NATIONSUNIES

CRC

Convention relativeaux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPAC/TUN/CO/16 février 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Cinquantième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 8 DU PROTOCOLE FACULTATIF

À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT,

CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS

DANS LES CONFLITS ARMÉS

Observations finales: TUNISIE

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Tunisie (CRC/C/OPAC/TUN/1) à sa 1392e séance (voir CRC/C/SR.1392), tenue le 27 janvier 2009, et a adopté, le 30 janvier 2009, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter, qui contiennent des informations importantes sur les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres en vigueur dans l’État partie concernant les droits que garantit le Protocole facultatif. Le Comité se félicite du dialogue constructif et instructif qu’il a eu avec la délégation à composition multisectorielle.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.181) qu’il a adoptées le 13 juin 2002 au sujet du deuxième rapport périodique présenté par l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’article 18 du Code de la protection de l’enfant, promulgué par la loi no 95-92 du 9 novembre 1995, interdit l’engagement d’enfants dans les forces armées ainsi que leur participation à un conflit armé. Il note aussi avec satisfaction que l’âge pour l’accomplissement du service national obligatoire est fixé à 20 ans et qu’en vertu de la loi no 2004-1 du 14 janvier 2004, relative au service national, l’âge minimum fixé pour l’engagement volontaire dans les forces armées est de 18 ans.

5.Le Comité note en outre avec satisfaction que l’État partie a ratifié:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 13 septembre 2002;

b)La Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 28 février 2000.

I. Mesures d’application générale

Diffusion et formation

6.Le Comité se félicite des mesures adoptées pour encourager une culture des droits de l’homme, y compris des droits de l’enfant, notamment la création d’un centre («Observatoire») d’information, de formation, de documentation et des études pour la protection des droits de l’enfant et l’organisation de cycles de formation en matière de droit international humanitaire au sein du Ministère de la défense nationale. Le Comité constate cependant avec inquiétude que ces activités ne mettent pas spécifiquement l’accent sur le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes systématiques de sensibilisation, d’information et de formation sur les dispositions du Protocole facultatif à l’intention de tous les professionnels concernés qui travaillent avec et pour les enfants, y compris des enfants demandeurs d’asile, des enfants réfugiés et des enfants migrants originaires de pays touchés par un conflit armé, en particulier les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, les enseignants, les avocats, les juges et les agents des services de l’immigration.

Le Comité recommande en outre à l’État partie, compte tenu du paragraphe 2 de l’article 6, de veiller à ce que les principes et dispositions du Protocole facultatif soient couverts par les programmes d’enseignement et largement diffusés auprès du grand public et des représentants de l’État, ainsi qu’auprès des militaires et du personnel de maintien de la paix, par des moyens appropriés, notamment les médias.

Surveillance indépendante

9.Le Comité note que, suite aux recommandations en ce sens du Conseil des droits de l’homme et du Comité des droits de l’homme, une nouvelle loi, adoptée en juin 2008, a renforcé l’indépendance et l’efficacité du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour le mettre en conformité avec les Principes de Paris.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales demande à être accrédité auprès du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme (CIC). Cet organe devrait être doté des ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre de créer une unité des droits de l’enfant apte à évaluer et promouvoir la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles facultatifs, notamment le Protocole facultatif à l’examen. Cette unité des droits de l’enfant devrait être chargée, entre autres, de recueillir et d’instruire les plaintes d’enfants alléguant que leurs droits, dont ceux énoncés dans le Protocole facultatif, ont été violés.

II. Prévention

Éducation pour la paix

11.Le Comité se félicite de ce que l’article premier du Code de la protection de l’enfant fasse ressortir l’importance d’une «culture de la fraternité humaine et de l’ouverture à l’autre» et note avec satisfaction que le système éducatif de l’État partie vise à «transmettre un message de non‑discrimination, de liberté et de paix en tant qu’outil supplémentaire de prévention de la haine et du fanatisme».

Le Comité recommande à l’État partie, en collaboration avec les organisations de la société civile, de mettre en œuvre la disposition de l’article premier du Code de la protection de l’enfant en élaborant et en appliquant, notamment, des programmes de formation et des campagnes tendant à promouvoir les valeurs de paix et de respect des droits de l’homme et de faire systématiquement de l’éducation pour la paix et des droits de l’homme une matière fondamentale du système éducatif.

III. Interdiction

Législation

13.Le Comité relève que la législation tunisienne interdit l’enrôlement volontaire ou obligatoire d’enfants. Tout en notant que dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter l’État partie fait valoir qu’eu égard au caractère absolu de cette interdiction il n’est pas réellement nécessaire d’adopter des dispositions spécifiques incriminant sa violation, le Comité constate avec préoccupation que l’absence d’incrimination peut, dans la pratique, constituer un obstacle à l’extradition des contrevenants ou à l’exercice d’une compétence extraterritoriale par l’État partie en cas d’enrôlement obligatoire et/ou d’utilisation d’enfants tunisiens dans des hostilités à l’étranger ou d’enrôlement obligatoire et/ou d’utilisation d’enfants confiés à des ressortissants tunisiens. En outre, le Comité relève que l’État partie n’a pas encore ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Afin de renforcer les mesures nationales et internationales visant à prévenir l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou des groupes armés et leur utilisation dans des hostilités, le Comité recommande à l’État partie:

a)D’adopter et d’appliquer une législation incriminant le recrutement et l’implication d’enfants dans des hostilités, pratiques contraires au Protocole facultatif;

b)D’établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes s’ils sont commis par une personne ayant la nationalité de l’État partie ou d’autres liens avec celui‑ci, ou s’ils sont commis à l’encontre d’une telle personne;

c)De veiller à ce que la législation, y compris les codes, manuels et autres directives militaires, soit conforme aux dispositions du Protocole facultatif;

d)D’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

IV. Protection, réadaptation et réinsertion

Aide à la réadaptation physique et psychologique

15.Le Comité prend note de l’explication de l’État partie imputant le défaut de données sur les demandes d’asile émanant d’enfants enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger au fait qu’en Tunisie les demandes d’asile sont transmises directement au bureau local du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le Comité souligne cependant qu’il se pourrait que certains enfants migrants non accompagnés ou enfants qui migrent avec leur famille ne sollicitent pas l’asile alors qu’ils ont été impliqués dans des hostilités à l’étranger. À ce propos, le Comité s’inquiète de l’absence de mécanisme permettant d’identifier cette catégorie d’enfants et regrette qu’aucun programme de réadaptation et de réinsertion ne puisse en cas de besoin leur être proposé.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des mesures visant à recenser les enfants réfugiés, les enfants demandeurs d’asile et les enfants migrants se trouvant sous sa juridiction qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger et à recueillir systématiquement des données sur ces enfants et de veiller à ce que ces enfants reçoivent des soins et un traitement appropriés, y compris une assistance pluridisciplinaire propre à assurer leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale.

Contrôle des exportations d’armes

17.Le Comité note que l’État partie s’est doté d’un texte (loi no 69-93 de juin 1969) régissant l’introduction, la possession et la vente d’armes, mais constate avec inquiétude que ce texte ne semble pas contenir de disposition interdisant expressément la vente d’armes, y compris d’armes légères, à des pays où il est notoire que des enfants sont recrutés ou utilisés dans des hostilités ou pourraient l’être.

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire expressément dans sa législation la vente d’armes, y compris d’armes légères, à des pays où il est notoire que des enfants sont recrutés ou utilisés dans des hostilités ou pourraient l’être.

V. Assistance et coopération internationales

19.Le Comité note que l’État partie ne dispose pas de programmes bilatéraux ou multilatéraux de coopération technique ou d’assistance financière aux fins de l’application du Protocole facultatif.

Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération aux fins de l’application du Protocole facultatif, notamment pour prévenir toute activité contraire à ce dernier et favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale des personnes victimes d’actes contraires au Protocole, conformément à son article 7.

VI. Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment de les transmettre au Ministère de la défense, au Conseil des ministres, au Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales et aux autorités locales, le cas échéant, pour examen et suite appropriés.

Le Comité recommande que le rapport initial présenté par l’État partie et les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés auprès du grand public afin de susciter un débat et de faire mieux connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VII. Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de fournir de plus amples informations sur l’application du Protocole facultatif dans le prochain rapport qu’il présentera au titre de l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

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