Nations Unies

CAT/OP/6/Rev.1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

31 mai 2016

Français

Original : anglais

Sous-Comité pour la prévention de la tortureet autres peines ou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Politique du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant les représailles en lien avec son mandat d’inspection *

I.Principes généraux

Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradantsest souvent confronté à la question des représailles dans le cadre de ses activités. Aux fins de la présente politique, le terme « représailles » désigne notamment les actes ou omissions d’une autorité ou d’un fonctionnaire d’un État partie par lesquels ladite autorité ou ledit fonctionnaire applique, autorise ou tolère une « sanction à l’encontre d’une personne ou d’une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au Sous-Comité ou à ses membres » (Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 15).

Le Sous-Comité rappelle que l’article 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’article 15 du Protocole facultatif prévoient la protection des victimes d’actes de torture, des personnes qui portent plainte pour des actes de torture et des personnes qui ont été témoins de tels actes contre tout mauvais traitement ou toute mesure d’intimidation subi pour avoir cherché à coopérer ou avoir coopéré avec le Sous-Comité.

Le Sous-Comité est soucieux de faire en sorte que les personnes avec lesquelles il entre en contact dans l’exercice de ses fonctions au titre du Protocole facultatif ne subissent pas de préjudice. Lorsqu’il n’y parvient pas, son mandat de prévention, en particulier le principe fondamental « Ne pas nuire », peut être compromis. Ainsi que l’a souligné le Secrétaire général dans son discours à la réunion-débat de haut niveau sur les actes de représailles tenue à New York en 2011, « l’Organisation des Nations Unies ne pourrait pas faire son travail inestimable en faveur des droits de l’homme sans les personnes qui collaborent avec elle ».

Le Sous-Comité rappelle que les États parties ont la responsabilité primordiale de veiller à ce que l’article 15 du Protocole facultatif soit respecté. Les États doivent faire en sorte que toutes les allégations d’actes de représailles ou d’intimidation fassent sans délai l’objet d’une enquête impartiale et efficace, que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et que les victimes aient accès à des voies de recours appropriées.

La politique active du Sous-Comité témoigne de son intransigeance vis-à-vis des représailles et de sa détermination sans faille à les prévenir. Cela implique notamment d’étudier les causes systémiques des représailles. Le Sous-Comité applique cette politique dans toutes les activités qu’il mène, et tout particulièrement dans la préparation des visites ainsi que pendant et après les visites.

Toutes les méthodes de travail du Sous-Comité, en particulier ses entretiens, tiennent compte de la nécessité de prévenir les représailles, conformément à la présente politique.

Dans la mise en œuvre de la présente politique, le Sous-Comité appliquera le principe de confidentialité qui est énoncé dans le Protocole facultatif et inscrit dans les Principes directeurs relatifs à la lutte contre l’intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José) (HRI/MC/2015/6).

Le Sous-Comité :

a)Nommera l’un de ses membres rapporteur pour la question des représailles et le chargera de superviser la mise en œuvre de la présente politique conformément aux Principes directeurs de San José, de coordonner les activités du Sous-Comité ayant trait à la question des représailles et d’assurer la liaison avec les organismes nationaux, régionaux et internationaux compétents, en tant que de besoin ;

b)Discutera des questions relatives aux représailles avec les États parties au Protocole facultatif collectivement et dans le cadre de réunions bilatérales, selon que de besoin ;

c)Conviendra des procédures que les mécanismes nationaux de prévention devraient appliquer dans leurs actions visant à faire face au problème des représailles, en tenant compte des besoins particuliers des pays ;

d)Réexaminera en permanence la présente politique.

Les Principes directeurs de San José font partie intégrante de la présente politique.

II.Pratique opérationnelle générale

Le rapporteur du Sous-Comité pour la question des représailles devrait être informé dans les meilleurs délais de toute allégation d’actes d’intimidation ou de représailles commis contre des individus, des groupes ou des mécanismes nationaux de prévention cherchant à coopérer ou coopérant avec le Sous-Comité ou avec les mécanismes nationaux de prévention eux-mêmes. Le Sous-Comité et les mécanismes nationaux de prévention devraient faire en sorte que toutes les informations pertinentes ayant trait à ces allégations leur soient communiquées. Le rapporteur ou le coordonnateur pour le pays concerné devraient informer aussi tôt que possible le Président du Sous‑Comité, par l’intermédiaire du secrétariat.

Les renseignements concernant des allégations d’actes d’intimidation ou de représailles pourront être soumis oralement ou par écrit et de manière confidentielle. Un registre détaillé de toutes les allégations d’actes d’intimidation ou de représailles soumises sera tenu à jour.

Le rapporteur évaluera dès que possible les allégations reçues et recourra pour ce faire à un large éventail de sources d’information. Il pourra notamment s’appuyer sur les sources que constituent l’État partie, les individus concernés, le secrétariat, le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, y compris ses présences sur le terrain, d’autres entités des Nations Unies, les institutions nationales des droits de l’homme, les mécanismes nationaux de prévention et la société civile. Tant que les faits n’auront pas été vérifiés, il ne pourra être fait mention des incidents que sous l’expression « allégations d’actes d’intimidation ou de représailles ». Pendant le processus d’évaluation initial, le rapporteur pourra consulter les rapporteurs de pays désignés et se tenir en contact avec eux, en gardant à l’esprit les principes de confidentialité.

