Nations Unies

CRC/C/OPAC/SAU/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

31 octobre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par l’Arabie saoudite en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Arabie saoudite (CRC/C/OPAC/SAU/1) à ses 2331e et 2332e séances (voir CRC/C/SR.2331 et 2332), le 1er octobre 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 2340e séance, le 5 octobre 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/SAU/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant troisième et quatrième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/SAU/CO/3-4), adoptées le 30 septembre 2016, et au sujet du rapport qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SAU/CO/1), adoptées le 5 octobre 2018.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité se félicite que le Protocole facultatif soit considéré comme faisant partie du droit interne. Il note d’autre part avec satisfaction que l’État partie a adhéré en août 2010 au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

5.Le Comité se félicite également des diverses mesures concrètes adoptées dans des domaines intéressant l’application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en particulier :

a)De la déclaration faite par l’État partie lors de son adhésion au Protocole facultatif, par laquelle il a fait savoir que l’âge minimum de l’enrôlement volontaire dans les forces armées était fixé à 17 ans ;

b)De l’approbation des Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés ;

c)De l’adoption de la loi sur la protection de l’enfance (2014) ;

d)De la création du Conseil des affaires familiales en application de la Décision no 443 du Conseil des ministres en date du 25 juillet 2016 ;

e)De la création du service de protection des enfants, chargé de défendre les droits des enfants touchés par le conflit au Yémen et de répondre à leurs besoins.

III.Mesures d’application générales

Coordination

6.Le Comité se félicite que les départements des droits de l’hommedu Ministère de la défense et du Ministère de l’intérieur de l’État partie surveillent la mise en œuvre du Protocole facultatif. Toutefois, il relève avec préoccupation qu’il n’existe pas d’organe spécialement chargé de coordonner les activités contribuant à la mise en œuvre complète et effective du Protocole facultatif dans l’ensemble de l’État partie.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de désigner un organisme public qui assumerait la responsabilité globale de la bonne coordination, entre tous les ministères et autres organismes publics et partenaires, des activités visant à mettre en œuvre le Protocole facultatif. L ’ État partie devrait veiller à ce que cet organe de coordination soit doté de l ’ autorité nécessaire et des ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour s ’ acquitter efficacement de sa mission à tous les niveaux.

Politique et stratégie globales

8.Le Comité relève avec préoccupation qu’il n’existe ni politique ni stratégie globale de mise en œuvre du Protocole facultatif dans l’État partie.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une politique et une stratégie globales de mise en œuvre du Protocole facultatif.

Allocation de ressources

10.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie concernant les ressources budgétaires destinées à soutenir la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il note toutefois avec préoccupation que, comme l’État partie le reconnaît lui-même, il est difficile de déterminer quels sont les postes budgétaires consacrés à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

11. Renvoyant à ses observations finales de 2016 ( CRC/C/SAU/CO/3-4, par.  9) et à son observation générale n o  19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De m odifier ses procédures budgétaires afin de pouvoir déterminer les postes budgétaires consacrés à la mise en œuvre du Protocole facultatif ;

b) De veiller à ce que des ressources ciblées soient spécialement allouées à la mise en œuvre effective du Protocole facultatif dans tous les domaines qu’ il vise ;

c) De veiller à ce que les ressources nationales soient équitablement réparties de manière à protéger les enfants qui sont particulièrement exposés aux infractions visées par le Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

12.Le Comité est conscient des efforts faits par l’État partie pour diffuser largement les principes et dispositions du Protocole facultatif auprès des membres des forces armées, des agents des services de sécurité, des procureurs, des avocats, du personnel de santé et des organisations de la société civile. Toutefois, il regrette que, ces principes et dispositions ne soient pas suffisamment connus des enfants et du grand public, les efforts susmentionnés ne visant pas toutes les parties prenantes.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d’efforts pour diffuser largement les principes et dispositions du Protocole facultatif auprès de la population en général, et des enfants et de leur famille en particulier, notamment en inscrivant le Protocole facultatif dans les programmes scolaires obligatoires et en organisant des campagnes de longue durée associant particulièrement les médias et ayant pour but de sensibiliser aux effets néfastes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et aux mesures préventives visant à les combattre  ;

b) D’adopter dans les meilleurs délais une stratégie nationale d’éducation aux droits de l’ho mme, comme cela a été recommandé dans le cadre du Programme mondial en faveur de l ’ éducation aux droits de l ’ homme, et de veiller à ce que les principes et dispositions du Protocole facultatif y tiennent une place de choix.

