Communication présentée par :

E. W. (représentée par un conseil, Daniel Nørrung et Helge Nørrung)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Danemark

Date de la communication :

7 juin 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 13 juin 2013 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

28 février 2017

L’auteure de la communication est E. W., de nationalité chinoise, née en 1958. Sa demande d’asile a été rejetée par le Danemark et elle est menacée d’être expulsée vers la Chine. Elle affirme qu’en l’expulsant, le Danemark porterait atteinte aux articles 1er, 2, 3, 5 et 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’auteure est représentée par un conseil, Helge Nørrung. La Convention et le Protocole facultatif qui s’y rapporte sont entrés en vigueur pour le Danemark respectivement le 21 mai 1983 et le 22 décembre 2000.

Lorsqu’il a enregistré la communication, le 13 juin 2013, en vertu du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et de l’article 63 de son règlement intérieur, le groupe de travail des communications soumises au titre du Protocole facultatif, agissant au nom du Comité, a prié l’État partie de ne pas expulser l’auteure tant que sa communication serait en cours d’examen devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure vient d’un petit village de Mongolie intérieure, en Chine. Elle a épousé un membre de la minorité tibétaine et ils ont eu une fille. Elle affirme qu’ils ont subi des discriminations de la part des autorités en raison de l’appartenance ethnique de son mari. En 1996, après un séisme qui a détruit leur maison, le mari s’est plaint auprès des autorités locales au sujet de droits fonciers. Des agents municipaux ont réagi en le passant à tabac. Il s’est alors rendu dans une ville pour porter plainte auprès des autorités régionales et n’est jamais revenu. Les autorités locales ont indiqué à l’auteure que son mari était décédé. Plus tard, en 2007, elle a appris que son mari avait en fait été placé en détention et torturé pendant plusieurs années à cause de son origine tibétaine et des activités qu’il menait au Parti du peuple de Mongolie intérieure.

Après le départ de son mari, l’auteure, qui est illettrée, est devenue totalement dépendante du chef du village pour ce qui concernait le logement, l’habillement et l’alimentation. De 1996 à 2007, elle a été victime de viols répétés, notamment des viols collectifs, commis par des agents publics et des responsables du village, ainsi que par des agents de la police. On la menaçait de la battre si elle n’obéissait pas; le chef du village lui a arraché plusieurs dents à la tenaille et elle a été forcée de vivre dans des conditions de grande misère et, même, à un certain point, plusieurs journées sans disposer de vêtements. L’auteure affirme qu’elle se sentait trop impuissante pour quitter le village ou porter plainte auprès des autorités, d’autant plus que le chef du village lui-même la soumettait à des sévices. Elle a décidé de ne pas déménager chez sa sœur aînée dans un autre village, car elle pensait que cela ne mettrait pas fin au harcèlement qu’elle subissait. Elle a en revanche envoyé sa fille chez cette sœur. Sa fille a par la suite quitté la Chine pour étudier au Danemark, où elle a obtenu un visa d’étudiante le 21 juillet 2005.

En 2007, l’auteure a appris par une amie que son mari était encore en vie. Elle a quitté son village pour le rejoindre dans une localité non précisée. Le mari de l’amie s’est arrangé pour leur faire délivrer des passeports chinois en versant des pots-de-vin aux autorités et en dissimulant ses origines tibétaines. Le 9 octobre 2007, l’auteure et son mari ont reçu des visas Schengen de l’ambassade danoise à Beijing, pour rendre visite à leur fille. Ils sont arrivés au Danemark le 1er novembre 2007 et y ont séjourné illégalement après l’expiration de leur visa. L’auteure explique qu’ils n’ont pas introduit de demande d’asile parce qu’ils ne connaissaient pas cette possibilité et qu’ils avaient peur de prendre contact avec les autorités parce qu’ils craignaient d’être renvoyés en Chine.

Le 1er août 2008, le mari de l’auteure a introduit une demande d’asile après avoir été arrêté. Le 20 août 2009, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté la demande. L’auteure a présenté une demande d’asile le 8 décembre 2011. Elle explique qu’elle ne savait pas que les conjoints devaient présenter deux demandes séparées car elle croyait que les démarches engagées par son époux la concernaient aussi.

Les Services danois de l’immigration ont voulu rendre une décision négative pour absence manifeste de fondement, concluant qu’à l’évidence, l’auteure ne pouvait pas obtenir l’asile au Danemark. Une telle décision l’aurait empêchée de présenter un recours auprès de la Commission danoise de recours des réfugiés. Néanmoins, le 15 mars 2012, le Conseil danois pour les réfugiés a contesté cette procédure, faisant notamment valoir qu’au vu de la gravité des allégations, il ne convenait pas de traiter l’affaire dans le cadre de la procédure accélérée réservée aux affaires manifestement dénuées de fondement.

Le 23 mars 2012, les Services danois de l’immigration ont rejeté la demande d’asile de l’auteure au motif que les viols commis par des responsables locaux « n’étaient pas inclus dans la définition de l’asile et de la protection figurant à l’article 7 de la loi relative aux étrangers » et qu’elle aurait dû demander la protection des autorités chinoises. Néanmoins, ils ont renvoyé l’affaire à la Commission danoise de recours des réfugiés pour décision finale. Le 8 janvier 2013, le conseil de l’auteure a demandé à la Commission danoise de recours des réfugiés de rouvrir l’affaire de son mari, afin que les deux affaires soient examinées conjointement, et de tenir une audience pour entendre les deux époux. Il a invoqué la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a aussi demandé le report de la décision de la Commission, afin que les experts d’Amnesty International puissent procéder à un examen médical des époux.