Le rapporteur restera en contact avec les individus ou les groupes qui font état d’actes d’intimidation ou de représailles, ou leurs représentants, et déterminera la stratégie la plus appropriée dans chaque cas. Ce faisant, le rapporteur examinera les conséquences que pourraient avoir le fait de chercher à coopérer ou de coopérer avec les organes conventionnels pour les individus ou les groupes qui disent avoir été victimes d’actes d’intimidation ou de représailles ou pour d’autres personnes sur lesquelles cette démarche pourrait avoir des répercussions.

Le rapporteur informera le Président des conclusions auxquelles il aura été parvenu. S’il apparaît que des actes d’intimidation ou des représailles ont été commis ou pourraient avoir été commis, le rapporteur en informera le Président et le conseillera sur les mesures à envisager. S’il existe un rapporteur pour le pays concerné, il devrait également être informé et consulté. Une décision devrait ensuite être prise conformément aux pratiques et procédures du Sous-Comité.

Le Sous-Comité inscrira à titre permanent à son ordre du jour, comme point devant être examiné chaque année, un compte rendu sur la question de l’intimidation et des représailles établi par le rapporteur pour la question des représailles et les rapporteurs pour les pays.

Mesures spécifiques

À chaque fois que cela sera possible, le Sous-Comité prendra des mesures pour prévenir l’intimidation et les représailles. Les mesures de prévention pourront consister à demander aux individus ou aux groupes de communiquer des informations de façon confidentielle et à rappeler aux États parties qu’ils ont l’obligation primordiale de prévenir l’intimidation et les représailles et de s’abstenir de commettre de tels actes contre les individus et les groupes qui cherchent à coopérer ou coopèrent avec le Sous‑Comité.

Mesures de protection

Lorsqu’il est allégué qu’un individu ou un groupe risque d’être victime d’actes d’intimidation ou de représailles pour avoir cherché à communiquer ou avoir communiqué avec le Sous-Comité, notamment après avoir déposé officiellement plainte ou avoir envisagé ou tenté de déposer officiellement plainte auprès du Sous-Comité dans le cadre de la procédure de présentation de communications individuelles des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme, le comité compétent peut demander à l’État partie concerné d’adopter des mesures de protection pour l’individu ou le groupe visé. Ces mesures peuvent notamment consister à demander de s’abstenir de tout acte d’intimidation ou de représailles et à adopter toutes les mesures nécessaires pour protéger les personnes visées. L’État partie pourra être prié de soumettre au Sous‑Comité, dans un délai précis, des renseignements sur les mesures prises pour donner suite à sa demande.

Sensibilisation

Le Sous-Comité prendra des initiatives par lesquelles il affirmera l’importance capitale que revêt la coopération avec toutes les parties prenantes dans la lutte contre l’intimidation et les représailles. Ces initiatives pourront consister notamment à inscrire régulièrement la question de la protection des membres de la société civile et d’autres personnes à l’ordre du jour des réunions informelles avec les États parties, à diffuser largement la présente politique et à adopter des déclarations publiques, au besoin conjointement avec d’autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme.

III.Mesures spécifiques à mettre en pratique

Confidentialité des échanges visant à faire part d’inquiétudes aux autorités de l’État partie

Lorsqu’il aura eu communication d’allégations d’actes d’intimidation ou de représailles et qu’il aura obtenu le consentement de l’individu ou du groupe concerné, le Sous-Comité pourra, selon qu’il convient, contacter l’État partie pour lui demander des renseignements, exprimer sa préoccupation et demander qu’une enquête soit menée et qu’il soit immédiatement mis fin à de tels actes. Le Sous-Comité pourra également interagir avec les autorités de l’État en toute discrétion, par le biais de courriers confidentiels, en rencontrant un représentant de la mission permanente de l’État partie ou par tout autre moyen approprié.

En cas de menace imminente ou de risque imminent de violence lors d’une session d’un organe conventionnel, il convient de contacter le Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies afin qu’il prenne les mesures de sécurité appropriées.

Le Sous-Comité prendra les mesures nécessaires pour protéger les individus et les groupes contre l’intimidation et les représailles lorsqu’il coopère avec les États parties.

Le Sous-Comité pourra, lorsque les circonstances s’y prêtent, faire des déclarations publiques sur des cas précis d’intimidation ou de représailles ou sur des pratiques généralisées et les diffuser auprès des organes de presse internationaux et nationaux, ou faire part de ses observations aux médias et sur les réseaux sociaux.

Le Sous-Comité pourra solliciter l’assistance du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme en vue d’obtenir qu’il soit mis fin aux actes présumés d’intimidation ou de représailles.

