Nations Unies

CRC/C/OPAC/BFA/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

26 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport initial du Burkina Faso soumis en application de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, adoptées par le Comité à sa soixante-deuxième session(14 janvier‑1er février 2013)

Le Comité a examiné le rapport initial du Burkina Faso (CRC/C/OPAC/BFA/1) à ses 1766e et 1767e séances (voir CRC/C/SR.1766 et 1767), le 21 janvier 2013, et a adopté à sa 1784e séance, le 1er février 2013, les observations finales ci-après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif et les réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/BFA/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec les observations finales relatives aux troisième et quatrième rapports périodiques au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, soumis en un seul document (CRC/BFA/CO/3-4), ainsi qu’avec celles relatives au rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/BFA/CO/1, 2013).

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille favorablement les mesures législatives ci-après:

a)Le décret présidentiel no 2009-894/PRES, portant promulgation de la loi no 052‑2009/AN du 3 décembre 2009 qui incorpore le Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans le droit burkinabè;

b)La loi no 037-2008/AN du 29 mai 2008, en vertu de laquelle aucun individu âgé de moins de 18 ans ne peut se faire volontairement enrôler dans les forces armées nationales, et le décret no 560 du 5 juillet 2012, qui porte à 20 ans l’âge minimum de la conscription.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feux, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en mai 2002.

III.Mesures d’application générales

Coordination

Le Comité note que le secrétariat permanent du Conseil national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant collabore à la mise en œuvre du Protocole facultatif avec ses antennes décentralisées et avec le Ministère de la défense, mais il est préoccupé par l’absence d’informations sur les ressources de ce secrétariat permanent et par le manque de coordination efficace entre les différents organismes compétents au niveau national et les antennes régionales décentralisées.

Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure au titre de la Convention ( CRC/C/BFA/CO/3-4, par. 11, 2010 ) préconisant que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir la coordination efficace des mesures de mise en œuvre du Protocole facultatif, y compris avec les agences décentralisées, et pour allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au mécanisme de coordination. Il invite l ’ État partie à communiquer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion et sensibilisation

S’il prend note des efforts que fait l’État partie pour diffuser le Protocole facultatif, notamment avec la publication de supports d’information sur les droits de l’enfant qui font référence au Protocole facultatif, le Comité constate avec préoccupation que ces actions visent essentiellement les forces armées nationales et ne sont pas suffisamment dirigées vers les enfants eux-mêmes. Il constate en outre que les principes et dispositions du Protocole facultatif sont peu connus du grand public.

Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour diffuser largement les principes et dispositions du Protocole facultatif auprès de la population en général et des enfants en particulier, notamment en associant davantage les médias aux actions de sensibilisation .

Formation

Le Comité note qu’une formation sur les droits de l’enfant a été organisée à l’intention des députés et une formation sur les droits de l’enfant et le droit international humanitaire a été dispensée aux membres des forces armées à tous les niveaux, mais il regrette que les programmes de formation suivis par les militaires et les agents des forces de l’ordre, notamment ceux qui prennent part à des opérations internationales de maintien de la paix, ne traitent pas spécifiquement des dispositions du Protocole facultatif.

Le Comité recommande que le Protocole facultatif soit systématiquement étudié dans le cadre de la formation dispensée à tous les groupes professionnels concernés, en particulier les membres des forces armées et des forces internationales de maintien de la paix, les agents des forces de l ’ ordre et des services d ’ immigration, les procureurs, les avocats, les juges, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels des médias et les agents des autorités locales et de district.

Données

Le Comité regrette l’absence de données sur les enfants victimes d’actes visés par le Protocole facultatif, en particulier sur les enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants et non accompagnés relevant de sa juridiction susceptibles d’avoir été enrôlés ou d’avoir pris part à des hostilités.

À la lumière des observations finales qu ’ il a formulées au titre de la Convention (CRC/C/BFA/CO/3-4, par. 19, 2010), le Comité recommande à l ’ État partie de créer un mécanisme permettant de collecter des données exhaustives, ventilées par sexe, âge, nationalité, origine ethnique et situation socioéconomique, dans tous les domaines liés à la mise en œuvre du Protocole facultatif, de manière, en particulier, à identifier et enregistrer tous les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés, migrants et non accompagnés relevant de sa juridiction.

