Nations Unies

CRC/C/GC/25

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

2 mars 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observation générale no 25 (2021) sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique

I.Introduction

1.Les enfants consultés aux fins de la présente observations générale ont souligné que les technologies numériques étaient essentielles pour leur vie d’enfant et pour leur avenir : « Grâce aux technologies numériques, nous pouvons obtenir des informations venant du monde entier » ; « [Les technologies numériques] m’ont fait découvrir des aspects très importants concernant la manière dont je m’identifie » ; « Quand tu es triste, Internet peut t’aider à voir quelque chose qui t’apporte de la joie ».

2.L’environnement numérique évolue et s’étend constamment, et comprend les technologies de l’information et des communications, y compris les réseaux, les contenus, les services et les applications numériques, les appareils et environnements connectés, la réalité virtuelle et augmentée, l’intelligence artificielle, la robotique, les systèmes automatisés, les algorithmes et l’analyse de données, la biométrie et la technologie dans le domaine des implants.

3.L’environnement numérique prend une place de plus en plus importante dans la plupart des aspects de la vie des enfants, y compris en temps de crise, lorsque les fonctions sociétales, dont l’éducation, les services de l’État et le commerce, en viennent progressivement à reposer sur les technologies numériques. Il offre de nouvelles possibilités pour la réalisation des droits de l’enfant, mais comporte aussi des risques de violations de ces droits ou d’atteinte à ces droits. Pendant les consultations, les enfants ont émis l’avis que l’environnement numérique devrait favoriser et promouvoir des interactions sûres et équitables et les protéger : « Nous voudrions que l’État, les entreprises technologiques et les enseignants nous aident à gérer les informations douteuses qui sont sur Internet » ; « Je voudrais obtenir des éclaircissements sur ce qu’il advient réellement de mes données […] Pourquoi les collecter ? Comment sont-elles collectées ? » ; « Je […] m’inquiète du fait que mes données soient communiquées à d’autres. ».

4.Les droits de chaque enfant doivent être respectés, protégés et mis en œuvre dans l’environnement numérique. Les innovations dans le domaine des technologies numériques ont sur la vie et sur leurs droits des enfants d’importants effets, qui sont interdépendants, même lorsque les enfants n’accèdent pas eux-mêmes à l’Internet. Un accès effectif aux technologies numériques peut aider les enfants à réaliser l’ensemble de leurs droits civils, politiques, culturels, économiques et sociaux. Toutefois, si l’on ne parvient pas à l’inclusion numérique, les inégalités existantes risquent de s’accroître et de nouvelles inégalités pourraient apparaître.

5.La présente observation générale s’appuie sur l’expérience acquise par le Comité dans le cadre de l’examen des rapports des États parties, sur sa journée de débat général sur les médias numériques et les droits de l’enfant, sur la jurisprudence des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, sur les recommandations du Conseil des droits de l’homme et des titulaires de mandant au titre des procédures spéciales du Conseil, sur deux séries de consultations avec les États, des experts et d’autres parties prenantes concernant la note de réflexion et l’avant-projet et une consultation internationale avec 709 enfants ayant des conditions de vie très diverses et venant de 28 pays de différentes régions.

6.L’observation générale devrait être lue conjointement avec les autres observations générales pertinentes du Comité et avec les Lignes directrices concernant l’application du Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

II.Objectif

7.Dans la présente observation générale, le Comité explique de quelle manière les États parties devraient mettre en œuvre la Convention en relation avec l’environnement numérique, et donne des orientations sur les mesures législatives, stratégiques et autres visant à garantir le plein respect de leurs obligations découlant de la Convention et des Protocoles facultatifs s’y rapportant, compte tenu des possibilités, des risques et des difficultés associés à la promotion, au respect, à la protection et à la mise en œuvre de tous les droits de l’enfant dans l’environnement numérique.

III.Principes généraux

8.Les quatre principes ci-après constituent le filtre à travers lequel il faudrait envisager la mise en œuvre de tous les autres droits consacrés par la Convention. Ils devraient servir de guide pour déterminer les mesures à prendre en vue de garantir la réalisation des droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique.

A.Non-discrimination

9.Le droit de ne pas faire l’objet de discrimination exige des États qu’ils veillent à ce que tous les enfants aient un accès égal, effectif et satisfaisant à l’environnement numérique. Les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour venir à bout de l’exclusion numérique. Ils devraient à ces fins garantir aux enfants un accès libre et sécurisé, dans des lieux publics spécialement prévus à cet effet, et investir dans des politiques et des programmes visant à favoriser, pour tous les enfants, un accès abordable aux technologies numériques et l’utilisation de ces technologies à bon escient, dans les établissements d’enseignement, les communautés et à la maison.

10.Les enfants peuvent être victimes de discrimination du fait d’une exclusion de l’utilisation des technologies et services numériques, de messages haineux ou d’un traitement injuste dans le cadre de l’utilisation de ces technologies. D’autres formes de discrimination peuvent survenir lorsque les processus automatisés qui aboutissent au filtrage de l’information, au profilage ou à la prise de décisions sont fondés sur des données concernant un enfant qui sont partiales, partielles ou obtenues de manière inéquitable.

11.Le Comité invite les États parties à prendre des mesures proactives pour prévenir la discrimination fondée sur le sexe, le handicap, le milieu socioéconomique, l’origine ethnique ou nationale, la langue ou tout autre motif, ainsi que la discrimination à l’égard des enfants issus de minorités et des enfants autochtones, des enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants, des enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, des enfants victimes et survivants de la traite ou de l’exploitation sexuelle, des enfants bénéficiant d’une protection de remplacement, des enfants privés de liberté et des autres enfants vulnérables. Des mesures spécifiques seront nécessaires pour combler la fracture numérique liée au genre concernant les filles et pour qu’une attention particulière soit accordée à l’accès, à la culture numérique, à la protection de la vie privée et à la sécurité en ligne.

B.Intérêt supérieur de l’enfant

12.L’intérêt supérieur de l’enfant est une notion dynamique qui nécessite une évaluation adaptée au contexte particulier. L’environnement numérique n’a pas été conçu à l’origine pour les enfants, mais il joue un rôle important dans la vie des enfants. Les États parties doivent veiller à ce que, dans toutes les décisions concernant la fourniture, la réglementation, la conception, la gestion et l’utilisation de l’environnement numérique, l’intérêt supérieur de chaque enfant soit une considération primordiale.

13.Les États parties devraient associer à ces décisions les organes nationaux et locaux qui supervisent la mise en œuvre des droits de l’enfant. Lorsqu’ils examinent l’intérêt supérieur de l’enfant, ils devraient tenir compte de tous les droits de l’enfant, y compris le droit de chercher, de recevoir et de répandre des informations, le droit d’être protégé contre tout préjudice et celui de voir son opinion dûment prise en considération, et garantir la transparence en ce qui concerne l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant et les critères qui ont été appliqués.

C.Droit à la vie, à la survie et au développement

14.Les possibilités offertes par l’environnement numérique jouent un rôle de plus en plus critique dans le développement des enfants et peuvent être essentielles pour la vie et la survie des enfants, notamment dans les situations de crise. Les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre les risques qui menacent leur droit à la vie, à la survie et au développement. Les risques liés aux contenus, aux contacts, aux comportements et aux contrats englobent, entre autres, les contenus violents, les contenus à caractère sexuel, les cyberagressions et le harcèlement, les jeux d’argent, l’exploitation et les mauvais traitements, y compris l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, ainsi que la promotion du suicide ou des activités mettant la vie en danger, ou l’incitation à ces activités, y compris par des criminels ou des groupes armés qualifiés de terroristes ou d’extrémistes violents. Les États parties devraient identifier les risques émergents auxquels les enfants font face dans divers contextes et y remédier, notamment en écoutant le point de vue des enfants sur la nature des risques particuliers auxquels ils font face.

15.L’utilisation d’appareils numériques ne devrait pas être nocive, ni se substituer aux interactions en personne entre les enfants ou entre les enfants et leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux. Les États parties devraient accorder une attention particulière aux effets de la technologie dans les premières années de la vie, lorsque la plasticité du cerveau est maximale et que l’environnement social, en particulier les relations avec les parents et les personnes qui s’occupent des enfants, est déterminant pour ce qui est d’orienter le développement cognitif, émotionnel et social des enfants. Au cours des premières années de la vie, il peut être nécessaire de prendre des précautions, en fonction de la conception, de l’objectif et des utilisations des technologies. Une formation et des conseils sur l’utilisation appropriée des appareils numériques devraient être dispensés aux parents, aux personnes qui s’occupent des enfants, aux éducateurs et aux autres acteurs concernés, en tenant compte des recherches sur les effets des technologies numériques sur le développement des enfants, en particulier pendant les périodes critiques de croissance neurologique que sont la petite enfance et l’adolescence.

D.Respect de l’opinion de l’enfant

16.Les enfants ont déclaré que l’environnement numérique leur offrait des possibilités essentielles de faire entendre leur voix dans les domaines qui les concernent. L’utilisation des technologies numériques peut favoriser la participation des enfants aux niveaux local, national et international. Les États parties devraient promouvoir la sensibilisation et l’accès aux moyens numériques permettant aux enfants d’exprimer leur opinion et offrir une formation et un soutien aux enfants pour qu’ils participent dans des conditions d’égalité avec les adultes, de manière anonyme si nécessaire, afin qu’ils puissent plaider efficacement en faveur de leurs droits, individuellement et en tant que groupe.

17.Lorsqu’ils élaborent des lois, des politiques et des programmes et organisent des services et des formations sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, les États parties devraient associer tous les enfants, être à l’écoute de leurs besoins et tenir dûment compte de leur opinion. Ils devraient veiller à ce que les fournisseurs de services numériques dialoguent activement avec les enfants, appliquent les garanties appropriées et prennent dûment en considération l’opinion des enfants dans le cadre du développement de produits et de services.

