Observations finales concernant le rapport soumis par le Honduras en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport initial du Honduras (CRC/C/OPAC/HND/1) à sa 1996e séance (voir CRC/C/SR.1996), tenue le 21 mai 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2024e séance (voir CRC/C/SR.2024), tenue le 5 juin 2015.

Le Comité salue la soumission par l’État partie de son rapport initial et de ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/HND/Q/1/Add.1). Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées le 5 juin 2015, au sujet du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques (CRC/C/HND/CO/4-5) sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et du rapport initial sur l’application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/HND/CO/1).

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion auxdits instruments :

a)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en avril 2008;

b)La Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions, d’explosifs et d’autres matériels connexes, en octobre 2004.

III.Mesures d’application générales

Législation

Le Comité se félicite de la primauté des instruments internationaux, notamment du Protocole facultatif, sur le droit interne en cas d’incompatibilité. Il relève toutefois avec préoccupation que certaines dispositions du Protocole facultatif n’ont pas encore été intégrées dans la législation interne de l’État partie, ce qui entrave leur mise en œuvre effective.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa législation nationale en vue d ’ y intégrer pleinement les dispositions du Protocole facultatif.

Coordination

Le Comité se félicite de la création, en 2014, de la Direction de l’enfance, de l’adolescence et de la famille (DINAF) et d’un organe spécialisé dans la prévention de la violence, mais regrette l’absence de renseignements sur la manière dont la DINAF coordonne l’action des différents organismes qui participent à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Se référant aux observations finales qu ’ il a formulées concernant l ’ application de la Convention (CRC/C/HND/CO/4-5, par. 13), le Comité invite instamment l ’ État partie à donner à la DINAF les moyens de prendre des initiatives et d ’ exercer une supervision générale en ce qui concerne le suivi et l ’ évaluation des activités liées aux droits de l ’ enfant qui sont entreprises en application de la Convention et des Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, au niveau intersectoriel comme à l ’ échelon national et local et au niveau des États. L ’ État partie devrait veiller à ce que cet organe de coordination dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Politiques et stratégie globales

Le Comité est préoccupé par le fait que l’application de la Politique nationale relative à la prévention de la violence contre les enfants et les jeunes qui a été adoptée en 2013 est extrêmement limitée pour ce qui est de la prévention de la violence armée et de la participation des organismes publics, des autorités locales et des organisations de la société civile compétents.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ affecter les ressources humaines, financières et techniques nécessaires à la mise en œuvre effective de la Politique nationale relative à la prévention de la violence contre les enfants et les adolescents, et de lutter spécifiquement contre tous les problèmes liés à la violence armée.

Formation, diffusion et sensibilisation

Le Comité prend note avec préoccupation de l’information donnée par l’État partie selon laquelle les programmes de sensibilisation portant sur le Protocole facultatif ne sont pas considérés comme une priorité, tout en accueillant avec satisfaction le lancement d’activités de formation destinées aux membres des forces armées, de la police et du système judiciaire sur cet instrument dans le cadre des programmes universitaires relatifs au droit international humanitaire.

Se référant au paragraphe 2 de l’article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire connaître les principes et les dispositions de cet instrument au grand public, et en particulier aux agents responsables du maintien de l’ordre, aux militaires, aux agents des organismes chargés des migrations, aux professionnels de la santé, aux enseignants, aux journalistes et aux enfants et à leur famille .

Données

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet des systèmes de gestion qui ont été mis en place ou dont la création est prévue afin de gérer les informations relatives aux enfants. Toutefois, il est préoccupé par l’absence de système global de collecte de données couvrant toutes les questions liées au Protocole facultatif.

Renvoyant aux observations finales qu ’ il a formulées au sujet de la mise en œuvre de la Convention (CRC/C/HDN/CO/4-5, par. 17), le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un mécanisme global permettant de recueillir des données couvrant tous les domaines visés par le Protocole facultatif, d ’ analyser ces données et de réaliser des études d ’ impact. Les données devraient être ventilées par sexe, âge, zone géographique et situation socioéconomique , notamment , des enfants qui sont particulièrement exposés à des pratiques contraires aux dispositions du Protocole facultatif.

IV.Prévention

Recrutement forcé

Bien que l’État partie ait indiqué qu’aucun enfant n’avait été recruté de force dans ses forces armées, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de recrutement forcé d’enfants après le coup d’État de 2009.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de diligenter des enquêtes sur tous les cas de recrutement d ’ enfants dans les forces armées, et le prie de lui fournir dans son prochain rapport des renseignements sur les résultats de ces enquêtes et sur les conclusions y figurant, y compris les sanctions prises contre des auteurs d ’ infractions et les réparations accordées aux victimes mineures.

Écoles militaires

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet du fonctionnement des écoles militaires et des écoles d’enseignement mixte civilomilitaire. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les élèves de l’enseignement secondaire (sixième à neuvième année) du Liceo Militar del Norte qui s’engagent en tant qu’officiers de réserve sont formés à l’utilisation des armes. En outre, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les étudiants n’ont pas accès aux mécanismes de plainte indépendants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir l ’ éducation non militaire des enfants, de veiller à ce qu’ils ne soient pas formés à l ’ utilisation des armes, et de mettre en place un mécanisme indépendant habilité à examiner les plaintes des enfants fréquentant des établissements d ’ enseignement mixte civilo militaire.

