Observations finales concernant le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques de la République dominicaine *

Le Comité a examiné le rapport unique de la République dominicaine valant sixième et septième rapports périodiques (CEDAW/C/DOM/6-7), à ses 1136e et 1137e séances, le 12 juillet 2013 (voir CEDAW/C/SR.1136 et 1137). La liste des points et questions correspondante a été publiée sous la cote CEDAW/C/DOM/Q/6­7 et les réponses du Gouvernement de la République dominicaine à ces questions, sous la cote CEDAW/C/DOM/Q/6-7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques, malgré sa soumission tardive. Le Comité remercie également l’État partie pour ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le Groupe de travail d’avant-session et ses éclaircissements supplémentaires en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre de la femme, Mme Alejandrina Germán, et composée d’autres représentants du Ministère de la femme, ainsi que de représentants de la Commission électorale centrale, de la Chambre des représentants du Congrès national et du Ministère de l’économie, de la planification et du développement. Le Comité se félicite du dialogue constructif qui a eu lieu entre le Comité et la délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction de la proclamation, le 26 janvier 2010, de la nouvelle Constitution qui consacre les principes de la non-discrimination et prévoit l’application directe des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie.

Le Comité prend note avec satisfaction du cadre juridique adopté par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des filles, et, à cet égard, de la création d’une unité spécifique aux victimes de traite au sein du Bureau du Procureur général et d’un département spécialisé dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des garçons, des filles et des adolescents à des fins commerciales.

Le Comité salue l’adoption, par la République dominicaine, de la loi no 5/13, qui confère aux femmes handicapées le statut de titulaire de droits.

Le Comité prend note de l’adoption du Plan national pour l’égalité des sexes et l’équité 2007-2017.

Le Comité salue la ratification, par l’État partie, des traités internationaux suivants :

a)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2006, et le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2008;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2006;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapéeset son Protocole facultatif, en 2009;

d)La Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail, en 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Congrès national

Le Comité réaffirme certes que le Gouvernement est responsable au premier chef et comptable en particulier de la mise en œuvre intégrale des obligations de l’État partie en vertu de la Convention, mais il souligne que la Convention s’impose à toutes les branches de l’État. Il invite donc l’État partie à encourager son congrès national à prendre, conformément à ses procédures propres, les mesures nécessaires en ce qui concerne l’application des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport de l’État partie au titre de la Convention.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité constate que la nouvelle Constitution consacre le principe de la non-discrimination, y compris selon le sexe (art. 39), et prévoit des mesures pour prévenir et combattre la discrimination fondée sur le sexe, mais il s’inquiète de la persistance, dans l’État partie, de nombreuses formes de discrimination à l’égard des femmes, en particulier des femmes d’origine haïtienne. Le Comité note avec satisfaction la déclaration faite par l’État partie lors du dialogue constructif, selon laquelle l’article 37 de la nouvelle Constitution, qui protège la vie dès la conception, a été assorti d’un amendement au Code pénal qui autorise l’avortement dans les cas où la santé de la femme enceinte est menacée pour préserver les droits des femmes en matière de procréation.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’assurer l’application effective de l’interdiction constitutionnelle de la discrimination fondée sur le sexe;

b) D’i ntroduire dans sa législation la notion de discrimination fondée sur des facteurs multiples et d’offrir des recours adéquats aux victimes de cette discrimination;

c) De veiller à ce que la révision en cours du Code pénal sur les droits en matière de procréation soit approuvée et à ce que ce nouveau cadre législatif soit pleinement conforme à la Convention et n’en fasse pas régresser la mise en œuvre.