18.Les États parties sont invités à utiliser l’environnement numérique pour consulter les enfants sur les mesures législatives, administratives et autres mesures pertinentes et à veiller à ce que l’opinion des enfants soit prise au sérieux et à ce que la participation des enfants n’aboutisse pas à une surveillance indue ou à une collecte de données qui viole leur droit au respect de la vie privée et leur droit à la liberté de pensée et d’opinion. Ils devraient veiller à ce que les processus consultatifs incluent les enfants qui n’ont pas accès à la technologie ou n’ont pas les compétences nécessaires pour l’utiliser.

IV.Développement des capacités

19.Les États parties devraient respecter le principe du développement des capacités de l’enfant, qui concerne le processus d’acquisition progressive de compétences, de compréhension et d’un pouvoir d’action (agency). Ce processus revêt une importance particulière dans l’environnement numérique, dans lequel les enfants peuvent interagir sans être toujours sous la supervision des parents et des personnes qui s’occupent d’eux. Les risques et les possibilités associés à l’interaction des enfants avec l’environnement numérique varient en fonction de l’âge des enfants et de leur stade de développement. Les États parties devraient être guidés par ces considérations lorsqu’ils conçoivent des mesures visant à protéger les enfants dans cet environnement ou à leur en faciliter l’accès. La conception de mesures adaptées à l’âge devrait s’appuyer sur les meilleures recherches disponibles, qui soient les plus récentes possibles et concernent toute une série de disciplines.

20.Les États parties devraient tenir compte de l’évolution de la place des enfants et de leur pouvoir d’action dans le monde moderne, des aptitudes et de la capacité de compréhension des enfants, qui se développent de manière inégale selon les domaines de compétence et d’activité, et de la nature diverse des risques encourus. Ces considérations doivent être conciliées avec l’importance que revêt l’exercice des droits de l’enfant dans des environnements pris en charge et avec la diversité des expériences et situations individuelles. Les États parties devraient veiller à ce que les fournisseurs de services numériques offrent des services adaptés au développement des capacités des enfants.

21.Conformément au devoir qu’ont les États de fournir une assistance appropriée aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, les États parties devraient sensibiliser les parents et les personnes qui s’occupent des enfants à la nécessité de respecter le développement de l’autonomie, des capacités et de la vie privée des enfants. Ils devraient aider les parents et les personnes qui s’occupent des enfants à acquérir une culture numérique et à prendre conscience des risques que courent les enfants, afin de les aider à apporter un appui aux enfants aux fins de la réalisation de leurs droits, y compris le droit à une protection, en relation avec l’environnement numérique.

V.Mesures d’application générales

22.Les possibilités de réalisation des droits de l’enfant et leur protection dans l’environnement numérique nécessitent un large éventail de mesures législatives, administratives et autres, y compris des mesures de précaution.

A.Législation

23.Les États parties devraient revoir leur législation nationale et la rendre conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et adopter des textes de loi qui soient conformes à ces normes, pour faire en sorte que l’environnement numérique soit compatible avec les droits énoncés dans la Convention et les Protocoles facultatifs s’y rapportant. Les législations devraient rester pertinentes, dans le contexte des avancées technologiques et des pratiques émergentes. Ils devraient rendre obligatoire l’utilisation d’études d’impact sur les droits de l’enfant, afin d’ancrer les droits de l’enfant dans la législation, les allocations budgétaires et les autres décisions administratives relatives à l’environnement numérique, et promouvoir l’utilisation de ces études auprès des organismes publics et des entreprises en rapport avec l’environnement numérique.

B.Politique et stratégie globales

24.Les États parties devraient veiller à ce que les politiques nationales relatives aux droits de l’enfant traitent expressément de l’environnement numérique, et devraient mettre en œuvre des réglementations, des codes professionnels, des normes de conception et des plans d’action en conséquence, lesquels devraient tous être régulièrement évalués et mis à jour. Ces politiques nationales devraient viser à donner aux enfants la possibilité de tirer profit de leur interaction avec l’environnement numérique et à leur garantir un accès sécurisé à cet environnement.

25.La protection des enfants en ligne devrait être intégrée dans les politiques nationales de protection de l’enfance. Les États parties devraient mettre en œuvre des mesures qui protègent les enfants contre les risques, notamment les cyberagressions et l’exploitation sexuelle et les abus sexuels en ligne facilités par les technologies numériques, veiller à ce que ces infractions donnent lieu à des enquêtes et offrir un recours et un soutien aux enfants qui en sont victimes. Ils devraient également répondre aux besoins des enfants défavorisés ou vulnérables, notamment en fournissant des informations qui soient adaptées aux enfants et, si nécessaire, traduites dans les langues minoritaires pertinentes.

26.Les États parties devraient veiller à ce que des mécanismes efficaces de protection des enfants en ligne et des garde-fous soient mis en place, tout en respectant les autres droits de l’enfant, dans tous les lieux où les enfants ont accès à l’environnement numérique, à savoir le domicile, les établissements d’enseignement, les cybercafés, les centres de jeunesse, les bibliothèques, les établissements de santé et les institutions de protection de remplacement.

C.Coordination

27.Afin que les conséquences transversales de l’environnement numérique pour les droits de l’enfant soient prises en compte, les États parties devraient désigner un organe gouvernemental chargé de coordonner les politiques, directives et programmes relatifs aux droits de l’enfant entre les services du gouvernement central et les différents niveaux de l’administration. Ce mécanisme de coordination national devrait nouer un dialogue avec les écoles et le secteur des technologies de l’information et des communications et coopérer avec les entreprises, la société civile, les universités et les organisations aux fins de la réalisation des droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, aux niveaux intersectoriel, national, régional et local. Il devrait s’appuyer sur des compétences technologiques et d’autres compétences pertinentes au sein et en dehors de l’administration, selon les besoins, et faire l’objet d’une évaluation indépendante concernant son efficacité en matière d’exécution de ses obligations.

D.Allocation de ressources

28.Les États parties devraient mobiliser, allouer et utiliser des ressources publiques pour mettre en œuvre la législation, les politiques et les programmes visant à réaliser pleinement les droits de l’enfant dans l’environnement numérique et à améliorer l’inclusion numérique, ce qui est nécessaire pour faire face à l’impact croissant de l’environnement numérique sur la vie des enfants et pour promouvoir l’égalité d’accès aux services et à la connectivité, ainsi que leur caractère abordable.

29.Lorsque des ressources sont fournies par le secteur privé ou obtenues dans le cadre de la coopération internationale, les États parties devraient veiller à ce que des tiers n’entravent pas ou ne compromettent pas leur propre mandat, la mobilisation des recettes, les allocations budgétaires et les dépenses.

E.Collecte de données et recherches

30.Il est essentiel de disposer de données et de travaux de recherche régulièrement mis à jour pour comprendre les incidences de l’environnement numérique sur la vie des enfants, évaluer son impact sur leurs droits et apprécier l’efficacité des interventions de l’État. Les États parties devraient garantir la collecte de données fiables et complètes, ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique et nationale et situation socioéconomique, et prévoir à cet effet des ressources suffisantes. Ces données et ces travaux de recherche, y compris ceux menées avec et par les enfants, devraient éclairer la législation, les politiques et les pratiques et être disponibles dans le domaine public. La collecte de données et les recherches relatives à la vie numérique des enfants doivent respecter la vie privée des enfants et répondre aux normes éthiques les plus élevées.

F.Mécanisme de suivi indépendant

31.Les États parties devraient veiller à ce que les mandats des institutions nationales des droits de l’homme et des autres institutions indépendantes appropriées couvrent les droits de l’enfant dans l’environnement numérique et à ce que ces institutions soient en mesure de recevoir, d’examiner et de traiter les plaintes des enfants et de leurs représentants. Lorsqu’il existe des organes de contrôle indépendants chargés de suivre les activités liées à l’environnement numérique, les institutions nationales des droits de l’homme devraient travailler en étroite collaboration avec eux dans le cadre de l’exécution efficace de leur mandat concernant les droits de l’enfant.

G.Diffusion de l’information, sensibilisation et formation

32.Les États parties devraient diffuser des informations et mener des campagnes de sensibilisation sur les droits de l’enfant dans l’environnement numérique, ciblant en particulier ceux dont les actions ont un impact direct ou indirect sur les enfants. Ils devraient faciliter l’élaboration de programmes éducatifs à l’intention des enfants, des parents et des personnes qui s’occupent des enfants, du grand public et des responsables politiques, afin d’améliorer leur connaissance des droits de l’enfant en relation avec les possibilités et les risques associés aux produits et services numériques. Ces programmes devraient comprendre des informations sur la manière dont les enfants peuvent tirer parti des produits et services numériques et développer leur culture et leurs compétences numériques, sur la manière de protéger la vie privée des enfants et d’empêcher les enfants d’être victimes de préjudices et sur la manière de reconnaître un enfant victime d’un préjudice qui lui a été causé en ligne ou hors ligne et d’intervenir de manière appropriée. Ces programmes devraient s’appuyer sur des travaux de recherche et des consultations avec les enfants, les parents et les personnes qui s’occupent des enfants.

33.Les professionnels qui travaillent pour et avec les enfants et les entreprises, y compris les entreprises technologiques, devraient recevoir une formation portant notamment sur les incidences que l’environnement numérique a sur les droits de l’enfant dans de multiples contextes, sur la manière dont les enfants exercent leurs droits dans l’environnement numérique et sur la manière dont ils accèdent aux technologies et les utilisent. Ils devraient également recevoir une formation sur l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme à l’environnement numérique. Les États parties devraient veiller à ce que les professionnels qui travaillent à tous les niveaux de l’enseignement reçoivent une formation initiale et une formation continue relative à l’environnement numérique, afin de favoriser le développement de leurs connaissances, de leurs compétences et de leurs pratiques.

H.Coopération avec la société civile

34.Les États parties devraient systématiquement associer la société civile, y compris les groupes dirigés par des enfants et les organisations non gouvernementales qui travaillent dans le domaine des droits de l’enfant et celles concernées par l’environnement numérique, à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des lois, politiques, plans et programmes relatifs aux droits de l’enfant. Ils devraient également veiller à ce que les organisations de la société civile soient en mesure de mettre en œuvre leurs activités relatives à la promotion et à la protection des droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique.

