Nations Unies

CERD/C/ESP/24-26

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 février 2022

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Rapport valant vingt-quatrième à vingt-sixième rapports périodiques soumis par l’Espagne en application de l’article 9 de la Convention, attendu en 2020 *

[Date de réception : 21 octobre 2020]

Liste des acronymes

FSEFonds social européen

FEDERFonds européen de développement régional

ONGOrganisation non gouvernementale

UEUnion européenne

I.Introduction

1.L’Espagne a présenté ses vingt et unième à vingt-troisième rapports périodiques (CERD/C/ESP/21-23) aux 2424e et 2425e séances (CERD/C/SR.2424 et 2425) du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (le Comité), les 26 et 27 avril 2016. Comme le Comité l’a recommandé au paragraphe 43 des observations finales (CERD/C/ESP/CO/21‑23) qu’il a adoptées le 11 mai 2016, à ses 2443e et 2444e séances, à sa quatre-vingt-neuvième session, le présent rapport regroupe les vingt-quatrième à vingt‑sixième rapports périodiques précitées.

2.L’Espagne s’est employée à décrire aussi exhaustivement que possible dans le présent rapport les nouvelles mesures législatives, judiciaires, administratives et autres qu’elle a adoptées ou mises en œuvre pendant la période considérée compte tenu des recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales, afin de donner effet, in fine, aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (la Convention).

3.Les informations fournies viennent compléter et actualiser celles déjà communiquées au Comité (CERD/C/ESP/21-23/Add.1) concernant les recommandations figurant aux paragraphes 12 et 28 de ses observations finales, conformément à la demande formulée au paragraphe 41 du document en question.

4.Le rapport est divisé en deux parties : suite donnée aux principales recommandations du Comité et autres recommandations du Comité. Dans la première partie, les recommandations du Comité ont été organisées par rapport aux articles de la Convention, quand bien même les recommandations en question et les informations s’y rapportant sont liées à plusieurs articles de la Convention, ainsi que l’a indiqué le Comité dans ses observations finales. La deuxième partie comprend des informations relatives aux recommandations figurant à la section « D. Autres recommandations », aux paragraphes 35 et suivants des observations finales du Comité.

5.L’élaboration du présent rapport a exigé un important effort collectif de différentes institutions publiques, sous la coordination du Bureau des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération et de la Direction générale pour l’égalité de traitement et la diversité du Ministère de la présidence, des relations avec le Parlement et de l’égalité, désormais remplacée par la Direction générale pour l’égalité de traitement et la non-discrimination fondée sur l’origine ethnique et raciale du Ministère de l’égalité.

6.Les ministères suivants ont largement contribué au présent rapport : Ministère de la présidence, des relations avec le Parlement et de la mémoire démocratique, Ministère des droits sociaux et du Programme 2030, Ministère des affaires économiques et de la transformation numérique, Ministère des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération, Ministère de la justice, Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle, Ministère de la santé, Ministère de l’égalité, et Ministère de l’inclusion, de la sécurité sociale et des migrations. Des consultations ont également eu lieu avec les organisations non gouvernementales compétentes.

II.Première partie : suites données aux principales recommandations du Comité

Article premier de la Convention

A.Données sur la population (recommandation figurant au paragraphe 6)

7.L’Espagne n’établit pas de statistiques officielles sur la population gitane, qui n’est pas considérée comme une minorité nationale. Le principe d’égalité devant la loi s’applique. Les données relatives à la population gitane proviennent de diverses études et, selon une estimation, les personnes gitanes représenteraient entre 1,5 et 1,7 % de la population espagnole. Comme l’indique la Stratégie nationale pour l’intégration de la population gitane (2012-2020), cette population a augmenté avec l’arrivée en Espagne de Roms originaires principalement de Roumanie et de Bulgarie qui, surtout depuis 2002 (année de suppression du visa obligatoire pour ces deux pays) et depuis 2007 (année d’adhésion de leurs pays d’origine à l’Union européenne), ont choisi l’Espagne comme pays de destination. Il est difficile d’évaluer le nombre de Roms de nationalité roumaine ou bulgare qui, en leur qualité de ressortissants de l’Union européenne, exercent leur droit de libre circulation et de résidence en Espagne, étant donné qu’ils font partie de contingents importants de ressortissants roumains et bulgares ayant établi leur résidence provisoire ou permanente en Espagne et compte tenu de l’absence de registres indiquant l’appartenance ethnique des personnes étrangères en Espagne. Les données disponibles proviennent d’études et d’enquêtes, menées en particulier par les ONG assurant la gestion de programmes destinés aux migrants gitans/roms, et font état d’une estimation de 40 000 à 50 000 migrants gitans/roms en Espagne (originaires à 90 % de Roumanie et à 6 % de Bulgarie, le reste provenant d’autres pays européens).

8.L’Espagne reste un pays d’immigration tant sur le plan des flux annuels que du nombre d’étrangers résidant dans le pays. Selon le recensement de 2018, élaboré par l’Institut national de statistique, l’Espagne compte sur son territoire 10,1 % de personnes de nationalité étrangère. Il convient d’y ajouter le nombre toujours plus élevé de personnes demandant l’asile ou le statut de réfugié en Espagne, qui la classe parmi les six pays de l’Union européenne recevant le plus de demandes de protection internationale.

9.À l’instar d’autres pays, l’Espagne ne recueille pas de données relatives à l’appartenance ethnique dans le recensement officiel de sa population. Les rapports annuels relatifs à la situation d’intégration des personnes migrantes, élaborés par le Forum pour l’intégration sociale des immigrés, organe collégial au sein duquel sont représentées les administrations publiques, aux côtés des associations de migrants et de réfugiés et des partenaires sociaux, fournissent des données statistiques provenant de différentes sources officielles, parmi lesquelles les annuaires et statistiques de l’Observatoire permanent de l’immigration du Ministère du travail, des migrations et de la sécurité sociale, les statistiques de population et d’emploi de l’Institut national de statistique, celles de l’Eurobaromètre, etc.

10.Le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique mène depuis 2010 des enquêtes dans le cadre des études de perception de la discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique par les victimes potentielles. Le traitement confidentiel des réponses, conformément à la législation en vigueur en matière de protection des données, a permis d’introduire dans ce type d’enquête une question relative à l’auto-identification de la personne interrogée en fonction de sa couleur de peau, de sa religion, de sa culture, etc.

Article 2 de la Convention

A.Mesures législatives et institutionnelles (recommandation figurant au paragraphe 8)

11.Le Gouvernement a soutenu l’adoption du projet de loi générale pour l’égalité de traitement et la non-discrimination qui, à l’issue de sa présentation à la Chambre des députés, n’a finalement pas pu être adoptée en raison de la dissolution du Parlement avant la tenue des élections législatives du 10 novembre 2019. Le projet de loi envisage la création d’une autorité de l’égalité ou d’un organisme indépendant de lutte contre les discriminations, doté des ressources nécessaires, qui satisferait largement aux exigences requises par le droit européen et aux recommandations du Comité. Le projet de loi, qui sera de nouveau présenté prochainement en vue de son adoption, permettra de lever certains obstacles à une meilleure connaissance de la réalité des discriminations en Espagne et fixera des sanctions proportionnées pour un ensemble d’infractions qui, bien que constitutives de discrimination, ne sont pas actuellement inscrites dans la loi.

12.En ce qui concerne le deuxième plan pour les droits de l’homme, son élaboration a également été suspendue en raison des opérations électorales qui ont abouti aux élections de novembre 2019. En décembre 2018, le Conseil des ministres a entériné un rapport préalable à l’élaboration de ce plan. Une première phase d’appel à propositions a ensuite été organisée, avec la participation de la société civile. Il est prévu d’inclure dans le plan la création d’un organe national de coordination et de suivi des indicateurs relatifs aux droits de l’homme.

13.En ce qui concerne le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique, cet organe consultatif réunit des représentants de l’administration générale de l’État, des communautés autonomes, des collectivités locales, des partenaires sociaux et des organisations et associations intervenant dans le domaine de la promotion de l’égalité de traitement et de la non-discrimination des personnes en raison de leur origine raciale ou ethnique, ce qui garantit une pluralité de points de vue lorsqu’il s’agit d’adopter ou de mettre en œuvre des mesures en faveur de l’égalité de traitement. De même, des efforts sont engagés pour garantir la présence au sein de cet organe de nouvelles organisations représentant les victimes de discrimination raciale ou ethnique, et notamment d’organisations de personnes d’ascendance africaine.

14.Outre la conduite d’études et la rédaction de rapports sur la discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique, en toute autonomie et indépendance, le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique est compétent pour assurer une aide aux victimes de ce type de discrimination dans la transmission de leurs plaintes, prestation assurée par son service d’aide aux victimes au moyen d’un dispositif reposant sur un partenariat avec neuf ONG. Ce mécanisme répond à l’objectif d’assurer une prise en charge de meilleure qualité et au plus près de la population.

15.Depuis 2015, une procédure d’appel d’offres ouvert régit l’assistance technique chargée de la coordination du fonctionnement du service d’aide aux victimes. Les prestations assurées par l’entité à laquelle le marché a été attribué ces dernières années sont les suivantes : a) aide en présentiel aux personnes qui subissent ou ont subi des situations de discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique, ou en ont connaissance ; b) prise en charge à distance par Internet de personnes qui subissent, ont subi des situations de discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique, ou en ont connaissance ; c) prise en charge téléphonique, au moyen d’une ligne directe, de victimes d’actes de discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique ; d) réalisation de toutes les actions de formation et de sensibilisation interne nécessaires pour assurer la qualité du service.

16.En 2020, une compétence nouvelle a été conférée au service, à savoir celle d’engager des procédures judiciaires, avec l’accord des victimes, dans le cas d’affaires justifiant un contentieux stratégique en raison de leur incidence sur la société, ainsi que le recommandent le Conseil de l’Europe et sa Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.

17.Ces dernières années, la coordination territoriale du service d’aide aux victimes avec d’autres institutions, dont les forces de sécurité de l’État, les parquets spécialisés dans les crimes de haine et les actes de discrimination et certains barreaux, notamment ceux de Málaga et de Madrid, s’est nettement améliorée. En qualité d’organisme national, le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique joue un rôle important dans l’identification des affaires, dans la conduite des enquêtes et, partant, dans l’application de la législation de lutte contre la discrimination.

18.Par ailleurs, dans le domaine du travail, il convient de mentionner que le plan directeur en faveur d’un travail digne (2018-2020) définit l’action de l’Inspection du travail et de la sécurité sociale, en établissant au total 55 mesures opérationnelles, réparties en neuf domaines d’action. Dans le domaine de la protection des droits fondamentaux et de la promotion de l’égalité, le plan mentionne expressément l’interdiction prévue par l’ordonnancement juridique espagnol de toute atteinte à l’intimité et à l’honneur des travailleurs, ainsi que l’interdiction de toute forme de discrimination, notamment en raison de certaines circonstances, telles que le sexe, l’âge, le handicap, l’origine raciale ou ethnique, la situation matrimoniale, la condition sociale, la religion ou les croyances, les idées politiques, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Parmi les mesures mises en œuvre et prévues par le plan, on peut notamment citer :

La création de l’Unité de lutte contre la discrimination, chargée de veiller à l’égalité de traitement de tous les groupes en situation de vulnérabilité ;

La création d’une messagerie de l’Inspection du travail et de la sécurité sociale ;

La participation aux stratégies et plans d’action d’administrations publiques, tels que le Pacte national de lutte contre la violence fondée sur le genre, à d’autres plans stratégiques pour l’égalité des chances ou au plan stratégique national en faveur de l’enfance et de l’adolescence ;

La mise en place de formations spécialisées dans le cadre de l’école de l’Inspection du travail ; et

La nomination d’inspecteurs spécialisés.

19.En 2017, l’Espagne a adopté le premier Pacte national de lutte contre la violence fondée sur le genre. Le plan s’appuie sur les rapports de la sous-commission de la Chambre des députés et du groupe de travail sénatorial créés à cet effet, qui prévoyaient respectivement 214 et 267 mesures, formulées autour de 10 axes, pour progresser vers l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ce document constitue la marche à suivre pour la période 2018-2022 et prévoit un engagement économique supplémentaire de 1 000 millions d’euros. Le plan tient aussi particulièrement compte des femmes en situation de grande vulnérabilité face à la violence fondée sur le genre, notamment les femmes migrantes et celles appartenant à des minorités ethniques, et prévoit des dispositions à leur sujet.