Diffusion de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité constate avec satisfaction que la Convention prime sur le droit national (art. 74 de la Constitution), mais note que la Convention n’a été directement appliquée dans aucune affaire portée devant les tribunaux. Le Comité regrette également qu’il n’y ait pas de mesures spécifiques pour faire connaître le contenu de la Convention et de son Protocole facultatif aux femmes, en particulier celles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les droits des femmes et, en particulier, les dispositions de la Convention fassent partie intégrante des études de droit pour permettre aux juges d’appliquer directement les dispositions de la Convention et de son Protocole facultatif et d’interpréter le droit national à la lumière de la Convention;

b) De concevoir une stratégie à long terme pour diffuser le contenu de la Convention, de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes et de sensibiliser les femmes, en particulier celles appartenant à des groupes défavorisés, à leurs droits au titre de la Convention et à la procédure d’enquête et de communication, y compris la jurisprudence du Comité au titre du Protocole facultatif.

Mécanismes de recours judiciaire

Le Comité note avec satisfaction que l’article 72 de la Constitution prévoit l’amparo comme recours pour protéger les droits fondamentaux, mais constate le manque d’informations sur l’accès des femmes à ce recours. Il note avec préoccupation le manque d’informations sur le rôle du Bureau du Médiateur dans les procédures permettant aux femmes de signaler des cas de discrimination.

Le Comité engage l’État partie  :

a) À faire connaître aux femmes et à l’opinion publique le recours de l’ amparo , qui permet de les protéger contre une violation de leurs droits constitutionnels;

b) À octroyer au Bureau du Médiateur des moyens financiers, techniques et humains adéquats afin de lui permettre de traiter les plaintes déposées par les femmes pour discrimination fondée sur le sexe et autres violations de leurs droits en vertu de la Convention.

Accès à la justice

Le Comité salue la création du Bureau des femmes et de la famille à la Cour suprême de justice, mais est préoccupé par le manque de renseignements sur les activités spécifiques de ce Bureau et ses résultats. Le Comité prend note avec préoccupation de l’existence d’obstacles à l’accès des femmes à la justice, notamment les frais de justice, la limitation de l’aide juridictionnelle aux procédures pénales et l’absence de programmes de protection des femmes victimes ou témoins. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de recours effectifs permettant aux victimes de porter plainte pour discrimination fondée sur le sexe.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître les ressources financières allouées au Bureau des femmes et de la famille à la Cour suprême de justice afin qu’il puisse s’acquitter de sa tâche;

b) D’allouer des ressources adéquates pour faciliter l’accès à l’aide juridictionnelle et permettre aux femmes dépourvues de moyens suffisants de faire valoir leurs droits dans tous les domaines du droit, y compris en cas de différends civils et de litiges du droit du travail;

c) De faire en sorte que des recours effectifs soient en place pour que les femmes puissent porter plainte pour discrimination fondée sur le sexe.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour mettre en place un mécanisme national de statut ministériel mais, parallèlement, relève la faible part du budget que l’État partie alloue à la mise en œuvre du Plan national pour l’égalité des sexes et l’équité 2007-2017. Il constate également l’absence de dispositif de suivi permettant d’évaluer les résultats de cette stratégie. Le Comité est aussi préoccupé par la fusion possible du Ministère de la femme avec d’autres ministères, qui pourrait nuire à la capacité de l’État partie de coordonner et de mener des politiques publiques en faveur de la promotion de la femme. Enfin, le Comité s’inquiète du manque de ressources pour promouvoir la participation des organisations féminines à la mise en œuvre des programmes.

Rappelant sa recommandation générale n o  6 sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, et les orientations contenues dans le Programme d’action de Beijing, en particulier celles ayant trait aux conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les moyens humains et techniques du Ministère de la femme, et de veiller à ce que sa fonction de coordination de la mise en œuvre de politiques publiques de promotion de la femme ne soit pas affaiblie par des restructurations;

b) De garantir la progression régulière et durable du budget consacré à la mise en œuvre des politiques et lois relatives à l’égalité des sexes, notamment des montants alloués au fonctionnement des bureaux locaux chargés de la problématique homme-femmes;