Le 12 février 2013, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté la demande du Conseil de révision du dossier du mari, ainsi que le recours présenté par l’auteure. Le mari a donc été renvoyé en Chine le 14 février 2013. À l’époque, l’auteure vivait avec sa fille, qui réside légalement au Danemark.

Le 26 février 2013, l’auteure a été examinée par une équipe médicale d’Amnesty International, qui a constaté que l’état de sa dentition correspondait au témoignage dans lequel elle indiquait que ses dents avaient été arrachées, et qu’elle souffrait de « symptômes psychologiques […] caractéristiques des survivants de la torture », compatibles avec les troubles post-traumatiques et associés à des troubles dépressifs importants. Selon le rapport médical, « on peut conclure que l’examen de [l’auteure] concorde avec la description des tortures subies et avec les constatations objectives ».

L’auteure se cache depuis l’expulsion de son mari, car elle craint d’être de nouveau violée, torturée et soumise à des mauvais traitements comme avant son départ si elle est renvoyée de force en Chine. Elle n’a pas reçu de nouvelles de son mari et a appris qu’il n’était jamais arrivé dans la ville où il était censé être transféré de Beijing et où il devait rencontrer un cousin, qui l’y attendait.

L’auteure explique que sa communication n’a pas été soumise à la Cour européenne des droits de l’homme et affirme qu’elle a épuisé tous les recours internes, les décisions de la Commission danoise de recours des réfugiés étant définitives.

Teneur de la plainte

L’auteure affirme qu’elle a été victime de graves violences sexistes pendant 11 ans en Chine, avant de parvenir à fuir, et qu’en la renvoyant dans ce pays, le Danemark violerait les obligations que lui imposent les articles 1er, 2, 3, 5 et 16 de la Convention, car il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être de nouveau soumise à des sévices sexuels, ou même d’être tuée. Elle souligne aussi que l’État partie n’a pas décidé de tenir une audience lorsque la Commission de recours des réfugiés a examiné son recours, et qu’il ne lui a pas laissé le temps nécessaire pour présenter des preuves médicales à l’appui de ses arguments.

L’auteure fait valoir qu’elle ne pourrait pas demander la protection des autorités chinoises. Il serait pour elle inefficace, voire dangereux, de porter plainte en Chine, car elle courrait le risque de la détention arbitraire et de la torture si elle dénonçait les comportements des autorités locales, qui ont fait d’elle une esclave sexuelle pendant des années. Elle fait valoir qu’en raison des plaintes que son mari a portées par le passé auprès des autorités chinoises, ils ont tous deux été persécutés et ont souffert pendant plusieurs années. Qui plus est, en tant que femme seule et illettrée, elle serait trop vulnérable pour pouvoir se réinstaller dans une autre région de la Chine.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

Dans une note verbale datée du 12 décembre 2013, l’État partie a fait connaître ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il affirme que la communication doit être déclarée irrecevable. Néanmoins, au cas où celle-ci serait déclarée recevable, l’État partie estime que le renvoi de l’auteure en Chine ne constituerait pas une violation de la Convention.

L’État partie rappelle les faits de l’espèce : l’auteure est entrée au Danemark le 1er novembre 2007 avec son époux, tous deux munis de documents de voyage en règle – des passeports chinois et des visas Schengen valables jusqu’au 29 janvier 2008. Ils sont venus rendre visite à leur fille, qui a un permis de séjour au Danemark au titre du regroupement familial car elle a épousé un résident danois d’origine chinoise. Le 1er août 2008, le mari de l’auteure a été arrêté quand on l’a trouvé en train de travailler sans permis de travail ni permis de séjour. Le jour suivant, il a présenté une demande d’asile. Le 1er mai 2009, les Services danois de l’immigration ont rejeté sa demande. Le 20 août 2009, la Commission de recours des réfugiés a maintenu cette décision, soulignant que le mari de l’auteure n’avait présenté une demande d’asile qu’une fois arrêté et qu’il n’y avait pas de raisons suffisantes de conclure qu’il avait été persécuté par les autorités chinoises, car il avait quitté son pays légalement. Le 8 décembre 2011, l’auteure a introduit une demande d’asile. Les Services danois de l’immigration ont décidé de recommander que sa demande soit traitée dans le cadre de la procédure relative aux demandes manifestement infondées, prévue à l’alinéa 1 du paragraphe b) de l’article 53 de la loi sur les étrangers. Le 23 mars 2012, ils ont refusé de lui accorder l’asile et le 12 février 2013, la Commission danoise de recours des réfugiés a maintenu la décision.

