Annexe
Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (soixante-quatrième session)
concernant la
Communication n o 61/2013*
Présentée par : |
P.H.A. (représentée par un conseil, Niels-Erik Hansen) |
Victime présumée : |
L’auteure |
État partie : |
Danemark |
Date de la communication : |
11 septembre 2013 (date de la lettre initiale) |
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
Réuni le 7 novembre 2016,
Adopte ce qui suit :
Décision concernant la recevabilité
1.1L’auteure de la communication est Mme P. H. A., de nationalité iranienne, née en 1975, qui risque d’être expulsée vers la République islamique d’Iran suite au rejet de sa demande d’asile au Danemark. Elle affirme que son expulsion constituerait une violation par le Danemark des articles 1er, 2 c) et d), 3, 12 et 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que des recommandations générales du Comité n° 12 (1989) sur la violence contre les femmes et n° 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes. L’auteure est représentée par un conseil. La Convention et son Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 21 mai 1983 et le 22 décembre 2000, respectivement.
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l’examen de la communication : Gladys Acosta Vargas, Magalys Arocha Dominguez, Barbara Bailey, Niklas Bruun, Louiza Chalal, Naéla Gabr, Hilary Gbedemah, Ruth Halperin-Kaddari, Yoko Hayashi, Dalia Leinarte, Lia Nadaraia, Theodora Nwankwo, Pramila Patten, Silvia Pimentel, Biancamaria Pomeranzi et Xiaoqiao Zou.
1.2Lors de l’enregistrement de la communication, le 13 septembre 2013, conformément au paragraphe 1) de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Groupe de travail sur les communications présentées conformément au Protocole facultatif, a demandé à l’État partie
de surseoir à l’expulsion de l’auteure tant que la communication serait à l’examen. Le 13 mars 2014, l’État partie a informé le Comité que, le 16 septembre 2013, la Commission de recours pour les réfugiés avait suspendu l’expulsion de l’auteure, de son mari et de leur enfant. L’État partie a prié le Comité d’examiner d’abord la recevabilité de la communication. Le conseil a formulé le 8 avril 2014 des observations à ce sujet. Le 5 mai 2014, en application de l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Groupe de travail sur les communications présentées conformément au Protocole facultatif, a décidé d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond.
Rappel des faits présentés par l ’ auteure
2.1 L’auteure a grandi à Téhéran. Après l’obtention de son diplôme d’enseignement secondaire, elle a travaillé pendant deux ans comme assistante administrative dans une entreprise privée. En 2006, elle a épousé M. F., avec qui elle a eu un fils, S., né en décembre 2008 en République islamique d’Iran.
2.2 En 2007, lors d’une fête organisée pour l’anniversaire du beau-frère de l’auteure, la police a effectué une descente à 22 h. Elle a arrêté tous les invités et les a conduits en prison. Ils ont dû se soumettre à un test d’alcoolémie et les personnes dont le test était positif ont été séparées des autres. Le test de l’auteure s’est avéré positif. Toutes les femmes qui avaient consommé de l’alcool ont été condamnées à 25 coups de fouet. À la suite de ce châtiment, l’auteure présentait des marques bleu foncé sur le corps, mais elles ne sont plus visibles. L’auteure a été contrainte de signer un document indiquant qu’elle n’assisterait plus à aucune fête en présence d’hommes et ne consommerait plus jamais d’alcool. Elle a été détenue de 22 heures à 5 heures le lendemain matin.
2.3 L’auteure n’était pas engagée politiquement, mais son mari prenait part aux manifestations du mouvement vert iranien. En 2009, il a été détenu pendant une semaine par les autorités, sans que l’auteure sache exactement où. Dans sa demande d’asile, cette dernière a indiqué que son mari avait été torturé en prison et qu’à son retour à la maison, il était couvert de sang, le visage tuméfié et le corps marqué d’ecchymoses. Il lui a expliqué qu’on l’avait arrêté lors d’une manifestation ; qu’on lui avait bandé les yeux, qu’on l’avait frappé à coup de câble au cours d’un interrogatoire et qu’il avait dû s’engager à mettre un terme à ses activités politiques. Par la suite, les autorités ont effectué plusieurs descentes au domicile du couple. Lors d’une perquisition, des agents de sécurité ont menacé l’auteure et son fils avec des armes. Ils ont confisqué un disque dur, des CD et des livres. Lors de son entretien de demande d’asile, le mari de l’auteure a déclaré que la police avait confisqué des tracts qu’il s’apprêtait à distribuer. À une autre occasion, l’auteure avait été arrêtée par des agents de sécurité dans la rue parce que ses cheveux dépassaient de son foulard. Elle avait été violemment poussée dans leur voiture, insultée et emmenée à un poste de police où elle avait été forcée de signer une déclaration pour pouvoir être remise en liberté.
