Nations Unies

CRC/C/OPAC/TKM/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

20 février 2015

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Turkménistan en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial du Turkménistan (CRC/C/OPAC/TKM/1) à sa 1939e séance (voir CRC/C/SR.1939), le 14 janvier 2015, et a adopté à sa 1983e séance (voir CRC/C/SR.1983), le 30 janvier 2015, les observations finales suivantes.

I. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui contient des informations détaillées sur la réalisation des droits garantis par le Protocole facultatif, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/TKM/Q/1 et Add.1). Le Comité se félicite aussi du dialogue constructif engagé avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec celles concernant ses deuxième à quatrième rapports périodiques au titre de la Convention, présentés en un seul document (CRC/C/TKM/CO/2-4), et avec celles concernant son rapport initial au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/TKM/CO/1), adoptées le 30 janvier 2015.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion auxdits instruments:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en mars 2005;

b)Les Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels I et II y relatifs, en avril 1992;

c)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en mars 2005.

Le Comité se félicite de la déclaration faite lors de la ratification du Protocole facultatif, par laquelle l’État partie a fait savoir que l’âge minimum de la conscription était fixé à 18 ans.

III.Mesures d’application générales

Législation

Le Comité note avec satisfaction que l’âge minimum de la conscription a été fixé à 18 ans par la loi sur la conscription et le service militaire, mais regrette que les dispositions du Protocole facultatif n’aient pas été pleinement incorporées dans la législation de l’État partie. Le Comité est tout particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas adopté de texte de loi spécifique définissant la participation d’enfants à des hostilités, comme le prévoit l’article premier du Protocole.

L e Comité prie instamment l ’ État partie d ’ entreprendre une révision de sa législation en vue d ’ y incorporer pleinement les dispositions du Protocole facultatif, en particulier la définition de la participation d ’ enfants à des hostilités, conformément à l ’ article premier du Protocole facultatif.

Coordination

Le Comité prend note de l’existence de la Commission interministérielle pour l’exécution des obligations internationales souscrites par le Turkménistan dans le domaine des droits de l’homme et du droit international humanitaire, mais il constate avec préoccupation qu’il n’existe toujours pas d’organe spécialement chargé d’assurer la coordination et l’exécution des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Protocole facultatif.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de créer un organe efficace de haut niveau investi d ’ une autorité suffisante et doté d ’ un mandat bien défini pour coordonner l ’ ensemble des activités liées à la mise en œuvre du Protocole facultatif entre les différents secteurs, aux plans national, régional et local. L ’ État partie devrait veiller à ce que cet organe de coordination soit doté des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité est préoccupé par l’absence d’institution nationale indépendante chargée de promouvoir et de surveiller l’application du Protocole facultatif et de recevoir les plaintes d’enfants relatives à la violation de droits énoncés dans le Protocole facultatif et d’enquêter sur ces plaintes.

Com pte tenu de ses précédentes recommandation s (CRC/C/TKM/CO/1, par. 12), le Comité prie instamment l ’ État partie de créer sans tarder un mécanisme indépendant chargé de surveiller l ’ application du Protocole facultatif , de recevoir les plaintes d ’ enfants relatives à la violation de droits énoncés dans le Protocole facultatif et d ’ enquête r sur ces plaintes .

Formation et diffusion

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris des mesures pour faire mieux connaître les droits de l’enfant en général par divers moyens, notamment des spectacles, des concerts, des séminaires, des ateliers, des sessions de formation, des dépliants et des brochures, mais il est préoccupé par l’absence d’activités ciblées visant à sensibiliser le grand public en général, et les enfants en particulier, au Protocole facultatif. Il salue en outre les programmes de formation et les ateliers sur les droits de l’enfant actuellement mis en œuvre mais est préoccupé par le fait qu’aucun programme n’a été élaboré pour former aux dispositions du Protocole facultatif les personnes qui travaillent pour et/ou avec des enfants, en particulier les militaires, les membres des forces de l’ordre, le personnel chargé de la surveillance des frontières, les agents des services de l’immigration, les travailleurs sociaux et les personnels médicaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie de diffuser largement les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants et de leur famille, par l ’ intermédiaire notamment de programmes scolaires, de campagnes de sensibilisation et de programmes de formation à long terme sur les mesures de prévention et sur les effets néfastes de toutes les infractions visées dans le Protocole. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de mettre en place des programmes de formation pour toutes les personnes qui travaillent pour et/ou avec des enfants, en particulier les militaires, les membres des forces de l ’ ordre, le personnel chargé de la surveillance des frontières, les agents des services de l ’ immigration, les travailleurs sociaux et les personnels médicaux.

