Communication présentée par :

M.W. (non représentée par un conseil)

Au nom de :

L’auteure et son enfant

État partie :

Danemark

Date de la communication :

21 août 2012

Références :

Décision sur la recevabilité du 3 novembre 2014 (CEDAW/C/59/D/46/2012)

Date de l’adoption des constatations :

22 février 2016

Annexe

Constatations du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmesau titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocolefacultatif à la Convention sur l’éliminationde toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes (soixante-troisième session)

concernant la

Communication n° 46/2012*

Présentée par :

M.W.

Au nom de :

L’auteure et son enfant

État partie :

Danemark

Date de la communication :

21 août 2012

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, créé en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 22 février 2016,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 3 de l’article 7du Protocole facultatif

1.Le 3 novembre 2014, durant sa cinquante-neuvième session, le Comité a déclaré la présente communication recevable. La décision sur la recevabilité, énoncée dans le document portant la cote CEDAW/C/59/D/46/2012, est rendue publique avec les présentes constatations.

* Les membres du Comité ci-après ont pris part à l’examen de la présente communication : Ayse Feride Acar, Gladys Acosta Vargas, Bakhita al-Dosari, Magalys Arocha Dominguez, Barbara Bailey, Niklas Bruun, Louiza Chalal, Naéla Gabr, Hilary Gbedemah, Nahla Haidar, Yoko Hayashi, Ismat Jahan, Dalia Leinarte, Lia Nadaraia, Pramila Patten, Silvia Pimentel, Biancamaria Pomeranzi, Patricia Schulz et Xiaoqiao Zou.

Le texte de l’opinion divergente, signé par M me  Patricia Schulz membre du Comité, figure dans le présent document.

Conformément à l’article 61 du règlement intérieur du Comité, Lilian Hofmeister, membre du Comité, n’a pas participé à l’examen de la communication.

Renseignements complémentaires communiqués par l’auteure

2.Le 21 octobre 2014, l’auteure indique que les autorités danoises n’ont toujours pas donné suite à ses nombreuses demandes d’information concernant la situation de son fils O.W. et son recours en instance. Les demandes d’audience présentées par son avocat concernant le recours formé contre l’application de la décision de la Cour suprême autrichienne ont été rejetées. Par suite de l’absence de réponse des tribunaux, elle a introduit une nouvelle demande d’autorisation de former des recours devant la Cour suprême en octobre 2014. Elle relève que sa demande d’autorisation de faire appel devant la Cour suprême a été rejetée six fois. Ses demandes répétées au Ministère des affaires étrangères de lui fournir une copie des dossiers relatifs à la garde de l’enfant sont restées vaines. En octobre 2014, elle a été obligée de porter plainte auprès de la police danoise contre plusieurs fonctionnaires danois pour abus de pouvoir, diffamation et discrimination. Elle ajoute qu’elle a récemment découvert que son fils n’avait reçu aucun soin médical depuis plus de 860 jours, mais qu’elle n’a pas obtenu de réponse à sa demande d’information adressée aux autorités de Fredensborg. Le 1er octobre 2014, elle a été informée qu’elle ne pourrait plus obtenir d’informations sur O.W. Elle réaffirme enfin qu’O.W. a été gravement traumatisé par son enlèvement mais n’a reçu aucune aide à cet égard. Elle indique qu’il vient juste d’entrer en première année du cycle d’enseignement primaire, à l’âge de 8 ans, alors que les enfants au Danemark se trouvent généralement à ce niveau à l’âge de 6 ans.

Observations de l’État partie quant au fond

3.1Le 8 juin 2015, l’État partie a expliqué que les autorités danoises n’avaient pas violé les droits d’auteur au titre de la Convention. Le problème qui se pose n’est pas, contrairement à ce que dit l’auteure, celui d’une discrimination dont elle est victime de la part des autorités danoises parce qu’elle est une femme, mais concerne une affaire très regrettable et très complexe, deux systèmes juridiques ayant rendu des décisions contradictoires. L’auteure essaie d’obtenir un nouvel examen des questions, notamment la garde de l’enfant, qui ont déjà été évaluées de manière approfondie par les autorités nationales. L’État partie note aussi que le Comité n’est pas une entité supranationale dont la mission serait de statuer sur les différends entre deux systèmes juridiques reconnus et égaux.

3.2L’État partie rejette un certain nombre des faits énoncés aux paragraphes 2.1 à 2.3 de la décision de recevabilité du Comité et fait observer que la Commission des requêtes a refusé qu’un recours soit formé devant la Cour suprême contre la décision de la Haute Cour, au motif que la condition selon laquelle l’affaire doit traiter d’un problème d’intérêt public général n’est pas remplie.

3.3L’État partie note que l’auteure a demandé, en mars 2014, que la décision de la Cour suprême autrichienne relative à la garde de l’enfant soit reconnue et appliquée. Cette requête a été rejetée le 10 juillet 2014 par le tribunal de première instance d’Elseneur, au motif que S. avait obtenu la garde de l’enfant par ordonnance du tribunal et que les circonstances ne s’étaient pas modifiées depuis que la Haute Cour du Danemark oriental avait déterminé, le 21 décembre 2012, que, jusqu’au 3 avril 2012, date à laquelle O.W. a été ramené au Danemark, il était domicilié au Danemark, lieu de sa résidence habituelle, et qu’il n’était pas possible de considérer que l’enfant était retenu illégalement par S. au sens de la section 10 de la loi danoise sur l’enlèvement international d’enfants. Le 2 septembre 2014, la Haute Cour a confirmé l’ordonnance du tribunal de première instance et approuvé son raisonnement.

3.4L’auteure a ensuite déposé une demande d’autorisation de faire appel devant la Cour suprême contre la décision rendue par la Haute Cour du Danemark oriental. Sa demande a été rejetée le 13 novembre 2014, au motif que la condition selon laquelle l’affaire doit traiter d’un problème d’intérêt public général n’est pas remplie. Le 6 avril 2015, l’auteure a déposé une demande de réexamen auprès de la Commission, que celle-ci a rejetée le 21 avril 2015, faisant valoir qu’aucune nouvelle information essentielle n’avait été présentée.

3.5Le 1er octobre 2014, l’administration publique régionale a décidé, à la suite d’une requête déposée par S., que l’auteure n’aurait plus le droit d’obtenir des informations sur son fils en vertu de l’article 23 de la loi danoise sur la responsabilité parentale. Aux termes de cette disposition, un parent n’ayant pas la garde conjointe est en droit de solliciter et de recevoir des informations sur la situation de l’enfant d’établissements scolaires, de centres de soins pour enfants, du secteur social et du secteur de la santé, d’hôpitaux privés, de médecins généralistes et de dentistes. Ce parent a également le droit de recevoir une copie de tous documents concernant la situation de l’enfant que peuvent détenir les établissements scolaires et les centres de soins pour enfants. En vertu de la même disposition, l’État peut décider, dans des circonstances spéciales, à la demande du parent ayant la garde de l’enfant ou de l’un quelconque des établissements susmentionnés, de retirer au parent qui n’a pas la garde le droit d’être tenu informé et de demander des copies des documents. Selon la décision de l’administration publique, S. a fait valoir dans sa requête que la communication de tout type d’information sur son fils à l’auteure pourrait être particulièrement préjudiciable au bien-être de l’enfant. S. a aussi déclaré que l’auteure publiait tout ou partie de ces informations sur différentes pages Internet, sites de campagne et Facebook, ce qu’il estimait ne pas être dans l’intérêt supérieur de son fils.