20.De son côté, le plan directeur pour la convivialité et l’amélioration de la sécurité dans les établissements d’enseignement et leur environnement a été le fruit d’une collaboration entre le Ministère de l’intérieur, l’ancien Ministère de l’éducation, de la culture et des sports et d’autres organismes et institutions, pour tenter de rapprocher les forces de sécurité de l’État des établissements scolaires dans le but de mettre en place des activités de formation et de sensibilisation réunissant élèves, professeurs et parents autour du thème de la sécurité. L’un des objectifs est notamment de protéger les victimes de tout type de violence suscitée par le harcèlement, la xénophobie ou le racisme. L’information et la prévention sont assurées au moyen d’activités et d’ateliers destinés aux élèves de tous les niveaux autour de différents thèmes : harcèlement à l’école, consommation de drogues et d’alcool, radicalisation, vandalisme, racisme, xénophobie, violence à l’égard des femmes, formes et actes de discrimination, risques et sécurité sur Internet et sur les réseaux sociaux. Le nombre d’ateliers réalisés a considérablement augmenté entre 2014 (29 894 ateliers) et 2018 (44 307 ateliers).

Article 5 de la Convention

A.Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés (recommandations figurant aux paragraphes 12, 14 et 16)

21.L’adoption du décret royal no 7/2018 du 27 juillet 2018, portant sur l’accès universel au système national de santé, a modifié le décret royal no 16/2012 du 20 avril 2012, qui conditionnait l’accès au système à plusieurs exigences, en y ajoutant des mesures urgentes visant à garantir la pérennité du système national de santé et à améliorer la qualité et la sécurité des soins. Le nouveau cadre réglementaire garantit une prise en charge universelle par le système national de santé aux personnes de nationalité espagnole et aux personnes étrangères ayant établi leur résidence sur le territoire espagnol. Il permet également aux étrangers présents sur le territoire sans être enregistrés ou y être autorisés de bénéficier du droit à la protection de leur santé et aux soins de santé dans les mêmes conditions que les nationaux. Les coûts sont financés sur les fonds publics, à moins que l’intéressé ne soit au bénéfice du tiers payant.

22.En ce qui concerne les centres de rétention pour étrangers, il convient de signaler s’agissant de la confidentialité des plaintes que, conformément au droit dont disposent les personnes en rétention de déposer des plaintes et des requêtes pour faire valoir leurs droits et leurs intérêts légitimes, le secret de ces documents est préservé lors de la remise immédiate à leur destinataire, ainsi que le prévoit l’alinéa n) de l’article 16 du décret royal no 162/2014 du 14 mars 2014, qui régit le fonctionnement et le règlement intérieur des centres de rétention pour étrangers et prévoit l’installation de boîtes aux lettres permettant aux détenus de déposer tout type de requête, de plainte ou de suggestion, à l’attention du directeur du centre ou, le cas échéant, au juge de contrôle. Les requêtes, plaintes ou recours sont adressés aux organes administratifs ou judiciaires compétents ou au ministère public, au Défenseur du peuple ou aux organismes et institutions jugés opportuns (par. 1 de l’article 19 du décret royal no 162/2014).

23.Les centres de rétention pour étrangers assurent une prise en charge sanitaire qui comprend des examens médicaux, l’établissement des antécédents médicaux des détenus, des explorations fonctionnelles générales et des soins médicaux et de santé continus pendant le séjour, un examen médical de sortie, ainsi que tous les autres examens nécessaires pour garantir la sécurité collective, sans préjudice des dispositions en vigueur, pour répondre à d’éventuels besoins d’hospitalisation et de soins spécialisés des étrangers détenus. Les centres de rétention pour étrangers disposent d’un service de santé composé d’un médecin et d’un aide-soignant, qui garantissent la prise en charge pendant la majeure partie de la journée. Les soins sont également assurés par les services d’urgence, en tant que de besoin, au moyen d’un transfert du détenu vers un hôpital de référence.

24.Les personnes placées dans les centres de rétention pour étrangers ont la garantie de pouvoir exercer les droits qui leur sont reconnus par l’ordonnancement juridique, sans restrictions autres que celles imposées à leur liberté de circulation. Les droits ci-après sont notamment garantis aux personnes placées en centres de rétention pour étrangers, dès leur arrivée et pendant toute la durée de leur séjour.

25.Tout détenu a le droit d’être informé de sa situation dans une langue qu’il comprend. À ce titre, les détenus se voient remettre un bulletin, rédigé dans leur langue ou dans une langue qu’ils comprennent, comportant des informations sur leurs droits et obligations, les articles du règlement intérieur et de vie en collectivité, les règles disciplinaires applicables, le droit d’adresser des requêtes et des plaintes au juge compétent pour contrôler leur séjour dans le centre s’ils estiment que leurs droits ont été bafoués, et les moyens permettant de formuler ces requêtes et plaintes.

26.Tout détenu a le droit d’être assisté par un avocat, commis d’office le cas échéant, et de communiquer avec celui-ci de manière confidentielle, y compris en dehors des horaires d’ouverture du centre, si l’urgence de la situation le justifie. Sur ce point, les centres disposent d’espaces assurant la confidentialité des conseils juridiques délivrés au détenu par son avocat. Des accords de collaboration fixant les conditions de fonctionnement du service d’aide juridictionnelle sont conclus avec les barreaux.

27.Tout détenu ne comprenant pas ou ne parlant pas l’espagnol a le droit d’être assisté d’un interprète, gratuitement s’il n’en a pas les moyens.

28.Tout détenu bénéficie de la liberté de religion et de croyance, avec mise à disposition de moyens lui permettant de la pratiquer. De même, le respect du régime alimentaire, des rites et des jours fériés de sa confession, pour autant que la sécurité et les activités du centre, ainsi que les droits des autres personnes détenues le permettent, est assuré.

29.Dès son arrivée au centre de rétention pour étrangers, le détenu est examiné par le service médical du centre et, dans les meilleurs délais, reçu par le service d’aide sociale. Une fois l’admission effectuée, elle est communiquée à l’avocat dont le nom figure dans le dossier, à l’ambassade ou au consulat du pays dont le détenu est ressortissant, ainsi qu’au Ministère des affaires étrangères. Le ressortissant étranger est également autorisé à communiquer par téléphone avec son avocat et avec une personne de confiance, résidant tous deux en Espagne, le premier appel étant gratuit.

30.Les centres disposent de services d’aide sociale et culturelle dotés d’agents qualifiés dans les domaines des droits de la personne, du droit des étrangers, de la protection internationale, de la médiation interculturelle, ainsi que des questions de genre et de violence à l’égard des femmes. Le Ministère de l’intérieur peut conclure des conventions avec des entités, publiques ou privées, chargées d’assurer ces services. Les organisations nationales ou internationales de défense des migrants ont la possibilité d’effectuer des visites dans les centres.

31.En ce qui concerne la privation de liberté qu’entraîne le placement en centre de rétention pour étrangers, il convient de rappeler qu’il s’agit d’une mesure visant le retour, qui doit être autorisée par un juge. Elle est prise lorsqu’il existe une véritable perspective de renvoi du migrant en situation irrégulière vers son pays d’origine, comme le prévoit la Directive dite « retour » de l’Union européenne. Le placement en rétention est maintenu pendant la durée strictement nécessaire aux fins du dossier et ne peut en aucun cas excéder soixante jours, soit une durée nettement inférieure aux dix-huit mois autorisés par la Directive retour. Pendant son séjour en centre de rétention, le ressortissant étranger peut déposer une demande de protection internationale, dont le traitement est accéléré par rapport à la procédure ordinaire, dans les mêmes délais que pour une demande présentée à la frontière.

32.Le paragraphe 1 de l’article 61 de la Loi organique no 4/2000 du 11 janvier 2000 relative aux droits et aux libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale (ci‑après, la Loi du 11 janvier 2000), définit le placement en rétention comme une mesure conservatoire devant être autorisée par un juge, applicable en l’absence d’autre mesure conservatoire permettant d’assurer l’expulsion, et dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 7 de l’article 57, aux alinéa a) et b) du paragraphe 1 de l’article 54 et aux alinéas a), d) et f) du paragraphe 1 de l’article 53 de la même Loi, qui portent sur l’expulsion judiciaire, prononcée en lieu et place de la peine prévue par l’article 89 du Code pénal. La Loi du 11 janvier 2000, toujours au paragraphe 1 de son article 61, prévoit différentes mesures conservatoires pouvant être prises par l’agent chargé de l’instruction du dossier et qui, à l’instar du placement en rétention, ont pour but d’assurer l’expulsion, à savoir a) la présentation régulière devant l’agent chargé de l’instruction, b) la résidence obligatoire dans un lieu donné et c) le retrait du passeport de l’intéressé ou du document justifiant de sa nationalité, avec remise d’un récépissé attestant de la mesure.

33.La circulaire no 6/2014 du 11 juillet 2014, adressée à l’ensemble des directions et brigades provinciales chargées des étrangers et des frontières, est un instrument contraignant imposant aux agents chargés de l’instruction des dossiers d’expulsion d’apprécier sur le fondement de critères concrets et définis les demandes de placement en rétention à titre conservatoire. Sur ce point, l’agent chargé du dossier, dans le cas des requêtes adressées aux autorités judiciaires, doit appliquer les critères fixés pour une demande de placement en centre de rétention pour étrangers, en évaluant notamment la situation personnelle, sociale et familiale du ressortissant étranger et la possibilité d’autres mesures moins contraignantes pour l’intéressé. Le placement en rétention doit ainsi être une mesure de « dernier ressort » lorsque les circonstances rendent impossible l’application d’une mesure moins contraignante pour la personne concernée. Les agents chargés de l’instruction des dossiers d’expulsion évaluent les différentes circonstances et la situation personnelle du ressortissant étranger au regard des critères fixés par la circulaire no 6/2014, sachant que la mesure conservatoire de placement en rétention préventive n’est pas toujours souhaitable.

34.Les centres de rétention pour étrangers étant des établissements publics administratifs de privation de liberté destinés à la rétention des migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure administrative de retour, et non des établissements pénitentiaires, leurs installations, leurs protocoles de vie collective, leur mobilier et l’accès aux moyens de communication sur place diffèrent de ceux d’un établissement pénitentiaire. LeGouvernement a adopté en 2019 une réforme complète des huit centres de rétention pour étrangers (Tenerife, Murcie, Las Palmas, Valence, Barcelone, Madrid, Algésiras et Tarifa) dans le but d’instaurer un modèle d’infrastructure garantissant un meilleur respect de la dignité et des droits humains des personnes en rétention. Dans le cadre de cette modernisation, il a été tenu compte des observations formulées par le Défenseur du peuple, par les juges de contrôle et par plusieurs organismes nationaux et internationaux. La philosophie qui guide le fonctionnement des centres de rétention pour étrangers repose sur la transparence.

35.En ce qui concerne la recommandation du Comité tendant à ce que les plaintes pour torture ou mauvais traitements donnent lieu à une enquête indépendante, le décret royal no 162/2014, portant adoption du règlement des centres de rétention pour étrangers, dispose en son article 50 que, indépendamment des compétences conférées par la loi à l’autorité judiciaire, la Police nationale, au moyen de ses propres unités, pourra procéder à l’inspection des centres et de leur personnel qu’elle juge nécessaire pour garantir que ceux-ci s’acquittent efficacement de leurs fonctions. Sans préjudice de ce qui précède, l’Inspection du personnel et des services de sécurité du Secrétariat d’État à la sécurité adopte également les plans adéquats pour procéder à l’inspection systématique des centres.

36.En tout état de cause, les tâches confiées aux organismes nationaux et internationaux de protection des droits de l’homme disposant de compétences propres de visite et d’inspection des centres seront facilitées.

37.Sur le plan juridictionnel, le juge de contrôle (magistrat indépendant uniquement soumis à la primauté du droit) est chargé de veiller à ce que le respect des droits des détenus soit garanti pendant la durée de la mesure conservatoire. Le juge de contrôle connaît des plaintes et des requêtes des détenus dans la mesure où elles concernent leurs droits fondamentaux et peut leur rendre visite lorsqu’il a connaissance d’une violation grave ou lorsqu’il l’estime utile.

