Nations Unies

CERD/C/EST/CO/12-13

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 mai 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Estonie valant douzième et treizième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Estonie valant douzième et treizième rapports périodiques à ses 2877e et 2878e séances, les 20 et 21 avril 2022. À sa 2888e séance, le 28 avril 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant douzième et treizième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, et la remercie pour les informations qu’elle lui a fournies lors de l’examen du rapport et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue les mesures législatives, institutionnelles et générales prises par l’État partie :

a)L’adoption, en 2016 et 2020, de modifications à la loi relative à la citoyenneté, qui simplifient la procédure d’acquisition de la citoyenneté estonienne pour les enfants dont les parents sont apatrides ainsi que pour ceux dont l’un des parents est apatride et l’autre est ressortissant d’un autre pays que l’Estonie ;

b)Les efforts considérables entrepris depuis 2015 pour mettre en place un système d’intégration des réfugiés, en particulier des réfugiés admis dans le cadre du système de relocalisation et de réinstallation de l’Union européenne, qui ont abouti à des résultats positifs, notamment à une réduction du nombre des déplacements secondaires ;

c)La création d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante, avec l’adoption en 2018 d’une loi portant modification de la loi relative au chancelier de justice qui désigne celui-ci comme institution nationale des droits de l’homme, et l’accréditation de cette institution par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme avec le statut « A », en décembre 2020 ;

d)L’approbation, en avril 2021, du premier plan d’action du pays en matière de diplomatie des droits de l’homme, qui comprend des domaines nouveaux relatifs aux droits de l’homme.

C.Préoccupations et recommandations

Participation de la société civile

4.Le Comité est préoccupé par le nombre limité d’organisations non gouvernementales associées au processus d’établissement et d’examen du rapport de l’État partie.

5. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour associer les organisations non gouvernementales et la société civile au processus d’établissement et d’examen de son prochain rapport périodique .

Statistiques

6.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de statistiques détaillées concernant la jouissance par les membres des différents groupes ethniques de leurs droits économiques et sociaux. Le Comité est également préoccupé par l’absence de statistiques détaillées concernant la représentation des minorités ethniques dans la vie politique (art. 1er et 2).

7. Appelant l’attention sur les directives révisées pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention et rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur l’article premier de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de collecter et de publier des statistiques détaillées et fiables sur la situation sociale et économique des différents groupes ethniques, ventilées selon les indicateurs pertinents, notamment par sexe, et selon les régions où des groupes minoritaires vivent en nombre important, afin de se doter d’une base empirique pour élaborer des politiques permettant d’améliorer la jouissance des droits protégés par la Convention dans des conditions d’égalité . Le Comité recommande également à l’État partie de collecter des données et de publier des statistiques sur la représentation des groupes minoritaires dans la vie politique . Le Comité prie l’État partie de lui communiquer ces renseignements dans son prochain rapport périodique .

Cadre juridique national

8.Le Comité constate avec préoccupation que la loi relative à l’égalité de traitement n’offre pas la même protection contre la discrimination raciale pour tous les motifs proscrits par la Convention dans tous les domaines de la vie. Le Comité est également préoccupé par la méconnaissance qu’a encore le grand public de la législation relative à l’égalité de traitement et des recours disponibles (art. 2 et 6).

9. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes et d’intensifier ses efforts pour modifier la loi relative à l’égalité de traitement en vue de garantir, sur le fond et en matière de procédure, une protection suffisante effective et égale contre la discrimination fondée sur tous les motifs proscrits par la Convention, dans tous les domaines et secteurs . L’État partie devrait aussi accroître ses efforts pour faire mieux connaître au grand public la législation relative à l’égalité de traitement et les recours disponibles, et améliorer l’accès à des recours effectifs pour toute forme de discrimination .

Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement et Chancelier de justice

10.Le Comité note avec préoccupation que le Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement ne dispose pas de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter pleinement de son mandat.

11.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour faire en sorte que le Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement dispose de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat .

12.Tout en notant que l’État partie a conféré au Chancelier de justice la responsabilité de régler les litiges en matière de discrimination entre personnes de droit privé, le Comité s’inquiète du faible nombre de plaintes pour discrimination raciale, qui pourrait dénoter une méconnaissance du mandat du Chancelier de justice (art. 2 et 6).

13. Le Comité recommande à l’État partie d’accroître ses efforts pour faire mieux connaître au grand public, notamment aux minorités, aux migrants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, le rôle et le mandat du Chancelier de justice en matière de discrimination raciale .

Personnes à la citoyenneté indéterminée

14.Tout en notant que le nombre de personnes à la citoyenneté indéterminée a diminué au cours de la période considérée, le Comité observe avec préoccupation que ce nombre se maintient à un niveau élevé. Il relève en outre avec inquiétude que, d’après le service de statistique de l’Estonie, l’origine nationale de 7 139 personnes dans l’État partie demeurait en 2021 inconnue (art. 5).

15. Ayant présente à l’esprit sa recommandation générale n o 30 (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e poursuivre ses efforts pour faire diminuer le nombre de personnes à la citoyenneté indéterminée en identifiant ces personnes et en les aidant à acquérir une citoyenneté ;

b) D e poursuivre ses efforts pour sensibiliser les parties prenantes à la question de l’apatridie et développer la coopération avec les administrations locales pour identifier efficacement les personnes apatrides ;

c) D ’envisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie ;

d) D ’adopter un plan national visant à remédier à l’apatridie dans le cadre de l’application du Plan d’action mondial pour mettre fin à l’apatridie 2014 - 2024 .

Politique linguistique

16.Tout en notant que la diversité est un élément qui a sa place dans la stratégie nationale d’intégration 2021-2030, le Comité se demande comment concilier au mieux, dans cette stratégie, la promotion de la maîtrise de l’estonien et la réalisation des droits fondamentaux de l’homme, compte tenu notamment de l’objectif consistant à passer au cours des quinze prochaines années à un enseignement scolaire dispensé principalement en estonien (art. 5).

17. Le Comité recommande à l’État partie de repenser la question de savoir comment concilier au mieux sa reconnaissance de la diversité et le degré de maîtrise de l’estonien exigé pour obtenir un emploi et d’autres services essentiels, et de présenter au Comité dans son prochain rapport périodique une évaluation complète des effets de la stratégie nationale d’intégration 2021 - 2030 .

18.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie maintient des éléments répressifs dans son approche de la promotion de la langue officielle, en particulier en matière d’emploi.

19. Le Comité recommande à l’État partie de revoir son approche répressive de la promotion de la langue officielle et de veiller à l’efficacité du mécanisme chargé de surveiller l’activité du Conseil des langues (anciennement Inspection des langues) .

20.Le Comité note avec préoccupation que la loi relative aux langues limite l’emploi des langues minoritaires dans le service public aux seules administrations locales dans lesquelles la majorité des résidents permanents ne parlent pas l’estonien.

21. Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation pour permettre une plus large utilisation des langues minoritaires dans le service public .

22.Le Comité s’inquiète de ce que la politique linguistique de l’État partie ne répond pas suffisamment au besoin d’auto-identification des minorités.

23. Le Comité recommande à l’État partie de répondre au besoin d’ auto ‑ identification ressenti par les minorités par des mesures administratives appropriées, en facilitant notamment l’utilisation des patronymes .

Discrimination fondée sur les compétences linguistiques

24.Le Comité constate de nouveau avec préoccupation que si la loi relative à l’égalité de traitement interdit la discrimination fondée sur des critères tels que la nationalité et l’origine ethnique à l’égard d’un employé ou d’un candidat à un emploi, une différence de traitement fondée sur le degré de maîtrise de l’estonien n’est pas considérée dans la pratique comme une forme de discrimination. Le Comité est également préoccupé par les écarts en matière d’emploi et de revenu entre Estoniens et non-Estoniens, qui résultent notamment des compétences linguistiques (art. 5).

25. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de veiller à ce que les exigences linguistiques fixées dans le cadre de l’emploi reposent sur des critères raisonnables et objectifs et soient liées aux compétences requises pour l’accomplissement des tâches propres à chaque travail, et de demeurer vigilant quant aux effets sur les groupes vulnérables de la discrimination indirecte des politiques publiques . Le Comité recommande aussi de nouveau à l’État partie d’intensifier ses efforts pour éliminer les inégalités persistantes de traitement liées aux compétences linguistiques dont sont victimes les groupes minoritaires en ce qui concerne l’emploi et la rémunération du travail, notamment en prenant des mesures spéciales pour réduire les écarts de revenus .

Législation concernant les crimes et les discours de haine

26.Tout en prenant note des propos de l’État partie concernant les efforts entrepris pour incriminer les crimes et les discours de haine, le Comité demeure préoccupé de voir que le Code pénal n’est pas pleinement conforme aux dispositions de l’article 4 de la Convention, qui proscrit les organisations terroristes et la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale et qui demande que soit déclarée punissable par la loi la motivation raciste d’un discours de haine et de l’incitation à la haine. Le Comité réitère aussi sa préoccupation devant la clémence des peines prévues.

27. Rappelant ses recommandations générales n o 7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, n o 15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l’État partie de modifier son Code pénal en vue de le rendre pleinement conforme à toutes les dispositions de l’article 4 de la Convention, et de faire en sorte que les peines réprimant les infractions visées soient proportionnelles à la gravité des actes commis .

Plaintes pour discours et crimes de haine à caractère raciste

28.Tout en notant que la haine raciale est considérée comme une motivation dans les enquêtes de police, le Comité est préoccupé par le faible nombre de cas de discours et de crimes de haine signalés dans l’État partie et par le fait que ces infractions en tant que telles ne font pas toujours l’objet d’un enregistrement et d’une enquête. Il est également préoccupé par les discours de haine tenus par certains partis politiques et autres personnalités publiques (art. 4 et 6) qui ne donnent lieu à aucun contrôle ou enquête, et par le fait que les auteurs de ces propos ne sont ni poursuivis ni punis.

29. Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2013), le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour encourager et faciliter le signalement des discours et des crimes de haine, notamment en sensibilisant la population aux recours juridiques et à l’aide juridictionnelle disponibles et en veillant à ce que les auteurs soient dûment poursuivis et punis s’ils sont reconnus coupables . Le Comité invite également l’État partie à prendre les mesures voulues pour lutter contre la haine raciale et l’incitation à la discrimination raciale .

La motivation raciste en tant que circonstance aggravante en droit pénal

30.Le Comité constate de nouveau avec préoccupation que la motivation raciste d’une infraction ne constitue généralement pas une circonstance aggravante dans les procédures engagées en application de la législation pénale en Estonie (art. 4 et 6).

31. Le Comité réitère sa recommandation précédente demandant à l’État partie de modifier son Code pénal afin d’y faire figurer une disposition spécifique garantissant que la motivation raciste d’une infraction soit considérée comme une circonstance aggravante dans le cadre d’une procédure pénale, conformément à l’article 4 de la Convention et à sa recommandation n o 31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale .

Cadre juridique de la lutte contre la discrimination et de son application

32.Tout en prenant note de certaines dispositions du Code pénal et de la loi relative à l’égalité de traitement qui interdisent la discrimination raciale, le Comité est préoccupé par l’absence de loi générale contre la discrimination, qui risque de faire obstacle à la pleine réalisation des droits énoncés dans la Convention.

33. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi générale contre la discrimination qui comprenne une définition de la discrimination directe et indirecte conforme à celle qui figure au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention et qui interdise expressément la discrimination raciale, de façon à garantir la pleine réalisation des droits protégés par la Convention et un accès effectif à la justice et à des recours appropriés aux victimes de discrimination raciale . Le Comité rappelle que le faible nombre de plaintes et de poursuites pour discrimination raciale peut dénoter une défaillance de la législation, une méconnaissance des recours juridiques disponibles, un manque de volonté de la part des autorités de poursuivre les auteurs de tels actes, une défiance à l’égard du système de justice pénale ou encore une crainte de représailles contre les victimes . Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures propres à garantir l’application effective des dispositions juridiques en vigueur qui interdisent la discrimination raciale, à permettre à toutes les victimes d’accéder à la justice et à faire en sorte que les cas de discrimination raciale soient enregistrés et fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés . Le Comité demande à l’État partie de lui présenter dans son prochain rapport périodique des données sur la manière dont la Convention a été appliquée par des décisions judiciaires et administratives .