3.6L’État partie considère que les requêtes présentées par l’auteure au titre de l’article 1er, de l’alinéa d) de l’article 2, de l’article 5 et de l’alinéa d) de l’article 16 de la Convention sont sans fondement. S’agissant des griefs qu’elle tire de l’article 1er et de l’alinéa d) de l’article 2, l’auteure ne fournit ni fait ni document (tel que copie de rapports de la police) étayant ses allégations selon lesquelles S. l’a insultée, menacée et harcelée et qu’il a usé de la violence à son égard et à l’égard d’O.W. Par ailleurs, bien que l’auteure affirme qu’O.W. a été enlevé de manière violente le 3 avril 2012, la Haute Cour du Danemark oriental a déterminé, le 21 décembre 2012, que le lieu habituel de résidence d’O.W. était au Danemark à la date de l’enlèvement et continuait de se trouver au Danemark. O.W. n’est donc pas retenu illégalement par S. Par ailleurs, dans sa décision datée du 11 juin 2012, le Ministère danois de la justice a refusé de remettre S. aux autorités autrichiennes au motif que l’infraction visée par le mandat d’arrêt était considérée avoir été commise en partie au Danemark, où elle ne constituait pas une infraction pénale.

3.7S’agissant des griefs que l’auteure tire de l’article 5 et de l’alinéa d) de l’article 16, l’État partie considère que la loi danoise ne fait, par principe, pas de différence entre les sexes et qu’elle s’applique de la même manière aux femmes et aux hommes. Des exceptions à ce principe ne sont accordées que dans quelques cas, et seulement dans des circonstances particulières comme, par exemple, lorsque l’exception a pour objet de répondre à un besoin particulier des femmes ou des hommes. Le Danemark rend chaque année environ 24 000 décisions au titre d’affaires ayant trait à la responsabilité parentale, en application de la loi sur la responsabilité parentale. En vertu de la loi, dans toute décision, l’intérêt supérieur de l’enfant est d’une importance capitale. La législation danoise est aussi fondée sur le principe selon lequel l’enfant doit avoir des contacts avec ses deux parents quel que soit leur pays de résidence habituelle et quelle que soit leur nationalité. La loi retient pour principe prédominant le droit de l’enfant à avoir accès à ses deux parents et non le droit des parents à avoir accès à l’enfant. La loi est donc pleinement conforme aux obligations internationales de l’État partie, notamment celles énoncées dans la Convention, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) et la Convention relative aux droits de l’enfant.

3.8L’État partie renvoie au paragraphe 8.6 de la décision du Comité sur la recevabilité et affirme que l’allégation de l’auteure selon laquelle, depuis le 7 septembre 2010, un tribunal danois a confirmé qu’elle avait déménagé en Autriche en toute légalité et qu’elle avait la garde exclusive d’O.W., est trompeuse. La garde de l’enfant a, en fait, été transférée à S. le 22 décembre 2010. L’audience préliminaire du 7 septembre 2010 avait, en outre, uniquement pour objet de déterminer s’il existait des motifs de placer l’auteure en garde à vue, cette dernière ayant alors été mise en examen pour violation de l’article 215 du Code pénal. Comme l’a déjà indiqué l’État partie dans ses observations en date du 14 janvier 2013, l’auteure avait été libérée.

3.9En ce qui concerne l’allégation de l’auteure selon laquelle la police danoise l’aurait terrorisée en l’arrêtant et en l’incarcérant illégalement sans qu’elle bénéficie des garanties d’une procédure régulière, l’État partie considère que cette allégation est sans fondement sur la base des informations présentées dans ses observations du 14 janvier 2013, telles qu’énoncées au paragraphe 4.4 de la décision du Comité sur la recevabilité. L’État partie souligne que l’auteure était représentée par un avocat commis d’office à l’audience du 21 décembre 2011, à laquelle elle n’était pas présente elle-même, et que l’avocat a eu la possibilité de représenter ses intérêts.

3.10En ce qui concerne la position du Comité selon laquelle l’auteure n’a pas eu la possibilité de participer aux audiences au Danemark parce qu’elle avait des motifs sérieux de craindre d’être arrêtée à son arrivée dans le pays, l’État partie note que l’auteure a été arrêtée par la police de la Zélande-du-Nord le 6 septembre 2010 pour avoir violé l’article 215 du Code pénal. Elle a été mise en examen devant le tribunal de district d’Elseneur le 7 septembre 2010 et le procureur de l’État a demandé lors de l’audience qu’elle soit placée en détention. Le tribunal du district n’a pas jugé cette demande valable et l’auteure a été libérée. La police de la Zélande-du-Nord a par la suite demandé à trois reprises que l’auteure soit placée en détention provisoire, in absentia, aux fins de l’émission d’un mandat d’arrêt européen. La Haute Cour du Danemark oriental a déterminé, par ordonnances du 24 mai, du 19 juillet et du 23 décembre 2011, que les conditions d’une telle détention n’étaient pas remplies. Dans ces circonstances, l’auteure risquait d’être arrêtée entre le 7 septembre 2010 et le 23 décembre 2011 si elle rentrait au Danemark. Toutefois, en vertu de l’article 771 2) de la loi danoise relative à l’administration de la justice, un prisonnier en détention provisoire peut obtenir un droit de sortie accompagnée pour une période de courte durée (par exemple, pour assister à une audience en compagnie d’une escorte) si les circonstances le justifient et si la police donne son accord. La police de la Zélande-du-Nord a déclaré, à ce sujet, qu’elle aurait amené l’auteure au tribunal pour qu’elle puisse assister à l’audience civile conformément aux procédures habituelles, afin de lui permettre de défendre ses intérêts malgré son placement en détention.

3.11L’État partie souligne que le procureur a mis fin à la demande de placement en détention de l’auteure à la suite de l’émission de l’ordonnance du 23 décembre 2011 de la Haute Cour du Danemark oriental. L’auteure ne risquait donc plus d’être incarcérée après cette date. La Division des affaires familiales de la Commission nationale de recours en matière sociale a informé le Ministère autrichien de la justice, le 17 juillet 2012, que l’auteure ne risquait pas, en fait, d’être arrêtée dans le cadre de l’affaire d’enlèvement d’enfant si elle se rendait au Danemark pour assister aux deux audiences du 4 et du 6 septembre 2012 devant le tribunal de district d’Elseneur, relatives à sa demande visant à ce qu’on lui remette son fils. Le 18 juillet 2012, la Commission nationale a retransmis au Ministère autrichien de la justice un avis daté du 17 juillet 2012 du Bureau du procureur à la police de la Zélande-du-Nord. Dans cet avis, la police de la Zélande-du-Nord a confirmé que l’auteure ne risquait pas d’être arrêtée ni de faire l’objet d’une demande de détention provisoire pour violation de l’article 215 du Code pénal (enlèvement d’enfants) si elle entrait sur le territoire danois, notamment durant la période allant du 31 août au 9 septembre 2012.

3.12L’État partie affirme que l’auteure a formulé de nombreuses allégations sans fondement à l’encontre des autorités danoises et de certains fonctionnaires concernés, à tous les niveaux des procédures nationales. Les pièces soumises par l’auteure concernant les procédures prouvent que ses plaintes et soumissions ont été prises au sérieux, dûment considérées et qu’elles ont été évaluées et examinées par les instances nationales pertinentes. Les autorités municipales, l’administration publique régionale, la police, le procureur et les tribunaux ont régulièrement examiné et évalué les faits et rendu des décisions.

3.13S’agissant de l’accès de l’auteure à son fils, l’État partie renvoie à ses observations complémentaires datées du 9 août 2013, et ajoute que, d’août 2013 à décembre 2014, l’auteure a présenté plusieurs requêtes au Ministère danois de l’enfance, de l’égalité des sexes, de l’intégration et des affaires sociales en vue d’avoir accès à son fils à des dates déterminées. Il ressort de toutes ces requêtes que la demande d’accès a été présentée à l’État partie et ne pouvait nullement être considérée comme une demande de droit de visite adressée à l’administration publique régionale. Par courriels datés du 2 août 2013, du 17 décembre 2013, du 15 avril 2014, du 7 mai 2014 et du 5 mai 2015, le Ministère a informé l’auteure que l’administration publique était seule habilitée à prendre des décisions concernant l’accès à son enfant. Le Ministère a également informé l’auteure que, puisqu’elle avait indiqué au ministère que sa requête ne pouvait être considérée comme une demande d’accès devant être transmise à l’administration publique, aucune décision concernant son accès à O.W. ne pouvait être prise et les autorités ne peuvent donc pas aider l’auteure à établir des contacts personnels avec son fils. L’auteure ne voulant pas que l’administration publique, qui est seule compétente à prendre des décisions concernant cet accès, traite sa demande d’accès à O.W., l’État partie n’est pas en mesure de donner à l’auteure un accès raisonnable à O.W. au Danemark, comme l’a demandé le Comité le 9 juillet et le 4 avril 2014.