Formation militaire

Le Comité reste vivement préoccupé par le programme « Gardiens de la patrie » (Guardianes de la Patria) que le Gouvernement hondurien a mis en place et au titre duquel des milliers d’enfants, dont certains n’ont pas plus de 7 ans, participent aux activités d’unités militaires et à des activités menées dans des installations de l’armée. Il considère que ce programme n’est compatible ni avec l’objet ni avec les buts du Protocole facultatif et qu’il ne peut qu’entraîner une augmentation de la violence chez les enfants et les adolescents et une militarisation toujours plus marquée de la société hondurienne.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de mettre fin au programme « Gardiens de la Pa t r ie  » et de faire en sorte que les enfants et les adolescents ne participent ni aux activités des bataillons ni à celles qui sont menées dans des installations militaires, et de promouvoir plutôt la participation des milieux communautaires et éducatifs à la formation des valeurs et la prévention de la violence. L ’ État partie devrait également mettre en place un mécanisme de suivi pour venir en aide aux enfants et adolescents qui participent à ce programme.

Contrôle des armes

Le Comité prend note de l’existence d’un projet de loi sur le contrôle des armes au Honduras, mais regrette que son adoption ait pris du retard. En outre, il note avec préoccupation qu’aucune information n’a été fournie sur les mesures spécifiques qui ont été prises pour faire en sorte que les enfants et les adolescents n’aient pas accès aux armes à feu et pour récupérer les armes à feu qui sont actuellement utilisées par des enfants et des adolescents dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ approuver rapidement la réforme de la loi sur le port, l ’ utilisation et la possession d ’ armes à feu et de munitions. En outre, il prie l ’ État partie de lui fournir des renseignements sur toute autre mesure qui aurait été prise pour veiller à ce que les enfants et les adolescents n ’ aient pas accès à des armes à feu et pour récupérer les armes à feu qui circulent dans le pays et qui sont utilisées par des enfants et des adolescents.

Éducation aux droits de l’homme et à la paix

Le Comité est préoccupé par le soutien insuffisant accordé à la promotion d’une culture de paix en tant qu’élément obligatoire des programmes d’enseignement primaire et secondaire, et dans les programmes de formation des enseignants.

Se référant à son observation générale n o  1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire l ’ éducation aux droits de l ’ homme et à la paix dans les programmes d ’ enseignement de toutes les écoles et dans les programmes de formation des enseignants, en veillant à ce qu ’ il soit fait expressément référence au Protocole facultatif.

V.Interdictions et matières connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Tout en notant que la Constitution fixe à 18 ans l’âge minimum du service militaire et de l’engagement dans les services de police, le Comité note avec préoccupation que la législation n’incrimine pas expressément le recrutement forcé et l’utilisation d’enfants par les forces armées. Le Comité est également vivement préoccupé par le fait que la loi sur le Service militaire (Ley del Servicio Militar) fixe à 15 ans l’âge minimum pour le recrutement dans les forces armées en période de conflit armé international. En outre, il note avec préoccupation que le recrutement d’enfants de moins de 15 ans ne constitue pas un crime de guerre dans la législation de l’État partie.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les enfants ne soient pas recrutés dans les forces armées. L ’ État partie devrait également interdire expressément , ériger en infraction pénale le recrutement et l ’ utilisation d ’ enfants de moins de 18 ans par les forces armées et définir et punir comme des crimes de guerre le recrutement d ’ enfants âgés de moins de 15 ans.

Interdiction du recrutement par des groupes armés non étatiques

Le Comité regrette que l’État partie n’ait toujours pas adopté de disposition interdisant expressément le recrutement d’enfants par des groupes armés non étatiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation pour incriminer expressément toutes les formes de recrutement et d ’ utilisation d ’ enfants de moins de 18 ans par des groupes armés non étatiques.

Extradition

Le Comité prend note de l’obligation qui incombe à l’État partie au titre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) de remettre à la Cour toute personne convoquée par cette juridiction pour répondre de crimes commis contre des enfants. Il regrette cependant que l’État partie n’ait pris aucune mesure pour permettre l’extradition de personnes ayant commis des infractions visées par le Protocole facultatif mais ne relevant pas du mandat de la Cour pénale internationale.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures afin de modifier la loi sur l ’ extradition de façon à permettre l ’ extradition des auteurs de crimes visés par le Protocole facultatif.

VI.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF) et d ’ autres organismes des Nations Unies dans la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement, aux ministères concernés, dont le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les observations finales s ’ y rappo rtant, soient largement diffusé s, notamment – mais non exclusivement – par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications, afin de mieux promouvoir la réalisation des droits de l ’ enfant.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations sur l ’ application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, conformément à l ’ article 44 de la Convention.