IV.Prévention

Prévention de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures suffisantes pour prévenir l’enrôlement d’enfants burkinabè par les groupes armés non étatiques présents près de sa frontière avec le Mali.

Le Comité engage l ’ État partie à prendre des mesures plus efficaces pour faire en sorte qu ’ aucun enfant se trouvant sur son territoire ne soit enrôlé par des groupes armés non étatiques du fait du conflit armé en cours au Mali, en particulier en assurant un contrôle strict de ses frontières et en mobilisant les communautés. L ’ État partie devrait envisager de solliciter l ’ assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF), entre autres.

Procédures de vérification de l’âge

Le Comité note que l’État partie a institué des procédures de vérification de l’âge des recrues à l’incorporation mais il demeure préoccupé par le faible taux d’enregistrement des naissances dans l’État partie et par l’absence de mesures pour la détection des faux documents, qui peuvent nuire à l’efficacité de ces procédures.

Le Comité insiste sur l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances dans l ’ optique de la prévention et réaffirme la recommandation qu ’ il a formulée au titre de la Convention (CRC/C/BFA/CO/3-4, par. 35, 2010) préconisant de poursuivre et intensifier les actions menées en vue d ’ établir un système national d ’ enregistrement gratuit des naissances pour tous les enfants. Il appelle en outre l ’ État partie à prendre toutes les mesures requises pour détecter l ’ usage de faux documents par des individus âgés de moins de 18 ans.

Écoles militaires

Le Comité note que le Prytanée militaire du Kadiogo recrute aussi bien des garçons que des filles, mais il constate avec préoccupation que les filles pourraient y être victimes d’une inégalité de traitement et d’une discrimination sexiste. Il note aussi que le Ministère de l’éducation a approuvé les programmes et cours du Prytanée et en a nommé les enseignants, mais que cet établissement reste placé sous la supervision des forces armées nationales, et rend donc directement compte au Ministère de la défense. De plus, si les enfants qui y sont inscrits ne sont pas formés à l’usage des armes, le Comité note avec inquiétude que la discipline militaire est au programme des enfants dès l’âge de 11 ans et que les élèves n’ont accès à aucun mécanisme de plainte.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures requises pour garantir l ’ égalité de traitement entre garçons et filles;

b) De faire en sorte que le Prytanée militaire du Kadiogo, qui à l ’ heure actuelle relève de la responsabilité du Ministère de la défense, soit placé sous la supervision du Ministère de l ’ éducation;

c) De veiller à ce que les élèves du Prytanée militaire du Kadiogo soient considérés comme des civils jusqu ’ à leur dix-huitième anniversaire;

d) De mettre sur pied un système adapté pour assurer aux enfants l ’ accès à des mécanismes de plainte et d ’ enquêtes indépendants et tenant compte du genre qui accorde la même protection aux filles et aux garçons.

Droits de l’homme et éducation à la paix

S’il note que la réforme du système éducatif entreprise en 2007 a abouti à l’introduction de l’éducation civique et de cours sur les droits de l’enfant dans les programmes scolaires, le Comité est préoccupé par l’absence de programme visant à faire une place systématique à l’éducation à la paix dans les programmes scolaires.

Faisant référence à son Observation générale n o  1 sur les buts de l ’ éducation (CRC/GC/2001/1), le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de faire une place à l ’ éducation à la paix dans les programmes scolaires à tous les niveaux dans le cadre de sa réforme de l ’ éducation, en faisant référence en particulier aux infractions visées par le Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité note avec satisfaction que la législation de l’État partie interdit l’enrôlement d’individus de moins de 18 ans dans les forces armées nationales, en toutes circonstances et sans aucune exception, et que le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code de la justice militaire sont en cours de relecture. Il salue en outre l’adoption d’une loi globale définissant la conscription ou l’enrôlement de mineurs de 18 ans ou leur utilisation dans des hostilités comme des crimes de guerre (loi no 052-2009/AN du 3 décembre 2009, promulguée en 2010 par le décret présidentiel no 2009-894/PRES). Le Comité est toutefois vivement préoccupé par le fait que l’État partie ne considère pas cette législation comme applicable à l’heure actuelle. Il regrette de plus que la législation de l’État partie ne comporte pas:

a)De disposition expresse définissant l’infraction d’enrôlement et d’utilisation de mineurs de 18 ans dans les forces armées nationales en temps de paix;

b)De définition et d’interdiction expresses de l’enrôlement et de l’utilisation de mineurs de 18 ans par des groupes armés non étatiques ou des sociétés de sécurité;

c)De définition de la participation directe aux hostilités.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer effectivement la loi n o  052-2009/AN du 3 décembre 2009;

b) De hâter le processus de révision de son code pénal en vue de le modifier rapidement pour incriminer expressément l ’ enrôlement et l ’ utilisation d ’ individus de moins de 18 ans dans les forces armées nationales, les groupes armés non étatiques et les sociétés de sécurité, ainsi que la tentative, la récidive et la complicité en la matière, et définir la participation directe aux hostilités.

Compétence extraterritoriale et extradition

Le Comité note avec satisfaction que l’article 15 de la loi no 052-2009/AN du 3 décembre 2009 permet à l’État partie d’établir et d’exercer sa compétence universelle pour le crime de guerre que constitue le fait d’enrôler ou de recruter des mineurs de 18 ans ou de les faire prendre part à des hostilités, mais il regrette que ce texte de loi soit prétendument inapplicable. Il regrette aussi la position de l’État partie selon laquelle ses accords de coopération judiciaire en matière de procédure pénale et d’extradition ne sont pas applicables au motif que les actes visés par le Protocole facultatif ne constituent pas des infractions pénales dans l’État partie. Le Comité s’inquiète en outre du fait que l’extradition soit subordonnée au critère de la double incrimination.

Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre l ’ État partie à même d ’ exercer effectivement sa juridiction universelle pour les infractions visées par le Protocole facultatif, notamment de poursuivre les auteurs de telles infractions qui pourraient se trouver sur son territoire suite au conflit armé au Mali voisin;

b) Considérer les actes visés par le Protocole facultatif comme des infractions pénales et les faire ainsi entrer dans le champ des accords d ’ extradition;

c) Abolir la règle de la double incrimination.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie indiquant que sur son territoire il n’y a pas d’enfants victimes d’actes interdits par le Protocole facultatif. Cependant, compte tenu du conflit en cours au Mali voisin, qui, comme la délégation de l’État partie l’a reconnu, a entraîné une hausse du nombre d’enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants relevant de sa juridiction, le Comité constate avec préoccupation qu’aucun mécanisme permettant de repérer les enfants susceptibles d’avoir été enrôlés ou d’avoir participé à un conflit armé à l’étranger n’est en place. Le Comité est en outre préoccupé par le manque de prise de conscience dans l’État partie de la nécessité de repérer ces enfants.

Rappelant les obligations découlant de l ’ article 7 du Protocole facultatif, le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures requises pour identifier les enfants susceptibles d ’ avoir été impliqués dans un conflit armé et à:

a) Créer un mécanisme pour repérer les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés ou migrants qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé à l ’ étranger et dispenser au personnel chargé de cette tâche une formation sur les droits de l ’ enfant, la protection de l ’ enfance et les techniques d ’ entretien respectueuses des enfants;

b) Mettre sur pied un mécanisme de surveillance permettant aux familles de signaler les cas d ’ enfants disparus;

c) Mettre à la disposition des enfants qui ont été ou pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé une assistance appropriée en vue de leur rétablissement physique et psychologique et de leur réinsertion sociale.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité juge positive s la contribution et la participation de l ’ État partie aux opérations de maintien de la paix de l ’ ONU et de l ’ Union africaine. Il lui recommande en outre de poursuivre et resserrer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

VIII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement, aux ministères concernés −  dont le Ministère de la défense  − ainsi qu ’ à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites présentés par l ’ État partie ainsi que les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés, y compris mais pas exclusivement sur l ’ Internet, à l ’ intention du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience à propos de la Convention, de sa mise en œuvre et de son suivi.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des renseignements complémentaires sur l ’ application du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, conformément à l ’ article 44 de la Convention, attendu le 29 septembre 2017 au plus tard.