c) De renforcer le rôle du Ministère de la femme dans la coordination des équipes de liaison chargées de la problématique hommes-femmes au sein des institutions publiques de façon à disposer de stratégies axées sur les résultats qui tiennent compte de cette problématique;

d) De prendre des mesures pour promouvoir la coopération entre les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales de femmes dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques de promotion de la femme et de l’évaluation de leurs effets, notamment en adoptant des mécanismes ouverts à tous et en tenant de vastes consultations auprès des femmes lorsqu’il s’agit d’adopter des stratégies en faveur de l’égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie dans le cadre des mesures temporaires spéciales, notamment l’adoption et l’application de quotas pour garantir la représentation des femmes dans la vie politique. Il relève toutefois l’absence de mesures temporaires spéciales dans d’autres domaines tels que l’emploi ou les relations familiales, qui permettraient à l’État partie de parvenir à l’égalité de fond entre les hommes et les femmes. Le Comité note, en particulier, l’absence de mesures temporaires spéciales dans l’action publique et le manque d’indicateurs permettant d’évaluer les résultats de la stratégie en faveur de la prise en compte de la problématique hommes-femmes.

Conformément à sa recommandation générale n o  25 sur les mesures temporaires spéciales, le Comité exhorte l’État partie :

a) À concevoir et prendre des mesures temporaires spéciales pour garantir l’égalité de fait des hommes et des femmes dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et des relations familiales, et à inclure ces mesures dans la Stratégie de développement national 2010-2030 et le Plan décennal pour l’éducation 2008-2018;

b) À envisager de confier au Ministère de la femme et à d’autres organes compétents la tâche de mener des évaluations régulières sur l’efficacité des mesures temporaires spéciales qui ont été prises.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

Le Comité prend note avec satisfaction des résultats des recherches menées par l’État partie sur les changements de comportement culturel, mais relève la persistance d’une répartition stéréotypée des rôles entre les sexes dans la famille et la société, en plus des attitudes des médias, qui viennent renforcer les messages discriminatoires sur la condition d’objet sexuel de la femme et la prétendue supériorité de l’homme. Le Comité est plus précisément préoccupé par des campagnes de promotion du tourisme qui entretiennent la discrimination à l’égard des femmes et des filles. Il fait part de sa profonde préoccupation face à la dénégation, par l’État partie, des multiples formes de discrimination à l’égard des femmes d’origine haïtienne, y compris la discrimination raciale et la discrimination fondée sur le sexe.

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour inclure dans le Plan national pour l’égalité des sexes et l’équité (2007-2017) des stratégies à long terme permettant de recenser et d’éliminer les stéréotypes traditionnels qui privilégient les rôles de la femme en tant que mère de famille chargée d’élever les enfants;

b) De sensibiliser les médias et le secteur privé, en particulier le secteur du tourisme, à la nécessité d’arrêter de recourir à des messages qui sont discriminatoires à l’égard des femmes;

c) De promouvoir le débat public autour de la situation des femmes d’origine haïtienne qui vivent dans l’État partie, en vue de favoriser le plein respect de leurs droits fondamentaux et de faire connaître leur contribution à la société.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note avec préoccupation du grand nombre de cas de violence, y compris de violence sexuelle et familiale, à l’égard des femmes dans l’État partie, ayant à l’esprit la vulnérabilité particulière des jeunes femmes et des femmes handicapées face aux différentes formes de violence. Il constate les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et recueillir des données ventilées sur cette violence, mais se déclare préoccupé par l’absence de système et de procédure unifiés permettant d’enregistrer les cas de violence à l’égard des femmes signalés au Bureau du Procureur général. Le Comité accueille avec satisfaction l’amendement en cours du Code pénal qui vise à ériger en infraction le « fémicide par le conjoint »; toutefois, il demeure préoccupé par le fait que d’autres formes graves de violence à l’égard des femmes n’ont pas été spécifiquement érigées en infraction. Le Comité est également préoccupé par le nombre limité de poursuites engagées contre les auteurs de violence à l’égard des femmes et de condamnations prononcées à leur encontre, la grande vulnérabilité des victimes et l’absence de procédures et de protocoles spécifiques pour venir en aide aux femmes et filles victimes de violence.