2.4 Le mari de l’auteure travaillait dans une banque et participait la nuit à des réunions politiques avec ses collègues. En février 2012, après l’une de ces réunions, ses collègues ont été arrêtés les uns après les autres. De peur de l’être également, le mari de l’auteure a décidé qu’il devait fuir l’Iran avec sa famille. Les autorités ont recherché le mari de l’auteure et ont perquisitionné le domicile familial en février 2012. Celui-ci se trouvait alors dans un magasin et a été averti par un voisin ; il s’est caché et a demandé à sa femme de ne pas rester à la maison et d’aller chez des proches. Le 19 février 2012, l’auteure et son mari se sont retrouvés à l’ Ambassade d’Autriche à Téhéran et ont obtenu un visa valide jusqu’au 29 février 2012.
2.5 L’auteure, son mari et leur fils ont fui Téhéran en prenant un avion pour Vienne le 23 février 2012. Ils ont utilisé des passeports qu’ils auraient obtenus auprès d’une tierce personne, leur « agent », selon leurs propres dires. L’auteure ignorait si ces passeports avaient été établis à leur vrai nom, car l’agent leur avait demandé de ne pas les regarder. Ce dernier a accompagné la famille jusqu’en Autriche et a repris les passeports à l’arrivée. Ils ont ensuite été conduits au Danemark par un autre homme, toujours en la compagnie de leur agent. Au Danemark, ils ont été emmenés dans une maison où ils sont restés pendant un mois. L’agent a exigé près de 300 millions de rials pour les laisser sortir de cette maison. Une fois l’argent versé, la famille a immédiatement demandé l’asile.
2.6 Un rapport établi par la police du Jutland oriental confirme que la famille a demandé l’asile au commissariat de police d’Aarhus le 23 mars 2012. Dans ses explications initiales à la police, la famille a indiqué qu’elle était directement arrivée au Danemark en provenance d’Iran. Par la suite, l’auteure a expliqué dans son entretien de demande d’asile que l’agent lui avait donné pour instruction de ne pas mentionner qu’ils étaient passés par l’Autriche et qu’elle n’avait pas dit la vérité parce qu’elle avait peur. La famille n’avait pas pu demander l’asile en Autriche, car l’agent les avait immédiatement conduits au Danemark. Le mari de l’auteure a tout de suite informé la police danoise qu’il avait été emprisonné et torturé en République islamique d’Iran. L’auteure a expliqué à la police qu’elle craignait pour la vie de son mari parce qu’il était recherché du fait de sa participation au mouvement vert iranien. Elle a en outre raconté qu’elle avait fui son pays en raison des problèmes de son mari avec les autorités et parce qu’il y serait arrêté et tué. Sa famille en Iran l’a informée qu’à plusieurs reprises, des personnes étaient venues leur poser des questions sur son époux après leur départ d’Iran.
2.7 L’auteure a ajouté que son mari et elle s’étaient convertis au christianisme en 2012 au Danemark. C’est là-bas qu’elle a commencé à s’y intéresser. Elle a fourni aux autorités danoises une copie de son acte de baptême daté du 8 mai 2012. Elle allait à l’église au Danemark et dialoguait avec un prêtre parlant le farsi par Skype.
2.8 Le 19 avril 2013, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteure et la décision a été renvoyée devant la Commission de recours pour les réfugiés. Dans sa décision du 3 septembre 2013, la Commission a lié l’affaire de l’auteure et de son fils à celle de son mari.
2.9 La Commission a estimé que l’explication de l’auteure concernant la persécution politique dont son mari faisait l’objet était incohérente et à prendre avec beaucoup de réserve. Elle a noté que la famille avait au départ dit à la police danoise qu’elle était directement arrivée au Danemark puis qu’elle avait modifié sa version des faits et avait admis qu’elle s’était d’abord rendue en Autriche. La Commission a également exprimé des doutes quant à l’explication selon laquelle le mari de l’auteure avait songé à fuir son pays seulement après l’incident de février 2012, alors qu’il avait pris contact avec les autorités pour des documents de sortie avant décembre 2011.
2.10Le 3 septembre 2013, la Commission a conclu qu’il était improbable que l’auteure fasse l’objet de persécutions en République islamique d’Iran en raison de l’incident qui se serait produit en février 2012. Elle a également estimé que le fait que l’auteure ait été baptisée moins de deux mois après avoir manifesté un intérêt pour le christianisme montrait que sa conversion n’était guère crédible. La Commission n’était donc pas convaincue que l’auteure se soit véritablement convertie au christianisme. Elle a rejeté la demande d’asile de l’auteure et a décidé que cette dernière et son fils devaient quitter le Danemark dans un délai de quinze jours à compter de la date de la décision, c’est-à-dire avant le 18 septembre 2013.
2.11L’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes puisque les décisions de la Commission de recours pour les réfugiés sont définitives.