I.Droits de l’enfant et entreprises

35.Les entreprises, y compris les organisations à but non lucratif, ont des incidences directes et indirectes sur les droits de l’enfant dans le cadre de la fourniture de services et de produits liés à l’environnement numérique. Les entreprises sont tenues de respecter les droits de l’enfant et de prévenir et réparer les atteintes à ces droits en relation avec l’environnement numérique. Les États parties ont l’obligation de veiller à ce que les entreprises assument ces responsabilités.

36.Les États parties devraient prendre des mesures, notamment élaborer des lois, des réglementations et des politiques et en assurer le suivi, l’application et l’évaluation, pour faire en sorte que les entreprises s’acquittent de l’obligation qui leur incombe d’empêcher que leurs réseaux ou services en ligne ne soient utilisés d’une manière qui entraîne des violations des droits de l’enfant ou des atteintes à ces droits, y compris le droit au respect de la vie privée et à la protection, ou contribue à ces violations ou atteintes, et offrir aux enfants, aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants des recours rapides et efficaces. Ils devraient également encourager les entreprises à fournir des informations publiques et des conseils accessibles en temps opportun, en vue de favoriser des activités numériques sûres et bénéfiques pour les enfants.

37.Les États parties ont le devoir de protéger les enfants contre toute atteinte à leurs droits due aux entreprises, y compris le droit d’être protégé contre toutes les formes de violence dans l’environnement numérique. Bien que les entreprises puissent ne pas être directement impliquées dans la commission d’actes préjudiciables, elles peuvent être à l’origine de violations du droit de l’enfant de ne pas subir de violences ou contribuer à ces violations, notamment par la conception et l’exploitation de services numériques. Les États parties devraient mettre en place et faire appliquer des lois et des réglementations visant à prévenir les violations du droit à la protection contre la violence, ainsi que des lois et des réglementations tendant à ce que les violations commises en relation avec l’environnement numérique donnent lieu à des enquêtes, à des décisions de justice et à des mesures de réparation, et contrôler l’application de ces textes.

38.Les États parties devraient exiger des entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’enfant, en particulier qu’elles réalisent des évaluations d’impact sur les droits de l’enfant et les rendent publiques, en accordant une attention particulière aux impacts différenciés et parfois graves de l’environnement numérique sur les enfants. Ils devraient prendre les mesures appropriées pour prévenir et suivre les violations des droits de l’enfant dues aux entreprises, enquêter sur ces violations et punir leurs auteurs.

39.En dehors de l’élaboration de lois et de politiques, les États partie devraient exiger de toutes les entreprises qui ont des incidences sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique qu’elles mettent en œuvre des cadres réglementaires, des codes professionnels et des conditions générales d’utilisation conformes aux normes les plus élevées en matière d’éthique, de protection de la vie privée et de sécurité s’agissant de la conception, de la réalisation technique, du développement, de l’exploitation, de la distribution et de la commercialisation de leurs produits et services. Sont notamment concernées les entreprises qui ciblent les enfants, dont les enfants sont les utilisateurs finals ou qui ont des incidences sur les enfants de toute autre manière. Ils devraient exiger de ces entreprises qu’elles maintiennent des normes élevées de transparence et de responsabilité et les encourager à prendre des mesures pour innover dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils devraient également exiger que les conditions générales d’utilisation soient expliquées aux enfants d’une manière adaptée à leur âge, ou aux parents et aux personnes qui s’occupent de très jeunes enfants.

J.Publicité commerciale et marketing

40.L’environnement numérique comprend des entreprises qui reposent financièrement sur le traitement des données personnelles pour le ciblage de contenus générateurs de revenus ou payants, et ces processus ont, intentionnellement et non intentionnellement, des incidences sur les expériences numériques des enfants. Nombre de ces processus supposent de multiples partenaires commerciaux, créant ainsi une chaîne d’activités commerciales et un traitement des données à caractère personnel qui peut entraîner des violations des droits de l’enfant ou des atteintes à ces droits, notamment en raison de caractéristiques de conception publicitaire qui anticipent les actions de l’enfant et les guident vers des contenus plus extrêmes, de notifications automatisées qui peuvent interrompre le sommeil ou de l’utilisation des informations personnelles ou de la localisation de l’enfant pour le ciblage de contenus à caractère commercial potentiellement dangereux.

41.Les États parties devraient faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale lorsqu’ils réglementent la publicité et le marketing destinés et accessibles aux enfants. Le parrainage, le placement de produits et toutes les autres formes de contenus à caractère commercial doivent être clairement distingués de tout autre contenu et ne doivent pas perpétuer les stéréotypes liés au genre ou les stéréotypes raciaux.

42.Les États parties devraient interdire par la loi le profilage ou le ciblage d’enfants de tous âges à des fins commerciales fondés sur l’enregistrement numérique de leurs caractéristiques réelles ou déduites, y compris les données de groupe ou données collectives, le ciblage par association ou le profilage par affinités. Les pratiques qui s’appuient sur le neuromarketing, l’analytique émotionnelle, la publicité immersive et la publicité dans des environnements de réalité virtuelle et augmentée pour promouvoir des produits, des applications et des services devraient également être interdites lorsqu’elles impliquent une interaction directe ou indirecte avec les enfants.

K.Accès à la justice et à des voies de recours

43.Les enfants se heurtent à des obstacles particuliers en matière d’accès à la justice en ce qui concerne l’environnement numérique, pour plusieurs raisons. Ces obstacles tiennent à l’absence de législation prévoyant des sanctions pour les violations des droits de l’enfant spécifiquement liées à l’environnement numérique, à la difficulté d’obtenir des preuves ou d’identifier les auteurs, ou au fait que les enfants et leurs parents ou les personnes qui s’occupent des enfants connaissent mal leurs droits ou ce qui constitue une violation de leurs droits ou une atteinte à ces droits dans l’environnement numérique, entre autres facteurs. D’autres obstacles peuvent surgir si les enfants sont tenus de divulguer des informations sur les activités en ligne sensibles ou privées ou s’ils craignent des représailles de la part de leurs pairs ou une exclusion sociale.

44.Les États parties devraient veiller à ce que les mécanismes de recours judiciaires et non judiciaires appropriés et efficaces pour les violations des droits de l’enfant liées à l’environnement numérique soient largement connus et facilement accessibles à tous les enfants et à leurs représentants. Les mécanismes de plainte et de signalement devraient être gratuits, sûrs, confidentiels, adaptés aux besoins des enfants et disponibles dans des formats accessibles. Les États parties devraient également prévoir la possibilité de plaintes collectives, y compris des recours collectifs et des litiges d’intérêt public, ainsi qu’une aide juridique ou toute autre assistance appropriée, notamment dans le cadre de services spécialisés, pour les enfants dont les droits ont été violés dans l’environnement numérique ou en relation avec l’environnement numérique.

45.Les États parties devraient mettre en place des cadres pour l’orientation de ces cas et la fourniture d’un soutien efficace aux enfants victimes, et en assurer la coordination, le suivi et l’évaluation régulière. Les cadres devraient comprendre des mesures concernant le repérage des enfants victimes, les thérapies à conduire et le suivi à assurer ainsi que la réinsertion sociale. Une formation au repérage des enfants victimes devrait être prévue dans les mécanismes d’orientation, y compris pour les fournisseurs de services numériques. Les mesures prises dans un tel cadre devraient être interinstitutionnelles et adaptées aux enfants, afin d’éviter une revictimisation et une victimisation secondaire de l’enfant dans le contexte des processus d’enquête et de justice. Des mesures de protection spécialisées visant à assurer la confidentialité et la réparation des préjudices liés à l’environnement numérique peuvent à cet égard être nécessaires.

46.Une réparation appropriée comprend la restitution, l’indemnisation et la satisfaction et peut passer par des excuses, des corrections, le retrait du contenu illicite, l’accès à des services de réadaptation psychologique ou d’autres mesures. En ce qui concerne les violations dans l’environnement numérique, les mécanismes de recours devraient tenir compte de la vulnérabilité des enfants et de la nécessité d’agir rapidement pour mettre fin aux dommages actuels et prévenir les dommages futurs. Les États parties devraient garantir la non-répétition des violations, notamment par la modification des lois et politiques pertinentes et la mise en œuvre effective de ces textes.

47.Les technologies numériques rendent encore plus complexes les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions commises contre des enfants, qui peuvent dépasser les frontières nationales. Les États parties devraient réfléchir à la manière dont l’utilisation des technologies numériques peut faciliter ou entraver les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions commises contre des enfants et prendre toutes les mesures préventives, répressives et correctives disponibles, y compris en coopération avec des partenaires internationaux. Ils devraient dispenser une formation spécialisée aux forces de l’ordre, aux procureurs et aux juges concernant les violations des droits de l’enfant spécifiquement associées à l’environnement numérique, notamment dans le cadre de la coopération internationale.

48.Les enfants peuvent rencontrer des difficultés particulières pour ce qui est d’obtenir réparation lorsque leurs droits ont été violés dans l’environnement numérique par des entreprises, en particulier dans le contexte de leurs opérations mondiales. Les États parties devraient envisager des mesures visant à respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’enfant dans le cadre des activités et opérations extraterritoriales des entreprises, pour autant qu’il existe un lien raisonnable entre l’État et le comportement concerné. Ils devraient veiller à ce que les entreprises mettent en place des mécanismes de plainte efficaces ; ces mécanismes ne devraient toutefois pas empêcher les enfants d’avoir accès à des recours étatiques. Ils devraient également veiller à ce que les organismes dotés de pouvoirs de contrôle en matière de droits de l’enfant, tels que ceux relatifs à la santé et à la sécurité, à la protection des données et aux droits des consommateurs, à l’éducation, à la publicité et au marketing, enquêtent sur les plaintes et offrent des recours adéquats en cas de violation des droits de l’enfant ou d’atteinte à ces droits dans l’environnement numérique.

