Nations Unies

CRC/C/OPAC/TUR/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

29 octobre 2009

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante -deuxième session

14 septembre-2 octobre 2009

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Turquie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Turquie (CRC/C/OPAC/TUR/1) à sa 1427e séance, le 14 septembre 2009 (CRC/C/SR.1427), et a adopté à sa 1453e séance, le 2 octobre 2009, les observations finales ci-après.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du rapport initial de l’État partie ainsi que les réponses écrites apportées à la liste de points à traiter (CRC/C/OPAC/TUR/Q/1 et Add.1), et il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec une délégation composée de représentants de nombreuses autorités, dont un représentant du Ministère de la défense.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec celles qu’il a adoptées le 8 juin 2001 concernant le rapport initial de l’État partie (CRC/C/15/Add.152) et avec les observations finales qu’il a adoptées le 2 juin 2006 à l’issue de l’examen du rapport initial présenté au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/TUR/CO/1).

I.Aspects positifs

4.Le Comité estime positive la déclaration faite par l’État partie lors de la ratification du Protocole facultatif, fixant à 19 ans l’âge minimum du service militaire, même en cas de mobilisation générale et d’état d’urgence.

II.Mesures d’application générales

Réserves

5.Le Comité déplore le caractère restrictif de la réserve de l’État partie à la Convention, réitérée et mentionnée dans la déclaration faite lors de la ratification du Protocole facultatif, et il déplore qu’aucun progrès n’ait été accompli en vue de la retirer ou d’en limiter le champ depuis l’examen du rapport périodique initial de l’État partie en 2001.

6. Le Comité réitère sa recommandation antérieure tendant à ce que l ’ État partie réexamine s a réserve en vue de l a retirer, conformément à la Déclaration et au Plan d ’ action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l ’ homme le 25 juin 1993 (A/CONF.157/23).

Diffusion et sensibilisation

7.Le Comité note avec préoccupation que le Protocole facultatif est mal connu du grand public.

8. À la lumière de l ’ article 6 , paragraphe 2 , du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les principes et dispositions du Protocole facultatif soient largement diffusés auprès du grand public et en particulier des enfants. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller tout particulièrement à combattre l ’ image négative, véhiculée par les médias, des enfants qui ont été impliqués dans des conflits armés.

Formation

9.Le Comité note que les membres des forces armées et de la police reçoivent une formation aux normes concernant les droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant, mais il est préoccupé par le fait que la formation aux dispositions du Protocole facultatif est peut‑être inadéquate. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que les catégories professionnelles, en particulier celles qui travaillent dans l’administration de la justice, ne reçoivent pas de formation aux dispositions du Protocole.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de compléter la formation des membres des forces armées en matière de droits de l ’ homme par une formation spécifique relative aux dispositions du Protocole. Il lui recommande aussi d ’ élaborer des programmes de sensibilisation, d ’ éducation et de formation aux dispositions du Protocole à l ’ intention de s personnes qui travaillent avec les enfants, en particulier les procureurs, les avocats, les juges, les agents de la force publique, les travailleurs sociaux, les personnels de santé, les enseignants, les professionnels des médias ainsi que les autorités locales et les fonctionnaires de district. L ’ État partie est invité à donner des renseignements sur cette question dans son prochain rapport.

Statistiques

11.Le Comité prend note des statistiques fournies dans les réponses écrites à la liste de questions. Il déplore toutefois l’absence d’information sur le nombre d’enfants qui ont été recrutés ou impliqués dans des hostilités par des groupes armés n’appartenant pas à l’État.

12. En vue de déceler les causes premières et de prendre des mesures préventives, l e Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un système centralisé de collecte de données afin de recenser et d ’ enregistrer l ’ ensemble des enfants relevant de sa juridiction qui sont susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de faire le nécessaire pour recueillir des données sur les enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile qui auraient été victimes de ces pratiques.

III.Prévention

Éducation pour la paix

13.Le Comité note que l’éducation aux droits de l’homme et l’éducation pour la paix sont insuffisantes dans les programmes scolaires.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ éducation aux droits de l ’ homme et, en particulier, de dispenser une éducation pour la paix à tous les écoliers et de former les enseignants à intégrer ces questions dans leurs cours.

IV.Interdiction et questions connexes

Législation

15.Le Comité prend note des dispositions de la loi militaire no 1111 qui interdit le recrutement de personnes de moins de 18 ans, mais il est préoccupé par le fait que le Code pénal ne sanctionne pas expressément les infractions visées au Protocole facultatif. En outre, le Comité déplore que les dispositions du Protocole ne soient pas incorporées dans la législation relative à la juridiction extraterritoriale.

16. Afin de renforcer davantage les mesures internationales visant à prévenir l ’ enrôlement d ’ enfants et leur utilisation dans des hostilités, le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À réviser le Code pénal afin d ’ y inclure une disposition érigeant expressément en infraction la violation des dispositions du Protocole facultatif concernant l ’ enrôlement et l ’ implication d ’ enfants dans des hostilités, et à y inclure une définition de la participation directe à des hostilités;

b) À envisager d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour ces infractions lorsqu ’ elles sont commises par une personne qui a la nationalité de l ’ État partie ou d ’ autres liens avec celui-ci, ou lorsqu ’ elles sont commises à l ’ encontre d ’ une telle personne;

c ) De veiller à ce que les codes, manuels et autres directives militaires soient conformes aux dispositions du Protocole facultatif;

d ) À abroger officiellement la loi 3634 sur le service de la défense nationale, qui prévoit que des enfants de plus de 15 ans peuvent être mobilisés en vertu de l ’ état d ’ urgence.

17. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments internationaux suivants, qui bénéficient déjà d ’ un large appui dans la communauté international e:

a) Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes armés internationaux (Protocole I);

b) Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes armés non internationaux (Protocole II);

c) Le Statut de Rome de la Cour pénale international e.

V.Protection, réadaptation et réinsertion

Poursuites contre des enfants accusés de terrorisme

18.Le Comité est sérieusement préoccupé par le fait que les amendements apportés en 2006 à la loi antiterroriste (ATA) autorisent à poursuivre des enfants de plus de 15 ans, au même titre que des adultes, devant des «tribunaux pénaux spéciaux». Le Comité a pris note de l’information reçue de l’État partie mais demeure préoccupé par des informations faisant état de l’application de ces dispositions à de nombreux enfants. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que les peines appliquées à des enfants peuvent aller jusqu’à la réclusion perpétuelle, contrairement à la Convention relative aux droits de l’enfant, et par des informations selon lesquelles la loi ATA est appliquée pour des motifs tels que la présence ou la participation à des manifestations et à des réunions publiques.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De modifier la loi antiterroriste afin de garantir que des enfants ne soient pas jugés en tant qu ’ adultes devant les «tribunaux pénaux spéciaux». Les enfants doivent bénéficier de la protection des normes de la justice pour mineurs dans les tribunaux ordinaires et tous les procès doivent être conduits avec diligence et impartialité, conformément aux règles minimales d ’ un e proc édure régulière ;

b) De faire en sorte que la définition des infractions terroristes soit alignée sur les normes internationales, ainsi que l ’ a recommandé le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste dans le rapport de la mission qu ’ il a effectuée en Turquie en 2006 (A/HRC/4/26/Add.2, par. 90);

c) De faire en sorte que la détention d ’ un enfant soit seulement une mesure de dernier ressort et qu ’ elle soit la plus courte possible. S ’ il y a un doute sur l ’ âge, les jeunes doivent être considérés comme étant des enfants;

d) De garantir que les enfants, lorsqu ’ ils sont accusés d ’ avoir commis des infractions terroristes, soient détenus dans des conditions adéquates compte tenu de leur âge et de leur vulnérabilité;

e) D ’ informer les parents ou les proches du lieu où l ’ enfant est détenu et d ’ autoriser les communications avec le détenu;

f) De fournir une aide juridique adéquate, gratuite et indépendante à tous les enfants;

g) De garantir l ’ examen périodique et impartial de la détention des enfants;

h) De faire en sorte que les enfants détenus aient accès à un mécanisme de plainte indépendant. Les informations faisant état de traitements cruels, inhumains ou dégradants commis sur des enfants devraient donner lieu à des enquêtes impartiales;

i) De mettre en place des programmes d ’ enseignement et des activités de loisirs ainsi que des mesures en vue de la réinsertion sociale de tous le s enfants détenus;

j) De donner à toutes les personnes qui travaillent dans les services de la justice pour mineurs une formation concernant la Convention relative aux droits de l ’ enfant et ses Protocoles facultatifs, les autres instruments internationaux pertinents et l ’ Observation générale n o  10 (2007) du Comité relative à l ’ administration de la justice pour mineurs.

Aide à la réadaptation physique et psychologique

20.Le Comité déplore l’insuffisance des mesures visant à recenser les enfants réfugiés et demandeurs d’asile susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités et les carences de l’action de réinsertion et de réadaptation de ces enfants.

21. Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer ses mécanismes de recensement des enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités et à renforcer l ’ action en vue de leur réadaptation et de leur réinsertion sociale. Ces mesures doivent comprendre une évaluation approfondie de la situation de ces enfants, le renforcement des services consultatifs juridiques qui leur sont offerts et la fourniture immédiate d ’ une assistance pluridisciplinaire, adaptée à leur culture et respectueuse de leur sensibilité , afin de faciliter leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale conformément au Protocole facultatif. L ’ État partie devrait en outre faire en sorte que les services de contrôle aux frontières disposent de personnel spécialement formé et que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et le principe du non-refoulement soient des considérations dominantes dans la prise de s décisions concernant le rapatriement de ces enfants.

VI.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

22. Le Comité, tout en se félicitant de la participation active de l ’ État partie aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, l ’ invite à continuer de veiller à ce que son personnel soit bien informé des droits des enfants impliqués dans des conflits armés et à ce que les membres des contingents militaires soient conscients de leurs obligations et de leurs responsabilités.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de demander la coopération du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés lorsqu ’ il est constaté que des enfants ont été recrutés ou utilisés par des groupes armés.

VII.Suivi et diffusion

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, entre autres en les communiquant au Ministère de la défense, à l ’ Assemblée nationale et au Conseil des ministres pour examen et suite à donner.

25. Le Comité recommande que le rapport initial soumis par l ’ État partie et les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés auprès du grand public et des enfants en particulier, afin de susciter un débat et de faire mieux connaître le Protocole facultatif, son application et le suivi de sa mise en œuvre.

VIII.Prochain rapport

26.Conformément à l ’ article 8 , paragraphe 2 , du Protocole facultatif, le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure de plus amples informations sur l ’ application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.