3.14En ce qui concerne la sécurité d’O.W., l’État partie renvoie aux informations présentées au paragraphe 6.2 de la décision du Comité sur la recevabilité. Il ajoute que, au deuxième trimestre de 2013, le Ministère de l’enfance, de l’égalité des sexes, de l’intégration et des affaires sociales a reçu une autre requête des autorités autrichiennes et que cette requête a été transmise, à la demande des autorités autrichiennes, aux autorités locales de Fredensborg. La sécurité d’O.W. est donc dûment assurée par les autorités sociales danoises. Par ailleurs, en vertu de la législation danoise, tous les employés de l’État ont le devoir absolu d’informer les autorités sociales s’ils sont préoccupés au sujet du bien-être d’un enfant.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie quant au fond

4.1Le 11 août 2015, l’auteure fait valoir que les autorités danoises ont légalement rayé son nom et celui de son fils de l’état civil danois le 17 juillet 2010 et qu’elles les a donc considérés comme des résidents autrichiens. L’administration publique régionale n’avait donc nullement le droit d’accorder à titre temporaire la garde exclusive de son fils, né d’une mère étrangère, à un ressortissant danois. Le 13 octobre 2014, elle a déposé une plainte auprès de la police contre des fonctionnaires pour fausses déclarations concernant la citoyenneté de son fils et son inscription illégale en tant que résident danois. Ses plaintes restent systématiquement ignorées des autorités danoises. La Cour suprême autrichienne a statué que l’auteure avait toujours été la gardienne exclusive de son fils.

4.2L’auteure réaffirme que les droits qu’elle tient des articles 1, 2 a) à f), 3, 4, 5 a) et b), 9, 15 1) et 4), et 16 d) à g) de la Convention ont été violés.

4.3L’auteure affirme également qu’une personne chargée du dossier à l’autorité centrale danoise ou à la Division des affaires familiales a téléphoné à plusieurs reprises au Département autrichien des affaires familiales en indiquant illégalement, dans des termes menaçants, que l’auteure devrait retirer sa demande de récupération d’O.W parce qu’elle n’avait, de toute manière, aucune chance de revoir son enfant.

4.4S. n’a jamais conclu d’accord portant sur ses droits de visite. L’auteure déclare aussi que S. n’a pas maintenu sa demande de garde datée du 2 juillet 2010, comme l’affirme l’État partie. Il a en fait retiré sa demande de garde conjointe le 19 juillet 2010 puis a déposé une nouvelle demande de garde exclusive le 22 juillet 2010. L’auteure a prévenu les autorités danoises et S. qu’elle allait déménager en Autriche, que S. était au courant de son intention depuis 2009 et que la Commission nationale danoise de recours en matière sociale, qui a pour mission d’aider les parents étrangers à récupérer leurs enfants conformément à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, a confirmé ce fait dans sa déclaration datée du 16 avril 2012. S. a confirmé qu’il avait été mis au courant de sa réinstallation en Autriche avec O.W. lors d’une conversation téléphonique entre lui et O.W. le 19 juillet 2010. Il avait sollicité des conseils sur la garde de l’enfant et sur ses droits de visite le 6 mai 2010. Il avait également écrit dans un blog, le 14 mai et le 26 mai 2010, que l’auteure souhaitait quitter son emploi et vendre sa maison pour pouvoir rentrer en Autriche. Le 8 août 2011, S. a confirmé qu’il était au courant de cette réinstallation lors d’une émission diffusée par la télévision nationale.

4.5En ce qui concerne l’observation de l’État partie selon laquelle, le 7 septembre 2010, l’auteure a été arrêtée pour avoir violé les droits de garde de S., l’auteure réaffirme qu’un juge a déclaré l’affaire close, confirmant que son déménagement en Autriche était légal. Elle-même et O.W étant inscrits au registre de l’état civil en Autriche le 19 juillet 2010, les tribunaux danois n’étaient pas compétents en l’espèce le 22 juillet 2010.

4.6O.W. n’a pas reçu l’attention voulue et S. lui envoie des vidéos choquantes qui démontrent qu’O.W. a un comportement régressif. Le 5 septembre 2012, elle a vu O.W. pendant quelques minutes en la présence de S., et l’enfant s’est conduit comme s’il était gravement traumatisé. Concernant les contacts téléphoniques avec O., l’auteure indique également que, dans les premiers temps, elle pouvait l’appeler tous les jours au téléphone, mais que, par la suite, elle n’a été autorisée à l’appeler qu’une fois par semaine, ou pas du tout. Elle affirme aussi qu’elle n’a eu aucun contact avec O.W. depuis le 13 février 2013.

4.7En ce qui concerne son arrestation, l’auteure dit qu’en septembre 2010, elle s’est rendue au Danemark pour rencontrer un agent immobilier. Le 6 septembre 2010, S. a fait irruption à son domicile et demandé le retour de son fils. Elle lui a demandé de partir à plusieurs reprises et il a fini par s’exécuter. Une demi-heure plus tard, l’auteure a été arrêtée par la police qui a fouillé sa maison. Elle a été gardée à la station de police de 11 heures à 18 h 30, après quoi elle a été emmenée dans la pire prison pour femmes de Copenhague. D’après elle, elle a été traitée comme la pire des criminelles jusqu’après sa comparution devant le tribunal, le lendemain. Le policier qui l’a interrogée est le seul à lui avoir proposé de l’eau et une sucrerie. À son arrivée à la prison, une gardienne a procédé à une fouille corporelle intégrale. La gardienne a ensuite quitté la pièce et échangé des plaisanteries de mauvais goût sur l’auteure et ses vêtements avec une autre gardienne, même après que l’auteure leur a indiqué qu’elle les entendait. L’auteure affirme qu’il s’agit là d’une agression extrême. Le même jour, deux personnes amies de l’auteure ont rendu visite à S. à son domicile; celui-ci a reconnu devant ces personnes qu’il était manifestement heureux de savoir que l’auteure était en prison. Le 7 septembre 2010, la police est venue la chercher à la prison pour la conduire au tribunal de district d’Elseneur où le juge a confirmé qu’elle avait la garde exclusive de l’enfant.

4.8L’affaire de l’auteure portée devant le tribunal de district d’Elseneur a été décidée par un retsassessor et non par un juge. Elle affirme que le retsassessor ne lui a jamais parlé, mais l’a néanmoins accusée d’avoir uniquement ses propres intérêts à cœur et de ne faire preuve d’aucune empathie. D’après l’auteure, il n’a jamais pris en compte l’intérêt supérieur d’O.W; il ne lui a accordé aucun droit de visite; et il a déclaré de manière erronée que l’auteure avait été convoquée à trois reprises devant le tribunal, alors qu’elle n’a jamais reçu de convocation.