Conformément à sa recommandation générale n o  19 sur la violence à l’égard des femmes et aux recommandations figurant dans ses observations finales précédentes ( A/59/38 , deuxième partie, par. 295), le Comité exhorte l’État partie :

a) À concevoir en priorité un plan national d’action pour prévenir et combattre la violence faite aux femmes et à adopter une loi complète sur la violence à l’égard des femmes qui prévoie des évaluations des risques pour les victimes, des mécanismes d’alerte rapide et des campagnes de sensibilisation aux différentes formes de violence à l’égard des femmes, en ayant à l’esprit les besoins particuliers des femmes marginalisées et des femmes handicapées en matière d’accès à l’information;

b) À renforcer le système judiciaire pour que la loi sur la violence à l’égard des femmes soit appliquée et que des mesures soient prises pour protéger les victimes potentielles, y compris des mesures d’éloignement des auteurs des faits;

c) À adopter des protocoles spécifiques pour harmoniser les procédures permettant de signaler les cas de violence à l’égard des femmes, et à créer une base de données dans laquelle seront regroupées et régulièrement actualisées les données sur cette violence;

d) À amender le Code pénal de façon à ériger en infraction toutes les formes de violence à l’égard des femmes;

e) À garantir aux femmes et aux filles, y compris celles qui sont handicapées, qui sont victimes de violence l’accès approprié à une assistance médicale, psychosociale et juridique, ainsi qu’à des programmes de protection des victimes et des témoins .

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note avec satisfaction du cadre juridique en place pour lutter contre la traite et le trafic des êtres humains, mais il est préoccupé :

a)Par l’ampleur de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des filles, à destination ou en provenance de l’État partie, ou en transit sur son territoire, ainsi que par l’exploitation sexuelle des femmes et des filles;

b)Par le risque élevé que des femmes d’origine haïtienne soient victimes de traite;

c)Par le manque de mesures efficaces pour prévenir la traite, qui consistent notamment à informer les migrantes qui s’apprêtent à quitter le pays sur les risques liés à la traite, à faire des enquêtes et engager des poursuites dans les affaires de collusion entre des responsables de l’application des lois et les trafiquants et passeurs, et à renforcer les mécanismes d’orientation pour identifier et protéger les victimes de traite, en dépit des efforts déployés par l’État partie pour accroître la sensibilisation à la traite et au trafic des êtres humains;

d)Par le manque de données officielles sur la traite des femmes et des filles;

e)Par le nombre peu élevé de poursuites engagées et de condamnations prononcées, en dépit de la création au sein du Bureau du Procureur général d’une équipe spéciale chargée d’engager des poursuites dans les affaires de traite et de trafic d’êtres humains, d’exploitation à des fins commerciales et sexuelles et de travail des enfants;

f)Par la fréquence de la prostitution d’adolescents dans l’État partie.

Le Comité engage l’État partie  :

a) À redoubler d’efforts pour assurer protection, recours et réparations aux femmes victimes de traite et d’exploitation sexuelle, en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des organismes internationaux;

b) À prendre, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la traite, des mesures pour fournir des conseils juridiques aux femmes, en particulier aux femmes d’origine haïtienne, et renforcer la surveillance des responsables de l’application des lois et sanctionner ceux qui sont impliqués dans des affaires de traite;

c) À concevoir un système complet de collecte de données ventilées par sexe sur la traite et le trafic d’êtres humains;

d) À faire en sorte que les auteurs d’actes de traite et de trafic soient poursuivis et punis comme il convient, en assurant la formation systématique des juges, des procureurs et autres responsables de l’application des lois en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites judiciaires dans les affaires de traite et de trafic, et à augmenter le nombre de foyers d’accueil pour femmes victimes de traite;