49.Les États parties devraient fournir aux enfants des informations adaptées à leur âge, dans un langage adapté, sur leurs droits et sur les mécanismes de signalement et de plainte et les services et les recours à leur disposition en cas de violation de leurs droits en relation avec l’environnement numérique ou d’atteinte à ces droits. Ces informations devraient également être fournies aux parents, aux personnes qui s’occupent des enfants et aux professionnels qui travaillent avec et pour les enfants.

VI.Libertés et droits civils

A.Accès à l’information

50.L’environnement numérique offre aux enfants une occasion unique de réaliser leur droit d’avoir accès à l’information. À cet égard, les moyens d’information et de communication, y compris les contenus numériques et les contenus en ligne, remplissent une fonction importante. Les États parties devraient veiller à ce que les enfants aient accès à l’information dans l’environnement numérique et à ce que l’exercice de ce droit ne soit limité que lorsque cela est prévu par la loi et nécessaire aux fins énoncées à l’article 13 de la Convention.

51.Les États parties devraient garantir et soutenir la création de contenus numériques adaptés à l’âge des enfants et présentant un intérêt pour leur autonomisation, en fonction du développement de leurs capacités, et veiller à ce que les enfants aient accès à une grande diversité d’informations, y compris celles détenues par des organismes publics, sur la culture, les sports, les arts, la santé, les affaires civiles et politiques et les droits de l’enfant.

52.Les États parties devraient encourager la production et la diffusion de ces contenus sous des formes multiples et à partir d’une pluralité de sources nationales et internationales, notamment les médias d’information, les organismes de radio et de télévision, les musées, les bibliothèques et les organisations éducatives, scientifiques et culturelles. Ils devraient en particulier s’efforcer d’améliorer la fourniture de contenus diversifiés, accessibles et bénéfiques pour les enfants handicapés et les enfants appartenant à des groupes ethniques, linguistiques et autochtones et à d’autres groupes minoritaires. La possibilité pour les enfants d’accéder à des renseignements utiles, dans un langage qu’ils comprennent, peut être un important facteur d’égalité.

53.Les États parties devraient veiller à ce que tous les enfants aient accès à des informations diverses et de bonne qualité en ligne, faciles à trouver, y compris des contenus indépendants des intérêts commerciaux ou politiques. Ils devraient veiller à ce que la recherche automatisée et le filtrage de l’information, y compris les systèmes de recommandation, ne donnent pas la priorité aux contenus payants ayant une motivation commerciale ou politique, au détriment des choix des enfants ou du droit des enfants à l’information.

54.L’environnement numérique peut contenir des informations véhiculant des stéréotypes de genre, des informations discriminatoires, racistes, violentes, pornographiques ou abusives, ainsi que des récits mensongers, de la désinformation et des informations encourageant les enfants à se livrer à des activités illégales ou nocives. Ces informations peuvent provenir de sources multiples, notamment d’autres utilisateurs, de créateurs de contenus commerciaux, de délinquants sexuels ou de groupes armés qualifiés de terroristes ou d’extrémistes violents. Les États parties devraient protéger les enfants contre les contenus nocifs et douteux et veiller à ce que les entreprises concernées et les autres fournisseurs de contenus numériques élaborent et appliquent des directives permettant aux enfants d’accéder en toute sécurité à des contenus diversifiés, en reconnaissant le droit de l’enfant à l’information et son droit à la liberté d’expression, tout en protégeant les enfants contre les matériels nocifs, conformément à leurs droits et au développement de leurs capacités. Toute restriction imposée au fonctionnement de tout système de diffusion de l’information en ligne, électronique ou autre, devrait être conforme à l’article 13 de la Convention. Les États parties ne devraient pas faire intentionnellement obstacle ou permettre à d’autres acteurs de faire obstacle à l’approvisionnement en électricité, aux réseaux cellulaires ou à la connectivité Internet dans une partie ou dans l’ensemble d’une zone géographique, car cela peut avoir pour effet d’entraver l’accès des enfants à l’information et à la communication.

55.Les États parties devraient encourager les fournisseurs de services numériques utilisés par les enfants à appliquer un étiquetage des contenus concis et intelligible, par exemple sur le caractère approprié selon l’âge ou la fiabilité du contenu. Ils devraient également encourager la fourniture de conseils, l’organisation de formations et la mise au point de matériels éducatifs et de mécanismes de signalement accessibles pour les enfants, les parents et les personnes qui s’occupent des enfants, les éducateurs et les groupes professionnels concernés. Les systèmes fondés sur l’âge ou le contenu, conçus pour protéger les enfants contre des contenus inappropriés pour leur âge, devraient être compatibles avec le principe de la minimisation des données.

56.Les États parties devraient veiller à ce que les fournisseurs de services numériques se conforment aux directives, normes et codes pertinents et appliquent des règles de modération des contenus qui soient légales, nécessaires et proportionnées. Les contrôles de contenus, les systèmes de filtrage scolaires et les autres techniques axées sur la sécurité ne devraient pas être utilisés pour restreindre l’accès des enfants à l’information dans l’environnement numérique ; ils ne devraient être utilisés que pour prévenir les flux de matériels nocifs pour les enfants. La modération et le contrôle des contenus devraient être conciliés avec le droit à la protection contre les violations des autres droits de l’enfant, notamment le droit à la liberté d’expression et le droit à la protection de la vie privée.

57.Les codes de conduite professionnels établis par les médias d’information et les autres organisations concernées devraient comporter des conseils sur la manière de signaler les risques que l’univers numérique présente pour les enfants et les possibilités qu’il leur offre. Ces conseils devraient déboucher sur des signalements fondés sur des faits qui ne révèlent pas l’identité des enfants victimes et soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme.

B.Liberté d’expression

58.Le droit de l’enfant à la liberté d’expression englobe le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toutes sortes. Les enfants ont déclaré que l’environnement numérique leur offrait largement la possibilité d’exprimer leurs idées, leurs opinions et leurs points de vue politiques. En ce qui concerne les enfants défavorisés ou vulnérables, l’interaction facilitée par la technologie avec ceux qui sont dans une situation similaire peut les aider à s’exprimer.

59.Toute restriction imposée au droit de l’enfant à la liberté d’expression dans l’environnement numérique, comme les filtres, y compris les mesures de sécurité, doit être légale, nécessaire et proportionnée. Les raisons de ces restrictions doivent être transparentes et communiquées aux enfants dans un langage adapté à leur âge. Les États parties devraient fournir aux enfants des informations et des possibilités de formation sur la manière d’exercer effectivement ce droit, en particulier sur la manière de créer et de partager des contenus numériques en toute sécurité, tout en respectant les droits et la dignité d’autrui et en ne violant pas la législation, notamment celle relative à l’incitation à la haine et à la violence.

60.Les enfants qui révèlent leur opinion et leur identité politiques ou autres dans l’environnement numérique peuvent s’attirer des critiques et de l’hostilité et faire l’objet de menaces ou de sanctions. Les États parties devraient protéger les enfants contre les cyberagressions et les menaces, la censure, les atteintes à la protection des données et la surveillance numérique. Les enfants ne devraient pas être poursuivis pour avoir exprimé leurs opinions dans l’environnement numérique, sauf s’ils violent les restrictions prévues par la législation pénale qui sont compatibles avec l’article 13 de la Convention.

61.Étant donné l’existence de motivations commerciales et politiques visant à promouvoir des visions du monde particulières, les États parties devraient veiller à ce que les utilisations de processus automatisés de filtrage de l’information, de profilage, de marketing et de prise de décisions ne supplantent pas, n’altèrent pas ou ne compromettent pas la capacité des enfants de former et d’exprimer leur opinion dans l’environnement numérique.

C.Liberté de pensée, de conscience et de religion

62.Les États Parties devraient respecter le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion dans l’environnement numérique. Le Comité engage les États parties à adopter une réglementation sur la protection des données et des normes de conception qui recensent, définissent et interdisent les pratiques qui altèrent ou compromettent le droit de l’enfant à la liberté de pensée et de croyance dans l’environnement numérique, par exemple par l’analyse ou l’inférence émotionnelle, ou à mettre à jour les réglementations et normes existantes. Les systèmes automatisés peuvent être utilisés pour tirer des conclusions sur l’état intérieur d’un enfant. Les États parties devraient veiller à ce que les systèmes automatisés ou les systèmes de filtrage de l’information ne soient pas utilisés pour agir sur le comportement ou les émotions des enfants ou les influencer ou pour limiter les perspectives ou le développement des enfants.

63.Les États parties devraient veiller à ce que les enfants ne soient pas pénalisés en raison de leur religion ou de leurs convictions et à ce que leurs perspectives d’avenir ne soient pas restreintes de quelque autre manière. L’exercice du droit de l’enfant de manifester sa religion ou ses convictions dans l’environnement numérique ne peut faire l’objet que de limitations légales, nécessaires et proportionnées.

D.Liberté d’association et de réunion pacifique

64.L’environnement numérique peut permettre aux enfants de former leur identité sociale, religieuse, culturelle, ethnique, sexuelle et politique et de participer à la vie des communautés correspondantes et aux espaces publics de délibération, d’échanges culturels, de cohésion sociale et de diversité. Les enfants ont déclaré que l’environnement numérique leur offrait des occasions précieuses de rencontrer des pairs, des décideurs et d’autres personnes partageant leurs intérêts et d’échanger et de débattre avec eux.

65.Les États parties devraient veiller à ce que leurs lois, règlements et politiques protègent le droit de l’enfant de participer à des organisations qui fonctionnent partiellement ou exclusivement dans l’environnement numérique. L’exercice par les enfants de leur droit à la liberté d’association et de réunion pacifique dans l’environnement numérique ne peut pas faire l’objet de restrictions autres que celles qui sont légales, nécessaires et proportionnées. Cette participation ne devrait pas en soi entraîner pour ces enfants de conséquences négatives, telles que l’exclusion d’une école, la restriction ou la privation de possibilités futures ou un fichage dans les services de police. Cette participation devrait être sûre, privée et exempte de toute surveillance par des entités publiques ou privées.