4.9L’auteur estime que l’administration publique régionale n’a pas pris en compte l’intérêt supérieur de son enfant et a fondé sa décision sur la version des faits présentée par S. L’administration publique s’est fondée sur le seul témoignage de S. et a, en particulier, pris ce dernier au mot lorsqu’il a affirmé que c’était lui qui s’occupait principalement d’O.W. Par contre, elle n’a pas pris en compte les faits suivants : S. avait versé une pension alimentaire pour l’entretien d’O.W. jusqu’en juillet 2010; O.W. avait toujours habité avec l’auteure; la langue maternelle d’O.W. était l’allemand et non pas le danois et l’auteure avait la garde d’O.W. en vertu du droit autrichien et du droit danois. L’auteure répète que l’administration publique a fondé sa décision sur les fausses déclarations de la jardinière d’enfants d’O.W. qui doit avoir des relations étroites avec S., ce dernier ayant indiqué qu’elle savait exactement quelles informations S. avait communiquées à l’auteure. L’auteure affirme également que le fonctionnaire de l’administration publique qui a pris la décision a commis un abus de pouvoir en déterminant que l’administration publique avait compétence pour décider de la demande de garde présentée par S. Elle pense que l’administration publique a appliqué un système discriminatoire de deux poids, deux mesures en lui refusant le droit d’obtenir des informations sur O.W. au motif qu’elle les téléchargerait sur Internet, alors même que S. et ses acolytes ont, depuis 2010, largement recours à divers médias pour publier des commentaires diffamatoires sur l’auteure. L’auteure déclare qu’elle continuera de publier toutes les informations sur l’affaire, car la transparence est le seul moyen de faire en sorte que l’enfant lui soit rendu. Elle soutient que l’État partie ne fournit son appui qu’à ses ressortissants et ne protège pas les enfants de parents danois abusifs1, et que l’administration publique semble avoir pour principe d’accuser les mères étrangères d’inventer des histoires. Elle affirme que la décision de l’administration publique comporte de multiples mensonges et inexactitudes.

4.10L’auteure affirme que l’État partie a fait preuve de mauvaise foi en demandant au Comité de lui accorder des délais supplémentaires et en présentant des observations incorrectes et contradictoires. Elle ajoute que la discrimination dont elle et O.W. ont fait l’objet de la part de l’État partie est étayée, entre autres, par les conclusions officielles du Parlement européen.2

Questions et procédures dont est saisi le Comité quant au fond

Examen quant au fond

5.1En application des dispositions de l’article 7 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations mises à sa disposition par l’auteur et l’État partie.

5.2Le Comité note que les griefs que l’auteure tire de l’article 1er et de l’alinéa d) de l’article 2 de la Convention sont motivés par les actes de violence à motivation sexiste que S. aurait commis sur sa personne et à celle de son fils, les procédures partiales menées par les autorités et les tribunaux danois, la discrimination à son égard fondée sur son sexe ainsi que sa nationalité étrangère, et l’incapacité manifestée par l’État partie de prendre les mesures immédiates nécessaires pour la protéger et protéger son fils O.W. et mettre fin à la discrimination dont ils étaient les victimes.

5.3Le Comité rappelle également qu’il ne remplace pas les autorités judiciaires nationales dans l’appréciation des faits et des éléments de preuve, à moins que cette appréciation n’ait été clairement arbitraire ou n’ait constitué un déni de justice.3

5.4Le Comité rappelle que, comme indiqué aux paragraphes 6 et 9 de sa recommandation générale no 19 (1992), la définition de la discrimination énoncée à l’article premier de la Convention inclut la violence fondée sur le sexe et, de plus, que les États peuvent être responsables d’actes privés s’ils ne prennent pas les précautions voulues pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence et les sanctionner.4

5.5Le Comité prend note des griefs détaillés de l’auteure, qui affirme que pendant sa cohabitation avec S., après leur séparation et même après qu’elle ait déménagé en Autriche, elle a été l’objet d’actes de violence verbale et d’agression physique, ainsi que de harcèlement de la part de S., et que O.W. a été enlevé de façon violente par S. en Autriche. Le Comité prend aussi note de l’affirmation de l’auteure selon laquelle les forces de l’ordre non seulement ne l’ont pas protégée contre les menaces, le harcèlement et les violences mentales et physiques que S. lui a infligées, mais lui ont aussi fait subir une discrimination fondée sur le fait qu’elle était étrangère, notamment lorsqu’elle a signalé un incident d’entrée par effraction chez elle à la police en septembre 2010 et que la police n’a pas pris de déposition de sa version des faits mais, au contraire, l’a arrêtée sans mandat à cet effet et l’a placée en détention au motif qu’elle aurait sorti illégalement O.W. du pays, alors même qu’elle avait la garde exclusive de l’enfant et a refusé d’enquêter lorsqu’elle s’est plainte que S. était entré chez elle par effraction et l’avait menacée à son domicile. Le Comité prend aussi note des détails donnés par l’auteure, qui affirme qu’elle a subi un traitement inhumain et dégradant pendant sa détention le 6 septembre 2010, dont le déshabillage forcé et la fouille corporelle complète par une policière, sans compter qu’elle n’a pas été autorisée à avoir accès à un avocat. Le Comité a également pris dument en considération les actions des autorités danoises, par exemple le fait que la police de la Zélande-du-Nord a agi uniquement sur la base de la version de S. et l’a accusée en vertu de la section 215 du Code pénal; pour quelles raisons lors de sa mise en examen devant le tribunal de district d’Elseneur le 7 septembre 2010 pour une audience, le procureur de l’État a demandé qu’elle soit placée en détention et, bien que le tribunal de district n’ait pas jugé cette demande valable et qu’elle ait été libérée, la police de la Zélande-du-Nord a, par la suite, demandé à trois reprises que l’auteure soit placée en détention provisoire, in absentia, aux fins de l’émission d’un mandat d’arrêt européen.

5.6 En ce qui concerne l’enlèvement violent de O.W. par S. en Autriche, le parti pris des autorités danoises, notamment les autorités judiciaires, et l’absence de mesures efficaces face à l’enlèvement d’O.W., le Comité prend note des griefs de l’auteure qui affirme que les autorités danoises n’ont accordé aucune attention au mandat d’arrêt international émis par les autorités autrichiennes contre S. pour violences graves et enlèvement de O.W. ni à toutes les demandes qu’elle leur avait adressées pour avoir accès à l’enfant et dans l’intérêt de la sécurité d’O.W. après son enlèvement, causant ainsi un préjudice à un enfant auparavant en pleine santé et parfaitement épanoui pour dissimuler le fait qu’elles avaient enfreint le droit international et la loi danoise en lui enlevant la garde de l’enfant et en l’accordant à S. en 2010. Le Comité prend également note du fait que, le 16 avril 2012, la Commission nationale de recours en matière sociale a demandé au tribunal de première instance d’Elseneur, d’envisager de remettre le fils à sa mère en Autriche mais que, le 21 septembre 2012, le tribunal a rendu une ordonnance dans laquelle il a rejeté la requête présentée par l’auteure en vue de récupérer O.W., que cette décision a été confirmée en appel par la Haute Cour du Danemark oriental et que les requêtes de demande d’autorisation de recours devant la Cour suprême, ensuite déposées par l’auteure auprès de la Commission des requêtes, ont été systématiquement refusées.