38.Par ailleurs, le fonctionnement et la gestion des centres, dans le cadre prévu par l’article 50 du décret royal no 162/2014, font l’objet d’une surveillance permanente de la part de l’institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui est en Espagne le Défenseur du peuple. D’autre part, le Bureau du Défenseur du peuple, en sa qualité de mécanisme national de prévention de la torture, effectue des visites (impromptues) des centres, avec accès à l’ensemble des installations et au registre et possibilité de s’entretenir de manière confidentielle avec les détenus et les fonctionnaires. Outre son rapport annuel (public et disponible sur le site Web de l’institution), le Défenseur du peuple élabore dans le cadre de cette activité des rapports techniques, des recommandations, des suggestions et des décisions.

39.Les centres de rétention pour étrangers peuvent faire l’objet d’audits par des mécanismes régionaux de contrôle, tels que le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe, qui a effectué des visites de centres à plusieurs reprises ces dernières années.

40.L’Espagne a enregistré une augmentation considérable du nombre total de demandes de protection internationale, qui ont dépassé le nombre de 100 000 en 2019, soit vingt fois le nombre de demandes reçues en 2014 (moins de 6 000). Face à cette hausse, un plan d’amélioration du fonctionnement de l’Office de l’asile et des réfugiés a été mis en place, avec pour objectif à terme de proposer la meilleure prise en charge possible et le maximum de garanties aux demandeurs de protection internationale. L’ouverture de postes d’agents publics a été approuvée en juillet 2018 en vue du recrutement de 231 agents supplémentaires au sein de l’Office de l’asile et des réfugiés. Le renfort en personnel s’est traduit par une hausse substantielle des décisions adoptées. Ainsi, en 2019, 60 275 dossiers ont fait l’objet de décisions, soit cinq fois plus qu’en 2018 (12 000 décisions adoptées). Les mesures suivantes ont également été mises en œuvre :

Développement d’une nouvelle application informatique pour la protection internationale ;

Amélioration de la production et de la diffusion de données statistiques concernant les demandes de protection internationale sur le site Web du Ministère de l’intérieur ;

Migration du système de formalisation des demandes grâce à l’intégration d’un nombre important de nouveaux agents ;

Mise en place d’un système de permanences pour assurer l’ouverture des services en dehors des jours ouvrables ;

Protocole d’action avant les arrivées massives de demandeurs de protection internationale ;

Renforcement de la qualité des procédures, par la formation et par la distribution de guides méthodologiques pour l’instruction des dossiers.

41.En vertu de la loi sur l’asile, les demandeurs de protection internationale sans ressources bénéficient des services sociaux et d’accueil nécessaires pour répondre dignement à leurs besoins essentiels, pendant le traitement de leur dossier (et, le cas échéant, après sa résolution, afin de faciliter l’autonomie et l’insertion dans la société d’accueil de la personne réfugiée ou titulaire de la protection internationale). Le système d’accueil des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale comprend les moyens suivants :

Des dispositifs d’accueil, financés par l’État et gérés par des organisations à but non lucratif, qui comptaient 10 272 places au 31 juillet 2019 ;

Quatre établissements publics, les centres d’accueil pour réfugiés, comptant au total 416 places ;

Des projets et ressources complémentaires, financés par l’État, destinés à faciliter l’épanouissement des bénéficiaires dans leur nouvel environnement et leur intégration dans la société d’accueil (accès à des emplois, location d’un logement).

B.Ceuta et Melilla (recommandations figurant aux paragraphes 18, 20 et 22)

42.Le principe de non-refoulement et d’accès effectif à la procédure de protection internationale est garanti, conformément aux conventions internationales ratifiées par l’Espagne, de sorte à être compatible avec le respect des obligations de surveillance des frontières et de maintien de la sécurité intérieure et de l’ordre public, lui-même garanti par la loi no 12/2009 du 30 octobre 2009 régissant le droit d’asile et la protection complémentaire. À Ceuta comme à Melilla ont été créés en 2015 des bureaux locaux de protection internationale aux postes frontière d’El Tarajal et de Beni-Enzar, afin de renforcer les garanties offertes par le système de protection internationale. Il convient également de relever que la dixième disposition supplémentaire de la Loi organique no 4/2000 du 11 janvier 2000 relative aux droits et aux libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale prévoit qu’« en tout état de cause, le refoulement est effectué dans le respect des conventions internationales en matière de droits de l’homme et de protection internationale auxquelles l’Espagne est partie ».

43.En ce qui concerne le principe de non-refoulement, en vertu du paragraphe 2 de l’article 23 du décret royal no 557/2011 portant application de la Loi du 11 janvier 2000, la procédure à suivre pour le refoulement des étrangers qui tentent d’entrer illégalement sur le territoire, y compris ceux interceptés à la frontière ou à proximité immédiate de celle-ci, consiste pour les forces de sécurité de l’État les ayant interceptés à conduire les intéressés au commissariat de police compétent dans les meilleurs délais, afin de procéder à leur identification et, le cas échéant, à leur refoulement. À cet égard, le paragraphe 6 de l’article 57 de la Loi du 11 janvier 2000 dispose que « l’expulsion ne pourra être exécutée si elle contrevient au principe de non-refoulement ou si elle concerne une femme enceinte en cas de risque pour la grossesse ou pour la vie ou l’intégrité physique de la mère ou une personne malade dont la mesure mettrait la santé en péril ».

44.En ce qui concerne la recommandation visée au paragraphe 18 concernant la présentation des demandes de protection internationale, la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale prévoit la possibilité de maintenir des procédures d’examen des demandes à la frontière et en centre de rétention, lesquelles doivent en tout état de cause reposer sur les mêmes principes et prévoir les mêmes garanties fondamentales que les demandes faites sur le territoire.

45.À Ceuta comme à Melilla, les demandes de protection internationale sont déposées au poste frontière et sur le territoire. Les demandes présentées à Ceuta et à Melilla bénéficient des mêmes garanties que celles présentées sur le reste du territoire espagnol, et notamment du droit de bénéficier gratuitement de soins de santé, d’une aide juridictionnelle et d’un interprète, ainsi que du droit d’être informé de la procédure et des droits et obligations du demandeur pendant l’examen de son dossier, de la possibilité de contacter le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et des ONG reconnues par la loi, des droits et prestations auxquelles l’intéressé a accès en tant que demandeur de protection internationale et des conséquences éventuelles en cas de non-respect de ses obligations.

46.Le traitement des demandes à la frontière, qu’elles soient présentées à Ceuta et Melilla ou à d’autres postes frontière, fait l’objet de garanties législatives sur le plan de la procédure administrative : information du HCR, aide juridictionnelle gratuite et obligatoire, délais rapides d’instruction des dossiers (quatre jours ouvrés), refus motivé limité à des cas précis prévus par la loi et accueil du demandeur sur le territoire si l’administration ne se prononce pas dans le délai fixé par la loi. Le nombre total de demandes traitées à Ceuta et Melilla (sur le territoire et au poste-frontière) entre 2014 et 2019 a pratiquement quintuplé, passant de 935 à 5 000 demandes (chiffres provisoires pour 2019).

47.Le 29 octobre 2019, le sixième tribunal d’instruction de Ceuta a de nouveau classé l’affaire visant 16 gardes civils accusés d’homicides par imprudence grave et de non‑assistance à personne en danger ayant entraîné la mort de 15 personnes le 6 février 2014. Une suspension provisoire de la totalité des enquêtes ouvertes a ainsi été prononcée dans cette affaire concernant.

48.Les centres d’accueil temporaire pour migrants de Ceuta et Melilla sont des centres de l’administration publique conçus dès leur création comme des dispositifs d’accueil provisoire des étrangers pendant l’examen de leur situation administrative et avant leur orientation vers la solution la plus adaptée. Sur ce point, il est important de souligner, d’une part, que les centres d’accueil temporaire pour migrants ne sont pas des centres de détention (leurs occupants jouissent de la liberté de circulation) et, d’autre part, qu’ils ne relèvent pas du système national d’accueil des demandeurs d’asile.

49.Les centres d’accueil temporaire pour migrants fournissent des services essentiels comme le logement, l’habillement, le nettoyage et l’hygiène, ainsi que des services spécialisés, dont des programmes de soins et de formation, des activités de loisirs, sportives et culturelles, des conseils juridiques et une aide sociale. Les services ainsi fournis sont les suivants, par domaine :

a)Information et orientation. Ce service a pour but de faciliter l’accueil initial des nouveaux arrivants par la communication d’informations sur le fonctionnement et le règlement du centre et de notions de base concernant la société d’accueil. Un suivi individuel, familial et de groupe des résidents est également mis en place ;

b)Prise en charge psychologique. Une aide et des interventions psychologiques sont proposées aux résidents afin de répondre à leurs difficultés d’adaptation et de favoriser le développement de compétences et d’aptitudes psychosociales, par les moyens suivants : évaluation initiale individuelle et de groupe, intervention psychologique individuelle et de groupe, intervention et suivi psychoéducatifs des mineurs, interventions auprès des femmes et des personnes en situation de vulnérabilité particulière (victimes de violence fondée sur le genre, etc.), intervention en cas d’alcoolisme et de consommation de drogues, orientation, information et conseils, diffusion de rapports ;

c)Aide juridictionnelle. Il s’agit de conseils juridiques portant sur la protection internationale, le statut d’apatride et toute autre question liée au droit des étrangers. Le repérage d’éventuels cas de traite est également effectué dans ce cadre, ainsi que l’activation du protocole-cadre de protection des victimes de la traite des êtres humains ;

d)Traduction et interprétation. L’objectif de ce service est de faciliter la communication entre toutes les parties concernées au sein du centre et également de garantir une bonne compréhension de l’information, des conseils et/ou des prestations reçus par le résident ;

e)Activités de formation, loisirs et temps libre. Des activités de loisirs et des temps libres sont également organisés afin d’améliorer la vie en collectivité, d’encourager la participation et de renforcer l’intégration sociale des résidents. Les activités de formation sont principalement destinées à favoriser l’apprentissage de l’espagnol ; elles incluent l’alphabétisation, l’apprentissage des coutumes et des modes de vie, l’acquisition de compétences de lecture et d’écriture, un soutien scolaire et l’acquisition de connaissances de base en informatique ;

f)Soins de santé. Il s’agit d’un appui à la réalisation d’examens médicaux d’entrée dans le centre, du suivi et de la surveillance de l’état de santé des résidents, de la centralisation et de l’orientation des demandes adressées au système public de santé lorsque la situation le nécessite, avec une attention particulière à l’égard des femmes enceintes et du suivi pédiatrique, des vaccinations, d’actions de promotion de la santé au moyen d’ateliers de prévention contre le VIH/sida et l’hépatite et d’encouragement à l’adoption d’habitudes saines, de la délivrance de médicaments et de dispositifs médicaux, etc. Depuis 2014, des travaux de réaménagement et de remise en état des lieux disponibles sont effectués afin de les adapter au nombre d’arrivants, par la mise en place d’espaces amovibles en cas d’arrivées massives. Les hommes et les femmes sont hébergés séparément, tandis que les hébergements familiaux sont attribués aux familles qui, compte tenu du nombre de membres, peuvent occuper un logement complet.

50.Ceuta et Melilla conservent un statut spécial par rapport au reste de l’espace Schengen, puisque l’accès à la péninsule depuis ces deux villes est soumis à un contrôle aux frontières ainsi qu’au respect des conditions d’entrée générales établies par le droit européen (art. 6 du Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen)). Le cas échéant, c’est le non-respect des conditions d’entrée, et non le document justifiant du statut de demandeur d’asile, qui empêche le franchissement des frontières. Le document constitue une garantie et un droit, et en aucun cas une restriction. De même, l’article 7 de la Directive 2013/33/UE réserve la possibilité à l’État membre d’accueil, pour des motifs d’intérêt public ou d’ordre public ou aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de la demande d’asile, de limiter la liberté de circulation des demandeurs.