Teneur de la plainte
3.1L’auteure affirme qu’en l’expulsant vers la République islamique d’Iran, le Danemark violerait les obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er, 2 c) et d), 3, 12 et 15 de la Convention. Elle déclare que si elle est renvoyée en Iran, elle risque d’être exécutée ou torturée – voire les deux – ou d’être victime de violence sexiste étant donné que son mari est recherché par les autorités iraniennes pour son implication au sein du mouvement vert iranien. Elle craint également d’être exécutée en raison de sa conversion au christianisme.
3.2L’auteure fait valoir qu’elle a été victime d’une violation des articles 1er, 2, 3 et 15 de la Convention, car son affaire n’a jamais été examinée et tranchée sur la base du principe de l’égalité de l’homme et de la femme. Elle se dit victime de discrimination, car son droit à l’égalité de traitement a été violé par la Commission de recours pour les réfugiés. Elle affirme qu’au Danemark, sa demande d’asile a été traitée comme « annexe » à celle de son mari et que l’examen de sa demande s’est donc réduit à la question de savoir si son mari devait ou non obtenir l’asile. Elle fait valoir que son cas a été tranché le même jour que celui de son époux et que, par conséquent, sa demande d’asile n’a jamais été prise au sérieux et qu’elle-même n’a été considérée que comme la simple épouse d’un demandeur d’asile.
3.3L’auteure affirme qu’elle sera victime d’une violation de l’article 12 de la Convention si elle est renvoyée en République islamique d’Iran, car elle a déjà été victime de violence sexiste dans ce pays et a peur d’être exécutée en raison de sa conversion. Si elle n’est pas condamnée à la peine de mort, elle craint de devoir à nouveau se convertir à l’islam et d’être mariée de force à un musulman, car son mariage n’est plus valide à cause de son changement de religion. En outre, depuis la date de la conversion de son mari au christianisme, le fait qu’elle ait des rapports sexuels avec lui constitue une activité sexuelle hors mariage qui est punissable par la loi en Iran.
Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Dans une note verbale datée du 13 mars 2014, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et le fond. Il soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable et demande au Comité de retirer sa demande de mesures provisoires. Il fait également observer que, si la communication est déclarée recevable, aucun droit de l’auteure ne serait violé au titre de la Convention dans le cas où elle serait expulsée vers la République islamique d’Iran.
4.2 L’État partie rappelle les faits de l’affaire. L’auteure est une ressortissante de la République islamique d’Iran née en 1975. Elle est entrée au Danemark le 23 mars 2012, munie d’un passeport iranien en cours de validité, avec son conjoint et leur enfant né en 2008. Le même jour, l’auteure et son mari ont demandé l’asile au bureau de police du Jutland oriental. Le 19 avril 2013, le Service danois de l’immigration a rejeté sa demande d’asile et la décision a été renvoyée devant la Commission de recours pour les réfugiés.
4.3 Le 3 septembre 2013, la Commission a confirmé le rejet par le Service de l’immigration de la demande d’asile de l’auteure, de même que celle de son époux.
4.4 L’État partie note que, au cours des débats en date du 3 septembre 2013, la Commission a examiné conjointement les demandes d’asile déposées par l’auteure et par son conjoint. S’agissant des motifs sur lesquels était fondée sa demande, l’auteure a expliqué craindre d’être exécutée par les autorités iraniennes, car son mari était accusé d’être un opposant au régime. En outre, elle a déclaré qu’elle s’était convertie au christianisme au Danemark, qu’elle avait « trouvé la foi en Jésus », que « les chrétiens étaient gentils et aimants envers leurs prochains, contrairement aux musulmans » et qu’elle était consciente que sa conversion pouvait la condamner à être exécutée en République islamique d’Iran. Elle a également affirmé qu’elle ne pourrait jamais porter ouvertement sa croix dans son pays et qu’elle ne pourrait donc pas vivre normalement ; elle a ajouté qu’elle ne pourrait pas se tourner de nouveau vers la religion musulmane et que « compte tenu des circonstances, elle se serait convertie, même si son mari ne l’avait pas fait ».
4.5 En ce qui concerne les motifs de l’auteure liés aux activités politiques de son époux, la Commission a rappelé sa décision s’agissant de ce dernier : la majorité de la Commission avait constaté qu’une partie de la déclaration du conjoint concernant ses activités politiques avait été rejetée, car elle avait été jugée incohérente et peu crédible. Sur cette base, la majorité de la Commission avait décidé que l’auteure n’avait pas apporté la preuve que son mari serait persécuté en République islamique d’Iran.