5.7Le Comité note que l’État partie a affirmé que les allégations de l’auteure, selon lesquelles S. avait un comportement violent à son égard, n’étaient pas motivées dans la mesure où elle n’avait pas fourni de preuves ou de documents à l’appui de ses affirmations selon lesquelles S. était violent, la menaçait et la harcelait, et avait été violent avec elle et avec O.W. Le Comité note que, depuis l’Autriche, il était difficile pour l’auteure de soumettre ces documents, en particulier puisque toutes ses demandes pour obtenir des documents ont été ignorées et/ou rejetées par les autorités danoises. En outre, le Comité constate que l’État partie lui-même n’a pas non plus fourni d’informations détaillées ni de documents concernant les actions et omissions de la police, spécialement l’arrestation arbitraire de l’auteure et sa détention les 6 et 7 septembre 2010, les charges retenues contre elle en application de l’article 215.2 du code pénal danois et le fait que la police n’avait pas pris de mesures contre S. lorsqu’il était entré par effraction chez l’auteure et s’était montré menaçant. Le Comité estime que, dans les circonstances présentes, les autorités danoises, plus particulièrement la police, le procureur et les tribunaux, non seulement n’ont pas assuré une protection efficace à l’auteure et à O.W., dont elle avait la garde légale, mais ont aussi commis une série d’actes illégaux, tels que le transfert de la garde d’O.W, bien que temporaire, de l’auteure à S. dans le cadre d’une procédure ex parte dans laquelle l’administration publique régionale ne s’est fiée qu’à la version partiale de S; le transfert de la garde de O.W. à S. par le tribunal de district d’Elsineur le 22 décembre 2010, de nouveau uniquement sur la base d’une déclaration des faits par S. qui contenait des faits erronés tels que S. était le principal gardien de O.W. et les deux autorités n’avaient manifestement pas tenu compte de l’intérêt supérieur de O.W.; l’arrestation arbitraire et le placement en détention de l’auteure en septembre 2010 et sa mise en examen au titre de l’article 215.2 du Code pénal danois suivie du retrait des charges retenues contre elle plus de deux ans plus tard, le 20 décembre 2012, faits qui l’avaient amenée à ne pas assister à la procédure concernant la garde par crainte d’être de nouveau arrêtée, et l’avaient donc privée de son accès à la justice. En ce qui concerne l’enlèvement d’O.W. en Autriche, le Comité prend aussi note du manque de collaboration entre l’État partie et l’Autorité centrale en Autriche et son refus de livrer S. aux autorités autrichiennes suite au mandat d’arrêt international émis le 3 avril 2012. Le Comité rappelle qu’en vertu de la Convention de La Haye, les autorités centrales sont tenues de collaborer entre elles et de veiller à ce que les enfants enlevés illicitement soient rapidement rendus, et de faire en sorte que les droits de garde et de visite énoncés dans la législation de l’un des deux États contractants soient effectivement respectés dans l’autre. Le Comité se dit aussi préoccupé par l’insuffisance des justifications fournies par le ministère de la justice, agissant en tant qu’autorité centrale danoise, en ce qui concerne son refus de remettre S. aux autorités autrichiennes malgré le mandat d’arrêt international émis contre lui par ces dernières le 3 avril 2012, à la suite de l’enlèvement de O.W. par S., au motif que, premièrement, comme S. avait la garde de O.W. au Danemark, l’infraction visée par le mandat d’arrêt était considérée comme partiellement commise au Danemark et, deuxièmement, que le fait incriminé n’était pas considéré comme une infraction pénale au Danemark, où S. avait la garde de O.W. au regard du droit danois.

5.8Dans ces circonstances, le Comité conclut, sur la base des informations dont il dispose, que l’État partie n’a pas pris les précautions qui s’imposaient pour empêcher la commission des actes de violence, enquêter à leur sujet et les sanctionner, ni pour protéger l’auteure et O.W. avant et après l’enlèvement. Le Comité rappelle que les États parties ont l’obligation de ne pas causer de discrimination à l’égard des femmes par des actes ou des omissions et qu’ils sont tenus de réagir activement à toute discrimination à l’égard des femmes, que lesdits actes ou omissions aient été commis par l’État ou par des acteurs privés. De même, les États parties ont l’obligation de veiller à ce que les femmes soient protégées contre toute discrimination qui serait le fait du système judiciaire ou des autorités publiques. En ce qui concerne le grief de l’auteure, qui affirme qu’elle a subi de la discrimination en tant que mère étrangère, le Comité rappelle aussi que la discrimination à l’égard des femmes fondée sur le sexe et le genre est indissociablement liée à d’autres facteurs qui concernent les femmes, tels que la nationalité, et que les États parties doivent prévoir dans leurs lois ces formes convergentes de discrimination et l’effet cumulé de leurs conséquences négatives pour les intéressées, et doivent les interdire. Par conséquent, le Comité considère que l’État partie a violé les droits de l’auteure et d’O.W. au sens de l’alinéa d) de l’article 2, lu en parallèle avec l’article premier de la Convention.

5.9Le Comité prend également note du grief que l’auteure tire des alinéas a) et b) de l’article 5 et de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 16, à savoir que l’État partie n’a pas pris en compte l’intérêt supérieur d’O.W. lorsqu’il a confié la garde de l’enfant à S. et qu’il a fait preuve de discrimination à l’encontre de l’auteure en tant que mère étrangère durant les procédures concernant la garde et les droits de visite. Le Comité rappelle qu’en vertu de l’alinéa a) de l’article 5, les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme, en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques qui sont fondées sur l’idée d’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. En vertu de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 16, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures propres à éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les affaires concernant les relations familiales et d’assurer aux hommes et aux femmes les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents pour les questions se rapportant à leurs enfants, sachant que, dans tous les cas, l’intérêt des enfants est la considération primordiale.

5.10Le Comité note les affirmations de l’auteure, selon lesquelles, en lui enlevant la garde de O.W. et en l’octroyant à S., les autorités danoises, agissant par l’intermédiaire de l’administration publique régionale et du tribunal de district d’Elseneur, n’ont pas fait de l’intérêt supérieur d’O.W et des droits juridiques conférés à l’auteure en tant que gardienne légale une considération primordiale et, par conséquent, ont établi à son égard une discrimination parce qu’elle était femme et mère étrangère. Le Comité note, en particulier, l’affirmation de l’auteure concernant les actes illégaux des autorités danoises qui n’ont pas accordé la considération voulue aux faits suivants: que O.W. n’avait que la nationalité autrichienne, que S. n’avait même pas reconnu O.W. à sa naissance, que le fait que S. avait par la suite reconnu l’enfant le 22 mai 2007 n’avait pas modifié la nationalité d’O.W., que l’auteure, en tant que mère célibataire, avait toujours eu la garde exclusive d’O.W. tant selon la loi danoise que selon la loi autrichienne, qu’il n’y avait jamais eu aucun accord entre elle et S. concernant les droits de visite pour S., et que ni elle ni O.W. n’avaient jamais demandé la nationalité danoise. Le Comité prend aussi note de l’affirmation de l’auteure selon laquelle, alors que S. avait retiré sa demande de garde partagée le 19 juillet 2010 auprès de l’administration publique régionale et présenté une demande de garde exclusive le 22 juillet 2010, les autorités danoises n’avaient pas pris en compte le fait qu’elles n’étaient pas compétentes à l’égard d’un enfant né autrichien d’une mère autrichienne ayant sa garde exclusive depuis la naissance. Élément plus important, le Comité prend note de l’argument de l’auteure qui affirme que l’administration publique régionale et le tribunal de district d’Elseneur n’avaient pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et ne s’étaient fiés qu’à la version partiale donnée par S., que le tribunal de district d’Elseneur avait fondé sa décision sur le principe selon lequel un enfant doit avoir des contacts avec ses deux parents et avait un préjugé flagrant contre l’auteure parce qu’elle était une étrangère, dans la mesure où celle-ci n’avait jamais rencontré le retsassessor qui avait été saisi de l’affaire, ni parlé avec lui, et que celui-ci l’avait par la suite accusée de n’avoir que son propre intérêt à cœur et de n’avoir pas d’empathie et, en conséquence, ne lui avait même pas accordé de droits de visite à O.W. Le Comité note aussi l’affirmation de l’auteure, selon laquelle depuis le 1er octobre 2014, l’administration publique régionale lui a supprimé tous ses droits en tant que mère, à la suite d’une demande faite par S. en application de l’article 23 de la loi danoise sur la responsabilité parentale.

5.11Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant la conformité de la loi sur la responsabilité parentale avec les obligations internationales de l’État en vertu de la Convention et de la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que ses affirmations que, dans la présente affaire, l’administration publique régionale a conclu qu’il serait de l’intérêt supérieur de O.W. que le statu quo soit maintenu et qu’il reste dans son environnement habituel et dans son école au Danemark pendant la procédure.

