Observations finales concernant le rapport soumis par les Pays-Bas en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial des Pays-Bas (CRC/C/OPAC/NLD/1) à sa 2005e séance (CRC/C/SR.2005), le 27 mai 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2024e séance (CRC/C/SR.2024), le 5 juin 2015.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie et ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/NLD/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet de son quatrième rapport périodique au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/NLD/CO/4), adoptées le 5 juin 2015.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction le fait que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention sur les armes à sous-munitions, en février 2011;

b)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en février 2005;

c)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en juillet 2001;

d)Les Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux, en août 1954, et leurs Protocoles additionnels I et II, en juin 1987.

Le Comité salue les diverses mesures positives prises dans des domaines liés à la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier :

a)La déclaration faite par l’État partie lors de la ratification du Protocole facultatif selon laquelle l’âge minimum de la conscription et de l’enrôlement est fixé à 18 ans;

b)Les modifications apportées en 2009 à la loi de 1931 sur le personnel militaire, venues fixer à 18 ans l’âge minimum requis pour intégrer les forces armées.

III.Mesures d’application générales

Diffusion, sensibilisation et formation

Le Comité note que les activités de sensibilisation au Protocole facultatif sont essentiellement menées par des organisations non gouvernementales et regrette que l’État partie n’ait pas mis en place d’activités de sensibilisation systématiques concernant cet instrument. Il regrette aussi qu’il n’y ait pas de cours portant spécifiquement sur le Protocole, comme l’a indiqué l’État partie (voir CRC/C/OPAC/NLD/Q/1/Add.1, par. 4).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses forces armées, ses casques bleus et tous les autres professionnels concernés, notamment les forces de l’ordre, les agents des services d’immigration, les juges, les avocats, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux et le corps enseignant, aient une meilleure connaissance des dispositions du Protocole facultatif. Il lui recommande aussi de mener régulièrement à bien des activités de sensibilisation auprès des enfants eux-mêmes et de la population en général.

Données

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants qui entrent sur le territoire de l’État partie et qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un mécanisme permettant de collecter des données exhaustives, ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, concernant les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants qui entrent sur le territoire de l’État partie et pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

IV.Prévention

Enrôlement volontaire

Le Comité relève que la législation de l’État partie autorise l’enrôlement volontaire comme aspirant officier dès l’âge de 17 ans et note avec préoccupation que les aspirants officiers sont formés au maniement des armes à balles réelles et sont soumis à la discipline militaire et au droit pénal militaire.

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire la pratique actuelle consistant à former les élèves en formation militaire préparatoire âgés de 17 ans au maniement des armes, à l’utilisation des armes à feu et de faire en sorte que ceux-ci ne soient soumis ni à la discipline militaire ni au droit pénal militaire. Il l’incite à revoir l’âge minimum de l’enrôlement volontaire pour le porter à 18 ans afin de promouvoir et renforcer la protection de tous les enfants.

Formations militaires

Le Comité relève avec préoccupation que les enfants qui suivent la formation professionnelle dite « sur la sécurité et des compétences », qui peuvent n’avoir que 15 ans, sont soumis à des modules de préparation mentale et physique très durs susceptibles de nuire à leur santé et à leur développement.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que la formation professionnelle dite «  sur la sécurité et des compétences  » ne comporte pas de module de préparation mentale et physique nuisible à la santé et au développement de l’enfant, ainsi que d’exercer un contrôle régulier sur cette formation de manière à garantir que les programmes et les enseignants soient conformes au Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Incrimination de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

Le Comité constate que les Codes pénaux des parties constitutives de l’État partie interdisent le fait de recruter des volontaires pour servir dans les forces armées d’un État étranger ou pour prendre part à un conflit armé. Il relève cependant avec préoccupation que cette incrimination ne vise pas expressément l’enrôlement de mineurs de 18 ans par des groupes armés non étatiques. Le Comité note aussi que le projet de loi présenté par le Ministre de la sécurité prévoit la possibilité de déchoir de la nationalité néerlandaise les personnes (enfants compris) ayant été associées à une organisation terroriste, et que le Ministère travaille actuellement à l’introduction d’exceptions à ce projet de loi.