66.La visibilité publique et les possibilités de mise en réseau offertes par l’environnement numérique peuvent également soutenir les activités de militantisme dirigées par des enfants et donner à ceux-ci les moyens de défendre les droits humains. Le Comité reconnaît que l’environnement numérique permet aux enfants, notamment aux enfants défenseurs des droits humains, ainsi qu’aux enfants en situation de vulnérabilité, de communiquer entre eux, de défendre leurs droits et de former des associations. Les États parties devraient les soutenir, notamment en facilitant la création d’espaces numériques spécifiques, et assurer leur sécurité.

E.Droit à la protection de la vie privée

67.La protection de la vie privée est essentielle pour le pouvoir d’action, la dignité et la sécurité des enfants et pour l’exercice des droits de l’enfant. Les données personnelles des enfants sont traitées pour offrir à ceux-ci des bienfaits en matière d’éducation, de santé et autres. Les atteintes à la vie privée des enfants peuvent résulter de la collecte et du traitement des données par des institutions publiques, des entreprises et d’autres organisations, ainsi que d’activités criminelles telles que l’usurpation d’identité. Ces atteintes peuvent également être dues aux activités des enfants eux-mêmes et à celles de membres de leur famille, de leurs pairs ou d’autres personnes, par exemple lorsque des parents partagent des photos en ligne ou lorsqu’un inconnu partage des informations sur un enfant.

68.Les données peuvent comprendre des informations sur l’identité des enfants, leurs activités, le lieu où ils se trouvent, leur communication, leurs émotions, leur santé et leurs relations, entre autres. Certaines combinaisons de données personnelles, y compris les données biométriques, peuvent permettre d’identifier un enfant en particulier. Les pratiques numériques telles que le traitement automatisé des données, le profilage, le ciblage comportemental, la vérification obligatoire de l’identité, le filtrage des informations et la surveillance de masse, deviennent courantes. Ces pratiques peuvent conduire à une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée des enfants ; elles peuvent avoir sur les enfants des conséquences négatives, qu’ils peuvent continuer à subir à des stades ultérieurs de leur vie.

69.L’immixtion dans la vie privée d’un enfant n’est admissible que si elle n’est ni arbitraire ni illégale. Une telle immixtion doit donc être prévue par la loi, servir un but légitime, respecter le principe de la minimisation des données, être proportionnée et conçue pour respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et ne doit pas être contraire aux dispositions, buts ou objectifs de la Convention.

70.Les États parties devraient prendre des mesures législatives, administratives et autres pour faire en sorte que la vie privée des enfants soit respectée et protégée par toutes les organisations et dans tous les environnements qui traitent les données des enfants. La législation devrait prévoir des garanties solides, la transparence, une surveillance indépendante et l’accès à des recours. Les États parties devraient exiger l’intégration de la protection de la vie privée dès la conception dans les produits et services numériques qui concernent les enfants. Ils devraient revoir régulièrement la législation relative à la vie privée et à la protection des données et veiller à ce que les procédures et les pratiques permettent de prévenir les atteintes délibérées au droit de l’enfant à la protection de sa vie privée ou les violations accidentelles de ce droit. Lorsque le cryptage est considéré comme opportun, les États parties devraient envisager des mesures permettant la détection et le signalement de l’exploitation sexuelle des enfants et des abus sexuels sur enfants ou de matériel pédopornographique. Ces mesures devraient être strictement limitées, selon les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

71.Lorsqu’un consentement est nécessaire pour traiter les données d’un enfant, les États parties devraient veiller à ce que ce consentement soit éclairé et donné librement par l’enfant ou, selon son âge et le développement de ses capacités, par le parent ou la personne qui s’occupe de l’enfant, et à ce qu’il soit obtenu avant que les données soient traitées. Lorsque le consentement de l’enfant est considéré comme insuffisant et que le consentement parental est requis pour le traitement des données personnelles d’un enfant, les États parties devraient exiger que les organisations qui traitent ces données vérifient que le consentement est éclairé, valable et donné par le parent ou la personne qui s’occupe de l’enfant.

72.Les États parties devraient veiller à ce que les enfants et leurs parents ou les personnes qui s’occupent des enfants puissent facilement accéder aux données stockées, rectifier les données qui sont inexactes ou obsolètes et effacer les données stockées illégalement ou inutilement par des autorités publiques, des particuliers ou d’autres organismes, sous réserve de limites raisonnables et légales. Ils devraient en outre garantir aux enfants le droit de retirer leur consentement et de s’opposer au traitement des données à caractère personnel lorsque le responsable du traitement des données ne démontre pas l’existence de motifs légitimes et impérieux justifiant ce traitement. Ils devraient également fournir des informations sur ces questions aux enfants, aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants, dans un langage adapté aux enfants et dans des formats accessibles.

73.Les données personnelles des enfants ne devraient être accessibles qu’aux autorités, organisations et personnes désignées par la loi pour les traiter conformément aux garanties d’une procédure régulière, telles que des audits réguliers et des mesures de responsabilisation. Les données relatives aux enfants recueillies à des fins bien définies, dans quelque cadre que ce soit, y compris les casiers judiciaires numérisés, devraient être protégées et réservées à ces fins et ne devraient pas être conservées illégalement ou inutilement ou utilisées à d’autres fins. Lorsque des informations sont fournies dans un cadre et que leur utilisation dans un autre cadre pourrait légitimement bénéficier à l’enfant, par exemple dans le contexte de la scolarité et de l’enseignement supérieur, l’utilisation de ces données devrait être transparente, responsable et soumise au consentement de l’enfant, du parent ou de la personne qui s’occupe de l’enfant, selon le cas.

74.La législation et les mesures relatives à la protection de la vie privée et des données ne devraient pas limiter arbitrairement les autres droits de l’enfant, tels que le droit à la liberté d’expression ou le droit à une protection. Les États parties devraient veiller à ce que la législation sur la protection des données respecte la vie privée et les données personnelles des enfants en relation avec l’environnement numérique. Les innovations technologiques constantes font que l’environnement numérique s’élargit pour englober toujours plus de services et de produits, tels que les vêtements et les jouets. Étant donné que les lieux dans lesquels les enfants passent du temps deviennent « connectés » du fait de l’utilisation de capteurs intégrés reliés à des systèmes automatisés, les États parties devraient veiller à ce que les produits et services qui contribuent à ces environnements soient soumis à des réglementations et normes strictes relatives à la protection des données et de la vie privée. Il s’agit notamment des lieux publics, tels que les rues, les écoles, les bibliothèques, les installations de sport et de divertissement et les locaux commerciaux, y compris les magasins et les cinémas, ainsi que le domicile.

75.Toute surveillance numérique des enfants − ainsi que tout traitement automatisé des données à caractère personnel qui y est associé − devrait respecter le droit de l’enfant à la protection de sa vie privée et ne devrait pas être effectuée de manière systématique, sans discernement ou à l’insu de l’enfant ou, dans le cas des très jeunes enfants, de leurs parents ou de la personne qui s’occupe d’eux ; elle ne devrait pas non plus être effectuée sans que l’intéressé ait le droit de s’opposer à une telle surveillance, dans les locaux commerciaux ou dans les structures éducatives et les établissements de soins, et il faudrait toujours envisager les moyens les moins intrusifs possible en matière de vie privée pour atteindre l’objectif recherché.

76.L’environnement numérique pose des problèmes particuliers aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants en ce qui concerne le respect du droit de l’enfant à la protection de sa vie privée. Si elles ne sont pas mises en œuvre avec prudence, les technologies qui permettent de surveiller les activités en ligne à des fins de sécurité, comme les dispositifs et services de localisation, peuvent empêcher un enfant d’accéder à une ligne d’assistance ou de rechercher des informations sensibles. Les États parties devraient informer les enfants, les parents, les personnes qui s’occupent des enfants et le public de l’importance du droit de l’enfant à la protection de sa vie privée et de la manière dont leurs propres pratiques peuvent menacer ce droit. Ils devraient également être informés des pratiques pouvant leur permettre de respecter et protéger la vie privée des enfants dans l’environnement numérique, tout en assurant leur sécurité. La surveillance des activités numériques de l’enfant par les parents et les personnes qui s’occupent de l’enfant doit être proportionnée et correspondre au développement des capacités de l’enfant.

77.De nombreux enfants utilisent des avatars ou des pseudonymes en ligne qui protègent leur identité, et ces pratiques peuvent être importantes pour protéger la vie privée des enfants. Les États parties devraient exiger une approche de l’anonymat intégrant la sécurité et la protection de la vie privée dès la conception, tout en veillant à ce que les pratiques anonymes ne soient pas couramment utilisées pour dissimuler des comportements préjudiciables ou illégaux, tels que les cyberagressions, les discours de haine ou l’exploitation sexuelle et les abus sexuels. La protection de la vie privée d’un enfant dans l’environnement numérique peut s’avérer essentielle dans les cas où les parents ou les personnes qui s’occupent de l’enfant constituent eux-mêmes une menace pour la sécurité de l’enfant ou lorsqu’ils sont en conflit au sujet de la garde de l’enfant. Ces situations peuvent nécessiter une intervention supplémentaire, ainsi que des consultations familiales ou d’autres services, afin de préserver le droit de l’enfant à la protection de sa vie privée.

78.Les fournisseurs de services de prévention ou de conseil destinés aux enfants dans l’environnement numérique devraient être exemptés de toute obligation d’obtention du consentement parental par l’enfant utilisateur pour l’accès à ces services. Ces services devraient répondre à des normes élevées en matière de protection de la vie privée et de l’enfance.

F.Enregistrement des naissances et nationalité

79.Les États parties devraient promouvoir l’utilisation de systèmes d’identification numérique permettant que toutes les naissances soient enregistrées et reconnues officiellement par les autorités nationales, afin de faciliter l’accès des enfants aux services, notamment aux services de santé, d’éducation et de protection sociale. L’absence d’enregistrement des naissances facilite la violation des droits de l’enfant garantis par la Convention et les Protocoles facultatifs s’y rapportant. Les États parties devraient utiliser des technologies de pointe, y compris des unités d’enregistrement mobiles, pour garantir l’accès à l’enregistrement des naissances, en particulier pour les enfants qui vivent dans des zones reculées, les enfants réfugiés, les enfants migrants, les enfants à risque et ceux qui sont marginalisés, et prendre en compte les enfants nés avant l’introduction des systèmes d’identification numérique. Pour que les enfants bénéficient de ces systèmes, les États parties devraient mener des campagnes de sensibilisation, mettre en place des mécanismes de suivi, promouvoir la participation des communautés locales et assurer une coordination efficace entre les différents acteurs, notamment les agents des services de l’état civil, les juges, les notaires, les responsables de la santé publique et le personnel des organismes de protection de l’enfance. Ils devraient également veiller à ce qu’un cadre solide de protection de la vie privée et des données soit mis en place.

VII.Violence à l’égard des enfants

80.L’environnement numérique peut offrir de nouveaux moyens de commettre des violences à l’égard des enfants, en facilitant les situations dans lesquelles les enfants subissent des violences et/ou peuvent être incités à se faire du mal ou à faire du mal aux autres. Les crises, telles que les pandémies, peuvent entraîner un risque accru de violence en ligne, étant donné que les enfants passent davantage de temps sur les plateformes virtuelles dans de telles circonstances.

81.Les délinquants sexuels peuvent utiliser les technologies numériques pour solliciter des enfants à des fins sexuelles et pour participer à des abus sexuels en ligne sur des enfants, par exemple en diffusant des vidéos en direct, en produisant et en distribuant du matériel pédopornographique et en pratiquant la sextorsion. Les formes de violence, d’exploitation et d’abus sexuels facilités par les technologies numériques peuvent également être commises dans le cercle de confiance d’un enfant, par des membres de sa famille ou des amis ou, pour les adolescents, par des partenaires intimes, et peuvent inclure des cyberagressions, notamment le harcèlement et des menaces d’atteinte à la réputation, la création ou le partage non consenti de textes ou d’images à caractère sexuel, tels que des contenus autogénérés par sollicitation et/ou coercition, et la promotion de comportements autodestructeurs, tels que les coupures, les comportements suicidaires ou les troubles alimentaires. Lorsque de tels actes sont commis par des enfants, les États parties devraient, dans la mesure du possible, adopter des approches de prévention, de protection et de justice réparatrice pour les enfants concernés.

82.Les États parties devraient prendre des mesures législatives et administratives pour protéger les enfants contre la violence dans l’environnement numérique, et notamment examiner régulièrement, actualiser et appliquer des cadres législatifs, réglementaires et institutionnels solides qui protègent les enfants contre les risques, connus et émergents, de toute forme de violence dans l’environnement numérique. Ces risques comprennent la violence physique ou mentale, les blessures ou les sévices, la négligence ou la maltraitance, l’exploitation et les sévices, y compris l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, la traite des enfants, la violence fondée sur le genre, les cyberagressions, les cyberattaques et la guerre de l’information. Les États parties devraient mettre en œuvre des mesures de sécurité et de protection correspondant au développement des capacités des enfants.

83.L’environnement numérique peut offrir aux groupes non étatiques, y compris aux groupes armés qualifiés de terroristes ou d’extrémistes violents, de nouveaux moyens d’enrôler et d’exploiter les enfants pour qu’ils commettent des actions violentes ou y participent. Les États parties devraient veiller à ce que la législation interdise l’enrôlement d’enfants par des groupes terroristes ou extrémistes violents. Les enfants accusés d’infractions pénales dans ce contexte devraient être traités avant tout comme des victimes mais, s’ils sont inculpés, le système de justice pour enfants devrait s’appliquer.

VIII.Milieu familial et protection de remplacement

84.Beaucoup de parents et de personnes qui s’occupent des enfants ont besoin de soutien pour acquérir la compréhension, les capacités et les compétences techniques nécessaires pour aider les enfants en relation avec l’environnement numérique. Les États parties devraient veiller à ce que les parents et les personnes qui s’occupent des enfants aient la possibilité d’acquérir une culture numérique, d’apprendre de quelle manière la technologie peut soutenir les droits de l’enfant et de reconnaître un enfant victime d’un préjudice en ligne et de réagir de manière appropriée. Une attention particulière devrait être accordée aux parents d’enfants défavorisés ou vulnérables et aux personnes qui s’occupent de ces enfants.

85.Dans le cadre du soutien et des orientations fournies aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants en ce qui concerne l’environnement numérique, les États parties devraient assurer une sensibilisation au respect de l’autonomie croissante des enfants et de leur besoin d’intimité, en fonction du développement de leurs capacités. Les États parties devraient tenir compte du fait que les enfants saisissent et expérimentent souvent les possibilités offertes par l’univers numérique et qu’ils peuvent être exposés à des risques, y compris avant l’âge auquel les parents et les personnes chargées de s’occuper des enfants pensent que ces risques pourraient survenir. Certains enfants ont indiqué qu’ils souhaitaient être davantage soutenus et encouragés dans leurs activités numériques, en particulier lorsqu’ils percevaient l’approche des parents et des personnes qui s’occupent d’eux comme punitive, trop restrictive ou non adaptée au développement de leurs capacités.

86.Les États parties devraient tenir compte du fait que le soutien et les orientations fournies aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants devraient être fondés sur une compréhension de la spécificité et du caractère unique des relations parents-enfants. Ces conseils devraient aider les parents à maintenir un équilibre approprié entre la protection de l’enfant et son autonomie naissante, fondé sur l’empathie et le respect mutuels, plutôt que sur l’interdiction ou le contrôle. L’intérêt supérieur de l’enfant et la prise en compte du développement des capacités de l’enfant devraient être les principes directeurs permettant d’aider les parents et les personnes qui s’occupent des enfants à maintenir un équilibre entre les responsabilités parentales et les droits de l’enfant. Il conviendrait de conseiller les parents et les personnes qui s’occupent des enfants d’encourager les activités sociales et créatives et les activités d’apprentissage des enfants dans l’environnement numérique et de souligner que l’utilisation des technologies numériques ne devrait pas remplacer les interactions directes et spontanées entre les enfants eux-mêmes ou entre les enfants et leurs parents ou les personnes qui s’occupent des enfants.

87.Il est important que les enfants séparés de leur famille aient accès aux technologies numériques. Il est prouvé que les technologies numériques sont bénéfiques pour le maintien des relations familiales, par exemple en cas de séparation des parents, lorsque les enfants sont placés dans une structure de protection de remplacement, pour établir des relations entre les enfants et les futurs parents adoptifs ou parents d’accueil et pour réunir les enfants et leur famille dans les situations de crise humanitaire. Par conséquent, dans le contexte des familles séparées, les États parties devraient favoriser l’accès des enfants et de leurs parents, des personnes qui s’occupent des enfants ou des autres personnes concernées aux services numériques, en tenant compte de la sécurité et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

88.Les mesures prises pour renforcer l’inclusion numérique devraient être conciliées avec la nécessité de protéger les enfants dans les cas où les parents ou d’autres membres de la famille ou des personnes qui s’occupent des enfants, qu’ils soient ou non présents physiquement, peuvent les mettre en danger. Les États parties devraient considérer que de tels risques peuvent être favorisés par la conception et l’utilisation des technologies numériques, par exemple lorsqu’elles permettent de révéler à un agresseur potentiel le lieu où se trouve un enfant. Compte tenu de ces risques, les États parties devraient exiger une approche intégrant la sécurité et la protection de la vie privée dès la conception et veiller à ce que les parents et les personnes qui s’occupent des enfants soient pleinement conscients des risques et des stratégies disponibles pour soutenir et protéger les enfants.

IX.Enfants handicapés

89.L’environnement numérique offre aux enfants handicapés de nouvelles possibilités d’établir des relations sociales avec leurs pairs, d’accéder à l’information et de participer aux processus de décision publics. Les États parties devraient étudier ces possibilités et prendre des mesures pour empêcher la création de nouvelles barrières et éliminer les barrières existantes auxquelles se heurtent les enfants handicapés en relation avec l’environnement numérique.

90.Les enfants présentant différents types de handicaps, notamment des handicaps physiques, intellectuels, psychosociaux, auditifs ou visuels, se heurtent à différentes barrières en matière d’accès à l’environnement numérique, tels que des contenus dans des formats non accessibles, un accès limité à des technologies d’assistance abordables à la maison, à l’école et dans la communauté et l’interdiction d’utiliser des appareils numériques à l’école, dans les établissements de santé et dans d’autres contextes. Les États parties devraient veiller à ce que les enfants handicapés aient accès à des contenus dans des formats accessibles et abolir les politiques qui ont des effets discriminatoires sur ces enfants. Ils devraient garantir l’accès à des technologies d’assistance abordables, le cas échéant, en particulier pour les enfants handicapés qui vivent dans la pauvreté, et organiser des campagnes de sensibilisation et des cours de formation et mettre des ressources à disposition pour les enfants handicapés, leur famille et le personnel des établissements d’enseignement et des autres établissements concernés, afin qu’ils aient les connaissances et les compétences suffisantes pour utiliser efficacement les technologies numériques.

91.Les États parties devraient promouvoir les innovations technologiques qui répondent aux besoins des enfants présentant différents types de handicap et veiller à ce que les produits et services numériques soient conçus dans un souci d’accessibilité universelle afin qu’ils puissent être utilisés par tous les enfants sans exception et sans qu’il soit nécessaire de les adapter. Les enfants handicapés devraient être associés à la conception et à la mise en œuvre des politiques, produits et services qui ont une incidence sur la réalisation de leurs droits dans l’environnement numérique.

92.Les enfants handicapés peuvent être davantage exposés aux risques, notamment aux cyberagressions et à l’exploitation sexuelle et aux abus sexuels, dans l’environnement numérique. Les États parties devraient recenser et combattre les risques auxquels les enfants handicapés sont exposés, en prenant des mesures pour que l’environnement numérique soit sûr pour ces enfants, tout en luttant contre les préjugés auxquels se heurtent les enfants handicapés et qui pourraient conduire à une surprotection ou à l’exclusion. Les informations sur la sécurité, les stratégies de protection et les informations, services et forums publics relatifs à l’environnement numérique devraient être fournis dans des formats accessibles.