C.Gitans et Roms (recommandation figurant au paragraphe 24)

51.Le 6 avril 2018, le Conseil des ministres a approuvé l’accord relatif à l’instauration de la Journée du peuple gitan et à la reconnaissance de ses symboles, répondant à une demande historique des organisations du mouvement associatif gitan. L’objectif était de déclarer le 8 avril Journée du peuple gitan et de reconnaître l’usage protocolaire du drapeau gitan bleu et vert orné d’une roue à 16 rayons, tel qu’adopté par le premier Congrès mondial gitan, et de l’hymne « Gelem Gelem » lors des commémorations, des actes et des événements institutionnels ayant trait au peuple gitan. En outre, depuis 2016, des commémorations ont été instaurées concernant deux événements tragiques de l’histoire des Gitans, à savoir le Samudaripen, en souvenir et en hommage aux victimes gitanes du camp de concentration nazi d’Auschwitz-Birkenau dans la nuit du 2 au 3 août 1944, et la Grande rafle du 30 juillet 1749, également appelée « internement généralisé des Gitans ».

52.La Stratégie nationale pour l’intégration sociale de la population gitane (2012-2020) (ci-après, la Stratégie nationale gitane) établit un ensemble d’objectifs intermédiaires, à l’horizon 2015, et d’objectifs finaux, à l’horizon 2020, dans plusieurs domaines (éducation, emploi, santé et logement), qui constituent les indicateurs permettant de mesurer les avancées ou les reculs enregistrés pendant la période considérée. La Stratégie concerne également d’autres domaines : action sociale, participation de la population rom, amélioration des connaissances, approche transversale tenant compte du genre, non-discrimination et promotion de l’égalité de traitement, sensibilisation sociale, promotion de la culture, prise en charge des Roms originaires d’autres pays, approche microterritoriale et action politique à l’échelle européenne.

53.Les objectifs finaux de la Stratégie nationale gitane (2012-2020) sont les suivants, pour les domaines prioritaires.

54.Éducation :

Augmenter la proportion d’enfants gitans inscrits à l’école maternelle avant leur scolarisation obligatoire (<6 ans) : 95 %.

Améliorer la scolarisation des enfants gitans dans l’enseignement primaire (6‑12 ans) : 99 %.

Réduire l’absentéisme dans l’enseignement primaire (absences de l’établissement scolaire d’une durée supérieur à trois mois) : 10 %.

Augmenter le nombre d’enfants gitans inscrits dans le niveau correspondant à leur âge : 90 %.

Améliorer la scolarisation des jeunes gitans de 13 à 15 ans dans l’enseignement secondaire : 90 %.

Faire baisser le taux d’abandon scolaire avant la fin de l’enseignement obligatoire.

Augmenter le nombre d’élèves gitans diplômés de l’enseignement secondaire obligatoire.

Réduire le taux d’analphabétisme absolu parmi la population gitane (> 16 ans) : 3 %.

Réduire la proportion des jeunes gitans de 18 à 24 ans qui ne sont ni étudiants ni en formation et qui ont quitté l’enseignement obligatoire sans diplôme : 80 %.

Augmenter la proportion de personnes gitanes ayant achevé des études au-delà de l’enseignement obligatoire : 8 %.

55.Emploi :

Augmenter le taux d’emploi dans la population gitane : 60 et 52 % pour les femmes.

Réduire le taux de chômage dans la population gitane : 20 %.

Augmenter la proportion de personnes gitanes occupant une activité pour le compte d’autrui (salariés) : 48 %.

Réduire le taux de travail saisonnier chez les travailleurs gitans.

Augmenter la proportion de professionnels et de travailleurs indépendants gitans (non-salariés) cotisant à la Sécurité sociale : 75 %.

Réduire la proportion de personnes gitanes qui se consacrent à la collaboration au sein de l’activité économique familiale : 20 %.

Augmenter la proportion de travailleurs gitans exerçant une profession qualifiée (supérieure aux professions élémentaires).

56.Logement :

Réduire le pourcentage de taudis occupés par des personnes gitanes : 0,5 %.

Réduire le pourcentage de logements occupés par des personnes gitanes qui sont considérés comme ne satisfaisant pas aux normes d’un logement décent : 3 %.

Réduire le pourcentage d’habitations occupées par des personnes gitanes ne disposant d’aucun équipement de base : 2,1 %.

Réduire le pourcentage d’habitations occupées par des personnes gitanes présentant des problèmes d’humidité : 35 %.

Réduire le pourcentage d’habitations occupées par des personnes gitanes situées dans des environnements ne disposant pas d’équipements urbains : 10 %.

Réduire le pourcentage d’habitations surpeuplées occupées par des personnes gitanes : 20 %.

57.Santé :

Améliorer la perception de l’état de santé* de la population gitane *(état de santé perçu comme « bon » ou « très bon » chez les personnes de 35 à 54 ans) : 76 % (hommes), 66 % (femmes).

Réduire le nombre d’accidents de la circulation parmi la population gitane de plus de 16 ans : 22 % (hommes), 16 % (femmes).

Réduire le tabagisme chez les hommes gitans de plus de 16 ans : 30 %.

Réduire l’obésité chez les femmes gitanes de plus de 16 ans : 15 %.

Réduire le nombre de femmes gitanes n’ayant jamais bénéficié d’une consultation gynécologique : 16 %.

Réduire le nombre d’accidents domestiques (maison, escaliers, porte, etc.) : 26 % (hommes), 28 % (femmes) ;

Réduire l’obésité infantile (de 2 à 17 ans) : 10 % (garçons), 9 % (filles).

Améliorer les soins buccodentaires (nombre d’enfants n’ayant jamais consulté) : 38 %.

58.Afin d’atteindre les objectifs intermédiaires et finaux de la Stratégie nationale gitane, plusieurs plans opérationnels d’inclusion sociale de la population gitane ont été successivement adoptés. Le plan opérationnel en vigueur, qui concerne la période 2018‑2020, met en œuvre les actions nécessaires à la réalisation des objectifs et des mesures définis par la Stratégie et établit les cadres de travail à suivre par les différentes administrations, en l’occurrence l’administration générale de l’État et les communautés autonomes. Ces actions s’inscrivent dans les quatre domaines clefs de la Stratégie et incluent également cinq autres axes : inclusion sociale, égalité et violence fondée sur le genre, lutte contre la discrimination et l’antitsiganisme, ainsi que culture, citoyenneté et participation.

59.Le rapport d’avancement 2018 évalue la première année de mise en œuvre du plan opérationnel 2018-2020, offre une vue générale des actions et des mesures mises en place par l’Administration générale de l’État, et comprend également des informations sur les initiatives lancées par les communautés autonomes et les collectivités locales. Pour la première fois et grâce à la collaboration de la Fédération espagnole des communes et des provinces (FEMP), 70 collectivités locales ont participé à l’élaboration de ce rapport, qui intègre une analyse préliminaire de leurs contributions. Ce rapport définit également les progrès à accomplir dans les deux années qui suivent dans chaque domaine ou lignes d’action de la Stratégie, ainsi que le type de mesures à appliquer les administrations publiques à tous les niveaux (État, province autonome, échelle locale) pour y parvenir. Il intègre également un élément nouveau, à savoir le rôle important que jouent, de manière générale et dans chaque domaine et ligne d’action de la Stratégie, les organisations sociales du mouvement associatif gitan, représenté par le Conseil national du peuple gitan, organe collégial interministériel et consultatif rattaché au Ministère des droits sociaux et du Programme 2030, ainsi que le Comité Interfondos, constitué de représentants d’unités gestionnaires du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (FEDER), avec pour objectif d’articuler de manière coordonnée la programmation, le suivi et l’évaluation des actions à destination de la population gitane.

60.Le nouveau cadre des stratégies nationales en faveur de l’inclusion sociale de la population gitane est en cours d’élaboration, sous l’impulsion de la Commission européenne et avec la participation active du point national de contact (la Direction générale de la diversité familiale et des services sociaux du Ministère des droits sociaux et du Programme 2030) qui encourage à son tour la participation de divers acteurs espagnols.

61.En ce qui concerne l’amélioration de la situation de la population gitane espagnole, le rapport intermédiaire de suivi de la Stratégie nationale gitane (2012-2020), datant de 2017, révèle les progrès ci-après.

62.Logement :

Baisse du nombre de taudis occupés par des personnes gitanes, passé de 3,9 % en 2007 à 2,17 % en 2015.

Baisse du pourcentage de logements occupés par des personnes gitanes qui sont considérés comme ne satisfaisant pas aux normes d’un logement décent, passé de 7,8 % en 2007 à 6,46 % en 2015.

Baisse du pourcentage d’habitations occupées par des personnes gitanes ne disposant d’aucun équipement de base, passé de 8,5 % en 2007 à 4,2 % en 2015.

Baisse du pourcentage d’habitations occupées par des personnes gitanes situées dans des environnements ne disposant pas d’équipements urbains, passé de 19,5 % en 2007 à 10,34 % (moyenne) en 2015.

Baisse du pourcentage d’habitations surpeuplées occupées par des personnes gitanes, passé de 29,4 % en 2007 à 8,9 % en 2015.

63.Éducation :

Hausse de la scolarisation des 13-15 ans dans l’enseignement secondaire, de 8 points pour les garçons (84,2 % en 2007 contre 92,3 % en 2012) et de 17,5 points pour les filles (71,7 % en 2007 contre 89,2 % en 2012).

Baisse du taux d’analphabétisme absolu au sein de la population gitane.

Baisse de la proportion des jeunes gitans de 18 à 24 ans qui ne sont ni étudiants ni en formation et qui ont quitté l’enseignement obligatoire sans diplôme.

64.Santé :

Baisse du nombre de femmes gitanes n’ayant jamais bénéficié d’une consultation gynécologique, passé de 25,3 % en 2007 à 16,4 % en 2015.

Baisse du nombre d’enfants n’ayant jamais fait l’objet d’une consultation buccodentaire. Selon les données de l’enquête de santé de la population gitane de 2014, entre 2006 et 2014, le pourcentage d’enfants gitans qui n’avaient jamais consulté est passé de 49,5 à 37,7 % chez les garçons et de 51,4 à 43,9 % chez les filles.

65.Il convient également de mentionner la Stratégie nationale de prévention et d’élimination de la pauvreté et de l’exclusion sociale (2019-2023), adoptée par le Conseil des ministres le 22 mars 2019 et qui a pour objectifs prioritaires de combattre la pauvreté, en particulier chez les enfants, et de réduire les inégalités et les disparités de revenus. Plusieurs sections de la Stratégie tiennent compte de la population gitane (le diagnostic met en évidence les principaux indicateurs de pauvreté et d’exclusion sociale concernant ce groupe, ses problèmes de formation, de travail, de logement et de santé). Bien que la Stratégie prévoie des actions globales à destination des personnes exclues, certaines d’entre elles concernent particulièrement les personnes gitanes. Il convient de mentionner les actions ci-après.

66.Formation et emploi. Dans les lignes d’action relatives à l’objectif 2.2 (« Promouvoir la formation tout au long de la vie. Faire en sorte que les personnes vulnérables, et surtout les jeunes, obtiennent un emploi durable et de qualité qui leur permet de participer et de s’intégrer activement et de manière stable au marché de travail »), il est prévu d’encourager le recrutement de personnes ayant plus de difficultés d’accès à l’emploi, et notamment de femmes gitanes, améliorant ainsi leur employabilité.

67.Santé. Dans le cadre de l’objectif 3.1 (« Répondre de manière équitable aux besoins de soins de santé et améliorer la santé de la population, et en particulier des groupes sociaux les plus défavorisés »), l’une des lignes d’action consiste à promouvoir des stratégies et programmes visant à améliorer la santé et le mode de vie de groupes en situation de vulnérabilité, dont la population gitane.

68.Information, connaissances, innovation sociale et transparence. Dans le cadre de l’objectif 4.5 (« Mettre en place un système efficace de gestion des informations et des connaissances, offrant des réponses innovantes aux besoins sociaux de manière transparente »), il est envisagé la conduite d’études et d’enquêtes sur les réalités distinctes et les réponses apportées aux besoins, par exemple en relation avec l’enquête nationale de santé de la population gitane.