5.12Le Comité note, à la lecture de la copie de la décision fournie par l’État partie, que l’administration publique régionale a elle-même déclaré qu’elle n’avait fait aucune déclaration sur l’intérêt supérieur d’O.W. à long terme. En ce qui concerne la loi sur la responsabilité parentale, le Comité note que si, dans toutes les décisions, l’intérêt supérieur de l’enfant est le principe primordial, la législation danoise se fonde aussi sur le principe selon lequel l’enfant doit avoir des contacts avec ses deux parents, considération qui a pesé lourdement sur la décision rendue par le tribunal de district d’Elseneur, qui a conclu que, au vu du fait que les actes de l’auteure avaient abouti à ce que O.W. n’avait pu voir son père pendant plus de quatre mois, il serait de l’intérêt supérieur de l’enfant que S. conserve la garde exclusive pour qu’O.W. ait des contacts stables avec les deux parents. Le Comité constate que dans les deux décisions, les tribunaux n’ont pas fait de l’intérêt supérieur de l’enfant la considération primordiale et n’ont pas adopté une approche plus équilibrée, ce qui a été source de discrimination à l’égard de l’auteure. Le Comité fait observer que la décision du tribunal de district d’Elseneur mentionne un contact stable avec les deux parents alors qu’il sait parfaitement que l’auteure vit en Autriche et que le droit de visite ne lui a même pas été accordé. Le Comité rappelle les mesures intérimaires qu’il a prises le 9 juillet 2013 et le 4 avril 2014 selon lesquelles il a demandé à l’État partie d’accorder à l’auteure un droit de visite raisonnable concernant O.W. au Danemark et de faire en sorte que toutes les autorités compétentes facilitent l’exercice de ce droit; il note avec préoccupation que l’État partie ne l’a pas fait, soi-disant parce que l’auteure aurait dû soumettre une demande de visite à l’administration publique régionale qui, d’après la législation danoise, est la seule compétente à prendre des décisions concernant cet accès; en conséquence, depuis le 13 février 2013, l’auteure n’a eu aucun contact avec son enfant. Le Comité s’inquiète en outre que, depuis le 1er octobre 2014, la situation de l’auteure s’est encore détériorée à la suite de la décision de l’administration publique régionale, agissant sur une autre requête déposée par S., selon laquelle l’auteure n’aurait plus le droit d’obtenir des informations sur son fils O.W., bien que, en vertu de l’article 23 de la loi danoise sur la responsabilité parentale, un parent n’ayant pas la garde conjointe est en droit de solliciter et de recevoir des informations sur la situation de l’enfant d’établissements scolaires, de centres de soins pour enfants, du secteur social et du secteur de la santé, d’hôpitaux privés, de médecins généralistes et de dentistes.

5.13Le Comité estime que l’expression « primordiale » utilisée dans la Convention signifie qu’on ne peut considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant se situe au même niveau que toutes les autres considérations. Le Comité estime aussi que pour démontrer que le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit évalué et considéré comme une considération primordiale, a été respecté, toute décision concernant l’enfant doit être motivée, justifiée et expliquée.

5.14Le Comité prend note des observations de l’État partie selon lesquelles l’auteure a eu dûment la possibilité, durant les procédures relatives à la garde de l’enfant, de présenter sa version des faits, mais ne l’a pas fait; que l’auteure n’aurait pas été arrêtée si elle avait assisté aux procédures judiciaires au Danemark, le procureur de l’État ayant cessé de requérir son placement en détention après la publication de l’ordonnance du 23 décembre 2011 de la Haute Cour du Danemark oriental. Il prend note des circonstances dans lesquelles l’auteure a été arrêtée de manière arbitraire et placée en détention en septembre 2010 et aurait subi des traitements inhumains ou dégradants pendant sa détention, et estime que la crainte de l’auteure de retourner au Danemark pour y suivre les procédures relatives à la garde de l’enfant étaient justifiées, car elle avait perdu toute confiance dans l’équité et l’intégrité des autorités de l’État partie. Le Comité rappelle la lettre transmise à l’autorité centrale autrichienne par le Département des affaires familiales du Ministère de la justice danois (autorité centrale danoise) en date du 18 avril 2011, dans laquelle celui-ci confirmait qu’une procédure pénale était encore engagée contre l’auteure, que l’enlèvement de l’enfant était une infraction pénale passible de quatre ans de privation de liberté au maximum, que si elle se rendait au Danemark, l’auteure courait le risque d’être arrêtée et qu’un mandat d’arrêt européen pouvait être délivré contre l’auteure dans un délai bref. Le Comité a également pris note de l’allégation non contredite de l’auteure selon laquelle des tactiques d’intimidation ont été utilisées contre elle, notamment plusieurs appels téléphoniques au Département autrichien des affaires familiales par un assistant social de l’Autorité centrale danoise/Département des affaires familiales menaçant l’auteure de retirer sa demande de retour de O.W. en Autriche. Le Comité est d’avis que toutes ces circonstances dans leur ensemble non seulement expliquent la réticence de l’auteure à venir au Danemark assister aux procédures mais font également obstacle à son accès à la justice.

5.15Le Comité constate en outre avec préoccupation que les demandes d’autorisation de recours présentées par l’auteure auprès de la Commission des requêtes ont été systématiquement rejetées, ce qui peut être considéré comme un obstacle à l’accès à la justice pour l’auteure. En appliquant la «règle relative à l’intérêt public général », les autorités de l’État partie auraient dû accorder la considération voulue à la nature de l’affaire, à savoir la garde d’un enfant mineur d’âge tendre, sans compter la dimension internationale d’une affaire comportant des conflits de juridiction entre deux systèmes juridiques différents et aux effets et aux conséquences considérables et étendus de l’examen de l’affaire en appel, qui dépassaient les intérêts de l’auteure, de O.W. et de S., compte tenu des allégations répétées de l’auteure selon lesquelles elle a été victime de discrimination fondée sur le sexe, qu’elle était de nationalité étrangère, qu’un grand nombre de ressortissants étrangers se trouvent dans une situation similaire et du nombre de plaintes concernant des parents étrangers dans la même situation que l’auteure.

5.16Sur la base des informations dont il dispose, le Comité conclut que l’auteure n’a pas bénéficié d’un traitement égal de la part des autorités danoises en ce qui concerne son fils. Au regard de ce qui précède, le Comité considère que l’État partie a violé les droits que l’auteure et O.W. tiennent de l’alinéa d) de l’article 2, des alinéas a) et b) de l’article 5, et de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention.

6.Agissant en application du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le Comité conclut que les faits dont il est saisi révèlent une violation des droits que l’auteure et son fils mineur O.W. tiennent de l’article 2, lu en parallèle avec l’article 1er et les alinéas a) et b) de l’article 5 et l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention, et recommande à l’État partie :

a)De prendre des mesures pour que l’autorité centrale de l’État partie, c’est-à-dire le Ministère de la Justice, collabore promptement avec l’autorité centrale autrichienne pour veiller au retour immédiat de O.W. chez l’auteure en Autriche où, si nécessaire, une nouvelle procédure concernant sa garde et le droit de visite sera engagée, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

b)Concernant le contexte général :

i)De prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas;

ii)D’examiner et de modifier la loi relative à la responsabilité parentale pour faire en sorte que : a) la prescription relative à la considération primordiale constituée par l’intérêt supérieur de l’enfant dans tout acte ou décision le concernant, tant dans la sphère publique que dans la sphère privée, soit énoncée comme un droit fondamental et une règle de procédure; b) le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » soit appliqué dans toutes les procédures administratives et judiciaires, que celles-ci soient menées par des juges professionnels, des non-professionnels ou d’autres fonctionnaires, dans toutes les procédures concernant des enfants, y compris les procédures de conciliation, de médiation ou d’arbitrage;

iii)D’élaborer des principes juridiques respectant scrupuleusement la règle de droit et de veiller à ce que le système judiciaire mette en place un système d’appel fiable et efficace afin de corriger les erreurs juridiques et factuelles, en particulier dans les cas de garde et de détermination et d’évaluation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant;

iv)De procéder à l’examen exhaustif, fondé sur des recherches, des lois danoises relatives à la garde et de celle relative à la responsabilité parentale, et, en particulier, en évaluer les effets sur les parents étrangers, spécialement les mères étrangères;

v)De combattre toutes les attitudes et tous les stéréotypes négatifs qui encouragent les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes, spécialement des mères de nationalité étrangère, et de faire en sorte que soit pleinement respecté le droit de leurs enfants de voir leur intérêt supérieur évalué et considéré comme primordial dans toute décision;

vi)De concevoir des programmes de formation spécialisés et obligatoires pour les juges, les procureurs et les avocats ainsi que pour les autres professionnels concernés par les procédures administratives et judiciaires, portant sur les dynamiques de la violence à l’encontre des femmes, les droits de garde et de visite et le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant », la non-discrimination à l’égard des ressortissants étrangers ainsi que les stéréotypes relatifs au genre, afin de leur donner les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs fonctions conformément aux obligations internationales de l’État partie.