4.6 S’agissant de l’allégation de l’auteure relative à sa conversion au christianisme, la majorité de la Commission a, pour les mêmes raisons qui ont motivé sa décision concernant le conjoint, conclu que la conversion de l’auteure n’était pas authentique et que, par conséquent, elle ne risquerait pas de faire l’objet de persécutions en République islamique d’Iran pour ce motif. Dans sa décision sur l’affaire de l’époux, la majorité de la Commission a jugé que l’affirmation selon laquelle il risquerait d’être persécuté en raison de sa conversion ne pouvait être considérée comme une donnée factuelle. La Commission de recours pour les réfugiés a tenu compte des conclusions susmentionnées concernant la crédibilité générale du conjoint et le fait que sa conversion avait eu lieu deux mois après avoir manifesté un intérêt pour le christianisme et qu’il avait continué d’invoquer sa foi chrétienne pendant l’examen de son cas par les autorités de l’immigration. En conséquence, il a été considéré que le mari n’était pas parvenu à prouver qu’il s’était véritablement converti et qu’il risquait d’être persécuté en République islamique d’Iran du fait de sa conversion. Pour ces raisons, la majorité de la Commission a conclu que l’auteure « n’avait pas apporté la preuve que sa conversion au christianisme [était] authentique ».
4.7 L’État partie a fourni une description détaillée de la procédure et du fondement juridique d’une demande du statut de réfugié, ainsi que de la composition, des prérogatives et du fonctionnement de la Commission de recours pour les réfugiés.
4.8 L’État partie rappelle que l’auteure prétend devant la Commission craindre d’être persécutée et exécutée en République islamique d’Iran du fait de sa conversion et des accusations portées contre son mari qui est un opposant au régime. Elle affirme également que les autorités de l’immigration ont fait preuve de discrimination sexiste à son égard dans la mesure où la décision relative à son affaire renvoie à celle concernant la demande d’asile de son époux. Enfin, elle dit craindre d’être victime de violence sexiste, comme elle l’a été par le passé. L’État partie estime que l’affaire est irrecevable, car elle est manifestement mal fondée et insuffisamment motivée, et pour non-épuisement des recours internes.
4.9L’État partie rappelle que, selon la jurisprudence du Comité, la Convention n’a de portée extraterritoriale que lorsque la femme que l’on entend expulser court un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de violence sexiste. D’après lui, cela signifie que les actes d’un État partie pouvant avoir un effet indirect, dans d’autres États, sur les droits que confère la Convention à une personne ne sauraient engager la responsabilité dudit État partie (portée extraterritoriale de la Convention) que dans des circonstances exceptionnelles, où la personne se trouve, par suite de son renvoi, exposée au risque d’être privée de son droit à la vie ou à ne pas être soumise à la torture ou à d’autres traitements inhumains ou dégradants, ces droits étant protégés, notamment par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ses articles 6 et 7 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ses articles 2 et 3.
4.10L’État partie note que l’auteure a motivé sa demande d’asile devant le Service danois de l’immigration et la Commission de recours pour les réfugiés en expliquant qu’elle craignait d’être exécutée en République islamique d’Iran, son conjoint étant accusé d’être un opposant au régime. Elle a pendant longtemps invoqué ce seul motif dans sa demande.
4.11Les déclarations faites par l’auteure et son mari aux autorités de l’immigration au sujet de leur départ pour le Danemark sont incohérentes sur plusieurs points, notamment la date réelle de leur départ d’Iran et de leur arrivée au Danemark, la manière dont ils sont entrés sur le territoire danois, s’ils étaient munis d’un visa et, dans l’affirmative, lequel des deux en avait fait la demande. D’après les rapports de police du 23 mars 2012, les rapports sur l’enregistrement des demandes d’asile en date du 30 mars 2012 et les formulaires de demande d’asile datés du 2 et 3 avril 2012, l’auteure et son mari ont présenté des déclarations identiques sur le fond concernant le fait qu’ils aient pris un vol direct de Téhéran au Danemark, le 23 mars 2012. Les deux conjoints ont confirmé qu’ils n’avaient pas fait de demande de visa.
4.12 Les rapports de police en date du 25 juin 2012 révèlent que, lorsqu’il leur a été demandé directement s’ils avaient voyagé munis de leur passeport et d’un visa pour l’Autriche pour être ensuite conduits au Danemark, les deux conjoints ont maintenu leur déclaration antérieure au sujet de leur départ. Ces mêmes rapports de police montrent que le couple n’a pas fait de demande de visa auprès d’une quelconque ambassade. D’après un rapport de police du 5 juillet 2012, c’est seulement à cette date que les conjoints ont déclaré - lorsqu’il leur a été dit que les demandeurs de visa devaient se présenter en personne à l’Ambassade d’Autriche - qu’ils s’étaient rendus à l’Ambassade, que la famille avait pris un vol à destination de l’Autriche, où elle est arrivée avec un visa en cours de validité, et qu’elle est allée jusqu’au Danemark en voiture.
4.13 Lors des entretiens menés au titre de la demande d’asile, le couple a déclaré qu’ils avaient quitté l’Autriche le 23 février 2013 à destination du Danemark ; que le passeur les avait gardé en captivité pendant un mois jusqu’à ce qu’il reçoive le versement résiduel ; et qu’ils avaient alors contacté la police et ont demandé l’asile.