En ce qui concerne les renseignements fournis par l’auteure, la Commission de recours des réfugiés a accepté le fait que la maison familiale avait été détruite dans un séisme et qu’ensuite, l’auteure et son mari avaient eu des différends avec les autorités locales concernant l’aide à la reconstruction et les droits fonciers. Néanmoins, elle a conclu qu’il était improbable que l’auteure ait été soumise à des sévices sexuels pendant plus de 10 ans, comme elle le prétend, et qu’on l’ait empêchée de tenter de quitter son village ou de rechercher la protection d’autorités plus haut placées, car, en 2007, elle avait pu se rendre au Danemark sans obstacle. La Commission de recours des réfugiés avait donc estimé qu’elle n’avait pas de motif de croire qu’en Chine, l’auteure risquerait réellement d’être persécutée, aux termes du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, ou d’être soumise à des situations décrites au paragraphe 2 de l’article 7 de la même loi.

Les éléments de preuve, les renseignements pertinents relatifs aux faits de l’espèce et les informations sur le contexte ont été évalués par la Commission de recours des réfugiés, en application des conditions prévues dans la loi sur les étrangers. Selon les termes du paragraphe 2 de l’article 7 de ladite loi, le permis de séjour est délivré si le demandeur risque d’être condamné à la peine de mort ou de subir des tortures ou une peine ou des traitements inhumains ou dégradants s’il est renvoyé dans son pays d’origine. Les conditions d’octroi d’un tel permis de séjour sont remplies si des facteurs particuliers et individuels rendent probable le risque réel en cas de renvoi.

L’État partie fait valoir que les décisions de la Commission de recours des étrangers reposent sur les circonstances individuelles et particulières de l’affaire, et sur des renseignements concernant le pays d’origine du demandeur d’asile. À cette fin, la Commission s’est dotée d’un mémorandum qui décrit dans le détail la protection des demandeurs d’asile prévue par le droit international, et d’une collection complète d’éléments contextuels généraux sur les situations des pays d’origine des demandeurs d’asile.

L’État partie souligne que la communication devrait être déclarée irrecevable en application de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, parce qu’elle est manifestement dénuée de fondement et insuffisamment étayée. À cet égard, il fait observer que l’auteure cherche à faire appliquer les obligations qui incombent à l’État partie au titre de la Convention de manière extraterritoriale, concernant le traitement qu’elle subirait si elle était renvoyée en Chine. Il note que, selon la jurisprudence du Comité, la Convention est applicable lorsque la femme qui doit être renvoyée court un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de violence fondée sur le sexe.

L’État partie estime que l’auteure n’a pas étayé son affirmation selon laquelle son renvoi du Danemark en Chine l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le sexe, et selon laquelle son renvoi aura pour conséquence nécessaire et prévisible l’atteinte aux droits qu’elle tient de la Convention. L’État partie souligne que même si les sévices invoqués comme motif de demande d’asile, en particulier ceux qui concernent les chefs du village, étaient acceptés comme des faits, il n’y a apparemment pas de motif de croire qu’elle courrait un risque réel d’être soumise à des sévices analogues si elle était renvoyée dans d’autres parties de la Chine. Par conséquent, l’État partie estime que la communication de l’auteure est manifestement dénuée de fondement et donc irrecevable.

L’État partie estime que la déclaration de l’auteure, qui dit avoir été maintenue en captivité par un responsable du village de 1996 à 2007 et soumise à des tortures et à des sévices sexuels, repose sur des éléments incohérents qui ne sont pas crédibles; par exemple, lors de son premier entretien avec les autorités danoises, le 14 décembre 2011, l’auteure n’a fait aucune mention de prétendus sévices sexuels et a seulement déclaré, au sujet de ses motifs de demande d’asile, qu’elle et son mari avaient des problèmes avec les autorités parce qu’ils avaient demandé à être indemnisés pour la perte de leur maison, détruite par un séisme en 1996.

Au cours des procédures de demande d’asile, l’auteure a aussi fait plusieurs autres déclarations incohérentes. Elle a dit qu’elle avait été gardée en détention par le chef du village de 1996 à 2007, ce qui ne concorde pas avec l’explication qu’elle a donnée au sujet d’interventions chirurgicales subies en 2001 et 2002, ni avec le fait qu’elle a été capable, lorsqu’elle l’a décidé en 2007, de quitter son village et de partir légalement avec son époux au Danemark en embarquant à l’aéroport de Beijing, et qu’elle a justifié de son identité sans aucun problème au moyen de son véritable passeport assorti d’un visa Schengen.

L’État partie indique que la déclaration de l’auteure, qui affirme qu’elle n’a pas porté plainte contre le chef du village auprès d’autorités supérieures parce qu’elle était une femme seule et illettrée est peu crédible. À cet égard, il note que le viol est une infraction en Chine, passible d’une peine allant de trois ans d’emprisonnement à la peine de mort, et que les citoyens chinois victimes d’atteintes à leurs droits ou à leurs intérêts peuvent porter plainte contre les agents de l’autorité publique qui se sont rendus coupables de tels actes. Par conséquent, l’État partie estime qu’il est improbable que l’auteure ait subi des sévices sexuels pendant plus de 10 ans sans avoir tenté d’obtenir de l’aide pour porter plainte auprès d’autorités supérieures si elle n’avait pas les moyens de le faire par elle‑même. Il fait aussi observer que, selon sa déclaration, l’auteure a reçu de l’aide en 2007 pour obtenir un visa Schengen.