Le Comité recommande à l’État partie d’apporter des modifications à la législation pénale de ses parties constitutives afin d’incriminer expressément l’enrôlement de mineurs de 18 ans par des groupes armés non étatiques. Il lui recommande en outre de faire en sorte que son projet de loi prévoyant la déchéance de la nationalité néerlandaise pour les personnes associées à une organisation terroriste ne s’applique en aucune circonstance aux mineurs de 18 ans, même s’agissant de binationaux, compte tenu des conséquences préjudiciables que l’apatridie ou la perte de sa nationalité peuvent avoir pour un enfant.

Compétence extraterritoriale

Le Comité salue la loi sur les crimes internationaux, qui reconnaît comme crime de guerre la conscription d’enfants de moins de 15 ans en vue du service actif armé et leur utilisation à des fins de participation active à des hostilités, que ce soit par les forces armées ou par des groupes armés, et en vertu de laquelle l’État peut exercer sa compétence extraterritoriale afin d’engager des poursuites contre toute personne commettant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un génocide. Il relève néanmoins avec préoccupation qu’il n’existe pas dans la législation de l’État partie de disposition étendant la compétence extraterritoriale aux cas de violation des dispositions du Protocole facultatif commises contre des enfants âgés de 15 à 18 ans.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir sa compétence extraterritoriale pour les actes prohibés par le Protocole facultatif, y compris la conscription ou l’enrôlement de mineurs de 18 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés, ou leur utilisation aux fins de participation aux hostilités, si ces infractions sont commises par ou contre un national de l’État partie ou une personne ayant sa résidence habituelle sur le territoire de l’État partie.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité note que l’article 1 F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui exclut du bénéfice de la protection de la Convention les personnes dont on a des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, n’est pas applicable aux enfants âgés de moins de 15 ans. Il est cependant vivement préoccupé par le fait que cette exemption ne vise pas tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de réviser sans délai sa législation concernant l’exemption à l’article 1 F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et d’étendre la protection prévue par cette Convention à l’ensemble des enfants âgés de 15 à 18 ans indépendamment des infractions commises.

Aide à la réadaptation physique et psychologique

Le Comité note avec préoccupation que les prestataires de service de santé mentale n’ont pas les compétences spécialisées suffisantes pour s’occuper des enfants ayant été victimes d’un conflit armé.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour renforcer ses services afin d’offrir aux enfants venant de zones touchées par un conflit à l’étranger des services appropriés pour leur réadaptation psychologique et physique et leur réinsertion dans la société.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et resserrer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, ainsi que d’étudier la possibilité d’accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres organismes compétents des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Exportation d’armes et assistance militaire

Le Comité relève que l’État partie est un grand exportateur d’armes, y compris d’armes légères et de petit calibre, et que toutes les demandes d’autorisation d’exportation sont évaluées au cas par cas, comme le prévoit la Position commune du Conseil de l’Union européenne définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. Il est cependant préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas de politique ou de réglementation propre qui interdirait expressément l’exportation d’armes vers des pays où il est notoire que des enfants ont été ou sont susceptibles d’être enrôlés ou utilisés dans des conflits armés ou des hostilités.

Le Comité recommande à l’État partie d’introduire une interdiction des exportations d’armes vers des pays où il est notoire que des enfants ont été ou sont susceptibles d’être enrôlés ou utilisés dans des conflits armés ou des hostilités. Il lui recommande aussi de ratifier le Traité sur le commerce des armes, qu’il a signé en 2013.

VIII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communicant au Parlement, aux ministères compétents, y  compris au Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l’État partie, ainsi que les observations finales s’y rapportant adoptées par le Comité, soient largement diffusés, notamment par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra conformément à l’article 44 de la Convention.