e) À conclure des accords de coopération bilatéraux et multilatéraux avec les pays d’origine et de destination;

f) À remédier aux causes profondes de la prostitution des femmes et des filles pour les rendre invulnérables à l’exploitation sexuelle et assurer leur réhabilitation et leur réinsertion sociale.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend acte des nombreuses mesures législatives prises pour renforcer la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, notamment la loi sur les partis politiques et les amendements apportés à la loi électorale en vue de parvenir à la parité parmi les élus, mais demeure préoccupé par la sous-représentation des femmes dans les organes législatifs aux niveaux national et municipal, au Gouvernement et aux postes de prise de décisions dans la fonction publique, dans les partis politiques et au niveau international. Le Comité est également préoccupé par le fait que les quotas instaurés ne sont pas respectés par les partis politiques et ne font pas l’objet d’un mécanisme d’application, ainsi que par les obstacles qui continuent d’entraver la participation des femmes, notamment la culture machiste dominante et l’insuffisance des moyens, de l’assistance technique et de l’expertise mis à la disposition des femmes pour se porter candidates sur un pied d’égalité avec les hommes.

29. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De continuer à renforcer le cadre législatif et les politiques publiques pour appliquer réellement les quotas, notamment en vue de parvenir à la parité dans les instances dont les membres sont élus ou nommés ainsi que dans les postes de prise de décisions;

b) D’allouer des ressources budgétaires et de donner des conseils techniques aux femmes candidates à des élections nationales ou municipales;

c) De prendre des mesures pour contrôler le respect des quotas par les partis politiques et d’imposer des sanctions adaptées en cas de non-respect.

Nationalité

30.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que les femmes d’origine haïtienne et leurs enfants éprouvent de grandes difficultés à obtenir la nationalité dominicaine ou à la faire reconnaître, ce qui les expose au risque de vivre sous statut d’apatride ou sous un statut incertain de résidence durant des périodes prolongées. Il relève en particulier que la définition de la nationalité dans la Constitution (art. 18) et dans la loi no 285/04 relative à la migration et l’usage selon la circulaire no 17 et/ou la résolution no 12 de la Commission électorale centrale excluent les femmes d’origine haïtienne et leurs enfants qui ne peuvent apporter la preuve de leur nationalité dominicaine. Le Comité s’inquiète du fait que l’exception au principe du droit du sol concernant les étrangers « en transit » soit appliquée de façon systématique et excessive même aux femmes qui ont passé de nombreuses années, voire toute leur vie en République Dominicaine et aux migrantes qui ne peuvent démontrer qu’elles sont en situation régulière et dont les enfants ne peuvent par conséquent pas obtenir la nationalité dominicaine à la naissance. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que la Commission électorale centrale applique une loi qui enlève aux femmes d’origine haïtienne et à leurs enfants nés en République dominicaine le droit à la nationalité dominicaine. Il est en outre préoccupé par les difficultés qu’éprouvent les femmes à obtenir l’acte de naissance de leurs enfants, un document indispensable pour exercer de nombreux droits. Le Comité prend note du plan de régularisation des statuts envisagé par l’État partie.

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir la nature et l’application des dispositions législatives relatives à la nationalité à l’égard des femmes d’origine haïtienne et de leurs enfants;

b) De supprimer tous les obstacles empêchant les femmes d’origine haïtienne et les femmes au statut incertain d’obtenir l’acte de naissance de leurs enfants, qui donne à ceux-ci accès à tous les droits;

c) D’adopter une procédure souple de régularisation pour les femmes d’origine haïtienne et leurs enfants, compte tenu de la longueur de leur présence sur le territoire de l’État partie;

d) De veiller à ce que la Commission électorale centrale garantisse une procédure régulière dans toutes les procédures de réexamen ayant trait à la nationalité ou à la situation au regard de la législation relative à l’immigration.