X.Santé et bien-être

93.Les technologies numériques peuvent faciliter l’accès aux services de santé et aux informations sur la santé et améliorer les services de diagnostic et de traitement concernant la santé physique et mentale et la nutrition des mères, des nouveau-nés, des enfants et des adolescents. Elles offrent également des possibilités intéressantes en matière de contact avec les enfants défavorisés ou vulnérables ou avec les enfants qui vivent dans des communautés éloignées. Dans les situations de danger public ou de crise sanitaire ou humanitaire, il pourrait arriver que les technologies numériques soient le seul moyen d’accéder aux services et informations dans le domaine de la santé.

94.Les enfants ont déclaré qu’ils jugeaient très utile la recherche en ligne d’informations et de soutien en matière de santé et de bien-être, notamment en ce qui concerne la santé physique, mentale, sexuelle et procréative, la puberté, la sexualité et la conception. Les adolescents souhaitaient en particulier avoir accès en ligne à des services de santé mentale et de santé sexuelle et procréative gratuits, confidentiels, adaptés à leur âge et non discriminatoires. Les États parties devraient veiller à ce que les enfants aient un accès sûr, sécurisé et confidentiel à des informations et services de santé dignes de confiance, y compris des services de conseil psychologique. Ces services devraient limiter le traitement des données relatives aux enfants à ce qui est nécessaire au fonctionnement du service et devraient être fournis par des professionnels ou des personnes ayant reçu une formation appropriée, et être assortis de mécanismes de contrôle réglementés. Les États parties devraient veiller à ce que les produits et services de santé numériques ne créent pas d’inégalités en matière d’accès des enfants aux services de santé en personne, ou n’aggravent pas ces inégalités.

95.Les États parties devraient encourager la recherche et le développement axés sur les besoins spécifiques des enfants en matière de santé et favorisant des résultats positifs pour la santé des enfants grâce aux progrès technologiques, et investir dans ce domaine. Les services numériques devraient être utilisés pour compléter ou améliorer la fourniture aux enfants de services de santé en personne. Les États parties devraient adopter une réglementation exigeant des fournisseurs de technologies et de services de santé qu’ils intègrent les droits de l’enfant dans les fonctionnalités, le contenu et la distribution de ces services et technologies, ou mettre à jour les réglementations existantes.

96.Les États parties devraient légiférer contre les préjudices connus et prendre en compte de manière proactive les avancées de la recherche et les nouveaux éléments d’information dans le domaine de la santé publique, afin d’empêcher la diffusion de fausses informations et de matériels et services susceptibles de nuire à la santé mentale ou physique des enfants. Il pourrait également être nécessaire de prendre des mesures pour prévenir une participation malsaine aux jeux numériques ou aux médias sociaux, par exemple en légiférant contre la conception de produits numériques portant atteinte au développement et aux droits de l’enfant.

97.Les États parties devraient encourager l’utilisation des technologies numériques pour promouvoir des modes de vie sains, notamment les activités physiques et sociales. Ils devraient réglementer la publicité ciblée ou inadaptée à l’âge, le marketing et les autres services numériques pertinents, afin d’éviter que les enfants ne soient exposés à la promotion de produits malsains, notamment certains aliments et certaines boissons, l’alcool, les drogues et le tabac et les autres produits à base de nicotine. Ces réglementations relatives à l’environnement numérique devraient être compatibles et aller de pair avec les réglementations relatives à l’environnement hors ligne.

98.Les technologies numériques offrent aux enfants de multiples possibilités d’améliorer leur santé et leur bien-être lorsqu’un équilibre est maintenu avec leur besoin de repos, d’exercice et d’interaction directe avec leurs pairs, leur famille et leur communauté. Les États parties devraient élaborer des conseils à l’intention des enfants, des parents, des personnes qui s’occupent des enfants et des éducateurs concernant l’importance d’un bon équilibre entre les activités numériques et non numériques et un repos suffisant.

XI.Éducation, loisirs et activités culturelles

A.Droit à l’éducation

99.L’environnement numérique peut grandement faciliter et améliorer l’accès des enfants à une éducation inclusive de qualité, notamment à des ressources fiables pour l’apprentissage formel, non formel, informel, entre pairs et autodirigé. L’utilisation des technologies numériques peut également renforcer l’interaction entre l’enseignant et l’élève et entre les apprenants. Les enfants ont souligné l’importance des technologies numériques pour ce qui est d’améliorer leur accès à l’éducation et de soutenir leur apprentissage et leur participation aux activités extrascolaires.

100.Les États parties devraient aider les institutions éducatives et culturelles, telles que les archives, les bibliothèques et les musées, à favoriser l’accès des enfants à diverses ressources pédagogiques numériques et interactives, y compris les ressources autochtones, et à des ressources dans les langues qu’ils comprennent. Ces ressources et d’autres ressources très utiles peuvent aider les enfants à se livrer à leurs propres pratiques créatives, civiques et culturelles et leur permettre de découvrir celles des autres. Les États parties devraient améliorer les possibilités d’apprentissage en ligne et d’apprentissage tout au long de la vie pour les enfants.

101.Les États parties devraient investir équitablement dans l’infrastructure technologique des écoles et des autres lieux d’apprentissage, en veillant à ce que ces établissements disposent d’un nombre suffisant d’ordinateurs et aient accès à un haut débit de qualité et à une source d’électricité stable à un prix abordable, à ce que les enseignants soient formés à l’utilisation des technologies éducatives numériques, et en assurant l’accessibilité et la maintenance en temps voulu des technologies scolaires. Ils devraient également soutenir la création et la diffusion de ressources éducatives numériques diverses et de bonne qualité dans les langues que les enfants comprennent et veiller à ce que les inégalités existantes, comme celles qui touchent les filles, ne s’aggravent pas. Les États parties devraient veiller à ce que l’utilisation des technologies numériques ne nuise pas à l’enseignement en présentiel et soit justifiée à des fins éducatives.

102.Pour les enfants qui ne sont pas physiquement présents à l’école ou pour ceux qui vivent dans des zones reculées, sont défavorisés ou sont dans des situations de vulnérabilité, les technologies éducatives numériques peuvent permettre un enseignement à distance ou mobile. Les États parties devraient veiller à la mise en place d’une infrastructure appropriée, permettant l’accès de tous les enfants aux services publics de base nécessaires à l’apprentissage à distance, notamment l’accès aux appareils, à l’électricité, à la connectivité, aux matériels pédagogiques et à un soutien professionnel. Ils devraient également veiller à ce que les écoles disposent de ressources suffisantes pour fournir aux personnes qui s’occupent des enfants des conseils sur l’apprentissage à distance à domicile et à ce que les produits et services d’éducation numérique ne créent pas d’inégalités dans l’accès des enfants aux services d’éducation en présentiel ou n’aggravent pas les inégalités existantes.

103.Les États parties devraient élaborer des politiques, des normes et des lignes directrices fondées sur des données factuelles à l’intention des écoles et des autres organismes chargés d’acquérir et d’utiliser des technologies et des matériels éducatifs, afin de renforcer encore les prestations éducatives. Les normes relatives aux technologies éducatives numériques devraient garantir une utilisation éthique et appropriée de ces technologies à des fins éducatives et l’absence d’exposition des enfants à la violence, à la discrimination, à l’utilisation abusive de leurs données personnelles, à l’exploitation commerciale ou à d’autres atteintes à leurs droits, comme l’utilisation de technologies numériques pour recueillir des informations sur les activités d’un enfant et les partager avec ses parents ou les personnes qui s’occupent de lui à son insu ou sans son consentement.

104.Les États parties devraient veiller à ce que la culture numérique soit enseignée dans les écoles, dans le cadre des programmes d’éducation de base, dès le niveau préscolaire et tout au long de la scolarité, et à ce que ces enseignements soient évalués en fonction de leurs résultats. Les programmes d’enseignement devraient englober les connaissances et les compétences nécessaires à la manipulation en toute sécurité d’un large éventail d’outils et de ressources numériques, y compris ceux liés aux contenus, à la création, à la collaboration, à la participation, à la socialisation et à l’engagement citoyen. Les programmes devraient également prévoir l’acquisition de connaissances critiques, la fourniture de conseils sur la façon de trouver des sources d’information fiables et de repérer les fausses informations et d’autres formes de contenu biaisé ou mensonger, notamment sur les questions de santé sexuelle et procréative, les droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant dans l’environnement numérique, et les formes de soutien et les recours disponibles. Ils devraient promouvoir la sensibilisation des enfants aux possibles conséquences négatives de l’exposition aux risques liés aux contenus, aux contacts, aux comportements et aux contrats, y compris la cyberagression, la traite, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels et d’autres formes de violence, ainsi qu’aux stratégies d’adaptation permettant de réduire les préjudices et aux stratégies visant à protéger leurs données personnelles et celles d’autrui et à renforcer les compétences sociales et émotionnelles et la résilience des enfants.

105.Il est de plus en plus important que les enfants acquièrent une compréhension de l’environnement numérique, notamment de son infrastructure, des pratiques commerciales, des stratégies de persuasion et des utilisations du traitement automatisé et des données personnelles et de la surveillance, ainsi que des effets négatifs possibles de la numérisation sur les sociétés. Les enseignants, en particulier ceux qui s’occupent de l’éducation numérique et de l’éducation à la santé sexuelle et procréative, devraient être formés aux mesures de protection se rapportant à l’environnement numérique.

B.Droit à la culture, aux loisirs et au jeu

106.L’environnement numérique favorise le droit de l’enfant à la culture, aux loisirs et au jeu, qui est essentiel au bien-être et au développement de l’enfant. Les enfants de tous âges ont déclaré avoir éprouvé du plaisir, de l’intérêt et un sentiment de détente lors de l’utilisation d’une variété de produits et services numériques de leur choix, mais ont dit craindre que les adultes ne comprennent pas l’importance des jeux numériques et la façon dont ils peuvent être partagés avec des amis.