Données

14.Le Comité regrette que l’État partie ne collecte pas de données sur les enfants qui fréquentent des écoles militaires, ainsi que sur les enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants, non accompagnés ou séparés de leur famille qui entrent sur le territoire de l’État partie et sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme permettant de collecter de manière exhaustive des données ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique concernant ces enfants, et de form er le personnel nécessaire au bon fonctionnement de ce mécanisme .

Droit à la vie, à la survie et au développement

16.Le Comité prend note des mesures signalées par l’État partie concernant le repérage de cibles militaires dans le conflit armé au Yémen, auquel il participe en tant que chef de la Coalition dite « constituée pour rétablir la légitimité au Yémen », et note également que l’État partie a reconnu, au cours du dialogue, que l’action de la Coalition avait accidentellement fait des victimes parmi les enfants. Le Comité constate avec une vive inquiétude que les enfants restent les premières victimes du conflit en cours au Yémen. En particulier, il est profondément préoccupé par les actes ou omissions imputables à l’État partie, notamment par :

a)Les frappes aériennes menées depuis mars 2015, notamment les frappes menées les 9, 22 et 23 août 2018 à Dahyan, dans le gouvernorat de Saada (nord du pays) et dans le gouvernorat d’Al-Hodeïda (ouest du pays), qui auraient causé la mort d’au moins 1 248 enfants (ce qui représente presque 20 % du nombre total de civils tués dans des frappes aériennes) et en auraient blessé au moins 1 284 autres ;

b)Les opérations militaires qui ont des conséquences tragiques pour les civils, en particulier les enfants, qui sont tués, mutilés, traumatisés ou laissés orphelins, et ce d’autant plus que ces opérations militaires sont menées dans le contexte d’un blocus aérien et naval qui a créé une situation d’insécurité alimentaire pour des millions de personnes, dont une grande proportion d’enfants ;

c)Les attaques menées contre des cibles civiles, notamment des habitations, des installations médicales, des écoles, des fermes, des lieux où sont célébrés des mariages, des marchés ou des véhicules dans des zones d’affluence, en violation des Conventions de Genève relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux, attaques que continuent de perpétrer toutes les parties au conflit dans tout le Yémen, particulièrement au moyen d’armes à sous-munitions, et qui font toujours des morts et des blessés parmi les enfants ;

d)L’efficacité limitée du service de protection des enfants établi au centre de commandement de la Coalition constituée pour rétablir la légitimité au Yémen et chargé d’atténuer les conséquences qu’ont les opérations militaires au Yémen sur les enfants ;

e)Le fait qu’aucune mesure n’ait été prise pour évaluer la situation sur le terrain à la suite des frappes aériennes menées au Yémen.

17. Le Comité réitère la recommandation qu ’ il a formulée précédemment au titre de la Convention ( CRC/C/SAU/CO/3-4, par. 39) et rappelle à l ’ État partie que c’est à lui qu ’ il incombe au premier chef de protéger les civils, en particulier les enfants, dont la sécurité devrait être une priorité dans le cadre de toutes les frappes aériennes et autres opérations militaires menées par la Coalition constituée pour rétablir la légitimité au Yémen, qu ’ il dirige, et qu’il devrait empêcher qu’il y ait des victimes civiles. Le Comité lui rappelle également que, conformément au Protocole facultatif, des conditions de paix et de sécurité sont essentielles à la pleine protection des enfants. En conséquence, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De mettre fin aux frappes aériennes ;