69.En matière d’éducation, la Stratégie nationale gitane a bénéficié du soutien et de l’appui du Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle pour la mise en œuvre d’actions visant des objectifs concrets : la hausse de la scolarisation des enfants gitans, l’achèvement de cycles pédagogiques, l’amélioration de la réussite scolaire des élèves gitans dans tous les cycles, ainsi que l’amélioration du niveau d’instruction de la population gitane adulte. Sur le plan de l’accès à l’éducation, les indicateurs montrent que la communauté gitane espagnole a enregistré de meilleurs résultats ces dernières années. Selon une étude de la Fondation du Secrétariat gitan, sur le thème « Étude comparative de la situation de la population gitane en Espagne en matière d’emploi et de pauvreté 2018 » (2019), la proportion de la population gitane analphabète ou sans instruction a baissé entre 2011 et 2018, passant de 59,3 % en 2011 à 36,5 % en 2018, et la scolarisation des enfants gitans dans l’enseignement primaire atteint des taux proches des 100 %. Par ailleurs, le taux de scolarisation des jeunes gitans dans l’enseignement primaire ou secondaire progresse, même si ceux-ci ne parviennent pas à achever leurs études. Selon l’étude susmentionnée, en 2011, sur l’ensemble de la population gitane, 30,7 % des personnes étaient inscrites dans l’enseignement primaire ou secondaire, contre 46,2 % en 2018. En outre, le nombre de jeunes sortant diplômés de l’enseignement secondaire (baccalauréat ou degré moyen de l’enseignement professionnel) a quasiment doublé, atteignant 14,2 % en 2018, contre seulement 7,4 % en 2011. Enfin, le pourcentage de la population gitane titulaire d’un diplôme de premier cycle universitaire ou d’études supérieures a augmenté, passant de 2,6 % en 2011 à 3,2 % en 2018. Toutes ces données permettent de conclure qu’en sept ans, la participation de la population gitane à l’enseignement formel s’est améliorée.

70.Le programme de promotion, d’appui et d’orientation pédagogique, destiné principalement aux jeunes gitans et à leurs familles, a pour objectif l’obtention par les élèves gitans du diplôme d’enseignement secondaire obligatoire et la poursuite d’études supérieures au-delà de la scolarisation obligatoire. Entre son lancement en 2009 et 2019, 1 288 élèves du programme ont obtenu ce diplôme et poursuivi leurs études. Le programme est géré par la Fondation du Secrétariat gitan, entité sociale à but non lucratif qui fournit des services en faveur du développement de la communauté gitane en Espagne et en Europe, grâce à des financements provenant d’administrations publiques et du Fonds social européen.

71.Il convient de souligner un progrès important, à savoir l’inclusion en 2014 de la population gitane parmi les collectifs vulnérables prioritaires dans les documents de programme des Fonds structurels et d’investissement européens (2014-2020).

72.L’adoption des programmes opérationnels du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (FEDER) a permis l’intégration d’initiatives d’inclusion sociale de la population gitane. Concrètement, le Fonds social européen, au travers du Programme opérationnel d’inclusion sociale et d’économie sociale, a financé des actions de différents types :

Des parcours intégrés d’insertion : mesures d’appui, formation, formation et emploi, conseils et orientation individualisés tenant compte dans leur conception et leur mise en œuvre des inégalités entre femmes et hommes gitans, ainsi que des besoins économiques du territoire ;

Des actions de sensibilisation et de promotion destinées à déconstruire les stéréotypes et les préjugés discriminatoires dont souffre la population gitane ;

Des programmes destinés à l’insertion de la population gitane sur le marché du travail :

Le programme ACCEDER de placement sur le marché du travail, qui vise une véritable insertion professionnelle de la population gitane. Mis en œuvre dans 14 communautés autonomes, ce programme est un exemple de bonne pratique à l’échelle européenne. Fonctionnant depuis 2000, le programme a été financé par le Fonds social européen pour les périodes de programmation des fonds structurels et d’investissement 2000-2007 et 2008-2013 et l’est actuellement au titre de la période 2014-2020 ;

Le programme Calí, pour la promotion de l’égalité des chances, de l’insertion socioprofessionnelle des femmes gitanes et la prise en charge des discriminations multiples, qui vise à améliorer l’insertion socioprofessionnelle des personnes appartenant à des groupes vulnérables, et en particulier les femmes gitanes. Géré par la Fondation du Secrétariat gitan, le programme Calí a vu le jour en 2016. Il est financé par le Fonds social européen au titre du Programme opérationnel d’inclusion sociale et d’économie sociale (POISES), en collaboration avec le Ministère des droits sociaux et du Programme 2030 et la fondation « La Caixa ». Sur la période 2016-2019, 1 700 femmes ont participé à ce programme, mis en œuvre dans 14 communautés autonomes et 27 municipalités ;

Le programme Empleando Digital, mis en place en 2018 et 2019, vise la formation aux compétences numériques des participants à des parcours de formation à l’emploi, la transformation numérique des emplois traditionnels et la formation à l’emploi en matière de développement Java et JavaScript ;

Le programme « Apprendre en travaillant », mis en œuvre dans 22 villes par la Fondation du Secrétariat gitan, a été lancé en 2013 avec le soutien financier du Fonds social européen et a pu être poursuivi en 2016 grâce au Programme opérationnel d’emploi des jeunes. Le rapport d’exécution correspondant à la période 2013-2018 fournit les chiffres suivants : 2 580 jeunes participants, dont près de 50 % de femmes, dont 1 736 ayant achevé la formation et 691 ayant décroché un emploi.

73.Afin de promouvoir l’employabilité des femmes appartenant à des groupes particulièrement vulnérables, des programmes d’insertion socioprofessionnelle incluant des parcours personnalisés et des mesures d’accompagnement ont été élaborés. Ainsi, le programme SARA (2014-2019), destiné à soutenir les femmes migrantes confrontées à des obstacles sociaux et culturels, vise également les femmes de plus de 45 ans, les jeunes femmes et les femmes gitanes. Ce programme est mis en œuvre grâce à une subvention attribuée nominativement à quatre organisations sociales. Dans le cadre du programme SARA (2014‑2019), 2 204 femmes migrantes ont participé à 127 ateliers et 705 femmes gitanes à 40 ateliers dans différentes villes.

74.En ce qui concerne les indicateurs de progrès en matière d’emploi, l’« Étude comparative de la situation de la population gitane en Espagne en matière d’emploi et de pauvreté 2018 » susmentionnée, publiée en 2019, met en évidence la nécessité d’intervenir de manière plus efficace et plus soutenue pour améliorer les indicateurs que sont l’amélioration du taux d’emploi et la baisse du taux de chômage de la population gitane : en effet, le taux d’emploi dans la population gitane a baissé de 43,8 % en 2011 à 30 %, alors que la Stratégie nationale gitane fixait des objectifs de 50 % en 2015 et de 60 % en 2020. De même, le taux de chômage de la population gitane atteint 52 %, contre 36,4 % en 2011, à comparer aux objectifs fixés de 30 % en 2015 et de 20 % en 2020. Cependant, pour d’autres objectifs, et notamment la hausse de la proportion de personnes gitanes occupant une activité pour le compte d’autrui (salariés), les objectifs pour 2015 et 2020 ont été dépassés : en effet, 53 % des travailleurs gitans sont salariés, soit un pourcentage supérieur aux objectifs fixés de 40 % pour 2015 et de 48 % pour 2020, contre 37,6 % en 2011. Pour ce qui est de l’objectif de réduction du taux de travail saisonnier chez les travailleurs gitans, celui-ci est passé de 70,9 % en 2005 à 68 %.

75.Dans le domaine de la santé, afin d’identifier et de soutenir des initiatives de promotion de la santé auprès de la population gitane, le Ministère de la santé collabore étroitement avec le réseau Equi-Sastipen Rroma, qui regroupe 22 associations gitanes de promotion de la santé, ainsi que trois universités et plusieurs personnes en qualité d’experts. Le réseau Equi-Sastipen Rroma a été créé en 2010 avec pour objectif d’inciter davantage d’associations gitanes à proposer des interventions en matière de santé. Le travail du réseau a été reconnu comme exemple de « communauté résiliente » par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui lui a également décerné le prix Nelson-Mandela pour sa contribution à la promotion de la santé.

76.La commission de santé publique du Conseil interterritorial du système national de santé et la commission déléguée aux services sociaux du Conseil territorial des services sociaux et du système pour l’autonomie et la prise en charge de la dépendance ont approuvé en novembre 2019 la déclaration d’Oviedo relative aux interventions de promotion de la santé auprès de la population gitane. Il s’agit d’un document de consensus visant à promouvoir les actions en faveur de la santé et de la qualité de vie du peuple gitan du point de vue des déterminants sociaux et de la participation collective, qui offre un regard positif et valorise ceux qui agissent en faveur de la santé.

77.Le Ministère de la santé finalise l’élaboration d’une formation en ligne sur l’équité en santé et la population gitane, à destination des professionnels de santé, qui a pour objectif de sensibiliser aux inégalités de santé qui touchent les personnes gitanes et au rôle que joue l’antitsiganisme dans ces inégalités.

78.Le rapport annuel « Discrimination et communauté gitane » (2018), élaboré par la Fondation du Secrétariat gitan et financé par le Ministère de la santé, de la consommation et de la qualité de vie, s’est donné pour mission de rendre visible la discrimination quotidienne subie par la communauté gitane, en se concentrant particulièrement sur la discrimination croisée vécue par les femmes gitanes, les progrès enregistrés, les bonnes pratiques et la jurisprudence la plus récente en matière de discrimination.

79.De même, la Fondation du Secrétariat gitan, avec l’appui du Bureau des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération, a élaboré en 2018 le « Guide sur la discrimination croisée : le cas des femmes gitanes » afin de mieux faire comprendre cette forme de discrimination.

D.Contrôles d’identité (recommandation figurant au paragraphe 28)

80.Les contrôles d’identité par la police et la réalisation des vérifications pertinentes ne peuvent avoir lieu que dans deux hypothèses :

Quand il existe des indices selon lesquels la personne est susceptible d’avoir pris part à une infraction ; ou

Lorsque, compte tenu des circonstances, il est jugé raisonnablement nécessaire que la personne justifie de son identité, afin d’éviter la commission d’une infraction.

81.Tout agissement d’un membre des forces de sécurité de l’État impliquant une discrimination en raison de l’origine raciale ou ethnique, de la religion ou des convictions constitue une faute disciplinaire lourde, qui entraîne l’application des mécanismes de contrôle existants et de la sanction correspondante.

82.La responsabilité, le contrôle et le suivi des plaintes et des suggestions formulées par les citoyens vis-à-vis des forces de sécurité de l’État relèvent de la compétence de l’Inspection du personnel et des services de sécurité du Ministère de l’intérieur. L’identification, l’analyse, la résolution et la communication des situations donnant lieu à la plainte concernent également celles relevant du profilage racial. En application des instructions nos 7/2007 et 8/2019 du Secrétariat d’État à la sécurité portant publication du guide de bonnes pratiques pour le traitement des plaintes et des suggestions, daté de mai 2019 (qui fait une place aux recommandations du Défenseur du peuple en matière de plaintes), les plaintes présentées par les citoyens font l’objet d’une enquête exhaustive, puis d’un rapport. Il est ensuite décidé si elles doivent être prises en compte uniquement à titre de plainte ou déboucher sur l’ouverture de procédures disciplinaires, voire judiciaires, le cas échéant.

83.Entre 2015 et 2019, 112 plaintes déposées par des citoyens contre des forces de sécurité de l’État en lien avec des questions raciales ont été traitées (13 en 2015, 17 en 2016, 33 en 2017, 30 en 2018 et 19 en 2019). De ce nombre, deux (motivées par le comportement d’un agent n’étant pas en service) en 2017 ont donné lieu à des poursuites pénales et sont en attente d’une décision de justice. Dans trois autres affaires, des instances disciplinaires ont été engagées : l’une d’entre elles (en 2017) a conclu à l’absence de responsabilité de l’agent concerné et les deux autres (pour des faits survenus en 2018) ont abouti dans les deux cas à une sanction pour faute grave, à raison de commentaires formulés par les agents, y compris alors qu’ils n’étaient pas en service. Les autres plaintes, après enquête quant à leur teneur, n’ont donné lieu à aucune sanction disciplinaire ou pénale. Des plaintes portant sur des contrôles d’identité par profilage racial (7 en 2018 et 3 en 2019) ont été reçues, mais toutes ont été classées pour défaut de fondement.

84.Le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique recueille les données relatives à des faits de discrimination ou de haine enregistrés par le Service d’aide et d’orientation aux victimes de discrimination raciale ou ethnique, qui avait reçu, d’après son rapport le plus récent (2019), 22 cas en tout relevant du domaine de la sécurité et des services de police.

