Nations Unies

CRC/C/OPAC/EST/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

8 mars 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par l’Estonie en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Estonie (CRC/C/OPAC/EST/1) à sa 2169e séance (voir CRC/C/SR.2169), le 18 janvier 2017, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2193e séance, le 3 février 2017.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Estonie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/EST/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées le 3 février 2017 au sujet de son rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques, soumis au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/EST/CO/2-4).

II.Observations générales4

Aspects positifs

Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a ratifié, entre autres instruments, le Traité sur le commerce des armes, auquel il a adhéré en avril 2014.

Le Comité salue l’adoption par l’État partie de diverses mesures positives dans des domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier :

a)La modification du Code pénal incriminant l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou leur implication dans des actes de guerre, entrée en vigueur le 1er janvier 2015 ;

b)La déclaration fixant à 18 ans l’âge minimum de l’engagement volontaire, faite lors de la ratification du Protocole facultatif.

III.Mesures d’application générales

Diffusion et sensibilisation

Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie d’après lesquelles la question des enfants soldats et d’autres thèmes afférents sont traités dans le cadre des cours obligatoires d’éducation sociale dispensés dans les établissements d’enseignement secondaire, mais il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas largement diffusé des informations sur les principes et les dispositions du Protocole facultatif auprès des membres des forces armées et du grand public, y compris des enfants et de leur famille.

Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour faire largement connaître les principes et dispositions du Protocole facultatif aux membres des fo rces armées, au grand public et, en particulier, aux enfants, notamment en associant davantage les médias aux actions de sensibilisation.

Formation

Le Comité est préoccupé par la place insuffisante accordée à la formation aux droits de l’enfant et aux dispositions du Protocole facultatif dans le programme des cours destinés au personnel militaire et aux membres des forces de l’ordre, notamment à ceux qui prennent part aux opérations de maintien de la paix.

Le Comité recommande que le Protocole facultatif soit systématiquement étudié dans le cadre de la formation dispensée à tous les groupes professionnels concernés, en particulier les forces armées, les membres des forces internationales de maintien de la paix, les agents des forces de l ’ ordre et des services d ’ immigration, les procureurs, les avocats, les juges, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels des médias et les fonctionnaires des administrations locales et de district .

Données

Le Comité est préoccupé par la disponibilité limitée de données ventilées par nationalité, région et origine ethnique sur les enfants astreints à l’obligation de défense nationale et par l’insuffisance des données collectées sur les enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants et non accompagnés qui entrent sur le territoire de l’État partie et qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie de collecter systématiquement des données ventilées par nationalité , r é gion et origine ethnique sur les enfants astreints à l ’ obligation de défense nationale et de créer un mécanisme permettant de réunir des données exhaustives, ventilées par sexe, âge, nationalité et origin e ethnique , sur les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés, migrants et non accompagnés qui entrent sur le territoire de l ’ État partie et qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l ’ étranger.

IV.Prévention

Instruction militaire

Le Comité note que, dès l’âge de 7 ans, les enfants peuvent devenir membres de la Ligue volontaire pour la défense de l’Estonie, qui relève du Ministère de la défense. Il note avec préoccupation que, bien que la loi relative à la Ligue pour la défense de l’Estonie interdise l’offre et l’organisation de formations destinées aux membres juniors, dans la pratique, les activités de la Ligue peuvent inclure la participation d’enfants au maniement d’armes à feu. Le Comité note également avec préoccupation que la Ligue n’est pas dotée de mécanismes indépendants habilités à recevoir des plaintes émanant d’enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures afin d ’ interdire le maniement des armes à feu par les enfants de moins de 18 ans, en général, et au sein de la Ligue pour la défense de l ’ Estonie, en particulier, et d ’ instaurer un système de vérification périodique du programme de la Ligue afin de garantir que les cours de formation et le personnel enseignant respectent les dispositions du Protocole facultatif . Le Comité recommande également à l ’ État partie de créer au sein de la Ligue un mécanisme indépendant habilité à recevoir les plaintes émanant d ’ enfants .

V.Interdiction et questions connexes

Compétence extraterritoriale

Le Comité prend acte avec satisfaction de la modification de l’article 1023 du Code pénal entrée en vigueur le 1er janvier 2015, qui incrimine l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou leur implication dans des actes de guerre. Il est cependant préoccupé par le fait que la législation pénale de l’État partie ne s’applique aux actes commis hors du territoire national que si les actes en question constituent des infractions au regard du droit pénal estonien et sont réprimés par des peines dans le pays où ils ont été commis, ou si le lieu où ces actes ont été perpétrés ne relève de la compétence d’aucune juridiction pénale. En outre, le droit pénal estonien ne s’applique que si l’acte a été commis contre un Estonien ou une personne morale enregistrée en Estonie, si l’auteur était de nationalité estonienne au moment de la commission de l’acte ou s’il a été naturalisé après les faits, ou si l’auteur est un étranger qui a été placé en détention en Estonie mais qui n’a pas été extradé.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les actes contraires au Protocole facultatif commis hors du territoire estonien puissent être considérés comme des infractions pénales sans avoir à satisfaire au critère de la double incrimination .

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des mécanismes en place chargés de détecter à un stade précoce les enfants réfugiés, demandeurs d’asile, migrants et non accompagnés qui entrent sur le territoire estonien et qui pourraient avoir été recrutés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie : a) de mettre en place des mécanismes afin de détecter à un stade précoce les enfants réfugiés, demandeurs d ’ asile, migrants et non accompagnés qui proviennent de pays dans lesquels des conflits armés sévissent ou ont sévi et qui pourraient avoir été impliqués dans ces conflits ; b) de veiller à c e que le personnel chargé de cette détection reçoive une formation aux droits de l ’ enfant, à la protection des enfants et aux techniques d ’ entre tien respectueuses des enfants ; et c) d ’ élaborer des protocoles et de mettre en place des services spécialisés afin que ces enfants bénéficient d ’ une assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion dans la société .

VI.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF) et d ’ autres organismes des Nations Unies dans la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement, aux ministères concernés, en particulier le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie ainsi que les présentes observations finales soient largement diffusés , notamment (mais pas exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications, afin de mieux assurer la réalisation des droits de l ’ enfant.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application d e l ’ article 44 de la Convention.