b) De donner la priorité à la protection des enfants dans toutes les opérations militaires menées au Yémen, de prendre des mesures de précaution fermes et concrètes et de prévenir l’usage aveugle de la force afin qu’aucun autre civil, et en particulier aucun enfant, ne soit tué ou mutilé ;

c) De supprimer sans délai les restrictions relatives à la fourniture d’une assistance humanitaire à la population civile, en particulier aux enfants, et de s’acquitter de son obligation de faciliter le passage rapide et sans encombre de l’aide humanitaire et l’accès sans entrave aux installations médicales, au Yémen et à l’étranger ;

d) De veiller au respect des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, qui sont au cœur du droit international humanitaire, dans le cadre des opérations militaires, y  compris des frappes aériennes qui ciblent ou touchent des enfants, notamment en améliorant l’efficacité du service de protection des enfants et en faisant le bilan de la situation après toutes les attaques ;

e) De veiller à ce que toutes les allégations de violation des droits de l’enfant commise par les forces de la Coalition dirigée par l’État partie au Yémen donnent lieu dans les meilleurs délais à une enquête transparente et indépendante, et à ce que les auteurs des faits soient poursuivis, jugés et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis ;

f) De faire en sorte que les enfants victimes d’attaques, d’incursions et de frappes aériennes et leur famille obtiennent toujours réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation  ;

g) D’assurer une protection spéciale pour les élèves et les enseignants, les écoles, les espaces de jeux pour enfants, les hôpitaux et le personnel médical au cours de ses opérations militaires au Yémen ;

h) De faire de la remise en état des écoles, des hôpitaux et des installations médicales une priorité et de veiller à ce que les infrastructures endommagées par les opérations militaires soient rapidement et intégralement réparées.

IV.Prévention

Enrôlement obligatoire

18.Le Comité note avec satisfaction que l’article 8 de la loi sur la protection de l’enfanceinterdit la participation d’enfants − l’enfant étant défini à l’article premier comme toute personne âgée de moins de 18 ans − à des activités militaires ou à un conflit armé ou l’emploi d’enfants à des activités susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique ou de nuire à leur santé physique ou mentale. Il note également avec satisfaction que, selon le paragraphe 13 de l’article 8 du règlement d’application de la loi précitée, les enfants ne peuvent pas participer à des combats et qu’en application du paragraphe 14, les autorités compétentes doivent prendre toutes les mesures possibles pour garantir que les personnes de moins de 18 ans ne prennent pas directement part aux hostilités et pour interdire l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou autres organisations similaires. Il relève cependant avec préoccupation que l’article 4 de la loi sur l’engagement dans l’armée dispose qu’un candidat au service militaire ne doit pas avoir moins de 17 ans.

19. Conformément aux dispositions du Protocole facultatif qui visent à protéger tous les enfants de l ’ enrôlement obliga toire dans les forces armées et de l’implication dans les conflits armés, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ indiquer expressément et systématiquement dans tous les textes de loi internes applicables que les enfants ne doivent ni être soumis à l ’ enrôlement ou à l’engagement obligatoire dans les forces armées ni participer de quelque manièr e que ce soit aux hostilités, y  comp ris en période de conflit armé.

Engagement volontaire

20.S’il note avec satisfaction que l’article 8 de la loi sur la protection de l’enfance interdit l’implication d’enfants à des activités militaires ou à un conflit armé, le Comité constate avec préoccupation que cette interdiction est seulement implicite et indirecte.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’indiquer clairement dans tous les textes de loi internes applicables que les enfants qui se sont volontairement engagés à l’âge de 17 ans ne doivent pa s prendre part aux hostilités ;

b) De veiller à ce que des informations sur le Protocole facultatif et sur les droits qu’il consacre soient incluses dans les renseignements communiqués aux recrues volontaires de 17 ans, le but étant de mieux faire connaître ces droits et, en particulier, de garantir que toutes les personnes qui s’engagent volontairement le font en toute connaissance de cause ;

c) D ’informer les enfants de s diverses perspectives d’avenir , militaires ou non, qui s ’ offrent à eux.

Procédures de vérification de l’âge

22.Le Comité accueille avec satisfaction la disposition selon laquelle des pièces justifiant de l’âge du candidat doivent être fournies avant que son enrôlement dans les forces armées soit accepté. Il note toutefois avec préoccupation que l’article 4 de la loi sur l’engagement dans l’armée n’autorise pas à réexaminer l’avis rendu par la commission médicale devant laquelle doivent se présenter les recrues potentielles dont le développement physique ne semble pas correspondre aux informations relatives à leur âge portées sur leur acte de naissance ou leur pièce d’identité.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’uniformiser les procédures d’enrôlement dans l’armée et de former les officiers pour que l’âge de toutes les recrues soit effectivement vérifié de manière systématique, le but étant de prévenir efficacement l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ;

b) De veiller à ce que les procédures de vérification de l’âge suivies par la commission médicale comportent une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, et de prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel de l’avis rendu par la commission médicale ;

c) De diffuser largement des lignes directrices sur la vérification de l’âge et de donner instruction aux recruteurs de ne pas enrôler le candidat en c as de doute concernant son âge.

Écoles militaires

24.Le Comité note que les Ministères de la défense, de la garde nationale et de l’intérieur ont intégré les droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant, dans les programmes des écoles militaires et des établissements d’enseignement connexes. Il relève toutefois avec préoccupation que le Ministère de l’éducation ne participe pas à la conception des programmes d’enseignement des écoles militaires.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les programmes des écoles militaires soient élaborés par le Ministère de l ’ éducation, et qu’ils tiennent compte d es droits de l ’ homme, y compris des droits de l ’ enfant et d es dispos itions du Protocole facultatif.

Éducation aux droits de l’homme et à la paix

26.Le Comité salue les mesures et initiatives que l’État partie a déclaré avoir prises pour que les droits de l’homme en général et les droits de l’enfant en particulier fassent partie des programmes scolaires ordinaires à tous les niveaux. En outre, il prend connaissance avec intérêt du projet scout intitulé « Messagers de la paix ».

27. Dans l e droit fil de son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer les initiatives entreprises en matière d ’ éducation afin d ’ intégrer systématiquement les droits de l ’ homme, y  compris les droits de l ’ enfant, et l ’ éducation à la paix dans les programmes d’enseignement obligatoire de toutes les écoles et dans les programmes de formation des enseignants, notamment en faisant spécifiquement référence au Protocole facultatif et aux méthodes permettant de repérer les enfants qui sont particulièrement exposé s aux pratiques contraires à cet instrument .

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

28.Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’érige pas expressément en infractions pénales l’enrôlement d’enfants par les forces armées, les groupes armés non étatiques et les sociétés de sécurité privées, et leur utilisation dans des hostilités. Il note également avec préoccupation que l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans ne constitue pas un crime de guerre au regard de la législation de l’État partie.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’ériger expressément en infractions pénales l’enrôlement d’enfants par les forces armées, les groupes armés non étatiques et les sociétés de sécurité privées et leur utilisation dans des hostilités ;

b) D’ériger en crime de guerre et de sanctionner comme tel l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et d ’ envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Impunité

30.Prenant note de la résolution 39/16 du Conseil des droits de l’homme dans laquelle celui-ci a condamné les violations des droits de l’homme, les atteintes à ces droits et les violations du droit international humanitaire qui étaient commises au Yémen, notamment l’enrôlement et l’utilisation généralisés d’enfants par les parties au conflit armé, le Comité réaffirme sa profonde préoccupation concernant les graves violations des droits de l’homme perpétrées par la Coalition constituée pour rétablir la légitimité au Yémen. Il est également préoccupé par l’inefficacité de l’Équipe d’évaluation conjointe créée par la Coalition en 2016 afin d’enquêter sur des allégations d’attaques illégales commises par l’État partie et des membres de la Coalition contre des enfants et des installations et espaces fréquentés par des enfants, ainsi que par le manque d’indépendance des membres de l’Équipe. Le Comité note en particulier avec inquiétude que les conclusions publiées par l’Équipe d’évaluation conjointe ne sont pas assez détaillées, qu’il n’existe pas de mécanisme destiné à contrôler la mise en œuvre des recommandations formulées par l’Équipe et qu’aucune des affaires sur lesquelles celle-ci a enquêté et, partant, aucune affaire concernant des enfants blessés, tués, enrôlés ou utilisés dans un conflit armé n’a donné lieu à des poursuites ou à l’application de sanctions disciplinaires contre qui que ce soit, notamment des militaires de l’État partie.

31. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les allégations d ’ attaques illégales contre des enfants ainsi que d ’ enrôlement et d ’ utilisation d ’ enfants dans des conflits armés donnent rapidement lieu à une enquête indépendante et impartiale, et de faire en sorte que les responsables présumés et les personnes suspectées d ’ avoir violé les droits des enfants et les normes du droit international humanitaire soient effectivement poursuivis, jugés et dûment punis afin de prévenir et de combattre l ’ impunité. L ’ État partie devrait également garantir que les enfants victimes disposent d ’un recours utile.

Compétence extraterritoriale

32.Le Comité regrette qu’aucune loi n’établisse la compétence extraterritoriale de l’État partie pour l’ensemble des infractions visées par le Protocole facultatif.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir et d ’ exercer sa compétence extraterritoriale pour tous les actes visés par le Protocole facultatif, y compris la conscription ou l ’ enrôlement d ’ enfants dans les forces armées ou des groupes armés non étatiques ou le fait de faire participer activement des enfants à des hostilités, lorsque l ’ auteur présumé est un ressortissant saoudien ou un e personne résidant habituelle ment dans l ’ État partie ou lorsque la victime est un enfant saoudien.

Extradition

34.Le Comité prend acte du fait que, de manière générale, l’État partie est disposé à conclure des accords bilatéraux d’extradition et à ratifier des instruments d’extradition régionaux et internationaux, mais il regrette qu’aucune loi ne règle la question de l’extradition pour l’ensemble des infractions visées par le Protocole facultatif.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour se doter d ’ une législation complète concernant les infractions visées par le Protocole facultatif et de veiller à ce que l ’ exigence de la double incrimination ne s ’ applique pas aux cas d ’ extradition pour les infractions susmentionnées, y compris dans le contexte d’ accords d ’ extradition bilatéraux.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

36.Le Comité prend note avec satisfaction des activités menées au Yémen par le Centre Roi Salman pour les secours et l’action humanitaires qui, en partenariat avec la société civile, s’occupe d’assurer la réinsertion des enfants soldats qui ont été impliqués dans des conflits armés ou ont été touchés par ceux-ci. En outre, il se félicite de la libération et de la remise au Gouvernement yéménite d’enfants âgés de 8 à 17 ans qui auraient été associés à des parties au conflit et est heureux d’apprendre que ces enfants ont retrouvé leur famille.

37. L e Com i té recommande à l’État partie :

a) De continuer à soutenir les activités du Centre Roi Salman pour les secours et l’action humanitaires au Yémen ;

b) De veiller à ce que les enfants ne soient pas arbitrairement arrêtés, placés en détention ou jugés par des tribunaux militaires pour leur appartenance à des groupes armés ou pour des infractions militaires telles que la désertion ;

c) De veiller à ce que la détention d’enfants soit une mesure de dernier ressort, d’une durée aussi brève que possible ;

d) De faire en sorte que, lorsque des poursuites pénales sont engagées contre des enfants, les procès se tiennent devant des tribunaux civils et soient conformes aux normes internationales relativ es à la justice pour mineurs, y  compris aux normes consacrées par la Convention et explicitées dans l’observation générale n o 10 (2007) du Comité sur les droits de l’enfant dans le s ystème de justice pour mineurs.

