NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GENERAL

CERD/C/EST/CO/7

25 octobre 2006

FRANÇAIS

Original: ENGLISH

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-neuvième session31 juillet ‑18 aout 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

ESTONIE

Le Comité a examiné les sixième et septième rapports périodiques de l’Estonie, qui auraient dû être présentés en 2002 et 2004, respectivement, réunis en un seul document (CERD/C/465/Add.1), à ses 1761 e  et 1762 e  séances (CERD/C/SR.1761 et 1762), tenues les 31 juillet et 2 août 2006. À ses 1778 e  et 1779 e  séances (CERD/C/SR.1778 et 1779), tenues les 14 et 15 août 2006, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité prend note avec satisfaction du rapport et de la poursuite d’un dialogue ouvert et constructif avec l’État partie. Il prend également note avec satisfaction du fait que le rapport répond à certaines des préoccupations et recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales précédentes, et il apprécie les efforts faits par la délégation pour répondre aux nombreuses questions posées par les membres du Comité.

Le Comité se félicite de la participation des organisations de la société civile à l’élaboration du rapport et des références aux observations de ces organisations qui figurent dans ce document.

B. Aspects positifs

Le Comité prend note des décisions de la Cour suprême relatives aux principes d’égalité et de protection de la vie familiale déclarant inconstitutionnelles plusieurs décisions de refuser l’octroi du permis de séjour au seul motif que le quota d’immigration a été atteint.

Le Comité félicite l’État partie de poursuivre ses efforts en faveur de l’intégration sociale des non ‑ressortissants en Estonie, notamment par l’adoption envisagée d’un nouveau programme public d’intégration pour la période 2008 ‑2013, lorsque le programme en cours aura expiré en 2007.

GE.06-44746 Le Comité prend note avec satisfaction du fait que les non ‑ressortissants ont le droit de participer aux élections locales en Estonie.

Le Comité prend également note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour lutter contre le trafic de personnes, y compris par l’adoption, en janvier 2006, du Plan d’action national contre le trafic des êtres humains.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour lutter contre la diffusion de propos racistes sur Internet.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Tout en reconnaissant les possibilités de participation offertes aux non ‑ressortissants, quant aux activités des institutions culturelles et éducatives et aux associations religieuses des minorités nationales, le Comité note que la définition officielle des minorités nationales figurant dans la loi de 1993 sur l’autonomie culturelle des minorités nationales exclut les non ‑ressortissants, catégorie qui comprend les apatrides résidant de longue date en Estonie. Le Comité craint qu’une telle situation ne puisse causer l’aliénation de ce groupe par rapport à l’État estonien et à la société estonienne (art. 1 er ).

Le Comité recommande à l’État partie de modifier la définition des minorités figurant dans la loi de 1993 sur l’autonomie culturelle des minorités nationales en vue d’y inclure les non ‑ressortissants, en particulier, les apatrides résidant de longue date en Estonie. En outre, le Comité souhaite recevoir des éclaircissements sur la distinction que fait l’État partie entre les minorités ou groupes «ethniques» et les minorités «nationales».

Tout en prenant acte de l’amendement du 1 er  janvier 2004 à la loi sur le Chancelier de justice qui reconnaît à ce dernier toute compétence pour régler les différends liés à la discrimination raciale dans le domaine privé, le Comité note avec regret que la procédure administrée par ce magistrat reste un moyen limité de protection des droits énoncés dans la Convention et constate que l’État partie ne dispose pas d’une institution nationale des droits de l’homme établie conformément aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de créer une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Tout en prenant acte des amendements apportés au Code pénal en juillet 2004, créant des peines graduées pour les actes de discrimination raciale, et du fait que l’État partie a exprimé l’intention de transposer la Directive 2000/43/CE de l’Union européenne contre la discrimination raciale dans son ordre juridique interne, le Comité reste préoccupé par l’absence d’une législation complète tendant à interdire la discrimination, en particulier de lois et règlements civils et administratifs (art. 2, par. 1 d)).

Le Comité recommande à l’État partie de promulguer une législation complète contre la discrimination conformément aux dispositions de la Convention, en particulier dans les domaines du logement, de la santé, de la sécurité sociale (y compris les pensions), de l’éducation et de l’accès aux services publics, et de transposer la Directive 2000/43/CE de l’Union européenne dans son ordre juridique interne.

Le Comité juge préoccupant que certains programmes de télévision diffusent apparemment une image discriminatoire de la communauté rom et que des mesures insuffisantes aient été prises par l’État partie pour remédier à cette situation (art. 4 a) et 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’inciter les médias à jouer un rôle actif dans la lutte contre les préjugés et les stéréotypes négatifs qui conduisent à la discrimination raciale et de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre le racisme dans les médias, notamment en menant des enquêtes et en prenant des sanctions, en vertu de l’article 151 du Code pénal, contre toux ceux qui incitent à la haine raciale.

Le Comité juge préoccupant que les personnes appartenant aux minorités russophones soient surreprésentées parmi les détenus condamnés et qu’en dépit des recommandations formulées par les organes compétents aucune étude spécifique n’a été faite pour comprendre les raisons de ce phénomène (art. 5 b)).

Le Comité recommande à l’État partie de faire une étude en vue d’étudier de façon approfondie les raisons de la surreprésentation des minorités russophones parmi les détenus condamnés, en vue de trouver des solutions adéquates pour remédier à cette situation. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer les résultats de cette étude dans son prochain rapport périodique.