4.14 L’État partie souligne que, sur des points essentiels, les deux conjoints ont en outre présenté des déclarations contradictoires concernant la participation du mari au mouvement vert iranien, la détention de ce dernier, notamment la durée et la période, les menaces reçues par l’auteure, ses arrestations et détentions arbitraires, et les violences subies par son époux.
4.15 En ce qui a trait à la conversion de l’auteure, l’État partie fait observer que son allégation selon laquelle elle ferait l’objet de persécutions pour ce motif n’a été invoquée qu’à un stade avancé de la procédure d’asile, et que ses déclarations concernant sa foi chrétienne apparaissent incohérentes. La majorité de la Commission de recours pour les réfugiés a conclu qu’elle n’avait pas apporté la preuve que sa conversion était authentique.
4.16 L’État partie note également que l’auteure a déclaré devant la Commission qu’elle était consciente le jour de son baptême des graves conséquences qu’elle pourrait subir en République islamique d’Iran. Cependant, elle n’a pas mentionné ce point lors de son entretien avec le Service danois de l’immigration, le 9 avril 2013, et n’a pas non plus évoqué sa conversion comme étant un problème lorsqu’on lui a demandé directement les raisons de sa demande de permis de séjour et ce qu’elle craignait en cas de retour en Iran.
4.17 Compte tenu de ce qui précède, l’État partie estime que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, car l’auteure n’a pas suffisamment étayé son affirmation selon laquelle son expulsion vers la République islamique d’Iran l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste.
4.18 L’État partie note également l’allégation de l’auteure selon laquelle, si elle n’est pas condamnée à mort du fait de sa conversion datant du 8 mai 2012, elle serait accusée de fornication dans la mesure où son mariage avec son mari n’est plus valide depuis cette date et où les rapports sexuels hors mariage sont sanctionnés par la loi en République islamique d’Iran. Néanmoins, d’après l’État partie, cet argument n’a jamais été invoqué devant les autorités de l’immigration et devrait donc être considéré comme irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.
4.19 De même, l’argument selon lequel l’auteure se verrait contrainte et forcée de se convertir à l’islam et de se marier avec un musulman si elle retournait en Iran n’a jamais été soulevé dans le cadre de la procédure interne. L’État partie constate par ailleurs que, dans sa communication au Comité, elle n’a pas déclaré avoir été victime d’agression sexuelle ni avoir été sévèrement punie en République islamique d’Iran en 1994, et ce, sans pouvoir bénéficier d’une protection, mais que ces informations figuraient dans sa demande auprès du Service danois de l’immigration. Dans un souci de clarté, l’État partie fait observer que l’incident a eu lieu en 1994. Selon les dires de l’auteure, elle n’a jamais rencontré le coupable entre le moment de son retour volontaire en République islamique d’Iran en 2004 et son départ pour le Danemark en 2012.
4.20 De plus, l’État partie note que, dans sa communication au Comité, l’auteure a affirmé que la religion était un facteur de répression des femmes dans la société et dans la famille iraniennes, et que c’est pour cette raison qu’elle a voulu se convertir au Danemark. L’État partie fait remarquer que cet argument n’a jamais été invoqué devant les autorités danoises chargées des demandes d’asile. Lors de son entretien avec le Service danois de l’immigration, le 9 avril 2013, et durant l’audience de la Commission de recours pour les réfugiés, le 3 septembre 2013, l’auteure a expliqué qu’elle avait décidé de se convertir après avoir fait la connaissance au Danemark de familles de confession chrétienne qui ont su lui donner de l’amour et grâce à qui elle a découvert que les chrétiens étaient gentils et aimants les uns envers les autres.
4.21 L’État partie constate que la présente communication comporte un certain nombre de nouvelles affirmations et que les autorités nationales du Danemark n’ont donc jamais eu l’occasion « d’examiner toutes affirmations selon lesquelles la décision supposait une discrimination fondée sur le sexe ».
4.22 L’État partie note que l’auteure a affirmé que la question de la violence sexiste a été soulevée au cours de l’examen de son affaire, par écrit le 29 août 2013, et verbalement pendant l’audience du 3 septembre 2013. Il fait observer que le conseil de l’auteure a présenté une demande subsidiaire lors de la procédure devant la Commission pour demander que sa cliente obtienne un permis de séjour en vertu du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers (statut de protection), qui se réfère indirectement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cependant, le conseil n’a pas exposé suffisamment en détail ni dans son mémoire du 29 août 2013 à la Commission ni lors de l’audience du 3 septembre 2013 les questions qui permettraient d’invoquer la Convention. Il a par ailleurs omis de préciser les dispositions pertinentes de la Convention. Se référant à la jurisprudence du Comité, l’État partie rappelle que les auteurs auraient dû présenter leurs griefs dans le cadre d’une procédure interne au fond avant de les soumettre au Comité. Ainsi, en l’espèce, l’auteure n’a pas épuisé les recours internes.