38.Le Comité est préoccupé par les insuffisances du dispositif mis en place pour repérer rapidement les enfants réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants, notamment les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, qui entrent sur le territoire de l’État partie et sont susceptibles d’avoir été impliqués dans des conflits armés à l’étranger. Il est également préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour aider et protéger les enfants victimes.

39. L e Com i té recommande à l’État partie :

a) De renforcer la formation systématique de tous les professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants, en particulier des agents des services de l’immigration, des membres des forces de l’ordre, des juges, des procureurs, des travailleurs sociaux et des professionnels de santé, au repérage rapide des enfants réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, notamment des enfants non accompagnés et séparés de leur famille, qui entrent sur le territoire de l’État partie et sont susceptibles d’avoir été impliqués dans des conflits armés à l’étranger ;

b) D’adopter une politique globale en faveur de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion sociale de tous les enfants susmentionnés et d’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à sa mise en œuvre ;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux enfants victimes, notamment d’évaluer avec soin la situation des enfants qui pourraient avoir été enrôlés pour combattre dans des conflits armés, de renforcer les services de consultation juridique qui leur sont offerts et de leur fournir immédiatement une assistance multidisciplinaire adaptée à leur culture et respectueuse de leur sensibilité ;

d) De solliciter l’assistance technique d u Haut-Commissariat des Nations  Unies pour les réfugiés (HCR) et de continuer à se prévaloir de celle du Fonds des Nations  Unies pour l’enfance (UNICEF) aux fins de la mise en œuvre de ces recommandations.

Traitement des enfants associés à des groupes armés

40.Le Comité relève avec préoccupation qu’un renvoi au Yémen risquerait de mettre en péril la vie et l’intégrité physique des enfants demandeurs d’asile ou réfugiés, qui risqueraient également d’être enrôlés et utilisés dans les hostilités, notamment par des groupes armés non étatiques.

41. L e Com ité recommande à l’État partie de garantir le respect du principe du non-refoulement .

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec le Groupe d ’ éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen, de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le HCR, l ’ UNICEF et d ’ autres organismes des Nations  Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Exportation d’armes et assistance militaire

43.Le Comité se félicite que la loi sur les armes et les munitions incrimine et interdise la fabrication, l’importation, l’achat, l’exportation, la vente, la détention, la manipulation, l’acquisition et la réparation d’armes, de munitions et de matériel et pièces détachées connexes. Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’une loi interdisant expressément le commerce, l’exportation et le transit d’armes, y compris d’armes légères et de petit calibre, ainsi que la fourniture d’une assistance militaire à des pays où il est notoire que des enfants sont enrôlés ou utilisés illégalement dans des conflits armés ou des hostilités par les forces armées, ou sont susceptibles de l’être. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas adhéré au Traité sur le commerce des armes.

44. L e Com ité recommande à l’État partie :

a) De légiférer pour prévenir la vente ou le trafic, l’exportation et le transfert d’armes, y compris d’armes légères et d’armes de petit calibre, ainsi que la fourniture de toute autre forme d’assistance militaire lorsque la destination finale est un pays où il est notoire que des enfants sont illégalement enrôlés ou utilisés dans des hostilités par les forces armées ou sont susceptibles de l’être, ou un pays qui soutient directement ou indirectement des groupes armés qui enrôlent des enfants ou les utilisent dans des hostilités ;

b) D’envisager de ratifier le Traité sur le commerce des armes, qui régit le commerce international des armes classiques et interdit aux États d’exporter ce type d’armes vers des pays où ils savent que ces armes serviront à commettre un génocide, des crimes contre l’hu manité ou des crimes de guerre.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

45.Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

46. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment de les transm ettre au Ministère de la défense, au Ministère de l ’ intérieur, aux membres des forces armées, aux agents des forces de l ’ ordre et des services d ’ immigration, aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux travailleurs sociaux, aux professionnels de santé, aux enseignants, aux professionnels des médias et aux responsables locaux pour examen et suite à donner.

47. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans toutes les langues qu’il conviendra , notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

48. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article  8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.