Nations Unies

CRC/C/OPAC/AUS/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

11 juillet 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Soixantième session

29 mai-15 juin 2012

Examen des rapports soumis par les États parties en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Australie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Australie (CRC/C/OPAC/AUS/1) à sa 1709e séance (CRC/C/SR.1709), le 5 juin 2012, et a adopté à sa 1725e séance (CRC/C/ SR.1725), le 15 juin 2012, les observations finales ci-après.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial soumis par l’État partie au titre du Protocole facultatif ainsi que les réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CRC/C/OPAC/Q/1/Add.1), et se félicite du dialogue positif mené avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées au sujet du quatrième rapport périodique soumis par l’État partie au titre de la Convention (CRC/C/AUS/CO/4) et du rapport initial qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/AUS/CO/1). Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas suivi les directives révisées pour élaborer son rapport.

II.Observations générales

Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des modifications qui ont été apportées en 2005 et 2008 à l’instruction (générale) de la défense PERS 33-4 s’appliquant aux membres des forces de défense australiennes âgés de moins de 18 ans .

III.Mesures d’application générales

Place du Protocole dans le droit interne

5.Le Comité s’inquiète que l’État partie n’ait pas pris des mesures suffisantes pour incorporer les dispositions du Protocole facultatif dans son droit interne.

6. Le Comité prie instamment l ’ État partie de revoir sa législation interne en vue d ’ y incorporer pleinement les dispositions du Protocole facultatif, conformément à l ’article  6 du Protocole .

Coordination

7.Le Comité prend note des informations que lui a communiquées l’État partie, qui indiquent que les forces de défense australiennes sont responsables des pratiques de recrutement et des programmes de formation militaires. Il s’inquiète cependant qu’aucun organe ne soit chargé de coordonner la mise en œuvre du Protocole facultatif dans tout le pays, y compris au niveau des États et des territoires, afin qu’elle soit globale et efficace.

8. Le Comité engage l ’ État partie à désigner l ’ organe gouvernemental ayant la responsabilité générale de la mise en œuvre du Protocole facultatif et à mettre en place un mécanisme institutionnel en vue d ’ assurer une coordination efficace entre les ministères et d ’ autres organes et partenaires gouvernementaux en ce qui concerne l ’ application du Protocole facultatif.

Formation

9.Le Comité regrette que les dispositions du Protocole facultatif ne soient pas abordées dans la formation dispensée aux membres des forces armées et des groupes professionnels travaillant avec les enfants.

10. Le Comité encourage l ’ État partie à dispenser des formations au sujet du Protocole facultatif à l ’ ensemble des membres de ses forces armées, en particulier ceux qui participent à des opérations internationales, ainsi qu ’ aux autres groupes professionnels qui travaillent auprès des enfants, notamment les autorités responsables des enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés, les policiers, les avocats, les juges, les juges des tribunaux militaires, les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux et les journalistes.

Données

11.Le Comité prend note des statistiques communiquées par l’État partie sur le nombre d’enfants participant au programme des cadets. Il regrette cependant que ces données ne soient pas ventilées par sexe, âge, zone rurale/urbaine et origine ethnique. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence de données et statistiques relatives aux enfants réfugiés ou demandeurs d’asile provenant de pays dans lesquels ils sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou impliqués dans un conflit armé et/ou des hostilités.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que des données sur le nombre d ’ enfants de moins de 18 ans engagés volontaires dans les forces armées australiennes et dans le programme des cadets, ventilées par sexe et origine ethnique, soient rendues publiques. Le Comité recommande par ailleurs à l ’ État partie de collecter systématiquement des données sur les enfants réfugiés, demandeurs d ’ asile et migrants relevant de sa juridiction susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou impliqués dans un conflit armé et/ou des hostilités.

IV.Prévention

Participation directe

13.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l’instruction de la défense de 2008 n’interdise de faire participer des enfants de moins de 18 ans à des hostilités que dans la mesure où cette interdiction n’a pas d’incidence négative sur la conduite des opérations. Le Comité note avec inquiétude que l’application de cette disposition pourrait amener des enfants de moins de 18 ans à participer directement à des hostilités.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser son droit interne et ses procédures militaires afin de garantir que les membres des forces armées qui sont âgés de moins de 18 ans ne participent pas directement à des hostilités, conformément à l ’ article premier du Protocole facultatif. À cet effet, le Comité recommande en outre à l ’ État partie de définir les notions de «participation directe» et d ’ «hostilités» dans sa législation interne pertinente.