E.Personnes d’ascendance africaine (recommandation figurant au paragraphe 30)

85.En ce qui concerne la recommandation tendant à garantir aux personnes d’ascendance africaine l’égalité des chances en matière de représentation aux postes de la fonction publique et de participation aux instances gouvernementales, le paragraphe 2 de l’article 23 de la Constitution reconnaît à tous les citoyens le droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions et aux emplois publics, selon les critères prévus par les lois applicables.

86.Depuis 2017, un dialogue a été engagé avec les personnes africaines et d’ascendance africaine. Il a conduit à la mise en place des initiatives suivantes :

Une étude visant à mieux connaître et caractériser la communauté africaine et d’ascendance africaine ;

L’organisation d’un séminaire d’actualisation des connaissances existantes sur la contribution des personnes africaines et d’ascendance africaine, ainsi que sur leur situation dans l’Espagne d’hier et d’aujourd’hui ;

L’organisation en décembre 2019, dans le cadre de la révision de la Stratégie globale de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et autres formes d’intolérance associées, d’un atelier consultatif avec la société civile, auquel ont été conviés des associations et des experts africains et d’ascendance africaine ;

L’organisation en 2020 par la Direction générale pour l’égalité de traitement et la diversité ethnique et raciale du Ministère de l’égalité d’une réunion à laquelle ont participé plus de 50 organisations africaines et d’ascendance africaine afin de formuler ensemble un programme de travail ayant pour objectif de connaître la situation de cette communauté en Espagne et de s’assurer, avec le concours de ces organisations, que les personnes concernées jouissent bien de leurs droits civiques, politiques, économiques, culturels et sociaux.

87.Afin de mieux faire connaître et respecter l’héritage, la culture et la contribution des personnes d’ascendance africaine, les mesures suivantes ont en outre été adoptées :

La mise en place d’un programme de coopération avec les personnes d’ascendance africaine de l’Agence espagnole de coopération ;

La prise en compte de la question des personnes d’ascendance africaine dans le système éducatif espagnol ;

La conduite d’études sur la perception de la discrimination à raison de l’origine raciale ou ethnique. En 2020, une nouvelle enquête de perception de la discrimination raciale ou ethnique a été menée, proposant une analyse plus détaillée ayant trait aux personnes africaines et d’ascendance africaine et à la discrimination structurelle à laquelle elles sont confrontées.

88.Par ailleurs, il convient de citer le projet mené dans le cadre de la convention de collaboration entre le Ministère de l’éducation, de la culture et des sports et l’université de Porto (Portugal), en vue de la description et de la reproduction de documents présentant un intérêt pour l’histoire de l’esclavage conservés aux Archives générales des Indes. Ce projet lié à la mémoire de l’esclavage s’inscrit dans une démarche de reconnaissance et d’appui vis‑à-vis de la communauté noire africaine et d’ascendance africaine, qui mène des campagnes d’éducation afin de faire mieux connaître notamment l’histoire de la colonisation et la traite transatlantique.

89.Le 7 octobre 2020 s’est tenu le séminaire organisé par l’Observatoire espagnol de lutte contre le racisme et la xénophobie (OBERAXE) avec le groupe « Dialogue avec les personnes africaines et d’ascendance africaine ». Cet événement était placé sous l’égide du Secrétariat d’État aux migrations, qui a rappelé que son objectif, à savoir la préservation des éléments historiques clefs qui réaffirment la contribution de l’héritage historique, politique, économique, scientifique et culturel des personnes africaines et d’ascendance africaine, ainsi que le dialogue continu avec cette communauté, était une priorité du Secrétariat d’État, pour mieux inclure et faire connaître toutes les personnes qui composent notre société diverse. https://www.youtube.com/watch?v=i8n3d_khNWE.

F.Droit à l’éducation (recommandation figurant au paragraphe 32)

90.Le 3 mars 2020, le projet de loi organique sur l’éducation a été adopté en Conseil des ministres. Sa mise en œuvre devrait contribuer à l’amélioration des résultats scolaires sur le plan de l’équité et de la qualité et, en conséquence, faire considérablement progresser l’exercice effectif du droit à l’éducation pour ce qui est de l’égalité des chances et de la lutte contre la discrimination. Le projet de loi organique prévoit l’adoption de mesures de mise en œuvre de politiques d’égalité sociale et une meilleure protection du droit à l’éducation des personnes appartenant à des groupes en situation de vulnérabilité (migrants, gitans, élèves en situation de handicap ou défavorisés sur le plan socioéducatif), afin de limiter leur exclusion et de leur apporter le soutien nécessaire tout au long de leur scolarité. Il prévoit également des mesures destinées à garantir l’inclusion à l’école, la prise en charge individuelle, la prévention des difficultés d’apprentissage et la mise en œuvre de dispositifs d’appui dès la détection des difficultés. Il rappelle en outre que la programmation, la gestion et le développement de l’éducation des jeunes enfants permettent de compenser les effets des inégalités d’origine culturelle, sociale et économique sur l’apprentissage et l’épanouissement des enfants, mais aussi de recenser très tôt les besoins d’appui éducatif et d’y répondre rapidement. Afin d’éviter la ségrégation des élèves lors de l’inscription dans les établissements publics ou privés sous contrat, il est établi que les administrations publiques garantissent l’accès dans des conditions d’égalité et sans discrimination, ainsi que la liberté de choix de l’établissement par les pères, les mères ou les tuteurs légaux, et assurent une répartition adéquate et équilibrée des élèves ayant des besoins d’appui pédagogiques entre les établissements.

91.Le projet de loi organique susmentionné prévoit la prise en compte, dans les programmes des différents niveaux de l’enseignement élémentaire, de l’apprentissage de la prévention et de la résolution pacifique des conflits dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale et sociale, ainsi que des valeurs qui sous-tendent la démocratie et les droits de l’homme, et qui doivent inclure en tout état de cause l’égalité de traitement et l’absence de discrimination. Parmi les nouveautés du projet de loi, il convient de souligner que, dans l’enseignement primaire comme secondaire, il est prévu d’ajouter une matière « Éducation aux valeurs civiques et éthiques », qui traitera plus particulièrement de la connaissance et du respect des droits de la personne et de l’enfant, tels que reconnus par la Constitution espagnole, mais aussi de l’éducation au service du développement durable et de la citoyenneté mondiale, de l’égalité entre les hommes et les femmes et de l’importance du respect de la diversité, afin de favoriser l’esprit critique et une culture de paix et de non‑violence. Il est également prévu, s’agissant des valeurs qui sous-tendent la démocratie et les droits de la personne et de la prévention et de la résolution pacifique des conflits, d’aborder l’étude et le respect d’autres cultures, et notamment celle du peuple gitan et d’autres groupes et collectifs, ainsi que de faits historiques et de conflits ayant constitué des violations graves des droits de l’homme, comme l’holocauste.

92.Il est prévu en 2020 d’élaborer une stratégie globale en matière de migrations, qui comprendra des outils de lutte contre l’abandon scolaire chez les jeunes migrants en situation de vulnérabilité. Par ailleurs, la loi pour l’amélioration des conditions d’exercice du métier d’enseignant dans les établissements non universitaires a été adoptée en mars 2019. Elle a pour but de revenir sur les restrictions de dépenses publiques dans le domaine de l’éducation, compte tenu de la disparition des circonstances qui avaient conduit à l’adoption en 2012 de mesures exceptionnelles.

93.Le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle encourage la mise en place de mesures d’appui, de prise en charge individuelle et d’amélioration de la diversité qui contribuent à prévenir et à réduire l’abandon précoce à l’école et en formation, ainsi que les taux de redoublement, parmi lesquelles :

Le programme d’orientation et de renforcement pour le progrès et l’appui en matière d’éducation, mis en œuvre depuis 2018. Il s’agit d’un programme de coopération territoriale entre le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle et les communautés autonomes, dont l’axe fondamental est la réduction et la prévention de l’échec et de l’abandon scolaire. Dans ce cadre, les établissements scolaires situés dans des zones accueillant des populations socioéconomiquement vulnérables peuvent bénéficier d’un soutien, d’interventions destinées à des groupes de population en situation de vulnérabilité particulière (enfants migrants, gitans ou ayant des besoins éducatifs particuliers, par exemple), d’une implication de la communauté éducative dans le processus pédagogique, ainsi que du renforcement des compétences des enseignants pour les aider à répondre à la diversité des besoins pédagogiques ;

Des bourses et des aides à la poursuite des études ;

L’engagement pris par le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle et par les Conseils à l’éducation des communautés autonomes de favoriser l’intégration de l’histoire et de la culture gitanes dans les programmes scolaires. Un protocole indicatif d’inclusion de la culture et de l’histoire du peuple gitan et des supports pédagogiques pour les élèves ont été élaborés. De même, des « supports pédagogiques pour l’enseignement de l’histoire et de la culture gitanes dans l’enseignement primaire et secondaire » sont en cours de publication. On peut citer comme exemple de bonne pratique la décision prise par les autorités éducatives de Castille‑et‑León d’élaborer des unités d’enseignement et des supports pédagogiques innovants pour l’étude et la diffusion de l’histoire et de la culture du peuple gitan, dont il est prévu que l’intégration dans les programmes scolaires devienne obligatoire ;

La sensibilisation et la formation des enseignements au moyen de sessions sur la culture gitane et la prise en compte de la diversité. En pratique, la session « Prise en charge pédagogique des élèves gitans » a été proposée.

94.Le programme MUS-E de collaboration entre le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle et la Fondation Yehudi Menuhin a pour but l’intégration scolaire des élèves socialement défavorisés par le biais d’activités artistiques, dans des établissements scolaires primaires, secondaires et spécialisés. Le réseau MUS‑E réunit 156 établissements dans 11 communautés autonomes. Il met l’accent sur l’importance du dialogue et des échanges entre les différentes cultures, mais aussi sur le développement de la créativité et de l’imagination dans la pratique des disciplines artistiques, comme fondement de l’éducation. Pour l’année scolaire 2018/19, le programme a fait participer 30 786 jeunes. Plus globalement, près de la moitié (43 %) des enfants scolarisés dans les établissements MUS-E sont originaires de familles migrantes, gitanes ou sont en situation de handicap.

95.Les mesures actuelles visant à éviter la ségrégation scolaire ont pour but de garantir une répartition équitable des élèves gitans, à même d’inverser le phénomène des « écoles ghetto ». L’objectif ainsi recherché est une répartition équilibrée des inscriptions d’élèves afin d’éviter la ségrégation ou la surreprésentation, par la redistribution progressive des inscriptions dans les établissements proches des populations les plus présentes dans le secteur, ainsi que la révision des secteurs scolaires et des critères d’inscription, afin d’éviter la concentration des élèves gitans dans un seul établissement du secteur.

96.Le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle met également en œuvre un axe de travail sur l’éducation et la mémoire de l’holocauste, qui prévoit des actions permettant un travail de mémoire, de sensibilisation et de prévention d’autres formes de discrimination fondées sur la race ou d’autres critères qui font l’actualité. Le Ministère prend en charge la formation liée à l’enseignement de l’holocauste, action rendue possible par la signature de conventions avec des institutions telles que la Fédération des communautés juives d’Espagne pour l’élimination de l’antisémitisme et la Fondation Anne Frank, ou encore du Protocole général d’action entre le Ministère, le Centro Sefarad-Israel et le Yad Vashem-The World Holocaust Remembrance Center (2019). Le Ministère a également organisé le concours national Ángel Sanz Briz, qui valorise les enseignants d’établissements scolaires ayant élaboré des supports et des ressources contribuant à sensibiliser les enfants et les jeunes et à mieux leur faire connaître tout ce qui a trait à l’élimination de l’antisémitisme et à l’holocauste, à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire, étant donné qu’ils ont mis en place des bonnes pratiques pédagogiques qui y contribuent de manière transversale.