4.23 Sur le fond, l’État partie fait observer que la procédure d’asile devant la Commission de recours pour les réfugiés ne constitue pas un cas de discrimination fondée sur le sexe. L’État partie relève le grief tiré de l’article 15 et le fait que l’auteure a affirmé que son droit à l’égalité de traitement a été violé par la Commission et qu’elle est victime d’une inégalité dans l’accès à la justice, car sa demande n’a jamais été examinée et tranchée sur la base du principe de l’égalité de l’homme et de la femme. L’auteure a également prétendu que la majorité de la Commission ayant rejeté sa demande avait fondé sa décision exclusivement sur celle qu’elle avait prise pour son mari.
4.24 À cet égard, l’État partie renvoie à ses observations aux paragraphes 4.9 à 4.17 ci-dessus et rappelle que l’un des motifs de la demande d’asile de l’auteure était sa crainte d’être exécutée en République islamique d’Iran à cause des accusations portées contre son mari qui était un opposant au régime. Par conséquent, sa demande d’asile était liée aux motifs invoqués par son mari et, de ce fait, certains de ses motifs étaient subordonnés à l’évaluation par la Commission de ceux de son époux.
4.25Il est donc normal que la majorité de la Commission évoque la décision du 3 septembre 2013 concernant la demande d’asile du conjoint lorsqu’elle aborde le motif figurant sur la demande de l’auteure selon lequel celle-ci craindrait les représailles en République islamique d’Iran du fait des activités politiques de son époux dans ce pays ; il ne s’agit pas là d’un traitement discriminatoire. La majorité de la Commission a décidé d’infirmer l’explication de l’auteure concernant la persécution politique dont son mari ferait l’objet, la jugeant incohérente et guère crédible. Sur cette base, elle a conclu que l’auteure n’avait pas apporté la preuve que son mari ferait l’objet de persécutions s’il retournait en République islamique d’Iran et, par voie de conséquence, elle également.
4.26 L’État partie ajoute que le conseil de l’auteure et de son mari leur a été commis d’office ; que le conseil a plaidé l’affaire de l’auteure dans son mémoire avant l’audience de la Commission ; que l’auteure a eu l’occasion au cours de l’audience d’émettre une déclaration indépendante devant la Commission sur les motifs pour lesquels elle demandait l’asile et qu’elle a donc eu la possibilité de mettre en avant les points qu’elle jugeait essentiels à son affaire ; et que le conseil de l’auteure a également eu l’occasion de plaider et de défendre verbalement le dossier de cette dernière devant la Commission.
4.27 L’État partie fait valoir que, à la lumière des considérations qui précèdent, la décision de la Commission concernant la demande d’asile de l’auteure a été prise de manière objective, distincte et en l’espèce, quoiqu’avec des réserves compréhensibles qu’une grande partie de ses motifs d’asile était liée à la demande d’asile de son époux. Par conséquent, l’évaluation par la Commission de ces éléments fournis dans l’exposé des motifs de sa demande d’asile se fondait sur celle portant sur le dossier du conjoint. En outre, il n’est pas rare que la Commission examine conjointement des affaires lorsque les demandeurs d’asile sont mariés ; en l’espèce, ils sont entrés au Danemark ensemble et il y a présomption que leurs motifs d’asile se recoupent ou soient les mêmes. L’examen conjoint ne vise qu’à mieux clarifier les deux affaires.
4.28 L’État partie note également que l’auteure a affirmé devant le Comité qu’elle s’était convertie au christianisme après son arrivée au Danemark, compte tenu du fait que les femmes sont opprimées en République islamique d’Iran ; qu’elle se serait convertie quelle que soit la décision de son mari à ce sujet ; et qu’elle craignait les conséquences de sa conversion si elle devait retourner en Iran.
4.29 L’État partie note à cet égard que l’auteure est entrée sur le territoire danois le 23 mars 2012, mais qu’elle a mentionné s’être convertie seulement le 9 avril 2013. Elle avait passé cinq entretiens avant cette date et avait rempli elle-même son formulaire de demande d’asile sans faire mention de son intérêt pour le christianisme. De plus, elle a été convoquée, tout comme le sont les autres demandeurs d’asile, aux entretiens afin d’exposer complètement les motifs de sa demande. Le 9 avril 2013, elle a dit au Service danois de l’immigration avoir embrassé la religion chrétienne environ un an avant l’entretien. L’État partie trouve inexplicable que l’auteure n’ait pas signalé plus tôt son intérêt pour le christianisme, d’autant plus qu’elle avait déclaré lors de son entretien du 9 avril 2013 avec le Service susmentionné qu’elle avait commencé à s’y intéresser après son arrivée au Danemark et qu’elle connaissait peu les préceptes de cette religion quand elle était en Iran. Selon l’État partie, il est manifeste que le fils du couple n’a pas été baptisé et que très peu de temps s’est écoulé avant la conversion : seulement deux mois de préparation pour un baptême célébré via Skype. Lorsque le Service danois de l’immigration lui a demandé d’expliquer ce laps de temps, l’auteure a répondu qu’un miracle s’était produit.
4.30 À la lumière de ce qui précède, l’État partie fait valoir que les motifs qu’expose l’auteure dans sa demande d’asile invoquant des craintes de persécution du fait de sa conversion ont fait l’objet d’un examen séparé durant la procédure d’asile la concernant. En conséquence, il n’y a aucune raison de remettre en cause l’examen complet fait par la Commission de recours pour les réfugiés sur la base duquel elle a contesté l’authenticité de la conversion de l’auteure pour les mêmes raisons que celles de son époux.
4.31 Enfin, s’agissant de lademande de mesures provisoires du Comité, l’État partie note que, le 16 septembre 2013, la Commission a prorogé le délai fixé pour le départ de l’auteure, conformément à la demande formulée par le Comité. À la lumière des observations ci-dessus, l’État partie invite toutefois le Comité à examiner sa demande, l’auteure n’ayant pas apporté la preuve qu’elle subirait un préjudice irréparable si elle était renvoyée en République islamique d’Iran.
Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie
5.1 Le 2 mars 2016, le conseil de l’auteure a fait parvenir les commentaires de cette dernière sur les observations de l’État partie. Premièrement, il a fait remarquer qu’en août 2016, il avait prié la Commission de recours pour les réfugiés de prendre en considération la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans le cadre de l’examen du dossier de l’auteure et il a réitéré sa demande verbalement au cours de l’audience. Néanmoins, la Commission n’a pas fait référence à la Convention dans sa décision et, d’après le conseil, l’auteure a dû examiner de près la décision concernant l’affaire de son mari pour connaître les raisons motivant le refus de sa demande d’asile.
5.2 Le conseil a ajouté que la demande d’asile de l’auteure avait été rejetée, faute de crédibilité. Il a néanmoins fait observer que rien n’indiquait que, le 6 septembre 2013, les cinq membres du Conseil avaient pris en compte le risque pour l’auteure d’être victime de formes graves de violence sexiste.
5.3 Le conseil a noté que l’État partie a fait valoir que, bien que la décision n’en fasse pas explicitement mention, la Commission a toujours pris en compte la Convention, même lorsqu’elle n’avait pas été invoquée par la demandeuse d’asile. À cet égard, selon lui, l’affirmation de l’État partie est mal fondée. À l’appui de sa déclaration, il s’est référé aux constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme sur une communication individuelle dans laquelle le Comité avait conclu que le Danemark violerait les droits de l’auteure si celle-ci était renvoyée au Nigeria. Après l’adoption des constatations du Comité, la Commission a réexaminé la demande d’asile de l’auteure, le 17 novembre 2015, en tenant compte desdites constatations ; elle a néanmoins confirmé le premier rejet de la demande.
5.4 Deuxièmement, le conseil a fait remarquer que, dans l’affaire susmentionnée, la Commission avait considéré comme une réalité le fait que l’auteure de nationalité nigériane avait été victime de la traite et qu’elle avait témoigné devant le tribunal contre ses trafiquants. Néanmoins, aucune référence à la Convention n’est faite dans sa décision du 17 novembre 2015.
5.5 Le conseil a conclu que les autorités danoises avaient de nouveau mal informé le Comité. Lors de plusieurs réunions avec les différents comités, les représentants du Danemark ont expliqué qu’il n’était pas nécessaire d’incorporer dans le droit interne le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, puisque tous ces instruments faisaient partie de l’ordre juridique danois. De l’avis du conseil, la décision du 17 novembre 2015 révèle que ce n’était pas le cas.
Délibérations du Comité concernant la recevabilité
6.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.
6.2Le Comité note que l’auteure affirme que son expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation par le Danemark des articles 1er, 2 c) et d), 3, 12 et 15 de la Convention, étant donné que son mari est considéré comme un militant politique de l’opposition et qu’elle s’est convertie au christianisme. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, pour défaut de fondement.
6.3 L’État partie a également affirmé que la partie de la communication relative au grief de l’auteure selon lequel elle risquait d’être tuée ou convertie de force à l’islam et d’être mariée à un musulman parce qu’elle s’était convertie au christianisme au Danemark et avait eu des rapports sexuels hors mariage, et son grief selon lequel la religion était un facteur de répression des femmes en République islamique d’Iran étaient irrecevables pour non-épuisement des recours internes en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, car ils n’ont jamais été présentés aux autorités danoises avant la soumission de la présente communication.
6.4 En ce qui concerne le grief de l’auteure selon lequel elle craint que les autorités tuent son mari s’il est renvoyé en République islamique d’Iran en raison de ses activités politiques passées, à la lumière des documents figurant dans le dossier, le Comité note que les autorités danoises de l’immigration ont dûment examiné ces allégations, mais ont conclu que l’auteure n’avait pas suffisamment étayé ses allégations, en particulier compte tenu du fait que les dires de son mari sur ce point manquaient de crédibilité. Rien dans le dossier n’autorise le Comité à considérer que pour parvenir à cette conclusion, les autorités danoises de l’immigration ont manqué à leur devoir ou agi d’une manière partiale ou arbitraire. Dans ces circonstances, et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité considère que l’auteure n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. Il déclare en conséquence que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.
