste, de menace pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de graves malformations du fœtus, et de veiller à ce que les femmes puissent se faire avorter sans risques et bénéficier d ’ une prise en charge ultérieure  ;

c) de faire le nécessaire pour assurer la présence d ’ un nombre suffisant de sages-femmes qui puissent dispenser des services de santé adaptés aux femmes à leur enfant pendant la grossesse, l ’ accouchement et la période postnatale, surtout dans les régions reculées ou rurales  ;

d) de mettre en place les mesures nécessaires pour améliorer l ’ accès aux services de santé mentale et leur qualité, notamment les traitements destinés à prendre en charge la toxicomanie, en visant principalement les Maories et les femmes handicapées.

Femmes rurales

Le Comité note les mesures déployées par l’État partie pour améliorer la situation des femmes vivant en milieu rural, ainsi que celles ayant pour but de renforcer son plan d’adaptation aux changements climatiques. Il se déclare cependant préoccupé de constater que :

a)les femmes vivant en milieu rural sont fortement exposées à la pauvreté et aux violences sexistes ;

b)elles assument une part démesurée des responsabilités familiales et se heurtent à des traditions qui les obligent à effectuer des tâches non rémunérées et à nourrir leur famille ;

c)les services à haut débit et les services Internet sont insuffisants dans les zones rurales, ce qui crée des obstacles supplémentaires non négligeables à l’accès des femmes à l’information et aux services ;

d)les changements climatiques ont des conséquences disproportionnées sur les femmes dans l’État partie, et l’on ignore dans quelle mesure les femmes prennent part aux décisions concernant les politiques et programmes de développement rural.

Rappelant sa recommandation générale n o 34 ( 2016 ) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de chercher à améliorer les conditions de vie des femmes en milieu rural, notamment en luttant contre la pauvreté et en éliminant les violences sexistes  ;

b) de proposer aux femmes rurales des solutions alternatives au travail non rémunéré  ;

c) d ’ utiliser plus largement les technologies modernes et d ’ offrir des services à haut débit et des services Internet adéquats dans les zones rurales  ;

d) de prendre en considération, à tous les niveaux où se décident les politiques concernant l ’ adaptation aux changements climatiques, que les catastrophes naturelles et lesdits changements touchent plus particulièrement les femmes.

Maories et femmes issues de minorités ethniques

Le Comité observe avec préoccupation que, dans l’État partie, les Maories et les femmes issues de minorités ethniques sont exposées à des formes de discrimination croisées, notamment lorsqu’il s’agit d’accéder à des services de santé et de protéger leurs droits à la propriété. Tout en prenant acte des mesures prises par la Nouvelle‑Zélande en vue d’améliorer la situation des Maories, il s’inquiète des taux disproportionnés d’incarcération qui continuent de leur être associés et de ce que 65 % des détenues sont des Maories.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les dispositions législatives nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales et des mesures de sensibilisation, pour lutter contre les formes de discrimination croisées envers les femmes, en particulier pour ce qui concerne l ’ accès aux services de santé et la protection des droits à la propriété. Il recommande également à l ’ État partie d ’ appliquer les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et de proposer des solutions alternatives à la détention afin de réduire le nombre de Maories incarcérées.

Migrantes

Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Certaines mères de famille migrantes ne possédant pas de visa permanent peuvent perdre le parrainage de leur partenaire en cas de séparation ou de divorce ; elles sont parfois renvoyées dans leur pays d’origine, les enfants restant avec le père même en cas de maltraitance connue ou alléguée ;

b)Il arrive que des femmes se refusent à quitter un conjoint violent de peur de perdre leur visa, lequel dépend du statut de cette personne ;

c)Les femmes confrontées à de telles situations ont beaucoup de mal à accéder à la justice pour de multiples raisons liées au manque d’informations et à la barrière de la langue, ainsi qu’à l’absence d’aide juridictionnelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de modifier sa législation relative à l ’ immigration de façon à faciliter l ’ octroi de permis de séjour permanent aux mères d ’ enfants de nationalité néo ‑ zélandaise  ;

b) de veiller à ce que les migrantes victimes de violences, et notamment de violences familiales, puissent trouver refuge dans des foyers, bénéficier de conseils juridiques et psychologiques, et avoir accès à des services de réadaptation et autres services d ’ accompagnement  ;

c) de créer les conditions requises pour permettre aux migrantes de saisir la justice, notamment en les informant correctement de leurs droits et des recours dont elles disposent, y compris de la voie à suivre pour porter plainte en cas de violation de ces droits, et ce , en des termes qu ’ elles soient à même de comprendre.