Le Comité constate de nouveau avec inquiétude que l’article 48 de la Constitution ne reconnaît qu’aux seuls citoyens estoniens le droit d’adhérer à des partis politiques (art. 5 c)).

Compte tenu du nombre élevé de résidents de longue date qui restent des apatrides en Estonie, le Comité recommande à l’État partie d’envisager dûment la possibilité d’autoriser les non ‑citoyens à participer aux activités des partis politiques.

Tout en prenant acte de la volonté politique de l’État partie de préserver son patrimoine culturel ainsi que des mesures positives qu’il a prises pour donner plus largement accès à la procédure de naturalisation, notamment en offrant des cours de langues subventionnés, le Comité juge de nouveau préoccupants les critères linguistiques stricts fixés dans la loi sur la citoyenneté en ce qui concerne l’acquisition de la citoyenneté estonienne. Le Comité note en outre avec regret que l’État partie n’a pas encore appliqué la recommandation formulée dans ses observations précédentes dans lesquelles il lui a été recommandé d’envisager de devenir partie à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et à la Convention relative au statut des apatrides (art. 5 d) iii)).

Étant donné le nombre considérable de personnes qui demeurent apatrides en Estonie, le Comité recommande à l’État partie de faire de nouveaux efforts pour améliorer et faciliter l’accès au processus de naturalisation. En particulier, le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’offrir à tous ceux qui demandent la citoyenneté des cours de langues de bonne qualité et gratuits, et de faire mieux connaître la procédure de naturalisation et ses avantages. Le Comité invite de nouveau l’État partie à ratifier la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention relative au statut des apatrides.

Tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie dans le domaine de l’emploi, notamment les plans d’action pour 2004 ‑2007 dans le cadre des programmes d’intégration de l’État, le Comité reste préoccupé par le taux élevé de chômage parmi les membres des minorités, en particulier des minorités russophones. Le Comité constate une fois de plus avec préoccupation que l’étendue des connaissances exigées pour reconnaître la compétence en langue estonienne, y compris dans le secteur privé, pourrait avoir un effet discriminatoire sur les possibilités d’embauche offertes aux membres de cette communauté (art. 5 e) i)).

Le Comité recommande que les lois interdisant toute discrimination dans l’emploi et que toutes les pratiques discriminatoires existant dans le marché du travail soient pleinement appliquées dans la pratique et que de nouvelles mesures soient prises pour réduire le chômage parmi les membres des communautés minoritaires, notamment en mettant l’accent sur la formation professionnelle et en offrant une formation linguistique subventionnée de qualité, en particulier aux membres des minorités russophones.

Tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie pour mettre en œuvre des programmes et projets concernant la santé, en particulier en vue de prévenir et de traiter le VIH/sida, le Comité est préoccupé par le taux élevé du VIH/sida chez les personnes appartenant aux minorités (art. 5 e) iv)).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de mettre en œuvre des programmes et projets concernant la santé, en accordant une attention particulière aux minorités, compte tenu de leur situation défavorisée. À cette fin, le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre le VIH/sida.

Tout en étant conscient de l’existence du programme visant à accroître le nombre de possibilités de s’instruire offertes aux enfants appartenant à la minorité rom, le Comité est préoccupé par le nombre limité d’enfants roms qui vont à l’école (art. 5 e) v)).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXVII concernant la discrimination à l’égard des Roms et lui recommande de faire davantage d’efforts pour remédier à la faible fréquentation scolaire des enfants appartenant à la communauté rom, notamment en recrutant du personnel d’enseignement supplémentaire parmi les membres de la communauté rom et en promouvant l’éducation interculturelle.

Le Comité juge préoccupant qu’un très petit nombre d’actes de discrimination raciale aient été poursuivis et punis dans l’État partie (art. 6).

Le Comité rappelle à l’État partie que l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part des victimes de discrimination raciale peut, dans une large mesure, être le signe de l’absence de législation appropriée, de l’ignorance de l’existence de voies de recours ou d’un manque de volonté des autorités d’engager des poursuites. Le Comité prie l’État partie de veiller à ce que des dispositions appropriées soient prévues dans la législation nationale et d’informer le public de toutes les voies de recours prévues contre la discrimination raciale.

Tout en notant la présence d’un grand nombre de minorités en Estonie, en particulier celle des russophones, le Comité est préoccupé de ce que 4,8 % seulement des émissions de télévision estoniennes soient bilingues.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre une politique linguistique équitable et équilibrée relative aux médias afin de prévenir et d’éliminer la discrimination raciale dans ce secteur.

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il applique les dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier celles des articles 2 à 7. Il demande en outre à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptées pour appliquer cette déclaration et ce programme d’action au niveau national.

Le Comité juge encourageante l’information selon laquelle en dépit d’un retard technique l’État partie a toujours l’intention de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande de nouveau d’envisager de la faire.

Le Comité encourage vivement l’État partie à ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité rappelle la résolution 59/176 de l’Assemblée générale, du 20 décembre 2004, dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

Le Comité encourage vivement l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité note que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole n o  12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et lui recommande d’envisager de le faire.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis, dans les principales langues parlées sur son territoire, y compris les langues des minorités, et de diffuser les conclusions correspondantes du Comité, de la même manière.

L’État partie devrait informer le Comité de la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 15, et 16, en vertu du paragraphe 1 de l’article 65 du règlement intérieur du Comité.

Le Comité recommande à l’État partie de lui soumettre ses huitième et neuvième rapports périodiques en un seul rapport, attendu le 20 novembre 2008, et d’y traiter de toutes les questions et points soulevés dans les présentes observations finales.

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