Éducation

32.Le Comité constate avec satisfaction que les femmes ont davantage accès à tous les niveaux d’enseignement, mais reconnaît que des pratiques discriminatoires et sexistes persistent dans le secteur de l’éducation. Il relève la persistance de stéréotypes discriminatoires traditionnels envers les femmes et les filles dans les manuels scolaires de l’enseignement primaire, malgré les efforts faits pour les réviser et les rendre conformes au principe de non-discrimination. Le Comité regrette le manque d’informations et de données ventilées par sexe sur les cursus suivis par les filles, sur l’accès à l’éducation des femmes réfugiées, des femmes d’origine haïtienne et de leurs descendants, ainsi que des femmes et des filles handicapées. Le Comité relève le manque de travaux de recherche et de données statistiques sur l’abandon scolaire chez les filles, la situation des élèves enceintes et les mesures prises pour prévenir l’abandon scolaire chez les filles. Il est également préoccupé par le manque de mesures visant à scolariser les filles et les femmes handicapées dans l’enseignement ordinaire et par la persistance des préjugés sexistes dans les choix professionnels offerts aux femmes.

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour modifier les modèles culturels qui reproduisent la discrimination fondée sur le sexe dans l’éducation;

b) De mener des recherches et de concevoir un système de collecte de données ventilées sur la situation des femmes d’origine haïtienne, des femmes réfugiées et des femmes et des filles handicapées dans l’éducation;

c) De prendre des mesures dans les établissements d’enseignement pour recueillir des données sur les taux d’abandon scolaire dû à une grossesse à l’adolescence, et de prendre des mesures pour protéger les filles contre des pratiques discriminatoires fondées sur leur nationalité;

d) D’inclure dans les programmes de cours destinés aux adolescents de sexe masculin et féminin une éducation à la sexualité et aux droits en matière de procréation, traitant notamment des relations entre les hommes et les femmes et des comportements sexuels responsables en vue de prévenir les grossesses précoces;

e) De prendre des mesures temporaires spéciales pour promouvoir et faciliter l’accès des femmes à des filières académiques et professionnelles non traditionnelles.

Emploi

34.Le Comité constate avec préoccupation la discrimination dont les femmes sont victimes dans le domaine de l’emploi, en particulier :

a)Les taux élevés de chômage chez les femmes et la persistance d’écarts importants de rémunération entre les sexes, bien que les femmes aient davantage accès à l’éducation;

b)Le harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail et le manque de recours utile pour les victimes;

c)Les pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes enceintes et des femmes vivant avec le VIH/sida qui les empêchent d’accéder à l’emploi;

d)Les obstacles qui entravent l’accès des travailleurs domestiques à la sécurité sociale;

e)Les possibilités limitées pour les femmes comme pour les hommes de concilier vie de famille et vie professionnelle, notamment au moyen de services de garde d’enfants;

f)L’exploitation des femmes d’origine haïtienne dans les plantations de cannes à sucre où elles risquent d’être exposées à des formes contemporaines d’esclavage.

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures spécifiques, assorties d’objectifs chiffrés, de délais et d’indicateurs, en vue de créer des possibilités d’emploi pour les femmes dans les secteurs formel et informel;

b) De prendre des mesures pour encourager les femmes à choisir des professions non traditionnelles, notamment des métiers techniques;

c) D’offrir des recours utiles aux victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, notamment au travers de l’adoption de lois;

d) D’interdire les tests de grossesse et les tests de dépistage du VIH/sida obligatoires à l’embauche et d’engager des poursuites en cas d’infraction, et d’établir un mécanisme de contrôle des conditions de travail des femmes vivant avec le VIH/sida;

e) De créer un mécanisme de dépôt de plainte et de réparation pour les femmes enceintes qui sont victimes de discrimination sur leur lieu de travail;

f) De faire en sorte que les amendements au Code du travail prévoient des mesures pour contrôler les conditions de travail des travailleurs domestiques et prévenir les abus en la matière;

