CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/65/CO/410 décembre 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session2‑20 août 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

MADAGASCAR

1.Le Comité a examiné les dixième à dix‑huitième rapports périodiques de Madagascar, qui auraient dû être présentés de 1988 à 2004, soumis en un seul document (CERD/C/476/Add.1), à ses 1644e et 1645e séances (CERD/C/SR.1644 et 1645), tenues les 2 et 3 août 2004. À ses 1665e et 1666e séances (CERD/C/SR.1665 et 1666), tenues le 17 août 2004, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de Madagascar et la possibilité qui lui a été ainsi offerte de renouer le dialogue de manière constructive avec l’État partie. Le Comité salue le fait que le Gouvernement se soit fait représenter par une délégation nombreuse, composée de représentants de plusieurs ministères concernés par l’application de la Convention, qui a été en mesure de répondre à un grand nombre de questions.

3.Le Comité se félicite des efforts accomplis par l’État partie pour se conformer à ses principes directeurs concernant la présentation des rapports, tout en notant toutefois que le rapport ne contient pas suffisamment d’informations relatives à l’application concrète de la Convention.

4.Le Comité apprécie les réponses orales apportées par la délégation et propose qu’elles soient complétées dans le prochain rapport périodique.

B.  Aspects positifs

5.Le Comité salue la création d’un comité chargé de rédiger le rapport initial et les rapports périodiques conformément aux instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie.

6.Le Comité prend note de l’assurance donnée par la délégation selon laquelle, en vertu d’une jurisprudence récente de la Cour suprême, les conventions internationales font partie intégrante de l’ordre juridique interne.

7.Le Comité note avec intérêt la création d’institutions nationales des droits de l’homme telles que la Médiature, la Commission nationale des droits de l’homme et le Conseil supérieur de lutte contre la corruption.

8.Le Comité salue la suppression du délai d’attente imposé aux étrangers naturalisés pour acquérir un bien immobilier.

9.Le Comité note que des mesures positives sont prévues en matière de recrutement et de formation des fonctionnaires dans le cadre d’une politique participative visant à promouvoir les habitants des provinces.

10.Le Comité note avec intérêt que, selon l’État partie, la méthode traditionnelle de règlement des différends appelée Fihavanana joue un rôle dans la prévention des conflits.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

11.Le Comité constate que le rapport de l’État partie contient quelques informations relatives aux groupes ethniques composant la population malgache, sans en préciser l’importance numérique ou la situation en matière économique, sociale et culturelle. Il prend note néanmoins de la déclaration de l’État partie selon laquelle la collecte de telles données statistiques pourrait alimenter des tensions intercommunautaires.

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur le paragraphe 8 de ses principes directeurs concernant l’élaboration des rapports. Il recommande à l’État partie de mener des enquêtes ciblées permettant de mieux déterminer la situation des groupes relevant de la définition formulée à l’article premier de la Convention et de lui fournir le résultat de ces enquêtes dans son prochain rapport.

12.Le Comité relève qu’il n’existe pas de définition de la discrimination raciale dans l’ordre juridique interne. Il note également que plusieurs lois contiennent des clauses de non‑discrimination n’incluant pas expressément la race, la couleur et l’ascendance parmi les motifs pour lesquels une distinction est interdite.

Le Comité recommande à l’État partie d’insérer dans sa législation une définition de la discrimination raciale s’inspirant des éléments de l’article premier de la Convention. L’État partie devrait compléter sa législation en vue d’interdire la discrimination raciale au même titre que toutes les autres formes de discrimination.

13.Le Comité relève que des incitations à la haine tribale et raciale sont sporadiques et que des actes de violence raciale ont été commis à l’encontre de membres de la communauté indo‑pakistanaise.

Le Comité recommande que des mesures supplémentaires soient prises pour prévenir de tels actes et en traduire les auteurs devant la justice conformément à la législation interne pertinente, adoptée en application de l’article 4 de la Convention. Des informations sur le nombre de poursuites engagées devant les juridictions pénales et les jugements rendus en pareil cas devraient être fournies dans le prochain rapport périodique.

14.Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des informations plus détaillées sur le fonctionnement du Fihavanana.

15.Le Comité constate que les règles en matière d’accès à la nationalité sont discriminatoires à l’égard des enfants nés d’une mère de nationalité malgache et d’un père de nationalité étrangère.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa loi sur la nationalité et de garantir à ces enfants la nationalité malgache, au même titre que les enfants nés d’un père de nationalité malgache et d’une mère de nationalité étrangère.

16.Le Comité constate avec préoccupation que certaines régions du pays pâtissent particulièrement du faible niveau de développement économique et que les indicateurs de l’alphabétisation et de l’espérance de vie, notamment, y sont plus bas, même si l’insuffisance de moyens techniques et financiers contribue objectivement à ces disparités.

Le Comité rappelle que le principe de non ‑discrimination n’est pas soumis à la condition de disponibilité des ressources, et invite l’État partie à assurer une distribution équitable des ressources existantes entre les diverses régions du pays. Les discriminations indirectes étant interdites par la Convention, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les dimensions ethniques possibles de ces inégalités et l’invite à adopter les mesures spéciales qui pourraient être nécessaires en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention.

17.Le Comité regrette que les discriminations à l’encontre des descendants d’esclaves persistent en dépit de l’abolition de l’esclavage et du système des castes en 1896.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux discriminations fondées sur l’ascendance, notamment les mesures qui sont énoncées dans sa recommandation générale XXIX. Des informations détaillées sur la situation des descendants d’esclaves et la persistance du système des castes en général devraient être incluses dans le prochain rapport périodique.

18.Le Comité note que ni la Commission nationale des droits de l’homme ni la Médiature ne sont habilitées à examiner les plaintes émanant de particuliers.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les pouvoirs de ces deux institutions, en les habilitant à examiner les plaintes et à faire des recommandations préalables aux autorités judiciaires. Les Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale des Nations Unies) devraient être mis en œuvre en ce qui concerne la Commission nationale des droits de l’homme.

19.Le Comité relève que le fait que les victimes d’actes de discrimination raciale ne saisissent pas les tribunaux peut être dû à la modicité de leurs ressources, à l’ignorance de leurs droits ou au désintérêt ou à l’insensibilité des autorités à l’égard des cas de discrimination raciale.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures destinées à informer la population de ses droits en matière de lutte contre les discriminations raciales et faciliter l’accès des victimes à la justice, notamment par la mise en œuvre effective d’un système d’aide juridictionnelle. Il devrait renforcer la formation des responsables de l’application des lois, des juristes et des chefs coutumiers en la matière.

20.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans l’ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Plan d’action de Durban.

21.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité renvoie à la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, dans laquelle l’Assemblée a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement. L’Assemblée générale a renouvelé cette demande dans sa résolution 58/160.

22.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande d’envisager de la faire.

23.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques publics et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

24.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix‑neuvième et vingtième rapports périodiques en un seul document, attendu le 9 mars 2008, et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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