7.Conformément au paragraphe 4 de l’article 7, l’État partie tiendra dûment compte des constatations et des recommandations du Comité et lui soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite l’informant notamment de toute mesure prise pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est également invité à rendre celles-ci publiques, à les faire traduire en danois et à les diffuser largement afin de toucher tous les secteurs concernés de la société.

Appendice

Opinion divergente de Mme Patricia Schulz, membre du Comité

Le Comité était aux prises avec une affaire extrêmement complexe dans laquelle les deux parents d’un enfant se sont adressés aux Cours suprêmes de leurs pays respectifs afin d’obtenir la garde exclusive de l’enfant, les deux ont fait face à des poursuites judiciaires à un certain moment et des jugements contradictoires quant à la garde ont été rendus dans les deux pays. Le Comité s’est trouvé face à des lois et des sentences conflictuelles au sujet de la garde de l’enfant : ceci était et reste au cœur de la communication, et, à mon avis, la discrimination fondée sur le sexe a été alléguée par l’auteure afin d’obtenir un nouvel examen de l’affaire.

Si je ne m’abuse, l’auteure a reçu une assistance judiciaire pendant la procédure devant les autorités danoises, et ce n’est qu’à la fin de la communication qu’elle n’avait pas de conseil. Ceci aurait dû être mieux pris en considération lors de l’évaluation de ses allégations concernant les actes et omissions des autorités de l’État partie qu’elle critique. En fait, en ayant un conseil l’auteure a été en mesure de défendre ses droits tout au long de la procédure et elle aurait pu aussi avoir un soutien pour étayer le bien-fondé de ses allégations.

Bien que certaines des raisons qui m’amènent à avoir un avis divergent se trouvent déjà dans la décision sur la recevabilité de novembre 2014 (CEDAW/C/59/D/46/2012), je me concentrerai sur les arguments quant au fond qui figurent dans la présente décision (CEDAW/C/63/D/46/2012), du paragraphe 4.5 jusqu’à la fin.

Deux raisons m’ont amenée à présenter une opinion divergente.

1. Évaluation peu objective des allégations et des informations en faveur de l’auteure et renversement de la charge de la preuve

À mon avis, la décision évalue les informations fournies et/ou alléguées par M.W. plus favorablement que celles de l’État partie. À maintes reprises, M.W. a critiqué les différentes actions ou omissions des autorités danoises, de manière radicale mais sans preuves suffisantes à mes yeux pour justifier un examen quant au fond.

Cependant, le Comité a accepté ces allégations. Il n’a pas considéré que les autorités danoises avaient fourni des explications suffisantes au sujet de toutes les poursuites et les procédures menées au titre de la législation danoise, que ce soit en ce qui concerne la question de la violence ou celle de la garde.

1.1. En ce qui concerne la violence

L’auteure affirme que les autorités danoises ne l’ont pas protégée comme il se doit de la violence de S. à son égard ou lors de l’enlèvement de O.W, et elle accuse la police et les juges de n’avoir pas agi ou d’avoir agi de manière inadéquate; elle affirme aussi qu’elle a été arrêtée et détenue d’une manière équivalant à un déni de justice (traitement inhumain et dégradant). Ces allégations sont graves.

Les paragraphes 4.5 à 4.8 donnent des détails sur plusieurs allégations concernant la violence verbale et physique et le harcèlement que S. infligeait à l’auteure, les traitements inhumains et dégradants dont elle a été victime pendant sa détention, l’enlèvement violent de l’enfant par S. et le manque de protection de la part de la police et des juges.

Je considère que l’auteure n’a pas apporté les preuves nécessaires à de si graves allégations concernant le fonctionnement de la police danoise et les poursuites dans son affaire; il n’y a pas de preuve qu’elle a tenté de déposer une plainte (ou des plaintes) contre S.; pas de preuve non plus de plaintes contre la police ou d’autres autorités dont elle affirme qu’elles n’ont pas agi et/ou que la police a refusé d’agir, ou qu’elle a été brutalisée par la police ou les gardiens; il n’y a aucune preuve étayant des allégations aussi graves. Pourtant l’État partie a une procédure – par l’intermédiaire des Autorités indépendantes pour les plaintes relatives à la police – ouverte aux personnes qui veulent déposer plainte pour de tels actes; l’auteure avait un conseil pour l’aider.

Bien qu’il n’y ait aucune trace dans le dossier indiquant que l’auteure a essayé de signaler les différents aspects du dysfonctionnement de la police ou de l’accusation, le Comité traite toutes les allégations de l’auteure comme des faits avérés et rejette les explications détaillées de l’État partie concernant les raisons et les conditions de l’arrestation et de la détention et l’action régulière de la police, des avocats et autres services (voir par. 2.2, 2.3, 2.7, 2.10, 2.11 et 2.12).

Au paragraphe 4.7, le Comité « observe qu’il n’a pas non plus fourni d’informations détaillées ni de documents concernant les actions et omissions de la police, spécialement l’arrestation arbitraire de l’auteure et sa détention les 6 et 7 septembre 2010 ». Il considère qu’il était difficile pour l’auteure, en tant qu’étrangère, et depuis l’Autriche (après avoir quitté le Danemark), d’apporter des preuves d’actions ou omissions de certaines autorités gouvernementales — mais il n’a pas retenu contre elle l’absence de preuves qu’elle avait au moins essayé d’obtenir les documents qu’elle aurait demandés aux autorités danoises.

Le Comité continue ensuite au paragraphe 4.7 de reprocher aux autorités danoises d’avoir « aussi commis une série d’actes illégaux », un résumé des plaintes de l’auteure étant présenté pour conclure que l’État partie n’a pas pris toutes les précautions qui s’imposaient au sujet de la violence alléguée.

Les arguments raisonnés de l’État partie m’ont convaincue (voir par. 2.2, 2.3, 2.7, 2.10, 2.11 et 2.12) qu’il n’y avait pas eu de violation de l’article 1 ou du paragraphe d) de l’article 2 de la Convention. Je note également qu’il est probablement impossible pour un État partie de fournir des preuves négatives contre les allégations d’un auteur, c’est-à-dire de fournir la preuve qu’il n’y a pas eu d’actions ou omissions; l’absence de toute preuve — alors que certaines preuves auraient pu être données dans cette affaire si l’auteure avait écrit pour demander une action, des copies de documents, protester contre les traitements dont elle dit avoir été victime — que ces actes auraient pu se produire ne devrait pas être au profit de l’auteure mais à celui de l’État partie.