IV.Prévention

Écoles militaires et académies militaires

Le Comité constate avec préoccupation que les enfants de moins de 18 ans inscrits dans des écoles militaires spécialisées ou dans des académies militaires supérieures peuvent être soumis à la discipline et aux sanctions militaires et que la discipline n’est pas appliquée d’une manière qui respecte la dignité de l’enfant. Le Comité est en outre préoccupé par les points suivants:

a)L’absence de données indiquant le nombre d’écoles militaires spécialisées et d’académies militaires supérieures dans l’État partie, et l’absence de données ventilées (par sexe, âge, région, zone rurale/urbaine et origine sociale et ethnique) sur les élèves inscrits dans les écoles et les académies militaires;

b)Le fait que les enfants de moins de 18 ans n’aient pas accès à un mécanisme de plainte et d’enquête indépendant.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De fournir de manière systématique des informations et des données indiquant le nombre d ’ écoles militaires spécialisées et d ’ académies militaires supérieures dans l ’ État partie ainsi que le nombre d ’ enfants inscrits dans les écoles et les académies militaires;

b) De créer un mécanisme de plainte et d ’ enquête indépendant .

V.Interdiction et questions connexes

Le Comité est préoccupé par le fait que l’enrôlement et l’utilisation de personnes de moins de 18 ans dans des hostilités, par les forces armées de l’État ou par des groupes armés non étatiques, ne sont pas expressément incriminés dans la législation de l’État partie. Il relève également avec préoccupation que l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans ne constitue pas un crime de guerre dans la législation de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer dans sa législation une disposition interdisant et incriminant expressément l ’ enrôlement et l ’ utilisation de personnes de moins de 18 ans dans des hostilités par les forces armées de l ’ État et par des groupes armés non étatiques . Il lui recommande en outre de définir et de punir l ’ enrôlement d ’ enfants de moins de 15 ans en tant que crime de guerre et d ’ envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (2000).

Compétence extraterritoriale

Le Comité est préoccupé par le fait que, en vertu de l’article 8 du Code pénal, la condition de la double incrimination aux fins de l’engagement de poursuites au niveau national pour des infractions qui auraient été commises à l’étranger, empêche de poursuivre les auteurs des infractions visées à l’article premier et à l’article 2 du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie, lorsqu ’ il exerce sa compétence extraterritoriale, de supprimer la condition de la double incrimination aux fins de l ’ engagement de poursuites pour les infractions visées à l ’ article premier et à l ’ article 2 du Protocole facultatif.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité s’inquiète de ce qu’il n’existe pas de mécanisme permettant de repérer rapidement les enfants réfugiés, demandeurs d’asile et migrants qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger. Il regrette également le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De dispenser à tous les professionnels travaillant avec et/ ou pour les enfants, en particulier au x agents des services de l ’ immigration, aux membres des forces de l ’ ordre, aux juges, aux procureurs, aux travailleurs sociaux et aux professionnels de la santé, une formation systématique au repérage précoce des enfants migrants, réfugiés et demandeurs d ’ asile qui pourraient avoi r été enrôlés pour participer à un conflit armé ;

b) De recueillir des données détaillées sur ces enfants, ventilées par âge, sexe et nationalité ;

c) De prendre toutes les mesu res voulues pour que ces enfants bénéficient d ’ une réadaptation physique et psychologique et aient accès à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale .

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et à favoriser la coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et les autres organismes compétents des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Exportation d’armes et aide militaire

Le Comité est préoccupé par le fait que l ’ État partie ne s ’ est pas doté d ’ une législation interdisant le commerce , l ’ exportation et/ou le transit d ’ armes, y compris d ’ armes légères et de petit calibre, ainsi que la fourniture d ’ une assistance militaire à des pays où des enfants pourraient être enrôlés pour participer à des conflits armés .

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De promulguer une loi interdisant la vente ou la contrebande, l’exportation et/ou le transit d’armes, y compris d’armes légères et de petit calibre, ainsi que la fourniture d’une aide militaire à des pays où des enfants pourraient être enrôlés dans des conflits armés;

b)D’envisager de ratifier le Traité sur le commerce des armes (entré en vigueur le 24décembre 2014), qui réglemente le commerce international des armes classiques et interdit aux États d’exporter de telles armes vers des pays où ils savent que ces armes seront utilisées pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de mieux assurer la réalisation de s droits de l ’ enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications .

IX.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Président, aux ministères concernés, au Parlement, à la Cour constitutionnelle et aux autorités régionales et locales, pour examen et suite à donner .

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie ainsi que les présentes observations finales soient largement diffusés, y compris (mais pas exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi .

X.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de fournir de plus amples informations sur l ’ application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant , au plus tard le 28 janvier 2018 , en application de l ’ article 44 de la Convention.