L’État partie estime que le fait que l’auteure n’a présenté de demande d’asile que plus de quatre ans après son arrivée au Danemark et plus de deux ans après que son mari s’était vu refuser le statut de réfugié, a entamé sa crédibilité en ce qui concerne les motifs invoqués dans sa demande d’asile. À ce sujet, estime-t-il, on ne peut conclure – comme l’a fait le conseil de l’auteure dans la communication au Comité – que l’auteure croyait qu’elle était couverte par la demande d’asile de son époux, car elle n’a pas mentionné cette raison lors de ses procédures de demande d’asile et, qui plus est, son mari a déclaré, tout au long des procédures concernant sa demande d’asile, qu’il ne savait pas où se trouvait sa femme. Il convient de noter à cet égard que le mari de l’auteure n’a introduit une demande d’asile que lorsqu’il a été arrêté par la police danoise, huit mois après son arrivée au Danemark. Par conséquent, l’État partie estime que la communication n’est pas suffisamment étayée et qu’elle est donc irrecevable.

En ce qui concerne l’examen réalisé par Amnesty International le 22 février 2013 pour déceler des marques de torture, l’État partie estime qu’il ne peut pas motiver un réexamen de l’affaire. Le fait que l’état de la dentition concorde avec la méthode de torture à laquelle l’auteure fait allusion ne rend pas en soi probable le fait que l’auteure a été soumise à la torture et aux persécutions décrites pour justifier l’asile. L’État partie note, à cet égard, que l’auteure n’a pas subi d’examen gynécologique concernant les signes de torture parce qu’elle s’y est opposée.

En ce qui concerne le fond, l’État partie fait valoir que, contrairement à ce qui est déclaré dans la communication de l’auteure, comme il ressort de leur décision du 23 mars 2013, les Services danois de l’immigration n’ont pas évalué la fiabilité des motifs de demande d’asile présentée par l’auteure. Ils ont déclaré que, même s’il pouvait être prouvé que l’auteure avait été violée par des responsables locaux, cela n’entrait pas en ligne de compte dans la notion d’asile et de protection définie à l’article 7 de la loi sur les étrangers. De tels actes sont des infractions commises par des particuliers et doivent faire l’objet d’une demande de protection d’autorités supérieures. Par conséquent, les Services danois de l’immigration ont estimé que les auteurs de ces actes n’avaient pas, en violant l’auteure, agi en tant que représentants de l’autorité, et ont fait remarquer que ces actes n’avaient pas été sanctionnés par des autorités supérieures en Chine parce que l’auteure n’avait pas demandé leur protection. Ils ont aussi noté que l’argument invoqué par l’auteure selon lequel ces autorités n’auraient pas eu la volonté de la protéger ne reposait que sur une supposition de sa part. Par conséquent, l’État partie partage l’évaluation de la Commission de recours des réfugiés au sujet de la demande d’asile introduite par l’auteure et confirme la décision des Services danois de l’immigration.

Enfin, l’État partie demande au Comité d’examiner la question de la recevabilité de la communication séparément du fond et estime, en s’appuyant sur les considérations exposées ci-dessus, que la communication doit être déclarée irrecevable au regard de l’alinéa c)du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, l’auteure n’ayant pas suffisamment étayé son grief selon lequel son renvoi en Chine l’exposerait au risque personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le sexe. En ce qui concerne la demande de mesure provisoire, l’État partie a invité le Comité à réexaminer sa décision.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie et sur le fond

Le 10 mars 2014, le conseil de l’auteure a fait des commentaires sur les observations de l’État partie. En ce qui concerne la recevabilité, le conseil note que lorsqu’elle a introduit une demande d’asile en 2011, l’auteure était une femme relativement âgée qui avait décrit des sévices physiques graves, dont de nombreux viols, infligés pendant plusieurs années par les responsables locaux de son village, en Chine. Il souligne que les sévices dont il est question sont probables et cadrent avec des faits connus, compte tenu de la situation générale relative aux violations de droits de l’homme de l’époque et de cette région de la Chine, et du fait que son illettrisme et l’origine tibétaine de son mari la rendaient très vulnérable.

Le conseil fait valoir que l’auteure a décrit de manière cohérente les nombreuses années de sévices qu’elle a vécues de 1996 à 2007, jusqu’à ce qu’elle parvienne à localiser son mari et à quitter la Chine avec lui. L’explication qu’elle a donnée aux Services danois de l’immigration au sujet des sévices constants qu’elle avait subis ne contredit pas la version qu’elle a donnée au Conseil danois pour les réfugiés. Le conseil ajoute que les différences constatées peuvent s’expliquer par le fait qu’elle a plus ouvertement décrit les sévices subis lorsqu’elle s’est entretenue avec une femme, la responsable de son cas au Conseil danois pour les réfugiés. Il fait aussi valoir que l’auteure n’a pas porté plainte auprès d’autorités chinoises supérieures au sujet des sévices sexuels qu’elle subissait parce qu’on lui avait dit que son mari avait été tué pour avoir voulu dénoncer le harcèlement que lui faisaient subir les autorités locales en raison de ses origines tibétaines et leur refus de l’aider à reconstruire sa maison après le séisme. Le conseil fait donc valoir que, lorsque l’auteure a introduit sa demande d’asile en 2011, l’État partie aurait dû considérer que si elle était renvoyée en Chine, elle courrait de nouveau le risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le sexe.