97.Le projet FRIDA ou « Formation pour la prévention et le repérage du racisme, de la xénophobie et d’autres formes d’intolérance associés à l’école » a été, dans un premier temps, cofinancé par l’Union européenne dans le cadre du programme Progress 2013 pour l’emploi et la solidarité sociale. Depuis 2016, il est géré par le Secrétariat général aux migrations. Il a pour objectif de former et de sensibiliser les enseignants, les chefs d’établissements scolaires et la communauté éducative à la prévention et au repérage du racisme, de la xénophobie et d’autres formes d’intolérance associées, ainsi qu’aux droits de la personne. Il a été mis en place en collaboration avec le Centre national de recherche et d’innovation pédagogiques (CNIIE) du Ministère de l’éducation, de la culture et des sports, toutes les communautés autonomes, les villes autonomes de Ceuta et Melilla et la société civile. La généralisation à l’échelle nationale de ce projet à l’ensemble de la communauté éducative, tout au long de l’année 2019, a permis la publication du manuel d’appui pour la prévention et le repérage du racisme, de la xénophobie et d’autres formes d’intolérance associées à l’école et de dépliants d’information concernant ce manuel, diffusés en anglais, en espagnol, en catalan, en galicien et en basque ; la publication du rapport d’évaluation d’impact et d’identification des besoins. (projet FRIDA), ainsi que l’organisation du séminaire de prévention du racisme et de la xénophobie à l’école, qui a eu lieu à Pampelune, en collaboration avec les autorités de Navarre. Au total, plus de 1 400 enseignants ont participé aux séminaires FRIDA organisés dans différentes villes (Madrid, Séville, Ceuta, Valladolid, Guadalajara, Valence et Pampelune) depuis 2015.

Article 6 de la Convention

Données sur les actes racistes (recommandation figurant au paragraphe 10)

98.En septembre 2018, un accord a été conclu entre le Conseil général du pouvoir judiciaire, le Bureau du Procureur général de l’État, le Centre d’études juridiques, les Ministères de la justice, de l’intérieur, du travail, des migrations et de la sécurité sociale, de la présidence, des relations avec le Parlement, de l’égalité, de l’éducation et de la formation professionnelle, et enfin, avec le Ministère de la culture et des sports. Cet accord succède à la Convention-cadre de coopération et de collaboration signée en 2015. Il vise la coopération et la collaboration interinstitutionnelles en matière de lutte contre l’intolérance, par l’élaboration de politiques actives et de mesures de prévention et de repérage relevant des compétences de chacun des signataires. Dans le cadre de cet accord, trois groupes de travail ont été constitués : « Recueil de données statistiques et analyse de jugements », « Discours de haine sur Internet » et « Formation ». Ces groupes ont pour ambition d’améliorer les données statistiques concernant les faits et les crimes de haine traités par voie judiciaire, d’établir un cadre de collaboration dans la lutte contre le discours de haine sur Internet et de former des groupes de professionnels (acteurs du secteur judiciaire, membres des forces de sécurité de l’État et autres corps de l’administration).

99.Le groupe de travail « Recueil de données statistiques et analyse de jugements » a participé à l’étude sur le thème « Analyse d’affaires et de jugements en matière de racisme, de xénophobie, de haine contre les personnes LGBTI et d’autres formes d’intolérance (2014‑2017) », menée par la Fondation pour la recherche appliquée en matière de délinquance et de sécurité et financée par le Secrétariat d’État aux migrations. Cette étude analyse les jugements rendus dans des affaires de crimes de haine au cours de la période comprise entre 2014 et 2017, pour en dégager des tendances judiciaires. Les affaires portées devant la justice ont été analysées en fonction d’un ensemble de variables, comprenant les caractéristiques des personnes soupçonnées et des victimes, ainsi que les aspects procéduraux et matériels figurant dans les jugements en question. L’étude donne ainsi à voir un échantillon des condamnations définitives prononcées par les organes judiciaires espagnols au cours de la période considérée dans les affaires de crimes de haine, tout en mettant à la disposition de l’administration, de la société civile, des spécialistes intéressés et des citoyens un rapport novateur dans le contexte espagnol et européen. L’étude a fait l’objet d’une publication, disponible en version intégrale sur le site Web de l’Observatoire espagnol de lutte contre le racisme et la xénophobie (OBERAXE) : http://www.inclusion.gob.es/oberaxe/ficheros/documentos/Informe-Analisis-y-Sentencias-Definitivo.pdf.

100.En ce qui concerne les résultats relatifs à des points de droit dans les jugements analysés, pour la période 2014-2017, on peut notamment noter ce qui suit :

Décisions : 65 % des jugements ont donné lieu à des condamnations, contre 12 % à des acquittements et 16 % à des condamnations et des acquittements dans une même affaire. Une seule ordonnance de non-lieu a été prononcée ;

La circonstance aggravante prévue au paragraphe 4 de l’article 22 du Code pénal (circonstance aggravante générique applicable à tout type d’infraction : la commission d’une infraction pour des motifs racistes, antisémites ou à raison d’une autre catégorie de discrimination se rapportant à l’idéologie, à la religion ou aux croyances de la victime, à son appartenance ethnique, raciale ou nationale, son sexe, son orientation ou identité sexuelle, son genre, une maladie ou un handicap) a été appliquée dans 19 % des affaires, principalement dans les cas de haine à raison de l’orientation sexuelle (31 %), de l’origine raciale (26 %) et de l’idéologie (19 %) ;

Pour ce qui est des peines infligées en cas de crimes de haine, l’incarcération est la plus fréquente (31 %), suivie de l’inéligibilité (21 %) et de l’interdiction d’approcher la victime ou la personne lésée ou de communiquer avec elle (7 %). La durée moyenne d’emprisonnement est de deux ans. Les peines plus longues ont été prononcées dans des affaires portant sur des crimes de haine à raison de l’idéologie ou de l’appartenance raciale ou ethnique.

101.Par ailleurs, un sous-groupe de travail a été créé autour de la réponse pénale aux crimes de haine, dans le but d’analyser la problématique que pose la traçabilité de ces faits. Ce sous-groupe mène actuellement une « étude de traçabilité des crimes de haine commis en 2019, portant plus particulièrement sur les affaires survenues dans la communauté de Madrid et au Pays basque ». L’objectif de cette étude est d’effectuer un suivi des crimes de haine présumés depuis la dénonciation jusqu’à leur éventuel dénouement dans le cadre d’une future décision judiciaire. Parallèlement, des recommandations concrètes sont formulées pour optimiser la procédure et améliorer les informations relatives aux crimes de haine.

102.Un rapport a également été élaboré sur la définition des crimes de haine, qui propose des éclaircissements théoriques fondamentaux lorsqu’il s’agit de traiter et de discuter de ce qu’on appelle les « crimes de haine ».

103.Par ailleurs, le Secrétariat d’État à la sécurité du Ministère de l’intérieur élabore chaque année, depuis 2013, un rapport sur l’évolution des faits se rapportant aux crimes de haine en Espagne, sur la base des registres des faits recueillis par les forces de sécurité espagnoles. Les données actualisées portent actuellement sur l’année 2018, pour un nombre total de 1 557 crimes, soit une augmentation de 12,6 % de ce type de crimes par rapport à 2017. Ce rapport le plus récent inclut deux nouvelles catégories de discrimination, la discrimination à raison de la maladie et la discrimination générationnelle ou à raison de l’âge. On recense 531 crimes motivés par le racisme et la xénophobie, un nombre inférieur seulement à celui des crimes motivés par l’idéologie, qui s’élèvent à 596. Pour ce qui est du type de faits, il s’agit en premier lieu de menaces (320 faits enregistrés), suivies de blessures (278 faits). Il est prévu d’inclure, dans le rapport qui sera établi pour 2019, une catégorie distincte d’actes de haine et de discrimination, à savoir l’antitsiganisme.

104.Il convient de signaler l’écart entre les chiffres fournis par les parquets et par le Ministère de l’intérieur, qui s’explique par le fait que les forces de sécurité de l’État enregistrent les « actes » de haine ou « faits connus », une notion plus vaste que celle de crime, et qu’il suffit qu’une des personnes concernées par les faits soupçonne ou mentionne un mobile de haine ou de discrimination pour qu’ils soient enregistrés comme tels, même si le mobile est écarté par la suite. Une démarche d’homogénéisation des catégories employées va cependant être engagée afin de connaître avec davantage de précision le nombre de ces procédures. Les travaux menés par les signataires de l’accord interinstitutionnel ont pour but de mieux appréhender l’ensemble des procédures engagées en matière de crimes de haine et d’actes de discrimination.

105.En outre, la création en 2013 de la fonction de procureur délégué, coordonnateur de la lutte contre les crimes de haine et les actes de discrimination, chargé de coordonner toutes les activités en la matière au niveau national, depuis le Bureau du Procureur général de l’État, a constitué un tournant important dans la lutte contre ce type de crimes en Espagne. Le parquet spécialisé dans les crimes de haine et les actes de discrimination est chargé de la coordination du réseau de procureurs délégués coordonnateurs des questions d’égalité de traitement et de lutte contre la discrimination, de l’identification des crimes de haine, du contrôle statistique, du suivi des poursuites ou procédures engagées pour crimes de haine, du respect des obligations mises à la charge de l’Espagne par des instruments internationaux et de celles fixées par les normes de l’ordonnancement juridique espagnol, ainsi que des exigences découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Le procureur spécialisé a pour mission de promouvoir, sur la base de critères techniques et juridiques spécialisés, une réponse pénale proportionnée, dissuasive et protectrice. C’est dans ce but qu’a été mis en place le réseau de procureurs spécialisés, au départ sous la houlette des délégués provinciaux, auquel se sont ensuite greffés les procureurs de liaison avec les parquets territoriaux. Ce réseau, en collaboration avec l’Unité de la criminalité informatique du parquet et avec le parquet des mineurs, lorsque les agressions et actes constitutifs de crimes sont le fait de mineurs de moins de 18 ans, a permis de donner une réponse plus satisfaisante et d’éviter l’impunité face aux conduites répréhensibles. La participation de l’Unité de la criminalité informatique joue un rôle fondamental dans la lutte contre les crimes de haine : en effet, s’ils sont commis par Internet (ce qui est assez fréquent), c’est cette unité qui intervient dans l’instruction et la qualification des accusations.

106.Le réseau de procureurs délégués travaille également en collaboration avec d’autres sections spécialisées, notamment celles relatives aux étrangers, à la protection des victimes ou au handicap, étant donné qu’il s’agit d’un phénomène multidisciplinaire. Il assure les poursuites et requiert des peines et des sanctions harmonisées sur l’ensemble du territoire national, en plus de l’unification des rapports de police afin de repérer l’élément de haine dans les phénomènes criminogènes.

107.Par ailleurs, le Bureau du Procureur général de l’État a renforcé les activités de formation en organisant plusieurs journées avec des spécialistes des crimes de haine et de la lutte contre la discrimination, destinées à l’ensemble des procureurs. La prise en charge des crimes de haine est désormais intégrée aux programmes de formation initiale des élèves du Centre d’études juridiques admis au concours de procureur. Des activités de formation organisées par d’autres institutions et collectifs sont également organisées. Les procureurs délégués des différents parquets provinciaux participent à des sessions de formation destinées aux barreaux, aux forces de sécurité de l’État et à des représentants de la société civile, ce qui permet à l’ensemble des acteurs participant à la lutte contre les crimes de haine de mieux se connaître.

108.En ce qui concerne les réparations proposées aux victimes, il convient de mentionner la loi no 4/2015 du 27 avril 2015 relative au statut des victimes d’infractions, qui consacre un ensemble de garanties judiciaires et de mesures de protection destinées aux victimes « d’infractions commises en Espagne ou qui peuvent faire l’objet de poursuites en Espagne, indépendamment de la nationalité de la victime, de son statut de majeur ou de mineur ou de la question de savoir si elle réside légalement sur le territoire ». Les infractions « commises pour des motifs racistes, antisémites ou autres se rapportant à l’idéologie, à la religion ou aux croyances, à la situation familiale, à l’appartenance ethnique, raciale ou nationale ou à l’origine nationale […] » sont expressément citées comme une circonstance à prendre en compte pour répondre aux besoins de la victime concernée (al. b) du paragraphe 2 de l’article 23).

109.Parmi les droits reconnus par la loi no 4/2015 du 27 avril 2015 relative au statut des victimes d’infractions, on peut notamment citer : le droit de la victime à comprendre et à être comprise (art. 4), le droit à l’information dès le premier contact avec les autorités compétentes (art. 5), le droit à la traduction et à l’interprétation (art. 9), le droit d’accès à des services d’aide et de soutien (art. 10), le droit de participer activement à la procédure pénale (art. 11), le droit d’éviter tout contact entre la victime et l’auteur des faits (art. 20) et le droit à la protection de l’intimité (art. 22).