Lorsque des allégations d’actes d’intimidation ou de représailles auront été reçues, outre l’action menée par le Sous-Comité lui-même, le secrétariat pourra informer les individus ou les groupes auteurs de ces allégations qu’ils ont la possibilité de soumettre aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, notamment au Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, une communication au titre de la procédure d’action en urgence. Le Sous‑Comité pourra aussi, selon qu’il convient, transmettre ces allégations à d’autres mécanismes et procédures, y compris les mécanismes nationaux de prévention, afin de favoriser une action efficace, efficiente et coordonnée.

Suivi

Le Sous-Comité pourra, selon qu’il convient, demander au coordonnateur résident des Nations Unies, à l’équipe de pays des Nations Unies, aux organismes des Nations Unies, aux opérations de maintien de la paix ou à toute autre entité ou représentation compétente, de porter des questions ayant trait à l’intimidation ou aux représailles à l’attention du Conseil des droits de l’homme et d’autres organes politiques des Nations Unies en leur demandant de prendre des mesures pour venir en aide aux individus ou groupes qui ont été victimes d’actes d’intimidation ou qui risquent des représailles pour avoir cherché à coopérer ou avoir coopéré avec le Sous-Comité.

IV.Pratique opérationnelle concernant les visites

Communications, rapports et demandes de suivi

Dans ses communications, ses rapports et ses demandes de suivi, le Sous-Comité, selon qu’il convient, engagera les États parties à prendre les mesures nécessaires pour protéger les individus et les groupes contre l’intimidation ou les représailles.

Avant une visite, en application de la présente politique, le Sous-Comité prendra les mesures ci-après :

a)Au moment où il communique son programme aux États parties (voir art. 13 (par. 2) du Protocole facultatif), le Sous-Comité leur communiquera également le présent document de politique. Il est demandé aux États parties de porter la politique à l’attention de tous ceux avec qui le Sous-Comité est susceptible d’entrer en contact pendant ou après sa visite ;

b)Durant les préparatifs de sa visite ou mission, le Sous-Comité examinera toutes les informations recueillies auprès des sources pertinentes concernant d’éventuels cas de représailles signalés dans le pays concerné ;

c)La délégation du Sous-Comité désignera l’un de ses membres pour être son coordonnateur pour la question des représailles ;

d)S’il apparaît que la question d’éventuelles représailles est un sujet de préoccupation, le Sous-Comité pourra adresser un courrier à l’État partie ou demander à rencontrer des représentants de la mission permanente de l’État partie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales à Genève, ou se mettre en contact avec l’État partie par tout autre moyen approprié, afin de lui faire part de ses inquiétudes ;

e)Le Sous-Comité établira une courte fiche d’information sur la question des représailles, qui sera distribuée pendant la visite.

Si, pendant une visite, il apprend qu’un individu ou un groupe craint des actes d’intimidation ou des représailles, qu’il existe un risque que de tels actes soient commis, ou que des mesures d’intimidation ou des représailles ont été exercées, le Sous-Comité prendra les mesures qu’il juge appropriées et efficaces dans les circonstances. Il pourra notamment :

a)Porter la question à l’attention immédiate des autorités compétentes du gouvernement ;

b)Discuter de la question avec les responsables des structures dans lesquelles des personnes sont privées de liberté ;

c)Retourner dans les établissements précédemment visités ;

d)À l’issue de la visite, pendant l’entretien final avec les autorités, rappeler les sujets d’inquiétude de la délégation ;

e)Demander à ce que le mécanisme national de prévention effectue des visites de suivi dans les établissements où le Sous-Comité s’est rendu ;

f)Demander à ce que les institutions compétentes, y compris des organisations de la société civile, des organes gouvernementaux et des organisations non gouvernementales spécialisées, effectuent des visites de suivi dans les établissements où le Sous-Comité s’est rendu ;

g)Faire part de ses préoccupations aux États parties au Protocole facultatif par les voies diplomatiques ;

h)Solliciter l’appui de tous les organes compétents du système des Nations Unies et d’autres organisations internationales, régionales ou nationales pour faire face au problème des représailles dans les situations où ils peuvent apporter leur aide, notamment en examinant les informations utiles dont ils pourraient disposer sur la question ;

i)Attirer l’attention sur le risque de représailles ou de sanctions par les voies appropriées, notamment les médias locaux ou internationaux ;

j)Dans le cas où un État partie n’apporte pas sa pleine coopération au point que le Sous-Comité considère que le succès de sa mission peut être compromis, envisager de suspendre la visite ou de prendre d’autres mesures, conformément à la déclaration qu’il a adoptée au sujet des obligations des États parties de faciliter les visites du Sous-Comité (CAT/OP/24/1).

Après la visite :

a)Le coordonnateur pour la question des représailles veillera à ce que toute information nouvelle mise au jour concernant des représailles soit consignée dans le rapport de visite ;

b)Le coordonnateur fera des recommandations au chef de la délégation et au Bureau du Sous-Comité au sujet de toute nouvelle mesure qu’il pourrait être nécessaire de prendre ;

c)Le Sous-Comité pourra choisir de prendre d’autres mesures, comme prévu au paragraphe 4 de l’article 16 du Protocole facultatif, pour faire face à l’absence de coopération de l’État partie.