g) D’augmenter le nombre de structures d’accueil de la petite enfance sur tout le territoire de l’État partie et de leur allouer les ressources nécessaires, et d’instaurer des horaires flexibles pour les femmes et les hommes dans le secteur public comme dans le secteur privé;

h) De faire prendre conscience aux hommes et aux femmes qu’ils ont des responsabilités égales dans la sphère familiale et d’encourager les hommes à assumer à part égale l’éducation des enfants et les responsabilités du ménage;

i) De contrôler les conditions de travail dans l’agriculture, en particulier dans les plantations de cannes à sucre, en vue de prévenir le travail forcé des femmes dans ce secteur et de protéger leurs droits.

Santé

36.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie dans le secteur de la santé, qui ont abouti à l’adoption du Plan décennal pour la santé (2006-2015), mais demeure préoccupé :

a)Par le taux élevé de mortalité maternelle;

b)Par les obstacles économiques qui entravent l’accès des femmes aux contraceptifs, qui ne figurent pas sur la liste des médicaments fournis à bas prix dans le cadre du Programme de médicaments essentiels/Centre d’appui logistique (PROMESE/CAL);

c)Par le recours extrêmement fréquent à la stérilisation volontaire à titre de méthode de contraception;

d)Par le fait que le projet d’amendement au Code pénal, qui dépénalise l’avortement lorsque la vie de la femme enceinte est en danger, ne le dépénalise pas dans d’autres circonstances, telles que le viol, l’inceste et la malformation grave du fœtus;

e)Par le nombre élevé de femmes, notamment de femmes jeunes, qui vivent avec le VIH/sida dans l’État partie;

f)Par la discrimination à l’égard des femmes d’origine haïtienne dans le système de santé et par l’obligation faite aux professionnels de la santé de signaler ces femmes aux services d’immigration;

g)Par la discrimination à l’égard des femmes lesbiennes — dont le Comité a été informé —, qui peut les empêcher d’accéder aux services de santé en matière de sexualité et de procréation.

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter un plan pour réduire le taux de mortalité maternelle accordant une attention particulière aux jeunes femmes;

b) De permettre aux femmes d’accéder gratuitement ou à un coût raisonnable aux services de planification familiale et aux contraceptifs afin de réduire le recours à la stérilisation volontaire comme méthode de contraception;

c) De veiller à ce que le projet d’amendement au Code pénal, qui dépénalise l’avortement lorsque la vie de la femme enceinte est en danger, soit adopté dans les plus brefs délais et soit étendu à d’autres circonstances, telles que le viol, l’inceste et la malformation grave du fœtus, conformément à la recommandation générale n o  24 du Comité;

d) De prendre des mesures pour prévenir le VIH/sida chez les femmes, en accordant une attention particulière aux campagnes d’information aux niveaux national et local, notamment en promouvant des campagnes de sensibilisation au rôle des hommes dans la santé en matière de sexualité et de procréation;

e) De faire en sorte que les femmes et les filles migrantes aient réellement accès aux soins de santé, quelle que soit leur situation au regard de la législation relative à l’immigration;

f) De garantir l’accès à la santé en matière de sexualité et de procréation à toutes les femmes, y compris lesbiennes, sans discrimination et en évitant toute forme de stigmatisation.

Femmes rurales

38.Le Comité prend note des initiatives prises par l’État partie en faveur des femmes en milieu rural, mais constate avec préoccupation que les femmes y ont un accès limité à la propriété foncière. Il est également préoccupé par l’exploitation des femmes et des filles qui travaillent dans le secteur agricole en milieu rural et par le fait qu’elles ne sont protégées par aucun cadre législatif. Le Comité relève avec préoccupation que la stratégie de réduction de la pauvreté de l’État partie et ses politiques visant à promouvoir l’esprit d’entreprise n’atteignent pas la majorité des femmes en milieu rural. Le Comité s’inquiète des obstacles qui entravent l’accès des femmes à l’éducation et aux technologies en milieu rural.

39. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De légiférer pour faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière en milieu rural et faire en sorte qu’elles soient reconnues en tant que propriétaires foncières;

b) De faire en sorte que les stratégies de réduction de la pauvreté et les stratégies génératrices de revenus comprennent des dispositions et des objectifs spécifiques aux femmes en milieu rural;

c) De garantir aux femmes et filles l’accès à l’éducation et aux progrès technologiques et à leurs applications en milieu rural.

Femmes d’origine haïtienne

40.Le Comité est profondément préoccupé par les multiples formes de discrimination à l’égard des femmes d’origine haïtienne dans l’État partie, qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits à la nationalité, à l’éducation, à l’emploi et à la santé. Il regrette que l’État partie n’ait pas communiqué de données ventilées sur la situation des femmes d’origine haïtienne vivant sur son territoire et qu’il n’ait pas envisagé de prendre des mesures appropriées pour protéger les droits de ces femmes.

41. Le Comité exhorte l’État partie :

a) À m ener des recherches pour déterminer dans quelle mesure les femmes d’origine haïtienne vivant dans l’État partie jouissent de leurs droits fondamentaux;

b) À r ecueillir des données ventilées sur la situation des femmes d’origine haïtienne victimes de multiples formes de discrimination;

c) À r ecenser avec l’assistance d’organisations internationales les bonnes pratiques en vue d’éliminer les multiples formes de discrimination dont les femmes d’origine haïtienne sont victimes.

Mariage et liens familiaux

42.Le Comité constate que la révision du Code civil a renforcé certains des droits des femmes en rapport avec la dissolution du mariage, mais note avec préoccupation que le Code civil interdit aux femmes divorcées, et non aux hommes divorcés, de se remarier avant une période de neuf mois. Le Comité est également préoccupé par le fait que dans le Code civil, l’âge minimum du mariage reste fixé à 15 ans pour les femmes, alors qu’il est de 18 ans pour les hommes .

43. Le Comité recommande à l’État partie d’amender son Code civil pour en supprimer la discrimination entre les hommes et les femmes quant à la période d’attente avant le remariage, conformément à la Convention et à la recommandation générale n o  29 sur les conséquences économiques du mariage, des liens familiaux et de leur dissolution. Il recommande également à l’État partie de porter l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes et de prendre des mesures efficaces pour prévenir les mariages précoces.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

44. Le Comité encourage l’État partie à accepter l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le nombre de jours de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

45. Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans ses efforts de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement de l’après-2015

46. Le Comité préconise de prendre en compte la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toutes les activités visant à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que dans le cadre de développement de l’après-2015.

Diffusion et mise en œuvre

47. Le Comité rappelle que l’État partie est tenu d’appliquer systématiquement et continuellement les dispositions de la Convention. Il exhorte l’État partie à accorder une attention prioritaire à l’application des présentes observations finales et recommandations d’ici la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc que le texte des observations finales soit diffusé en temps voulu, dans la langue officielle de l’État partie, à toutes les institutions compétentes (nationales, régionales et locales), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Congrès national et au corps judiciaire, afin qu’elles puissent intégralement appliquées. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties concernées, telles que les organisations patronales et syndicales, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités et les instituts de recherche, les médias, etc. Il recommande également que les observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau local, afin de permettre leur application. En outre, le Comité demande à l’État partie de continuer de diffuser auprès de toutes les parties prenantes le texte de la Convention et de son Protocole facultatif et la doctrine s’y rapportant, ainsi que les recommandations générales du Comité.

Ratification d’autres instruments internationaux

48. Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l'exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

49.Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations figurant dans les paragraphes 25, alinéas a, b et e, et 35, alinéas b, c, d, g et h ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

50. Le Comité invite l’État partie à présenter son huitième rapport périodique d’ici le mois de juillet 2017.

51. Le Comité prie l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1 ).