110.La loi comporte également des mesures de protection destinées à éviter la revictimisation de la victime de l’infraction (art. 25 et 26) : déclaration effectuée dans des lieux spécialement conçus ou adaptés à cette fin et reçue par des professionnels ayant suivi une formation particulière visant à réduire ou à limiter le préjudice subi par la victime, ou avec l’aide de tels professionnels, protection de l’intimité de la victime en évitant tout contact entre celle-ci et l’auteur présumé des faits, tenue de la procédure orale à huis clos, entre autres.

111.La loi no 4/2015 du 27 avril 2015 prévoit la mise en place de bureaux d’aide aux victimes (art. 27) chargés des missions suivantes : informations sur la possibilité d’accéder à un dispositif public d’indemnisation, informations sur les services publics à disposition susceptibles d’apporter une aide à la victime en fonction de sa situation personnelle et de la nature de l’infraction dont elle a pu être l’objet, soutien émotionnel à la victime, conseils à la victime sur ses droits économiques dans le cadre de la procédure, et notamment la procédure de demande d’indemnisation au titre du préjudice subi et le droit d’accéder gratuitement à la justice, conseils à la victime sur le risque et les moyens de prévenir la victimisation secondaire ou réitérée, le harcèlement ou les représailles, coordination des différents organes, institutions et entités compétents pour soutenir la victime, et notamment les juges, les tribunaux et le Bureau du Procureur général de l’État pour les services d’appui aux victimes.

112.Le fonctionnement des bureaux d’aide aux victimes a été défini par le décret royal no 1109/2015 du 11 décembre 2015.

113.Chaque province espagnole compte au moins un bureau d’aide aux victimes, composé d’un gestionnaire et d’un psychologue. Pour faciliter l’exercice de leurs fonctions, le budget consacré par les bureaux à l’aide psychologique aux victimes d’infractions, en collaboration avec le Conseil général des associations officielles de psychologues, a été augmenté. Un protocole relatif aux crimes de haine, destiné aux professionnels des bureaux, est en cours d’élaboration.

114.Le Code pénal dispose que toute personne déclarée pénalement responsable d’une infraction l’est également sur le plan civil si les faits ont entraîné un préjudice (art. 116). Les victimes de crimes de haine peuvent donc engager une action civile, indépendamment de l’action pénale ou conjointement avec celle-ci, afin de réclamer l’indemnisation correspondant aux préjudices subis (art. 111 et 112 de la loi de procédure criminelle).

115.Depuis 2014, l’appel annuel à subventions en vue du financement de programmes d’intérêt général par affectation de l’impôt sur le revenu des personnes physiques prévoit une ligne distincte consacrée au renforcement de la prise en charge et de l’orientation des victimes de discrimination et de crimes de haine et d’intolérance. Tous les appels à manifestation d’intérêt ont permis le financement de projets en faveur des victimes de discrimination raciale ou ethnique et de crimes de haine pour les mêmes motifs. Au cours des deux plus récentes (2018 et 2019), plusieurs programmes ont été financés pour un montant total de 131 961 euros. Ces subventions ont également permis à des entités de lutte contre la discrimination, les crimes de haine et l’antitsiganisme d’engager des contentieux stratégiques ces dernières années, dont certains se sont soldés par des décisions favorables.

Article 7 de la Convention

Médias (recommandation figurant au paragraphe 26)

116.Afin d’aller au-delà des stéréotypes dans les médias et sur les réseaux sociaux, des mesures ont été prises pour mieux connaître l’image et les représentations sociales des groupes ethniques ou sensibiliser à la nécessité d’éviter le recours à des images stéréotypées susceptibles d’entraîner du rejet et de la haine contre les groupes concernés.

117.Le projet ALRECO « Discours de haine, racisme et xénophobie : dispositifs d’alerte et réponse coordonnée », approuvé en 2018 par la Commission européenne dans le cadre de l’appel à projets du programme REC « Droits, égalité et citoyenneté », a pour objectif principal de renforcer les capacités des autorités publiques en matière d’identification, d’analyse et d’évaluation du discours de haine sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’élaborer un algorithme à même de détecter des discours de haine relevant du racisme, de la xénophobie, de l’islamophobie et de l’antisémitisme, utilisable librement par les institutions et les organisations de la société civile, ainsi que de concevoir une stratégie commune de lutte contre le discours de haine. http://www.inclusion.gob.es/oberaxe/es/ejes/delitosodio/alreco/index.htm et http://alrecoresponse.eu/.

118.Des dispositifs de lutte contre le discours de haine sur les réseaux sociaux ont été instaurés, tels que le plan d’action contre les crimes de haine, adopté en 2019 par le Secrétariat d’État à la sécurité. Ce plan entend donner une orientation et un élan nouveaux à l’action et aux interventions des forces de sécurité de l’État face aux crimes et aux faits de haine, par une amélioration de la formation des agents et l’utilisation d’outils numériques pour faire cesser les crimes et les discours de haine sur les réseaux sociaux.

119.Un rapport a également été rédigé en vue d’adapter la Recommandation (UE) 2018/334 relative à la suppression de contenus illicites en ligne à la réalité espagnole. De son côté, l’Observatoire espagnol de lutte contre le racisme et la xénophobie (OBERAXE) a participé, sous l’impulsion de la Commission européenne, à des opérations de surveillance visant à signaler ce type de contenus et à procéder à leur suppression systématique dans un délai de vingt-quatre heures, favorisant ainsi un discours qui prône les valeurs démocratiques.

120.En septembre 2019, l’Agence espagnole de protection des données a mis en place un moyen révolutionnaire à l’échelle mondiale permettant de supprimer d’Internet les contenus particulièrement sensibles et violents et applicable également à la diffusion d’images discriminatoires pour des motifs racistes. Dès réception d’un signalement, celui-ci est traité de manière urgente, en contraignant juridiquement l’entreprise technologique qui héberge les données sensibles en question à retirer immédiatement les contenus. Une procédure de sanction vis-à-vis de la personne ayant diffusé les images sans le consentement de la victime peut par la suite être envisagée.

121.L’Agence espagnole de protection des données est la seule autorité chargée de la protection des données dans le monde labellisée « Trusted Flagger » par les entreprises technologiques (Google, Facebook, Twitter, etc.) dans le cadre du Code de conduite pour la lutte contre l’incitation à la haine sur Internet. De même, le Bureau national de lutte contre les crimes de haine du Ministère de l’intérieur, créé en 2018, est également « Trusted Flagger » pour Twitter et a participé au cinquième exercice d’évaluation du Code de conduite visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne mis en place par la Commission européenne.

122.Un pacte de lutte contre le discours de haine sur Internet est également en cours d’élaboration, sur la base du Code de conduite relatif à la lutte contre l’incitation à la haine sur Internet signé par la Commission européenne et plusieurs entreprises d’hébergement de données en 2016 et de la Recommandation (UE) 2018/334 de la Commission européenne. Ce pacte a pour but d’être un outil de coopération et de coordination entre les autorités espagnoles chargées de faire respecter la législation de lutte contre les crimes de haine sur Internet, ainsi qu’avec les autorités chargées de lutter contre le discours de haine sur Internet hors du domaine pénal, et de favoriser la coordination avec les organisations de la société civile et les entreprises d’hébergement de données sur Internet concernées.

123.Afin de limiter le discours de haine, des campagnes de sensibilisation ont également été mises en place, s’appuyant sur des contre-récits face au discours antigitan, telles que :

La publication, à la demande du groupe de travail « Communication » du Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique, des « Recommandations pour le traitement de la communauté rom dans les médias ». Destinées aux professionnels des médias, aux entreprises de médias et aux autorités publiques, ces recommandations ont vocation à être connues et appliquées dans tous les domaines de compétences et environnements de travail : http://www.inmujer.gob.es/publicacioneselectronicas/documentacion/Documentos/DE1691.pdf.

Les « Recommandations pour le traitement de la communauté rom dans les médias » ont été présentées en juillet 2017 à l’occasion d’un événement au cours duquel des représentants de l’Administration et du Conseil audiovisuel de Catalogne et du mouvement citoyen gitan ont débattu sur des thèmes comme la nécessité de sensibiliser à la diversité raciale ou ethnique, d’augmenter le nombre de personnalités gitanes dans la société, ou de promouvoir des codes d’autorégulation des médias en matière de traitement des informations relatives à la population gitane. Ce document, qui se veut être un guide de référence pour combattre les préjugés et les stéréotypes visant la communauté gitane, a été élaboré dans le cadre de la campagne « Non aux préjugés », sous l’impulsion de la fédération Kamira, avec la participation d’organisations sociales gitanes, de militants et d’organismes publics, comme le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique.

La campagne « Leçon gitane » (2018) revendique le rôle de la communauté gitane dans l’Histoire, « Partir de zéro » (2017) s’appuie sur le récit d’une jeune gitane symbole de tous les jeunes qui luttent pour l’égalité des chances et « Le tatouage qui fait le plus mal » (2019) dénonce le rejet social subi par la communauté et ses tristes conséquences. Toutes ces campagnes ont bénéficié du soutien du Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle.

124.Parmi les mesures adoptées pour éliminer tout type d’actes de discrimination raciale, on peut citer l’inscription des crimes de haine dans le Code pénal, qui a été largement réformé par la Loi organique no 1/2015 du 30 mars 2015. Depuis cette réforme, les conduites visées à l’article 4 de la Convention font l’objet d’une incrimination distincte. Ainsi, le paragraphe premier de l’article 510 du Code pénal fixe des peines pour « quiconque encourage, promeut ou incite directement ou indirectement à la haine, l’hostilité, la discrimination ou la violence contre un groupe ou une partie d’un groupe ou contre une personne donnée à raison de son appartenance à celui-ci, pour des motifs racistes, antisémites ou autres ayant trait à l’idéologie, à la religion ou aux croyances, à la situation familiale, à l’appartenance ethnique, raciale ou nationale, à l’origine nationale, au sexe, à l’orientation ou à l’identité sexuelle, au genre, à la maladie ou au handicap ». Au surplus, la réforme alourdit les peines maximales dont sont passibles les actes les plus graves (par. 1 de l’article 510). Elle prévoit en effet des peines plus lourdes et des mesures spécifiques (destruction, effacement ou neutralisation de fichiers, suppression et blocage de contenus et de sites Web) si les crimes de haine sont commis par l’intermédiaire d’Internet ou d’autres réseaux sociaux, les rendant ainsi accessibles à un grand nombre de personnes (par. 3 et 6 de l’article 510). Compte tenu du nombre croissant des crimes de haine, le ministère public a récemment adopté la circulaire no 7/2019 portant sur les directives d’interprétation des crimes de haine définis à l’article 510 du Code pénal, afin de fixer des directives d’interprétation des différentes formes qui y sont visées et ainsi de proposer des solutions aux problèmes distincts qu’elles posent dans la pratique judiciaire.

125.De son côté, le Conseil pour l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique a publié deux recommandations, l’une en mai 2015 et l’autre en avril 2019, visant à éviter l’usage de discours discriminatoires, racistes ou xénophobes dans les campagnes électorales et exhortant les responsables de partis politiques à respecter, dans leurs discours et manifestations publiques, les minorités ethniques et/ou raciales, culturelles ou religieuses, ainsi que les personnes migrantes.

III.Deuxième partie : autres recommandations du Comité

126.En ce qui concerne la recommandation faite à l’Espagne de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), il convient de rappeler que l’Espagne a toujours veillé au respect des garanties des droits des travailleurs étrangers sur son territoire. La législation espagnole protège largement les droits des migrants, dans la Constitution comme dans la loi de 2000 relative aux droits et aux libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale, ainsi que dans ses textes d’application. À ce jour, seuls 47 États ont ratifié cette Convention, et aucun d’entre eux ne fait partie de l’Union européenne. Toute décision à cet égard sera prise en coordination avec les autres États membres de l’Union européenne.

127.Le 25 septembre 2018, l’Espagne a adhéré à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

128.En ce qui concerne la recommandation relative à la ratification de l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111, il convient d’indiquer que la procédure interne nécessaire à cette ratification est en cours.

129.En ce qui concerne l’application de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, ainsi que de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités relatives à la Décennie, diverses mesures adoptées dans ce cadre ont été mentionnées dans le présent rapport.