Le conseil note que si les Services danois de l’immigration mettaient en doute le récit de l’auteure, ils auraient dû demander un examen médical qui leur aurait donné une meilleure base de détermination de sa crédibilité, avant de prendre une décision formulée dans les termes suivants : « Qu’il soit avéré ou non que vous avez été violée par des représentants locaux de l’autorité, nous n’estimons pas que cet élément entre dans la définition des conditions d’asile et de protection qui figure à l’article 7 de la loi sur les étrangers. »

Le conseil fait valoir que la crédibilité de l’auteure n’est pas remise en question par le récit de son mari, fourni trois années auparavant, en 2008. Il estime que ce récit met en évidence qu’à l’époque, les autorités danoises étaient au courant de la présence des deux époux au Danemark, mais que l’auteure n’avait pas introduit de demande d’asile avant 2011 parce qu’elle pensait que son affaire était traitée conjointement avec celle de son mari. Le conseil rappelle qu’il a été chargé de l’affaire de l’auteure en décembre 2012, alors que le mari de celle-ci se trouvait déjà au centre de détention de Ellebæk, en attente de renvoi, sans avoir subi d’examen médical, malgré une description cohérente de faits de torture graves. Il explique que c’est la raison pour laquelle il a adressé à la Commission de recours des réfugiés une demande de réexamen des deux affaires, d’examen médical, ainsi que de comparution des deux époux en audience devant la Commission. Néanmoins, la Commission a rapidement opposé un refus à cette demande et renvoyé le mari de l’auteure en Chine dans les jours suivant sa décision. Le conseil souligne que les autorités danoises ont ainsi séparé de force deux époux qui avaient déclaré à plusieurs reprises qu’on les avait séparés contre leur gré pendant de nombreuses années en Chine.

En ce qui concerne l’examen médical de l’auteure, le conseil trouve quelque peu problématique que l’État partie ne se soit pas référé aux conclusions de l’équipe médicale d’Amnesty International, mais n’ait fait que des commentaires sommaires sur les symptômes physiques. Cependant, il fait valoir que la formulation de la décision finale de la Commission, qui comprend des expressions telles que « même si les sévices invoqués devaient être acceptés comme des faits dans l’affaire… » ou « qu’il soit avéré ou non que vous avez été violée… » révèle des doutes qui ne peuvent pas être simplement passés sous silence. Le conseil en conclut donc que l’État partie aurait pu tirer une conclusion différente s’il avait autorisé l’examen médical plus tôt, et ajoute qu’il aurait dû faire procéder à un examen médical par un expert pour ne pas laisser l’auteure sans traitement de ses traumatismes psychologiques graves. À la lumière de ce qui précède, le conseil considère que la communication de l’auteure n’est pas mal fondée.

Le conseil ajoute que l’auteure a suffisamment étayé ses griefs. Il note que le manque d’information fournie pendant son entretien, le 14 décembre 2011, ne doit pas être utilisé contre elle parce qu’il convient de noter que l’agent de la police qui l’a interrogée était un homme et que c’était un agent de la police qui l’avait violée en Chine, et qu’elle présentait de nombreux symptômes psychologiques, comme indiqué dans le rapport médical d’Amnesty International. De plus, comme le sait pertinemment l’État partie, la police n’a pas l’obligation d’obtenir un récit exhaustif du parcours du demandeur d’asile au moment de l’entretien d’enregistrement de la demande. En ce qui concerne la capacité de l’auteure de quitter son village et de porter plainte auprès d’autorités supérieures, l’auteure a expliqué au conseil, qui lui posait d’autres questions sur ce sujet, qu’elle était totalement à la merci du chef du village et que si elle était partie sans son consentement, elle aurait été ramenée immédiatement, qu’elle était illettrée et qu’elle ne pouvait écrire à personne en dehors du village. Qui plus est, on lui avait dit que son mari avait été tué quand il avait voulu porter plainte à la ville, et elle craignait de subir le même sort, la plupart de ses violeurs étant employés par les autorités locales.

Enfin, le conseil estime que l’auteure a donné un récit très détaillé, cohérent et, compte tenu de son illettrisme et de sa situation psychologique, très crédible d’atrocités sexistes très graves. Par conséquent, la communication est étayée.

En ce qui concerne l’observation de l’État partie sur le fond, le conseil note que l’État partie examine principalement s’il y a eu une évaluation différente de la crédibilité du récit de l’auteure par les Services de l’immigration et par la Commission danoise de recours des réfugiés. Il affirme que la décision des Services de l’immigration est ambiguë, tandis que celle de la Commission rejette totalement la crédibilité de l’auteure en se fondant sur des arguments très faibles.

Le conseil répète que le renvoi de l’auteure en Chine constituerait une violation de la Convention. Il ajoute que l’auteure et sa fille n’ont toujours aucune nouvelle du mari de l’auteure depuis qu’il a été renvoyé en Chine en février 2013. Après son voyage en avion jusqu’à Beijing, il devait se rendre également en avion à Baotou, où il était convenu que le neveu de l’auteure l’attendrait. Il disposait d’une somme d’argent suffisante et avait les numéros de téléphone des membres de sa famille, mais n’est jamais arrivé à Baotou. Le neveu de l’auteure s’est même rendu à Beijing un mois après l’arrivée du mari, mais la police de l’aéroport lui a dit qu’elle n’était au courant de rien.