1.2.En ce qui concerne la question de la garde

La liste des actes qui constituent une « série d’actes illégaux » au paragraphe 4.7 se rapporte également à l’allégation que l’État partie n’a pu empêcher les services judiciaires et sociaux (et l’école maternelle) d’agir de manière discriminatoire pour la question de la garde. Le Comité prend pour un fait acquis que les services judiciaires et sociaux ont négligé leurs obligations et agi aussi de manière discriminatoire, et même que certaines personnes ont menti (l’employée de l’école maternelle présumée avoir des relations très étroites avec S.). Là encore, la réponse détaillée de l’État partie n’est pas prise en considération; je pense par exemple à son rappel de la date à partir de laquelle l’auteure n’avait plus de raison de craindre d’être détenue et pouvait donc venir au Danemark et participer aux procédures, ou à ses explications sur le fonctionnement du système judiciaire du pays pour les affaires de garde, avec la participation des services sociaux, et à son fonctionnement dans cette affaire en particulier, avec un exposé de toutes les mesures prises par les diverses autorités danoises.

Je ne vois pas non plus quels sont les droits que l’auteure tire de l’alinéa a) de l’article 5 et de l’alinéa d) de l’article 16 qui ont été violés. L’auteure a maintes fois refusé de se prévaloir de la procédure qui lui aurait permis d’avoir accès à son fils, accès que les autorités danoises étaient prêtes à lui donner suite aux mesures provisoires recommandées dans la décision de 2014 sur la recevabilité, comme elles l’ont abondamment expliqué (par. 2.14). L’auteure n’a pas expliqué pourquoi elle refusait de respecter la procédure de l’État partie que les autorités danoises lui ont à maintes reprises rappelées. Elle n’aurait donc pas dû être autorisée à invoquer ceci à son propre avantage alors que, en effet, elle voulait que l’État partie enfreigne ses propres règles et lui donne une possibilité qui n’est ouverte à personne. Pourtant le Comité a accepté sa version des faits, ce qui figure aussi au paragraphe 4.12, encore une preuve à mes yeux de cette évaluation peu objective des allégations et des informations en faveur de l’auteur et du renversement de la charge de la preuve.

2. Rôle du Comité et nécessité de ne pas aller au-delà de sa compétence ni de se substituer aux autorités nationales ni d’essayer de récrire les règles sur l’organisation judiciaire

Je ne puis non plus être d’accord avec ce que je vois comme une ingérence du Comité dans cette affaire très complexe (voir paragraphe 4.8) lorsqu’il affirme que « les autorités danoises ont aussi commis une série d’actes illégaux, entre autres le transfert de la garde d’O.W., même temporairement »; le Comité énumère toute une série d’actes illégaux commis par l’État partie dans les aspects civils de l’affaire, soit la garde elle-même et l’accès à l’enfant conformément aux mesures intérimaires. Les paragraphes 4.10 à 4.13 continuent à traiter de cette ingérence dans l’affaire de garde.

Ces paragraphes portent essentiellement sur le fait que « l’intérêt supérieur d’O.W et des droits juridiques conférés à l’auteure en tant que gardienne légale n’ont pas été une considération primordiale » et sur le traitement discriminatoire de M.W. « comme femme et mère étrangère ». À mon avis, le Comité substitue ses opinions à celles des autorités danoises et fait des considérations détaillées sur ce que signifie l’intérêt primordial de l’enfant et sur la façon dont aurait dû être conduite la procédure judiciaire relative à sa garde; il réfute également « la règle relative à l’intérêt public général ». Je trouve que ce discours n’est qu’artificiellement et insuffisamment lié à la discrimination fondée sur le sexe alléguée par l’auteure; il est contraire à ce que le Comité affirme au paragraphe 4.3 ne pas devoir faire, c’est-à-dire substituer ses vues à celles des autorités nationales ‑ dans une affaire où les conditions strictes pour ce faire ne sont pas remplies.

La question de l’accès à la justice est examinée aux paragraphes 4.14 et 4.15, qui reprennent en partie certains des éléments précédemment abordés sous une autre rubrique (allégations de violence et violation des articles 1 et 2 de la Convention). Étant donné les explications de l’État partie au sujet des possibilités pour l’auteure de se défendre et du système judiciaire du pays, je ne peux souscrire à la conclusion que l’auteure n’avait qu’un accès minimum à la justice. En fait, le paragraphe 4.16 remet en question le système de recours : l’argument selon lequel « la garde d’un enfant mineur d’âge tendre » revient à une affaire dans laquelle « la règle relative à l’intérêt public général » devrait s’appliquer est déconcertant et ne se rapporte pas à de la discrimination fondée sur le sexe. Toutes les affaires tragiques de garde ne remplissent pas la condition de « la règle relative à l’intérêt public général » et tous les cas de mauvais traitements présentés par des femmes requérantes ne sont pas de la discrimination fondée sur le sexe ou sur la nationalité étrangère ou sur un mélange des deux.

De plus, comme je l’ai expliqué précédemment dans le dernier paragraphe du point 1.2 concernant la violation alléguée du paragraphe a) de l’article 5 et/ou de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 16, l’auteur a refusé d’utiliser la procédure régulière à sa disposition, que les autorités danoises lui ont rappelée à maintes reprises, pour avoir accès à son fils conformément à la recommandation relative aux mesures intérimaires.

En outre, la deuxième partie du paragraphe 4.15 aurait dû conduire la majorité à une autre conclusion, à savoir que le Comité n’avait pas compétence pour s’occuper d’une affaire impliquant, comme l’État partie le dit au paragraphe 2.2, « deux systèmes juridiques reconnus et égaux qui ont rendu des jugements contradictoires concernant la garde du fils »; le Comité aurait dû tenir compte du rappel qu’il « n’est pas une entité supranationale dont la mission serait de statuer sur les différends entre deux systèmes juridiques reconnus et égaux ». En outre, l’État partie avait, à mon avis, amplement démontré avec quel soin il avait examiné les différents aspects des questions relatives à la garde et à l’accès de l’enfant.

Je trouve donc que, bien qu’il soit dit au paragraphe 4.3 que le Comité « ne remplace pas les autorités nationales dans l’évaluation des faits et des preuves, à moins que l’évaluation ne soit nettement arbitraire ou revienne à un déni de justice », le Comité a oublié cette règle de prudence et cette interprétation correcte de son rôle, de sa fonction et de sa compétence. En dépit du fait que, pour moi, l’auteure n’a pas étayé les différentes actions et/ou omissions revenant à de la discrimination arbitraire ou à un déni de justice, le Comité s’est lui-même substitué aux autorités nationales et s’est occupé d’une affaire extrêmement compliquée de garde d’enfant sous l’apparence de la discrimination fondée sur le sexe.

3. Conclusion

Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas eu de problèmes, que S. avait raison d’amener son fils en Autriche et que les autorités danoises sont irréprochables : certainement pas. Je trouve en particulier très faible l’argument de l’État partie selon lequel S. aurait illégalement retenu O.W après l’avoir enlevé en Autriche (voir par. 2.7). Je me demande aussi si la décision de priver l’auteur d’accès aux informations concernant son fils au motif que « l’auteure publiait tout ou partie de ces informations sur différentes pages Internet, sites de campagne et Facebook » (voir par. 2.6) a pris en considération ce que S. aurait pu faire aussi à cet égard?

Néanmoins, ce que je veux dire c’est que, sur la base des griefs de l’auteure, des informations qu’elle a fournies et des réponses de l’État partie, le Comité n’était pas en mesure de s’immiscer dans la complexité de cette affaire tragique car la base documentaire est insuffisante pour indiquer que l’État partie a commis un acte de discrimination fondé sur le sexe qui serait arbitraire ou un déni de justice.

En conséquence, je ne peux souscrire ni à l’approche adoptée par le Comité, qui a pratiquement renversé la charge de la preuve en demandant à l’État partie de réfuter les allégations de l’auteure, au lieu de demander à l’auteure de prouver ses allégations ou au moins de les fonder, ni au résultat de ce que je vois comme une approche entachée de parti pris.

Au vu de ce qui précède, je crois que la communication aurait dû être rejetée pour défaut de preuve des allégations de l’auteure contre l’État partie.