6.5Le Comité relève en outre l’argument de l’auteure qui affirme qu’elle a été victime d’une violation des articles 1er, 2, 3 et 15 de la Convention, car son affaire n’a jamais été examinée et tranchée sur la base du principe de l’égalité de l’homme et de la femme. Elle dit être victime de discrimination, car son droit à l’égalité de traitement a été violé par la Commission de recours pour les réfugiés, parce que sa demande d’asile a été traitée comme « annexe » à celle de son mari et que l’examen de sa demande s’est donc réduit à la question de savoir si ce dernier devait ou non obtenir l’asile, elle-même n’étant considérée que comme la simple épouse d’un demandeur d’asile. Le Comité prend note de la réponse de l’État partie selon laquelle la demande d’asile initiale de l’auteure était liée à celle de son maridans la mesure où elle sollicitait l’asile en raison des supposées activités politiques de son conjoint en République islamique d’Iran et des problèmes que cela avait posés pour lui. Le Comité observe que rien dans le dossier ne permet de confirmer la discrimination dont serait victime l’auteure. Au contraire, il ressort des informations devant le Comité que l’auteure a eu la possibilité de faire procéder à un examen indépendant de sa situation personnelle. Le Comité considère donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.
6.6 L’auteure a également affirmé qu’elle serait victime d’une violation de l’article 12 de la Convention en cas de renvoi en République islamique d’Iran et qu’elle craint d’être exécutée du fait de sa conversion. Si elle n’est pas condamnée à la peine de mort, elle craint de devoir à nouveau se convertir à l’islam et d’être mariée de force à un musulman, car son mariage actuel n’est plus valide en raison de son changement de religion. En outre, depuis la date de la conversion de son mari au christianisme, le fait d’avoir des rapports sexuels avec lui constitue une activité sexuelle hors mariage qui est punissable en Iran. Le Comité note que l’État partie a contesté cette partie de la communication au titre du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, étant donné que ces griefs n’ont jamais été présentés aux autorités danoises de l’immigration avant la soumission de la présente communication au Comité, ce qui n’a pas été contesté par l’auteure ni par son conseil. Le Comité prend également note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’y a aucune raison de remettre en cause l’examen complet fait par la Commission de recours pour les réfugiés sur la base duquel elle a mis en doute l’authenticité de la conversion de l’auteure. Le Comité note que dans sa décision, la Commission dresse une liste exhaustive des explications de l’auteure à cet égard ; il prend également acte des questions posées et des réponses qu’elle avait données à ce sujet. Ces informations, qui se rapportent essentiellement à la situation personnelle de l’auteure, diffèrent des allégations et des renseignements fournis par son mari au sujet de sa prétendue conversion dans sa demande d’asile. En ce qui concerne les griefs de son mari mentionnés dans la demande d’asile de l’auteure, il convient de noter que c’est l’auteure elle-même qui a renvoyé la Commission aux éléments de preuve censés avoir été fournis par son mari au sujet de sa conversion et qui a expliqué qu’il était mieux informé qu’elle sur les questions se rapportant au christianisme. À la lumière de toutes ces considérations, et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité considère que les faits dont il est saisi ne montrent pas que la Commission n’a pas accordé une attention suffisante à la situation personnelle et aux allégations précises de l’auteure, y compris ses dires concernant sa conversion. En conséquence, il déclare que cette partie de la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes et défaut de fondement en vertu du paragraphe 1 et du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.
6.7 Enfin, le conseil de l’auteure a fait valoir que les autorités danoises de l’immigration avaient refusé d’examiner son cas sous l’angle de la Convention, bien qu’il leur ait expressément demandé de le faire. Le Comité note qu’en réponse, l’État partie a fait valoir que ni l’auteure ni son conseil n’ont présenté de plainte au titre de la Convention et qu’ils n’ont pas indiqué les droits consacrés par la Convention que, selon eux, les autorités danoises avaient violés ou violeraient en cas d’expulsion de l’auteure vers la République islamique d’Iran. L’État partie a également fait observer que le conseil n’avait fait que mentionner la Convention dans son recours, sans aucune justification ni explication quelle qu’elle soit. Le Comité note que les observations de l’État partie n’ont pas été contestées par le conseil. À la lumière de ces considérations, le Comité estime que l’auteure n’a pas démontré en quoi le fait de mentionner la Convention soulevait des questions différentes de celles déjà examinées par la Commission de recours pour les réfugiés dans le cadre de sa demande d’asile. Il considère par conséquent que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.
7.En conséquence, le Comité décide que :
a)la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 et du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;
b)cette décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure de la communication.