Observations complémentaires de l’État partie

Le 25 juin 2014, l’État partie a présenté des observations complémentaires reprenant les arguments présentés dans ses observations du 12 décembre 2013. Il ajoute que le Comité devrait accorder un poids considérable aux constatations et décisions de la Commission danoise de recours des réfugiés, dont il note qu’elle est mieux en mesure d’apprécier les faits de l’espèce.

L’État partie affirme que la requête présentée à la Commission de recours des réfugiés, qui vise à ce que les procédures d’asile dans l’affaire de l’époux de l’auteure soient rouvertes, ne peut pas aboutir à une évaluation différente de l’affaire de l’auteure. Du reste, une telle requête a été rejetée le 12 février 2013 et le fait que l’auteure n’est pas parvenue à contacter son époux par téléphone après le renvoi de celui-ci en Chine, ne peut pas non plus, en soi, donner lieu à une évaluation différente de l’affaire.

Enfin, l’État partie répète que la communication est manifestement dénuée de fondement et insuffisamment étayée, et qu’elle doit être rejetée car irrecevable au regard de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. Il maintient aussi que, si le Comité jugeait la communication recevable, le fait de renvoyer l’auteure en Chine ne constituerait pas une violation de la Convention, et demande de nouveau au Comité de réexaminer sa demande de mesures conservatoires.

Renseignements complémentaires de l’auteure

Le 23 septembre 2014, le conseil de l’auteure a soumis des renseignements complémentaires. La fille de l’auteure avait appris à sa mère que son père était décédé. La fille s’était rendue en Chine pour les funérailles. Le 1er juin 2014, la fille avait reçu un appel téléphonique d’un cousin qui lui avait appris que la dépouille de son père se trouvait dans un funérarium à Baotou, qui voulait savoir si la famille souhaitait payer les frais de l’inhumation ou de la crémation. Le conseil souligne le choc terrible que cette nouvelle a constitué pour la famille tout entière, restée sans nouvelles du mari de l’auteure depuis son renvoi le 14 février 2013.

La fille de l’auteure a souligné que la famille s’était beaucoup inquiétée du bien-être du père et que son cousin avait même payé des pots-de-vin à la police pour tenter de savoir ce qui était advenu de lui, mais que cela n’avait servi à rien.

Du 2 au 16 juin 2014, la fille de l’auteure s’était rendue à Baotou pour les funérailles. L’auteure n’a pas pu accompagner sa fille parce qu’elle craignait pour sa vie en Chine. D’après l’auteure, il était impossible d’obtenir des informations sur la cause du décès de son mari; les membres de la famille avaient seulement appris qu’il était décédé à Baotou et qu’il avait été amené au funérarium par un inconnu et qu’il n’était pas possible d’examiner le corps pour y trouver d’éventuelles traces de tortures. Le conseil explique que le plus probable est que le mari a été arrêté à Beijing et transféré par la police ou par les services de sécurité dans la région de Baotou dont il était originaire et qu’il y est resté enfermé. Le conseil fait valoir que cette situation montre clairement que les arguments de l’auteure étaient fondés et suffisamment étayés, et que, si elle était renvoyée, elle courrait un risque personnel et prévisible.

Commentaires de l’auteure sur les observations complémentaires de l’État partie

Le 7 septembre 2015, le conseil de l’auteure a soumis des commentaires sur les observations complémentaires de l’État partie en date du 25 juin 2014. Il se réfère d’abord à ses propres commentaires du 10 mars 2014. En ce qui concerne les observations de l’État partie selon lesquelles « la Commission danoise de recours des réfugiés est la mieux en mesure d’apprécier les faits dans l’affaire de la communication de l’auteure », il rappelle que la décision de la Commission a été rendue sans qu’il y ait eu d’audience et que, par conséquent, il n’a pas pu être tenu dûment compte des nombreuses allégations relatives aux 11 années de sévices sexuels subis.

Le conseil fait aussi valoir que la décision négative du 12 février 2013 a été prise en lien direct avec le renvoi prévu du mari de l’auteure deux jours plus tard, le 14 février 2013. Il souligne que l’auteure a très peur et qu’elle attend avec impatience la décision du Comité au sujet de la communication.

Observations complémentaires de l’État partie

Le 14 juillet 2016, rappelant ses observations du 12 décembre 2013, l’État partie ajoute, concernant la communication de l’auteure du 7 septembre 2015, que ses autorités ont bien pris en compte l’examen des signes de torture réalisé par Amnesty International le 22 février 2013, mais qu’elles ont estimé que cet élément ne suffisait pas, en soi, à justifier une décision différente concernant la demande d’asile introduite par l’auteure.