15.Le Comité note que l’État partie a adopté, dans le cadre de son instruction de la défense de 2008, une politique instituant un devoir de protection. Il regrette toutefois qu’aucune information ne soit communiquée sur l’application de cette politique.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figure r d ans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur l ’ application de la politique instituant un devoir de protection et sur son efficacité.

Engagement volontaire

17.Le Comité note que l’âge minimum d’engagement volontaire dans les forces armées australiennes est de 17 ans.

18. Afin de favoriser et de renforcer la protection des enfants au moyen d ’ une norme juridique plus exigeante, le Comité encourage l ’ État partie à revoir l ’ âge minimum d ’ engagement volontaire dans les forces armées australiennes pour le relever à 18 ans.

Programme des cadets

19.Tout en reconnaissant que les membres du programme des cadets des forces de défense australiennes ne sont pas membres des forces de défense australiennes, le Comité note avec préoccupation que les enfants du programme des cadets participent à des activités s’apparentant à des entraînements militaires, notamment des exercices et des défilés, et qu’ils manient des armes dès un jeune âge. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de ce que les activités de recrutement que mènent les forces armées australiennes dans les écoles en proposant aux enfants des stages professionnels pourraient pousser abusivement les jeunes, en particulier les jeunes appartenant à des groupes marginalisés ou d’origine linguistique différente, à se porter volontaires sans que leur consentement soit donné en toute connaissance de cause.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De revoir le fonctionnement de son programme des cadets pour veiller à ce que les activités de ce programme, en particulier les activités de type militaire, soient adaptées à l ’ âge des recrues, et d ’ établir des directives claires sur l ’ âge requis pour participer à ces activités, en tenant dûment compte de leurs effets psychiques et physiques sur l ’ enfant;

b) D ’ assurer un contrôle efficace et indépendant du programme des cadets afin de garantir les droits et le bien-être des enfants qui y sont enrôlés et veiller à ce que les enfants, leurs parents et les autres groupes concernés soient bien informés de la procédure de recrutement et puissent faire entendre leurs préoccupations ou soumettre leurs plaintes;

c) Interdire le maniement et l ’ usage d ’ armes à feu et d ’ explosifs pour tous les enfants de moins de 18 ans, dans l ’ esprit du Protocole facultatif;

d) Veiller à ce que le recrutement ne vise pas exagérément les jeunes d ’ origine linguistique différente et/ou de groupes marginalisés, et prendre des dispositions pour qu ’ ils puissent donner leur consentement en connaissance de cause;

e) Expliquer comment les activités des corps de cadets cadrent avec les buts de l ’ éducation énoncés à l ’ article 29 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et dans l ’ Observation générale n o  1 (2001) du Comité sur les buts de l ’ éducation.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

21.Le Comité note avec satisfaction que la législation nationale criminalise le recrutement d’enfants de moins de 18 ans par des groupes armés ou des groupes paramilitaires. En revanche, il s’inquiète qu’en ce qui concerne les forces armées nationales, seul le recrutement d’enfants de moins de 15 ans soit érigé en infraction pénale. En outre, le Comité juge préoccupant que l’incrimination des actes interdits dans la législation se limite au recrutement dans le cadre d’un conflit armé et ne s’applique pas en temps de paix.

22.Le Comité apprécie les renseignements complémentaires adressés par l’État partie au sujet du recours à des sociétés militaires et de sécurité privées et du recrutement d’enfants par ces sociétés.

23. Pour renforcer encore la prévention des infractions dans le cadre du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de:

a) Modifier le Code pénal afin d ’ interdire expressément et d ’ ériger en infraction pénale le recrutement et l ’ utilisation d ’ enfants de moins de 18 ans par les forces armées et les groupes armés;

b) Renforcer les dispositions du Code pénal pour faire en sorte que le recrutement illégal d ’ enfants par les forces armées et les groupes armés soient considéré comme une infraction pénale en temps de paix comme en temps de guerre;

c) Procéder à un examen complet de toute la législation concernant les enfants et prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser pleinement sa législation et ses politiques nationales, y compris l ’ instruction de la défense de 2008, avec les principes et dispositions du Protocole facultatif;

d) Garantir l ’ existence d ’ une réglementation nationale sur la surveillance et la responsabilisation des sociétés militaires et de sécurité privées et faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises par l ’ État partie à cet effet .