34.Le Comité est préoccupé par le nombre limité d’affaires dans lesquelles les dispositions interdisant la discrimination raciale en vigueur ont été invoquées et par le faible taux de condamnations pour des infractions visées par ces dispositions (art. 2, 4 et 6).

35. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de continuer à faire connaître la Convention, de mener régulièrement des activités de sensibilisation auprès du grand public et de dispenser aux membres des forces de l’ordre, aux garde s frontière , aux procureurs et aux juges une formation continue sur les crimes de haine .

Aide juridictionnelle gratuite

36.Tout en prenant note de la modification, adoptée en 2016, de la loi relative à l’aide juridictionnelle de l’État, qui prévoit que celle-ci peut être demandée en estonien, en anglais et dans la plupart des autres langues courantes parlées par les personnes ressortissantes ou résidentes d’un autre État membre de l’Union européenne, le Comité craint que ces dispositions n’excluent du bénéfice de l’aide juridictionnelle gratuite les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile qui vivent dans l’État partie et connaissent mal ces langues (art. 6).

37. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour ne pas priver d’aide juridictionnelle gratuite les personnes qui vivent dans l’État partie et peuvent avoir besoin d’une telle aide, notamment les migrants, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile, ainsi que, en particulier, les personnes qui connaissent mal l’estonien, l’anglais ou d’autres langues courantes parlées dans les États membres de l’Union européenne .

Éducation des enfants roms

38.Tout en prenant note des différentes mesures prises par l’État partie pour accroître l’accès des enfants roms à l’éducation, le Comité constate avec préoccupation que 649 Roms vivent dans l’État partie mais que seulement 62 enfants appartenant à cette minorité vont à l’école, dont un nombre disproportionné semblent être placés dans des écoles spéciales (art. 2 et 5).

39. Rappelant sa recommandation générale n o 27 (2000) sur la discrimination à l’égard des Roms, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e veiller à ce que tous les enfants roms aient accès à une éducation de qualité et soient scolarisés dans les écoles ordinaires ;

b) D ’évaluer le nombre d’enfants roms qui font des études secondaires et de s’attaquer au problème de l’abandon scolaire chez les enfants roms .

Réfugiés

40.Tout en prenant note des efforts extraordinaires déployés par l’État partie en coopération notamment avec des partenaires internationaux de la société civile en vue de faciliter l’accueil et l’intégration des nombreux réfugiés qui fuient le conflit en Ukraine ainsi que d’autres réfugiés, le Comité rappelle les sujets de préoccupation notés en 2019 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, à savoir :

a)Les mauvaises conditions de vie dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ;

b)La grave pénurie de logements à disposition des réfugiés, qui a conduit certains d’entre eux à rester dans des centres d’accueil même après avoir obtenu le statut de réfugié ;

c)L’absence de stratégie nationale globale d’intégration des réfugiés et de cadre d’action à cet égard.

41. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations formulées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels :

a) F aire en sorte que les demandeurs d’asile soient accueillis dans des conditions respectueuses de la dignité humaine et qu’il soit pourvu à leurs besoins économiques, sociaux et culturels fondamentaux ;

b) R edoubler d’efforts pour fournir aux réfugiés un logement convenable ;

c) A dopter une stratégie nationale globale d’intégration des réfugiés et un cadre politique complet à cet égard, en pleine concertation avec les organisations qui représentent les réfugiés, les organisations non gouvernementales, les organismes internationaux compétents et les autres parties prenantes .

42. Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi, le Comité recommande à l’État partie, conformément à la Convention, d’assurer à toute personne soumise à sa juridiction une protection et des recours effectifs contre tous actes de profilage racial et de discrimination raciale qui violent ses droits de l’homme et ses libertés fondamentales . Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les personnes qui fuient le conflit en Ukraine bénéficient, quelle que soit leur appartenance nationale ou ethnique, de toutes les protections juridiques prévues pour les réfugiés par le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, selon qu’il convient .

43.Le Comité est préoccupé par le risque sérieux de traite, d’exploitation sexuelle et de violence fondée sur le genre auquel sont exposées les femmes qui fuient le conflit en Ukraine, et craint que des enfants, en particulier des filles, ne se retrouvent dans des situations de vulnérabilité (art. 5).

44. Le Comité recommande à l’État partie d’étendre les mesures et programmes de prévention de la traite existants, en s’attachant particulièrement à prévenir la traite des réfugiés fuyant le conflit en Ukraine . Le Comité recommande également à l’État partie de répondre aux besoins particuliers en matière d’accueil des femmes seules en quête d’asile et de mettre en place des mesures visant à détecter, prévenir et combattre la violence sexuelle et sexiste dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, comme l’a recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes . Le Comité recommande en outre à l’État partie de mettre en place des mécanismes pour identifier, à un stade précoce, les enfants réfugiés, demandeurs d’asile, migrants et non accompagnés venant d’Ukraine qui peuvent avoir besoin d’assistance et de protection .

Population carcérale

45.Le Comité demeure préoccupé de voir que la population carcérale compte un nombre important de non-Estoniens, dont une grande partie sont de citoyenneté indéterminée. Il prend note également avec préoccupation des informations indiquant que l’administration pénitentiaire a refusé de recevoir et de traduire des plaintes de détenus qui n’étaient pas rédigées dans la langue officielle, ce qui est susceptible de limiter la possibilité de ceux qui appartiennent à une minorité de déposer plainte oralement ou par écrit (art. 2, 5 et 6).

46. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de veiller à ce que les détenus ne soient pas victimes de discrimination parce qu’ils ne maîtrisent pas l’estonien, ni pénalisés dans les procédures administratives ou disciplinaires par leur compréhension insuffisante de l’estonien .

Incidence de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)

47.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que l’intolérance et la discrimination ont visé particulièrement, dans la première phase de la pandémie de COVID‑19, les personnes perçues comme étant d’ascendance asiatique (art. 4 et 5).

48. Le Comité rappelle que l’État partie doit veiller à ce que toute mesure et restriction imposée en raison de situations d’urgence, notamment mais pas exclusivement, de problèmes de santé publique, soit appliquée sans discrimination, et il recommande à l’État partie de condamner toute forme de discrimination et de crime de haine, et d’enquêter sur les cas en question .

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

49. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés susceptibles de faire l’objet de discrimination raciale, dont la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que la Convention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, et la Convention ( n o 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, de l’Organisation internationale du Travail . Le Comité encourage également l’État partie à ratifier la Convention relative au statut des apatrides, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .

Amendement à l’article 8 de la Convention

50. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Suivi donné à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

51. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet, quand il applique la Convention, à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009 . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national .

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

52. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine .

Consultations avec la société civile

53. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .

Diffusion d’information

54. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités, et de les afficher sur le site du Ministère des affaires étrangères dans la langue officielle et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra .

Document de base commun

55. Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date du 25 novembre 2016, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document .

Suite donnée aux présentes observations finales

56. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant au paragraphe 11 (Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement) et au paragraphe 44 (femmes et enfants en provenance d’Ukraine) ci-dessus .

Paragraphes d’importance particulière

57. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 15 (personnes à la citoyenneté indéterminée), 25 (discrimination fondée sur les compétences linguistiques), 27 (législation relative aux crimes et discours de haine) et 39 (éducation des enfants roms), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite .

Élaboration du prochain rapport périodique

58. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant quatorzième à dix-septième rapports périodiques d’ici au 29 août 2026, en tenant compte des directives adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques .