Nations Unies

CRC/C/OPAC/YEM/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

26 février 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis parle Yémen en application du paragraphe 1 de l’article 8du Protocole facultatif à la Convention relativeaux droits de l’enfant, concernant l’implicationd’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial du Yémen (CRC/C/OPAC/YEM/1) à sa 1850e  séance (voir CRC/C/SR.1850), le 15 janvier 2014, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1875e séance, le 31 janvier 2014.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial soumis par l’État partie et les réponses écrites à la liste de points à traiter (CRC/C/OPAC/YEM/Q/1/Add.1). Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’État partie au titre de la Convention (CRC/C/YEM/CO/4) et avec celles concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/YEM/CO/1), adoptées en octobre 2009.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion auxdits instruments:

a)Les Conventions de Genève de 1949, en juillet 1970, et les Protocoles additionnels I et II s’y rapportant, en avril 1990;

b)La Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, en septembre 1998.

Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures positives prises dans les domaines intéressant l’application du Protocole facultatif, en particulier:

a)L’adoption, en novembre 2012, d’un décret présidentiel portant interdiction du recrutement d’enfants dans les Forces armées yéménites;

b)L’approbation par le Gouvernement, en septembre 2013, du plan d’action visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les Forces armées yéménites, conformément aux résolutions 1612 (2005), 1882 (2009) et 1998 (2011) du Conseil de sécurité;

c)L’adhésion aux Engagements de Paris en vue de protéger les enfants contre une utilisation ou un recrutement illégaux par des groupes ou des forces armés et aux Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, par la résolution no 212 (2012) du Conseil des ministres;

d)La coopération de l’État partie avec le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits arméset avec laReprésentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

III.Mesures d’application générales

Législation

Le Comité juge positive l’entrée en vigueur de la loi no 19 (2004) incorporant le Protocole facultatif dans le système juridique interne. Il est néanmoins préoccupé par le peu de mesures prises pour garantir l’application effective de cet instrument. Le Comité note également que l’État partie a entamé, en 2012, un examen détaillé de sa législation interne relative aux questions militaires de façon à la rendre conforme aux normes internationales; le résultat de cet examen ne s’est toutefois pas encore traduit par l’adoption d’une loi contraignante.

Le Comité exhorte l ’ État partie à respecter la déclaration qu ’ il a faite lors de la ratification du Protocole facultatif −  par laquelle il a indiqué qu’il «considér[ait] 18 ans comme l’âge minimum à partir duquel il autoris[ait] l’engagement volontaire dans ses f orces armées nationales et qu’il veiller[ait] à ce qu’aucune personne de moins de 18  ans ne contracte cet engagement volontairement ou sous la contrainte» , −  en accélérant le processus d ’ adoption des projets de modification de sa législation relative aux questions militaires , conformé ment aux normes internationales , et en prenant toutes les mesures nécessaires à l ’ application pleine et effective du Protocole facultatif.

Coordination

Le Comité note que le Conseil supérieur de la mère et de l’enfant a été chargé de coordonner l’ensemble de la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il est toutefois préoccupé par le fait que le Conseil supérieur ne dispose pas de pouvoirs suffisants pour s’acquitter efficacement de son mandat de coordination à tous les échelons et dans tous les secteurs concernés de l’État partie.

Le Comité exhorte l ’ État partie à allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au Conseil supérieur de la mère et de l ’ enfant et à le doter du degré d ’ autorité requis pour lui puisse s ’ acquitter efficacement de sa mission de coordination, y compris auprès du Ministère de l ’ intérieur et du Ministère de la défense.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur les mesures qu’il a prises pour faire connaître les dispositions du Protocole facultatif. Il est néanmoins préoccupé par le fait que les principes et les dispositions du Protocole facultatif restent mal connus du grand public et, en particulier, des enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les principes et dispositions du Protocole facultatif soient largement diffusés auprès du grand public et, en particulier, des enfants et de leur famille.

Formation

Le Comité regrette le manque d’informations sur la mesure dans laquelle les programmes de formation des membres des forces armées, des agents des forces de l’ordre et des professionnels des secteurs connexes traitent des normes relatives aux droits de l’homme et, en particulier, des dispositions du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie d’assurer aux membres de ses f orces armées et aux agents chargés de faire appliquer la loi une formation systématique sur les droits de l’homme et sur les dispositions du Protocole facultatif, ainsi que sur le droit international humanitaire . Il recommande également à l ’ État partie d’élaborer des programmes de formation relatifs aux dispositions du Protocole facultatif à l’intention des groupes professionnels qui travaillent avec des enfants, notamment les procureurs, les avocats, les juges et les membres des forces de l ’ ordre, les travailleurs sociaux, les personnels de santé, les enseignants, les professionnels des médias et les responsables des municipalités et des districts.

Collecte de données

Le Comité note avec préoccupation l’absence de données sur l’ensemble des domaines couverts par le Protocole facultatif, en particulier sur le nombre d’enfants recrutés ou utilisés dans des hostilités et sur le nombre d’enfants qui ont été démobilisés et réinsérés dans la société.

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un système de collecte de données afin de garantir la collecte et l’analyse systématiques de données sur les enfants, ventilées, notamment par âge, sexe, situation géographique et situation socioéconomique et couvrant tous les domaines du Protocole facultatif et de solliciter à cet égard l ’ appui des organismes et programmes pertinents des Nations Unies , notamment le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF).

Droit à la vie, à la survie et au développement

Le Comité est gravement préoccupé par le risque élevé que courent les enfants d’être tués ou mutilés par des mines, des munitions non explosées, des restes explosifs de guerre, des dispositifs explosifs improvisés ou au cours d’attentats-suicide ou d’échanges de tirs entre les forces armées de l’État partie et des groupes armés. Il est également préoccupé par le nombre élevé de victimes mineures recensé entre juillet 2011 et mars 2013; d’après les informations qu’il a reçues, plus de 500 enfants ont été blessés ou tués dans des incidents directement ou indirectement liés au conflit dans l’État partie. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que, pendant les troubles civils de 2011, des enfants sont également décédés après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Il est vivement préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants sont victimes de violences sexuelles, notamment de viols, imputables à l’ensemble des parties au conflit, en particulier les groupes armés. Le Comité accueille favorablement l’information communiquée par l’État partie pendant le dialogue constructif qui a eu lieu, selon laquelle le Parlement yéménite a examiné d’éventuelles mesures visant à réduire les conséquences des frappes de drones pour les civils, mais il est gravement préoccupé, entre autres, par les décès et les mutilations que ces frappes causent chez les enfants dans l’État partie et par les conséquences psychologiques qu’elles entraînent.

Le Comité rappelle à l ’ État partie qu’il est responsable au premier chef de la protection des civils, surtout de s enfants, qui devrait être une priorité dans toutes les opérations militaires. Il rappelle également à l ’ État partie qu ’ il devrait prévenir les pertes civile s , conformément aux principes de distinction, de discrimination, de proportionnalité, de nécessité et de précaution. Il exhorte l ’ État partie :

a) À a ccélérer le renouvellement et l’extension de ses programmes de lutte anti mines au moyen, notamment, de stratégies solides et efficaces visant à mettre un terme à la contamination des zones civiles par des engins non explosés, comme le Secrétaire général l ’a recommand é dans son rapport sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Yémen (S/2013/383, par. 84 et 85) , et à mettre en œuvre ces programmes à titre prioritaire ; et à offrir des soins et une aide appropriés aux survivants, en adoptant notamment des programmes en faveur des survivants adaptés aux besoins des enfants;

b) À p rendre des mesures concrètes pour que les meurtre s et les mutilation s d ’ enfants, ainsi que les actes de violence sexuelle commis contre ceux-ci, donnent rapidement lieu à des enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés;

c) À p rendre toutes les mesures nécessaires , notamment structurelles, pour prévenir les violations des droits de l ’ enfant résultant de s frappes de drones et s’attaquer à ce problème .

IV.Prévention

Procédures de vérification de l’âge

Le Comité est préoccupé par l’absence d’uniformité des procédures de recrutement et par le fait qu’elles sont souvent appliquées selon le bon vouloir des commandants d’unités, qui ne cherchent pas toujours à vérifier l’âge des nouvelles recrues, ce qui s’explique notamment par la pratique consistant à leur accorder des avantages matériels, comme des équipements, en fonction des effectifs de leurs unités. Le Comité est également préoccupé par l’inefficacité du processus de contrôle de l’âge, aggravée par le très faible taux d’enregistrement des naissances et par la falsification des certificats de naissance dans l’État partie.

Le Comité réitère sa recommandation (CRC/C/YEM/CO/4, par. 38) tendant à ce que l’État partie poursuive et renforce ses efforts visant à assurer l’enregistrement de toutes les naissances . Il l’exhorte en outre à uniformiser les procédures de recrutement, à les assortir d’un système effectif de vérification de l’âge, et à garantir l’application de ces procédures pour prévenir efficacement la présence d’enfants dans les f orces armées. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’adopter des directives sur la vérification de l’âge et de donner pour instruction aux recruteurs de ne pas enrôler une personne en cas de doute sur son âge.

Engagement volontaire

Le Comité se félicite de ce que la loi no 23 (1990) sur la réserve générale et la loi no 15 (2000) sur les services de police fixent à 18 ans l’âge minimum d’admission dans la réserve nationale et dans la police. Il est toutefois préoccupé par le fait que la loi no 67 (1991) sur le service dans les forces armées et dans les forces de sécurité, qui établit les conditions de recrutement des volontaires, ne comporte aucune disposition expresse fixant l’âge minimum de l’engagement volontaire.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter le plus rapidement possible les propositions de modification de ses lois militaires , notamment de la loi n o 67 (1991), pour que l ’ âge minimum de l ’ e ngagemen t volontaire dans les f orces armées soit fixé à 18  ans. Il recommande en outre à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur le nombre et le pourcentage de recrues de moins de 18 ans dans les forces armées , s ’ il y a lieu , et sur les cas signalés d ’ irrégularités dans la procédure de recrutement , en indiquant la nature des plaintes déposées et les sanctions appliquées.

Recrutement et utilisation d’enfants dans les forces armées de l’État partie

Le Comité est gravement préoccupé par le fait que l’État partie, par l’intermédiaire de ses forces armées, a une responsabilité directe dans le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités, ainsi qu’indiqué par le Secrétaire général dans son rapport sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/66/782-S/2012/261, par. 164) et dans son rapport sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Yémen (S/2013/383, par. 24 et 25). Il est préoccupé, en particulier, par le fait que cette pratique est déjà ancienne dans les forces armées, et que ce problème est exacerbé par la pauvreté − les familles faisant entrer leurs enfants dans les forces armées pour des raisons financières − ainsi que par l’idée que le fait de porter les armes, y compris pour un enfant, est associé à la virilité et à l’honneur tribal. Le Comité se déclare vivement préoccupé par la présence d’enfants dans les forces armées; dans la 1re division blindée, dissoute; et dans la Garde républicaine, présence qui constitue un manquement grave aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Protocole facultatif.

Le Comité, conformément aux recommandations du Secrétaire général (S/2013/383, par. 80) exhorte l ’ État partie à entreprendre , dans le cadre de la restructuration en cours de ses f orces armées , une vérification complète de son armée , de la 1 re division blindée, dissoute, et de la Garde républicaine , pour veiller à ce qu ’ aucun enfant ne soit intégré dans l ’ armée. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ assurer l ’ application effective du d écret présidentiel portant interdiction du recrutement d ’ enfants dans les Forces armées yéménites (novembre 2012);

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l ’ application effective et sans délai du plan d ’ action visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l ’ utilisation d ’ enfants dans les Forces armées yéménites (2013);

c) De suspendre de leurs fonctions les personnes s oupçonnées de recruter ou d ’ utiliser des enfants dans des hostilités ou de commettre d ’ autres violations graves des droits de l ’ homme , en attendant le résultat des enquêtes les concernant ;

d) D’élaborer et de mettre en œuvre une campagne de sensibilisation du public aux risques liés au fait que de nombreuses armes circulent parmi les enfants et au x risques liés au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans les conflits armés, de façon à modifier les attitudes et les croyances traditionnelles préjudiciables aux enfants.

Recrutement et utilisation d’enfants par les milices tribales et les groupes armés progouvernementaux

Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les milices tribales et les groupes armés progouvernementaux sont directement impliqués dans le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités et comptent sur ces recrutements. Plus particulièrement, il constate avec préoccupation qu’en 2011, près de 15 % des recrues des milices tribales progouvernementales étaient des enfants. Parmi ces recrues figuraient des filles, qui étaient utilisées pour recueillir des renseignements, faire la cuisine ou transporter des détonateurs, ainsi qu’indiqué par le Secrétaire général dans son rapport sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/65/820-S/2011/250, par. 197).

Le Comité rappelle à l ’ État partie qu’ en vertu du droit international , notamment du Protocole facultatif, il lui incombe au premier chef de prévenir le recrutement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités ainsi que la commission d’autres violations des droits de l ’ homme par les milices tribales et les groupes armés progouvernementaux, ceux-ci étant appuyés par l ’ État partie ou étant les alliés de celui-ci. Le Comité exhorte l ’ État partie :

a) À i nterdire toute aide militaire, financière ou logistique aux milices tribales et aux groupes armés progouvernementaux qui recrut er aient ou utilis er aient des enfants dans des hostilités ou commettraient d ’ autres violations des droits de l ’ homme;

b) À p rocéder au recensement de tous les enfants recrutés par les milices tribales et les groupes armés progouvernementaux, à assurer leur démobilisation et à leur offrir l’aide nécessaire à leur réadaptation et à leur réinsertion;

c) À mener des enquêtes et à poursuivre et punir les auteurs.

Recrutement et utilisation d’enfants par des groupes armés non étatiques

Le Comité se félicite de l’engagement pris par le groupe armé Al-Houthi, après la visite de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés en novembre 2012, de mettre fin aux graves violations commises contre les enfants, de libérer ceux qui se trouvent dans ses rangs et de les réintégrer dans la vie civile. Le Comité reste toutefois profondément préoccupé par le fait que ce groupe continue de recruter des enfants et de les utiliser dans les hostilités, que ce soit pour occuper les postes de contrôle ou pour combattre les milices tribales progouvernementales. Il est également préoccupé par le fait que la participation d’enfants aux activités du groupe armé Al-Houthi soit jugée acceptable par les membres de la famille des intéressés et par les communautés locales dans les régions contrôlées par ce groupe, cet engagement étant considéré, y compris par les enfants, comme relevant d’une obligation de protéger la terre et la famille.

Le Comité est profondément préoccupé par le fait que le groupe armé Ansar al-Sharia continue de recruter et d’utiliser des enfants dans les hostilités. Il est particulièrement préoccupé par les cas signalés de recrutement de garçons à des fins d’exploitation et d’abus sexuels, et par les actes de violence sexuelle, notamment les viols, commis contre des filles qui ont été contraintes de se marier avec des membres de ce groupe armé.

Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ en vertu du Protocole facultatif, il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour libérer les enfants associés à des groupes armés non étatiques, de veiller à la réadaptation et à la réintégration de ces enfants, et d’inclure l ’ interdiction du recrutement et de l’ utilisation d’enfants dans les hostilités dans toutes les négociations et tous les accords de paix ou de cessez-le-feu avec des groupes armés , conformément aux directives opérationnelles sur le traitement des questions relatives aux enfants dans les accords de paix (voir A/68/267, par. 81 à 87). Le Comité exhorte également l ’ État partie à prendre des mesures spécifiques et fermes pour que les actes de violence sexuelle commis contre des enfants, les cas d ’ exploitation et de sévices sexuels , ainsi que les autres violations des droits de l ’ homme, donnent rapidement lieu à des enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et punis.

Attaques et/ou occupation de biens de caractère civil protégés

Le Comité est préoccupé par les attaques délibérées et l’occupation d’écoles et d’hôpitaux par toutes les parties au conflit, et par le refus d’autoriser l’accès des organisations humanitaires, actes qui compromettent tous la survie et le développement des enfants.

Le Comité exhorte l ’ État partie à veiller à ce que la législation interne pertinente interdise expressément les attaques, l ’ occupation et l ’ utilisation d ’ écoles et d ’ hôpitaux, conformément au droit international humanitaire ; à accélérer, le cas échéant, la reconstruction de ces équipements ; et à prendre des mesures concrètes pour que les attaques et/ou les occupation s illégales d ’ écoles et d ’ hôpitaux donnent rapidement lieu à des enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et punis.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation interne de l’État partie n’interdise pas et n’incrimine pas le recrutement ou l’utilisation de personnes de moins de 18 ans dans des hostilités par des groupes armés non étatiques en toute circonstance. Il regrette que la législation de l’État partie ne comporte aucune disposition expresse incriminant le recrutement et l’utilisation de personnes de moins de 18 ans dans les forces armées nationales en temps de guerre ou en temps de paix.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ ensemble des modifications de sa législation relative aux questions militaires, y compris le Code pénal, interdise et incrimine expressément le recrutement ou l ’ utilisation de personnes de moins de 18  ans dans d es hostilités par les forces armées et les groupes armés non étatiques . Il l’ engage instamment à accélérer l ’ adoption et la mise en œuvre de ces modifications. Le Comité recommande en outre à l’État partie de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité juge encourageant que, d’après les renseignements fournis par l’État partie, le mandat de la Commission d’enquête − chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises pendant la période de troubles civils traversée par l’État partie en 2011 − s’étende aux allégations d’utilisation et de recrutement d’enfants. Il est toutefois préoccupé par l’important retard pris dans la nomination des commissaires et dans l’exécution du mandat de la Commission depuis la création de celle-ci en septembre 2012.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer la nomination des membres de la Commission d ’ enquête et d ’ appuyer les travaux de celle-ci pour qu ’ elle puisse mener des enquêtes et traiter les éventuelles violations du Protocole facultatif.