En ce qui concerne les renseignements complémentaires fournis par l’auteure le 23 septembre 2014, l’État partie fait observer que les photographies, qui auraient été prises lors des funérailles de l’époux de l’auteure, ne peuvent mener à une évaluation différente des prétentions de l’auteure en ce qui concerne l’asile, car la raison du décès de son mari n’a pas été précisée ni prouvée par écrit par un certificat de décès ou tout autre document du même ordre. De plus, bien qu’on puisse considérer que le mari de l’auteure est effectivement décédé, ce fait ne peut pas non plus donner lieu à une évaluation différente, car aucun renseignement n’a été donné sur les circonstances ou le contexte du décès, ni sur le lien qu’il aurait avec la demande d’asile de l’auteure ou sa signification dans ce contexte. Par conséquent, l’État partie estime que les commentaires de l’auteure à ce sujet ne sont guère étayés et qu’ils sont fondés sur une pure spéculation.

L’État partie estime que, dans sa décision, la Commission de recours des réfugiés a pris en compte tous les renseignements pertinents et que la communication n’a mis en lumière aucun élément prouvant que l’auteure risquait d’être persécutée ou de subir des sévices et que cela justifierait de lui accorder l’asile. L’État partie souligne, à cet égard, que le Comité doit accorder un poids considérable aux conclusions de fait de la Commission de recours des réfugiés, car on ne peut pas conclure à une absence de preuve établissant que la décision est manifestement déraisonnable, arbitraire ou qu’elle constitue une erreur manifeste ou un déni de justice. Il en déduit que rien ne permet de remettre en question l’évaluation faite par la Commission de recours des réfugiés.

L’État partie répète que la communication doit être déclarée irrecevable car manifestement sans fondement et insuffisamment étayée au regard de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. Au cas où le Comité jugerait la communication recevable, l’État partie fait également valoir que l’auteure n’a pas établi qu’il y avait des motifs sérieux de croire que son renvoi en Chine constituerait une violation de la Convention.

Commentaires supplémentaires de l’auteure

Le 21 novembre 2016, le conseil de l’auteure a formulé des commentaires supplémentaires. Il affirme que la cause du décès du mari indiquée sur un certificat est le « décès soudain » et, sur un autre certificat, « maladies diverses ». Il estime que le fait que la cause du décès est décrite vaguement et de deux manières différentes montre qu’il s’agit d’une tentative, par les autorités chinoises, d’en dissimuler la cause réelle.

Le conseil souligne qu’il convient de considérer le décès du mari de l’auteure comme un fait, avéré par des renseignements concordants ainsi que par les documents et les photos fournis. Il fait valoir que l’État partie tente de remettre en cause cet élément, comme il l’a déjà fait avec les autres éléments factuels au cours des procédures de demande d’asile, sans mener d’enquête aboutissant à une conclusion. À cet égard, il mentionne en particulier le fait que ni les Services danois de l’immigration ni la Commission de recours des réfugiés n’ont procédé à un examen médical de l’auteure.

Le conseil affirme que le décès du mari de l’auteure est aujourd’hui prouvé par les certificats de décès. Il convient que le décès du mari n’est pas directement lié aux prétentions de l’auteure en ce qui concerne l’asile. Néanmoins, il fait valoir que la connaissance de ce décès devrait susciter la prudence en ce qui concerne le risque encouru par l’auteure, et motiver un réexamen de sa demande d’asile, comportant cette fois une audience en bonne et due forme devant la Commission danoise de recours des réfugiés.

De plus, en ce qui concerne l’observation de l’État partie selon laquelle il n’a été donné aucun renseignement sur les circonstances ou le contexte du décès du mari, le conseil indique que tous les renseignements disponibles sur le décès de l’époux de l’auteure figurent dans ses commentaires du 10 mars 2014 ainsi que dans les renseignements complémentaires donnés le 23 septembre 2014 sur les circonstances dans lesquelles les membres de la famille vivant à Baotou ont été priés de récupérer le corps au funérarium.

Le conseil se réfère aussi à la déclaration dans laquelle l’État partie affirme que l’examen auquel l’équipe d’Amnesty International spécialisée dans les questions de torture a procédé le 22 février 2013 ne comportait pas d’examen gynécologique, l’auteure n’ayant pas accepté de s’y soumettre. À cet égard, il fait valoir que l’état psychologique de l’auteure, qui est totalement étayé dans le rapport, rend compréhensibles les raisons de son refus. Il souligne que le rapport d’Amnesty International est arrivé après que les décisions négatives concernant les affaires de demande d’asile ont été rendues. La cadence de traitement des demandes d’asile n’avait permis de prendre en compte l’examen médical d’aucun des deux époux, car les deux décisions définitives de rejet avaient été rendues par la Commission de recours des réfugiés le 12 février 2013, le mari avait été renvoyé le 14 février 2013 et l’examen de l’auteure visant à déceler des signes de torture avait eu lieu le 22 février 2013.

En conclusion, le conseil indique que l’auteure n’est toujours pas traitée pour ses troubles post-traumatiques. Il fait valoir qu’elle est hébergée par sa fille, dans un logement individuel de réfugiés, où l’accès aux traitements qui ne sont pas urgents est très limité, qu’elle est très timide et qu’elle reste chez elle la plupart du temps. Il ajoute que lors de sa dernière rencontre avec l’auteure, celle-ci ne cessait de pleurer et semblait se porter très mal.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable au titre du Protocole facultatif. Selon le paragraphe 4 de l’article 72 de ce dernier, il doit le faire avant d’examiner la communication sur le fond.