107.Les formes numériques de culture, de loisirs et de jeux devraient aider les enfants et leur être bénéfiques, et refléter et promouvoir les différentes identités des enfants, en particulier leurs identités culturelles, leurs langues et leur patrimoine. Elles peuvent favoriser les compétences sociales des enfants, l’apprentissage, l’expression, les activités créatives, telles que la musique et l’art, ainsi que le sentiment d’appartenance et une culture commune. La participation à la vie culturelle en ligne contribue à la créativité, à l’identité, à la cohésion sociale et à la diversité culturelle. Les États parties devraient veiller à ce que les enfants aient la possibilité d’utiliser leur temps libre pour expérimenter les technologies de l’information et des communications, s’exprimer et participer à la vie culturelle en ligne.

108.Les États parties devraient légiférer, fournir des orientations aux professionnels, aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants et collaborer avec les fournisseurs de services numériques, le cas échéant, pour que les technologies et services numériques qui sont destinés aux enfants, auxquels les enfants ont accès ou qui ont un impact sur les enfants pendant leurs loisirs, soient conçus, distribués et utilisés de manière à renforcer les possibilités d’accès à la cuture, aux loisirs et au jeu pour les enfants. Il peut notamment s’agir d’encourager l’innovation dans le cadre du jeu numérique et des activités connexes qui favorisent l’autonomie, le développement personnel et le plaisir des enfants.

109.Les États parties devraient veiller à ce que la promotion des possibilités de culture, de loisirs et de jeu dans l’environnement numérique soit conciliées avec l’existence d’alternatives attrayantes dans les lieux physiques où vivent les enfants. Dans les premières années de leur vie en particulier, les enfants acquièrent le langage, la coordination, les compétences sociales et l’intelligence émotionnelle principalement grâce à des jeux qui impliquent des mouvements physiques et une communication directe en face à face avec d’autres personnes. Pour les enfants plus âgés, les jeux et les loisirs qui impliquent des activités physiques, des sports d’équipe et d’autres activités récréatives de plein air peuvent être bénéfiques pour la santé, ainsi que pour les compétences fonctionnelles et sociales.

110.Le temps de loisirs passé dans l’environnement numérique peut exposer les enfants à des risques de préjudice en raison, par exemple, de publicités opaques ou trompeuses ou de caractéristiques très persuasives ou proches du jeu. En adoptant ou en utilisant une approche fondée sur la protection des données, le respect de la vie privée et la sécurité dès la conception, ainsi que d’autres mesures réglementaires, les États parties devraient garantir que les entreprises ne ciblent pas les enfants en utilisant ces techniques ou d’autres techniques conçues pour privilégier les intérêts commerciaux au détriment de ceux de l’enfant.

111.Les conseils, classifications selon l’âge, étiquetages ou certifications concernant certaines formes de jeux et de loisirs numériques émanant des États parties ou des entreprises devraient être formulés de manière à ne pas restreindre l’accès des enfants à l’environnement numérique dans son ensemble et à ne pas porter atteinte à leurs possibilités de loisirs ou à leurs autres droits.

XII.Mesures de protection spéciales

A.Protection contre l’exploitation économique, l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation

112.Les enfants devraient être protégés contre toute forme d’exploitation portant atteinte à tout aspect de leur bien-être en relation avec l’environnement numérique. L’exploitation peut prendre de nombreuses formes, telles que l’exploitation économique, y compris le travail des enfants, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, la vente, la traite et l’enlèvement d’enfants et le recrutement d’enfants aux fins de leur participation à des activités criminelles, y compris des formes de cybercriminalité. En créant et en partageant des contenus, les enfants peuvent être des acteurs économiques dans l’environnement numérique, ce qui peut entraîner leur exploitation.

113.Les États parties devraient revoir les lois et politiques pertinentes pour veiller à ce que les enfants soient protégés contre l’exploitation économique, l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation et à ce que leurs droits en matière de travail dans l’environnement numérique et les possibilités de rémunération qui y sont liées soient protégés.

114.Les États parties devraient veiller à la mise en place de mécanismes d’application appropriés et aider les enfants, les parents et les personnes qui s’occupent des enfants à accéder aux mesure de protection applicables. Ils devraient légiférer pour que les enfants soient protégés contre les produits dangereux, tels que les armes ou les drogues, ou les services dangereux, tels que les jeux d’argent. De solides systèmes de vérification de l’âge devraient être utilisés pour empêcher les enfants d’accéder à des produits et services dont la possession ou l’utilisation est illégale en ce qui les concerne. Ces systèmes devraient être compatibles avec les exigences en matière de protection et de sauvegarde des données.

115.Compte tenu de l’obligation qu’ont les États d’enquêter sur la traite des personnes, y compris les actions qui font partie de la traite et les comportements qui y sont liés, et d’en poursuivre et punir les auteurs, les États parties devraient élaborer une législation visant à lutter contre la traite des personnes qui interdise le recrutement d’enfants par des groupes criminels facilité par la technologie, et mettre à jour les lois existantes.

116.Les États parties devraient se doter d’une législation permettant de protéger les enfants contre les infractions commises dans l’environnement numérique, notamment la fraude et l’usurpation d’identité, et allouer des ressources suffisantes pour que ces infractions fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites. Les États parties devraient également exiger un niveau élevé de cybersécurité, de protection de la vie privée et de sécurité dès la conception dans les services et produits numériques utilisés par les enfants, afin de minimiser le risque que de telles infractions se produisent.

B.Administration de la justice pour enfants

117.Des enfants peuvent être présumés, accusés ou reconnus coupables d’infractions aux lois relatives à la cybercriminalité. Les États parties devraient veiller à ce que les responsables politiques tiennent compte des effets de ces lois sur les enfants, se concentrent sur la prévention et mettent tout en œuvre pour créer et utiliser des solutions autres que le recours à la justice pénale.

118.Les matériels sexuels générés par les enfants eux-mêmes que les enfants possèdent ou partagent de manière consensuelle et uniquement pour leur usage privé ne devraient pas être soumis à la législation pénale. Des canaux adaptés aux enfants devraient être créés pour permettre aux enfants de demander en toute sécurité des conseils et de l’aide en ce qui concerne les contenus sexuellement explicites générés par eux-mêmes.

119.Les États parties devraient veiller à ce que les technologies numériques, les mécanismes de surveillance, tels que les logiciels de reconnaissance faciale, et les procédures de détermination du profil de risque qui sont mis en œuvre dans le cadre de la prévention, des enquêtes et des poursuites pénales ne soient pas utilisés pour cibler injustement les enfants soupçonnés ou accusés d’infractions pénales ni utilisés d’une manière qui viole les droits de l’enfant, en particulier le droit à la protection de la vie privée, le droit à la dignité et le droit à la liberté d’association.

120.Le Comité est conscient que lorsque la numérisation des procédures judiciaires entraîne un manque de contacts en personne avec les enfants, il peut y avoir des effets négatifs sur les mesures de réadaptation et de justice réparatrice fondées sur le développement de relations avec l’enfant. Dans de tels cas, et également lorsque l’enfant est privé de liberté, les États parties devraient prévoir le maintien de contacts en personne afin de faciliter la capacité de l’enfant de collaborer utilement avec les tribunaux et de s’impliquer dans sa réadaptation.

C.Protection des enfants touchés par des conflits armés, des enfants migrants et des autres enfants vulnérables

121.L’environnement numérique peut permettre aux enfants vulnérables, notamment les enfants touchés par des conflits armés, les enfants déplacés à l’intérieur de leur pays, les enfants migrants, demandeurs d’asile et réfugiés, les enfants non accompagnés, les enfants en situation de rue et les enfants touchés par des catastrophes naturelles, d’accéder à des informations vitales pour leur protection. L’environnement numérique peut également leur permettre de maintenir le contact avec leur famille, de faciliter leur accès à l’éducation, à la santé et à d’autres services de base, et de se procurer de la nourriture et un abri sûr. Les États parties devraient garantir à ces enfants un accès sûr, sécurisé, privé et bénéfique à l’environnement numérique et les protéger contre toutes les formes de violence, d’exploitation et de mauvais traitements.

122.Les États parties devraient veiller à ce que les enfants ne soient pas enrôlés ou utilisés dans des conflits, y compris des conflits armés, par l’intermédiaire de l’environnement numérique. Ils devraient notamment prévenir, criminaliser et réprimer les différentes formes de sollicitation et de mise en confiance des enfants à des fins sexuelles (grooming) facilitées par la technologie, par exemple par l’utilisation de plateformes de réseaux sociaux ou de services de discussion dans les jeux en ligne.

XIII.Coopération internationale et régionale

123.La nature transfrontalière et transnationale de l’environnement numérique nécessite une forte coopération internationale et régionale pour garantir que toutes les parties prenantes, y compris les États, les entreprises et les autres acteurs, respectent, protègent et mettent en œuvre effectivement les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique. Il est donc essentiel que les États parties coopèrent aux niveaux bilatéral et multilatéral avec les organisations non gouvernementales nationales et internationales, les organismes des Nations Unies, les entreprises et les organisations spécialisées dans la protection de l’enfance et les droits de l’homme en relation avec l’environnement numérique.

124.Les États parties devraient promouvoir les échanges internationaux et régionaux de connaissances spécialisées et de bonnes pratiques et contribuer à ces échanges, et mettre en place et promouvoir des activités de renforcement des capacités, des ressources, des normes, des réglementations et des mesures de protection dépassant les frontières nationales qui favorisent la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique par tous les États. Ils devraient encourager la formulation d’une définition commune de ce qui constitue une infraction dans l’environnement numérique, l’entraide judiciaire et la collecte conjointe et le partage des éléments de preuve.

XIV.Diffusion

125.Les États parties devraient veiller à ce que la présente observation générale soit largement diffusée, notamment au moyen des technologies numériques, auprès de toutes les parties concernées, en particulier les parlements et les autorités gouvernementales, y compris celles qui sont chargées de la transformation numérique transversale et sectorielle, et auprès des membres de l’appareil judiciaire, des entreprises commerciales, dans les médias et auprès des organisations de la société civile et du grand public, des éducateurs et des enfants, et qu’elle soit disponible dans de multiples formats et langues, y compris dans des versions adaptées aux enfants.