Mariage et relations familiales

Le Comité prend note de l’adoption de la loi de 2013 portant modification de la loi sur le mariage (Définition du mariage), qui permet à des couples adultes de se marier qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Il est toutefois préoccupé par les situations difficiles auxquelles doivent faire face les tribunaux des affaires familiales, comme en témoignent les affaires de maltraitance, et plus encore de violences familiales, infligées aux femmes. Tout en se félicitant de la prochaine révision des tribunaux des affaires familiales annoncée par le Ministre de la justice, le Comité craint que cette révision se concentre sur les seules réformes de 2014 et n’étudie pas les causes profondes des réactions de méfiance et d’insensibilité qui semblent bien ancrées à l’encontre des femmes victimes de violences familiales. Il est également préoccupé de constater que :

a)sur l’ensemble d’affaires portées devant la justice suite à des signalements de violences, il n’est procédé à une estimation des risques que dans un petit nombre de cas, conséquence du retrait de la clause Bristol décidé lors des réformes intervenues en 2014 ;

b)la médiation et les cours suivis en commun avec le partenaire sont obligatoires même dans des situations de violences familiales, et même lorsqu’une ordonnance de protection a été prononcée, ce qui expose la femme qui en est victime à des risques plus grands ;

c)rien n’oblige les magistrats à prendre en compte les violences commises à l’encontre d’une mère ou d’un enfant dans les décisions concernant la garde des enfants, de sorte qu’ils semblent avoir tendance à recommander une garde partagée même lorsque le père maltraite les enfants ou leur mère ;

d)les tribunaux, les avocats qui défendent des enfants et les travailleurs sociaux invoquent régulièrement le syndrome d’aliénation parentale, bien que celui‑ci soit internationalement réfuté ;

e)les filles âgées de 16 à 18 ans peuvent se marier sans le consentement de leurs parents.

Le Comité réitère ses recommandations précédentes, dans lesquelles elle a appelé l ’ État partie :

a) à charger une commission d ’ enquête royale dotée d ’ un mandat indépendant de procéder à une évaluation de grande ampleur des handicaps auxquels les femmes doivent faire face, des entraves à l ’ exercice de la justice qu ’ elles subissent et des facteurs propres au système des tribunaux des affaires familiales qui font obstacle à leur sécurité, et de proposer les modifications législatives et structurelles nécessaires pour faire en sorte que ces tribunaux rendent à l ’ égard des femmes et des enfants des décisions qui soient justes et ne mettent pas en péril leur sécurité, en particulier dans les dossiers de violences familiales  ;

b) à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l ’ adoption de textes de loi et de principes directeurs, conformément à la recommandation générale n o 35 , pour réinstaurer la clause Bristol et veiller à ce que les femmes victimes de violences familiales ne soient pas contraintes d ’ accepter que leur dossier soit réglé par des voies extrajudiciaires, comme une médiation obligatoire  ;

c) à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l ’ adoption de textes de lois et de principes directeurs, pour veiller à ce que les violences familiales commises sur la personne d ’ un enfant ou de sa mère soit prises en compte dans les litiges relatifs à la garde des enfants, en particulier lorsqu ’ une garde partagée est envisagée, et à s ’ interroger sur les conséquences de la garde partagée sur le développement et le bien-être des enfants  ;

d) à se pencher sur la théorie mettant en avant le syndrome d ’ aliénation parentale, afin d ’ en limiter l ’ invocation dans les litiges relatifs à la garde des enfants  ;

e) à accélérer l ’ adoption du projet de loi portant modification du consentement judiciaire au mariage de mineurs, afin d ’ exclure entièrement que le consentement parental suffise à autoriser le mariage de mineurs de moins de 18 ans, et que les tribunaux ne valident qu ’ à titre exceptionnel les unions impliquant des mineurs ayant entre 16 et 18 ans.

Collecte et analyse de données

Le Comité est préoccupé par les lacunes observées dans la collecte, l’analyse et le traitement de données fiables sur la situation des femmes dans tous les domaines visés par la Convention, y compris en matière de discriminations croisées pour les femmes appartenant à plusieurs groupes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système centralisé de collecte, d ’ analyse et de diffusion de données exhaustives, ventilées selon le sexe, l ’ âge, le handicap, l ’ appartenance ethnique, le lieu, l ’ identité de genre et l ’ orientation sexuelle et la situation socioéconomique, tout en protégeant la confidentialité de ces données, et de recourir à des indicateurs mesurables pour suivre l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis dans la réalisation de l ’ égalité effective dans tous les domaines visés par la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre le s dispositions de la Convention .

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine applica tion.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier l ’ application de la Convention aux efforts qu ’ il déploie en faveur du développement, et de recourir à cette fin à l ’ assistance techniq ue régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquel les il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 20 , 2 6 a), 40 a) et 48 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son neuvième rapport périodique, attendu en juillet 2022 . Le rapport doit être soumis dans les délais et couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de soumission.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).