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

24.S’il juge positive la modification apportée par l’État partie à sa loi sur la réforme de la migration, qui prévoit qu’un mineur ne devrait être mis en détention qu’en dernier ressort, le Comité demeure gravement préoccupé par le fait que les enfants demandeurs d’asile et les enfants réfugiés, y compris ceux qui sont susceptibles d’avoir été recrutés ou impliqués dans des hostilités, continuent d’être couramment détenus dans des centres pour migrants, souvent pendant de longues périodes et sans contrôle juridictionnel. Le Comité est également profondément préoccupé par l’absence de statistiques et de données officielles sur les enfants demandeurs d’asile ou réfugiés dans l’État partie, de même que par l’absence de procédures visant à repérer les enfants victimes des crimes visés par le Protocole facultatif.

25. Compte tenu des obligations de l ’ État partie au titre de l ’ article 7 du Protocole facultatif, le Comité lui demande instamment:

a) D ’ établir un système national de collecte des données et d ’ enregistrement de tous les enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés placés sous sa juridiction;

b) D ’ établir un mécanisme de repérage des enfants, notamment les demandeurs d ’ asile et les réfugiés, qui ont été ou pourraient avoir été impliqués dans des conflits armés à l’étranger , et de faire en sorte que le personnel chargé de repérer ces enfants ait reçu une formation aux droits de l ’ enfant, à la protection de l ’ enfance et aux techniques d ’ entretien adaptées aux enfants;

c) D ’ offrir aux enfants qui ont été ou pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé l ’ assistance nécessaire à leur rétablissement physique et psychologique et à leur réinsertion sociale.

VII.Aide et coopération internationales

26.Le Comité se félicite des contributions que l’État partie apporte à un projet visant le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale des enfants victimes de conflits armés dans les régions Asie-Pacifique et Afrique. Il apprécie par ailleurs l’appui financier que l’État partie apporte aux travaux que mène le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le domaine de la protection des enfants touchés par les conflits armés.

Exportation d’armes

27.Le Comité note avec préoccupation que l’Australie exporte activement des armes, y compris des armes légères et de petit calibre, vers des pays dont on sait qu’ils enrôlent ou utilisent des enfants dans des conflits armés ou des hostilités, ou qui sont susceptibles de le faire. Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’interdise pas expressément la vente d’armes à de tels pays.

28.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire expressément dans sa législation la vente d ’ armes, y compris d ’ armes légères et de petit calibre, à des pays dont on sait qu ’ ils enrôlent ou utilisent des enfants dans des conflits armés ou des hostilités, ou qui sont susceptibles de le faire.

29.Le Comité note que l’État partie a soumis au Sénat en novembre 2010 un projet de loi (d’interdiction des armes à sous-munitions) portant amendement du Code pénal. S’il se félicite des efforts que déploie l’État partie en vue de ratifier la Convention sur les armes à sous-munitions, le Comité s’inquiète de ce que le projet de loi proposé autorise les forces australiennes à prêter leur aide à des activités interdites par la Convention et autorise explicitement le stockage d’armes à sous-munitions et leur transfert par des forces alliées militaires étrangères par le territoire australien. Le Comité s’inquiète aussi de ce que le projet de loi n’interdise pas explicitement l’investissement direct et indirect dans la mise au point ou la production d’armes à sous-munitions.

30.Le Comité demande instamment à l ’ État partie de revoir le projet de loi proposé afin de garantir que les forces australiennes ne part icipent pas à des activités interdites par la Convention sur les armes à sous-munitions, y compris dans des opérations militaires conjointe s . Le Comité recommande par ailleurs que le projet de loi proposé soit modifié de façon à interdire l ’ investissement dans la mise au point ou la production d ’ armes à sous-munitions.

VIII.Suivi et diffusion

31.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant à tous les acteurs pertinents de l ’ État partie, notamment le chef de l ’ État, le Ministère de la défense, les forces de défense australiennes, le Parlement fédéral, le corps des cadets des forces de défense australiennes, le Ministère de l ’ immigration et de la citoyenneté et le Ministère de la santé et du vieillissement, pour examen et suite à donner.

32.Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie ainsi que les observations finales qu ’ il a adoptées soient largement diffusés, y compris (mais non exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

33.Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, conformément à l ’ article 44 de la Convention.