Le Comité note tout d’abord que l’auteure affirme que son expulsion vers la Chine constituerait une violation par le Danemark des articles 1er, 2, 3, 5 et 16 de la Convention. Il note aussi l’argument de l’État partie, qui affirme que la communication doit être déclarée irrecevable au regard de l’alinéa c)du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif au motif qu’il est insuffisamment étayé et manifestement sans fondement.

En ce qui concerne la justification des griefs, le Comité note que l’auteure a affirmé qu’elle craignait que le chef local du village ne lui fasse subir des violences fondées sur le sexe, et redoutait même d’être tuée. Elle fait valoir qu’elle ne pourra pas survivre dans d’autres parties de la Chine car elle sera dans une situation vulnérable en tant que femme seule, illettrée et malade, et les autorités chinoises ne la protégeront pas.

Le Comité note aussi que les autorités danoises de l’immigration ont dûment examiné les allégations de l’auteure mais qu’elles ont conclu que celles-ci n’étaient pas suffisamment étayées. Il s’agit en particulier du fait qu’elle n’a pas demandé à des autorités supérieures de la protéger contre les sévices sexuels allégués, qui se sont poursuivis pendant plus de 10 ans, et des raisons pour lesquelles elle n’a pas quitté son village avec sa fille pour s’établir chez sa sœur dans un autre village. Il note aussi que, d’après les autorités danoises de l’immigration, les raisons avancées par l’auteure pour expliquer le fait qu’elle n’a pas porté plainte auprès d’autorités supérieures en Chine et qu’elle n’a pas quitté son village ne concordent pas avec le fait que, par la suite, elle a été capable d’obtenir sans aucune difficulté un passeport valable et un visa Schengen pour elle-même et pour son mari, et qu’elle est parvenue à quitter son village et la Chine en 2007 et à se rendre au Danemark avec son mari légalement et sans le moindre obstacle. Le Comité note aussi que l’auteure affirme que son illettrisme l’a empêchée de porter plainte et soutient que le sort subi par son mari lui faisait craindre que, si elle partait s’installer dans le village de sa sœur, les autorités locales la retrouveraient et les harcèleraient toutes les deux.

Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles les autorités danoises de l’immigration n’ont pas organisé d’examen médical ni d’audience devant la Commission danoise de recours des réfugiés dans le cadre des procédures qu’elle avait engagées pour obtenir l’asile. Il note aussi que, selon l’État partie, il n’y a pas de raison de remettre en question l’évaluation globale faite par la Commission de recours des réfugiés, selon laquelle l’explication donnée par l’auteure sort du cadre de la procédure d’asile; l’examen médical fait par Amnesty International n’est pas considéré comme un élément permettant d’arriver à une conclusion différente susceptible de modifier l’issue de l’affaire. Le Comité constate à cet égard qu’aucun élément du dossier ne lui permet de confirmer que l’évaluation faite par l’État partie est manifestement arbitraire ou constitue un déni de justice. Qui plus est, il ressort du dossier que l’auteure a eu la possibilité de faire procéder à un examen indépendant de sa situation personnelle et de ses griefs. Ni un examen ni une audience organisés dans le cadre de la procédure n’auraient pu mener à une conclusion différente, car l’auteure n’a pas été en mesure de donner les renseignements voulus dans les instances de procédure compétentes pour étayer ses allégations. Le Comité prend aussi note du fait qu’il s’est écoulé plus de neuf ans depuis que l’auteure a quitté la Chine en octobre-novembre 2007 et qu’aucune information n’est donnée qui permette de connaître la situation actuelle du responsable présumé des actes allégués, à savoir le chef local du village. À la lumière des considérations qui précèdent, le Comité conclut qu’il n’y a pas de renseignements substantiels lui donnant des motifs d’estimer que l’auteure courrait le risque de subir des formes particulières de violence fondée sur le sexe si elle était renvoyée en Chine.

Le Comité constate que les éléments du dossier ne lui permettent pas de conclure que les autorités danoises de l’immigration ont manqué en aucune façon à leur devoir ou ont agi de manière partiale ou arbitraire lorsqu’ils ont examiné la demande d’asile de l’auteure. Les renseignements complémentaires fournis par l’auteure concernant le décès de son mari ne peuvent, en soi, d’après le Comité, étayer ses griefs concernant le risque qu’elle courrait personnellement si elle était renvoyée en Chine. Le Comité considère par conséquent que l’auteure n’a pas étayé ses allégations de violation des articles 1er, 2, 3, 5 et 16 de la Convention.

En ce qui concerne les griefs de l’auteure selon lesquels le fait qu’elle est seule et illettrée constitue un facteur supplémentaire de risque pour elle en Chine, le Comité déduit des renseignements figurant dans le dossier que l’intéressée a un « réseau » en Chine, car elle a plusieurs parents proches en Mongolie intérieure, dont sa sœur et son neveu. Par conséquent, le Comité estime qu’on ne peut considérer qu’elle serait une femme seule particulièrement vulnérable si elle était renvoyée dans une autre région de la Chine, où elle pourrait bénéficier de l’appui de sa famille.

Vu les circonstances de l’espèce, le Comité estime que l’auteure n’a pas suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que son expulsion vers la Chine l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le sexe. Par conséquent, il considère que la communication est irrecevable au titre de l’alinéa c)du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif.

En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au titre de l’alinéa c)du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.