Compétence extraterritoriale

Le Comité note l’absence de renseignements dans le rapport de l’État partie sur la possibilité d’établir sa compétence extraterritoriale dans les cas de recrutement ou d’implication d’une personne de moins de 18 ans dans des hostilités.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, au moyen notamment des modifications actuellement proposées, pour que sa législation interne l ’ habilite à établir sa compétence extraterritoriale sur toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, y compris le recrutement et l ’ utilisation de personnes de moins de 18 ans dans des hostilités, lorsque ces infractions sont commises par ou contre un ressortissant de l ’ État partie ou une personne ayant un autre lien pertinent avec celui-ci.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Démobilisation et réinsertion

Le Comité prend note de l’information communiquée par l’État partie au cours du dialogue, selon laquelle les enfants recrutés et utilisés dans les hostilités par les forces armées, en particulier la 1re division blindée, qui a été démantelée, ont été recensés et libérés. Il reste toutefois gravement préoccupé par le fait que l’État partie a déclaré pendant le dialogue avec le Comité que ces enfants avaient été placés en détention dans des établissements pénitentiaires pour éviter qu’ils ne soient de nouveau recrutés ou utilisés dans des hostilités à la demande de leurs parents. Le Comité est également préoccupé par l’absence de renseignements précis sur les mesures spécifiques prises pour assurer la libération, la réadaptation et la réinsertion des enfants associés aux forces armées et des enfants, notamment des filles, associés aux milices tribales aux groupes armés progouvernementaux, ainsi qu’aux groupes armés non étatiques comme Al-Houthi et Ansar al-Sharia.

Le Comité exhorte l ’ État partie à mettre sur pied , conformément au plan d ’ action visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l ’ utilisation d ’ enfants dans les Forces armées yéménites, un programme destinés à assurer le recensement, la libération, la réadaptation et la réinsertion de tous les enfants, y compris les filles, qui ont été recrutés ou utilisés par toutes les parties au conflit, et à garantir sans délai leur démobilisation effective dans la transparence. Le Comité engage en outre l ’ État partie à offrir immédiatement à ces enfants une aide multidisciplinaire , adaptée à leur condition d’enfant et à leur sexe , en vue de leur rétablissement physique et psychologique. L ’ État partie est prié de fournir dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant un complément d’information sur les mesures prises dans ce domaine .

Traitement des enfants liés à des groupes armés

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur le nombre d’enfants qui ont été poursuivis ou qui sont en attente de poursuites pour leur participation supposée aux troubles civils de 2011, au conflit qui a eu lieu en 2011-2012 dans la province d’Abyan et au conflit qui a sévi de 2004 à 2010 dans la province de Sada’a. Il est également préoccupé par le fait qu’aucune information n’ait été donnée sur la question de savoir si les affaires concernant ces enfants ont été renvoyées devant le tribunal pénal spécialisé, sur la nature des infractions reprochées et sur les condamnations prononcées.

Le Comité exhorte l ’ État partie à veiller à ce que:

a) Les enfants ne soient pas arbitrairement arrêtés, détenus ou poursuivis par des tribunaux militaires pour leur appartenance à des groupes armés ou pour des infractions militaires comme la désertion;

b) Les enfants soldats capturés soient toujours traités dans le respect du droit international des droits de l’homme et du droit international human itaire et soient rapidement remis aux acteurs de la protection de l’enfance;

c) La détention d’un enfant ne soit qu’une mesure de dernier recours et de la durée la plus brève possible;

d) Les enfants privés de liberté en raison de leur implication dans des hostilités soient traités avec humanité et dans le respect de leur dignité;

e) Les procès soient assurés par des tribunaux civils, conformément aux normes internationales relatives à la justice pour mineurs, y compris les normes consacrées par la Convention relative aux droits de l’enfant et illustrées dans l’Observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs si des accusations pénales sont portées à l’encontre d’enfants;

f) Les enfants ne soient pas condamnés à la peine de mort ou à la réclusion criminelle à perpétuité.

VII.Assistance et coopération internationales

Le Comité se félicite de la coopération de l ’ État partie avec l ’Organisation des Nations Unies et lui recommande de poursuivre et renforcer cette coopération , en particulier avec l a représentant e spécia le du Secrétaire général pour le s enfants et les conflits armé s . Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec l’UNICEF , le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme et d’autres organismes des Nations Unies dans la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Co mité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications , afin de renforcer encore la réalisation des droits de l ’ enfant.

IX.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Parlement et aux ministères concernés, en particulier le Ministère de la défense, ainsi qu ’ à la Cour suprême et aux autorités locales et tribales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial de l ’ État partie, ses réponses écrites et les observations finales y relatives soient largement diffusés, y compris au moyen d ’ Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, pour susciter un débat et faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi .

X.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer un complément d’ information sur l’application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra conformément à l’ article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant .