Nations Unies

CRC/C/OPAC/THA/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

21 février 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-neuvième session

16 janvier-3 février 2012

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Thaïlande

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Thaïlande (CRC/C/OPAC/THA/1) à sa 1683e séance (voir CRC/C/SR.1683), le 25 janvier 2012, et a adopté à sa 1698e séance, le 3 février 2012 (voir CRC/C/SR.1698), les observations finales ci-après.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et les réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/THA/Q/Add.1) et se félicite du dialogue ouvert, honnête et constructif qui s’est instauré avec la délégation multisectorielle de haut niveau.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées à l’issue de l’examen des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/THA/CO/3-4) et du rapport soumis en application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/THA/CO/1).

II.Observations générales

Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’âge de l’enrôlement dans le service actif ou inactif est fixé à 18 ans, conformément à la loi sur le service militaire de 1954 et au règlement du Ministère de la défense de 2000.

III.Mesures générales d’application

Législation

5.Le Comité note avec préoccupation que les dispositions du Protocole facultatif n’ont pas toutes été incorporées dans le droit interne, en particulier s’agissant de l’incrimination du recrutement d’enfants âgés de moins de 18 ans dans les forces armées.

6. À la lumière de l’article 6 du Protocole facultatif, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures pour incorporer pleinement les dispositions du Protocole facultatif dans son droit interne et réprimer expressément le recrutement de personnes de moins de 18 ans dans les forces armées.

Coordination

7.Le Comité note que la Commission nationale de promotion du développement de l’enfance et de la jeunesse est le mécanisme chargé de coordonner la mise en œuvre du Protocole facultatif. Cela étant, le Comité, qui renvoie aux observations finales faites à l’issue de l’examen du rapport de l’État partie au titre de la Convention, relève avec préoccupation que les politiques en matière de droits de l’enfant et leur application pratique soient confiées à différents organismes relevant du Ministère du développement social et de la sécurité humaine et d’autres instances et qu’il n’existe pas de mécanisme de coordination général chargé de coordonner les activités entreprises par toutes les instances étatiques et non étatiques au titre de l’application de la Convention et des Protocoles facultatifs.

8. Renvoyant aux observations finales qu’il a faites au titre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d ’ améliorer la coordination entre les différentes instances et commissions chargées d’élaborer et d’appliquer les politiques relatives aux droits des enfants, y compris celles qui relèvent du Ministère du développement social et de la sécurité humaine, et de charger une entité à même de jouer un rôle directeur et d’assurer efficacement un contrôle général du suivi et de l’évaluation des activités liées aux droits de l’enfant entreprises en application de la Convention et de ses Protocoles facultatifs par les différents ministères et par tous les échelons, de l’administration centrale aux autorités locale s .

Diffusion et sensibilisation

9.Tout en se félicitant que le Protocole facultatif ait été traduit en thaï et diffusé auprès de divers organismes, y compris des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, le Comité est toutefois préoccupé par l’absence d’activités systématiques et globales de diffusion du Protocole facultatif et de sensibilisation à ses dispositions dans l’État partie auprès du public, des enfants et des professionnels qui travaillent avec et pour les enfants.

10.À la lumière du paragraphe 2 de l’article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les principes et les dispositions du Protocole facultatif auprès du grand public, des enfants et des autorités centrales et locales concernées, en mettant au point des programmes d’information et d’éducation systématiques.

Données

11.Le Comité regrette qu’il n’existe pas de données et de statistiques sur de nombreux domaines couverts par le Protocole facultatif, en particulier sur le nombre de personnes de moins de 18 ans inscrites dans les écoles militaires et le nombre d’enfants réfugiés ou demandeurs d’asile qui ont été ou sont susceptibles d’avoir été impliqués dans des violences armées généralisées.

12. Renvoyant à ses observations finales au titre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système global de collecte de données sur tous les domaines pertinents de l’application de la Convention et des Protocoles facultatifs et d’utiliser l es informations et les statistiques recueillies comme base pour élaborer des politiques et des programmes d’ensemble visant à protéger les enfants touchés par des violence s armée s généralisée s ou impliqués dans de telles violence s . Il lui recommande de solliciter l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à cette fin.

IV.Prévention

Engagement volontaire

13.Le Comité se félicite de l’adoption de l’arrêté ministériel no 2, 2554 d’avril 2011 interdisant aux moins de 18 ans de participer aux entraînements militaires dans les villages, mais est préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants occuperaient officieusement diverses fonctions dans les milices villageoises d’autodéfense (Chor Ror Bor) dans les provinces frontalières du Sud, et y assumeraient plus ou moins les mêmes fonctions que les membres officiels. Le Comité note en outre avec préoccupation que les règles applicables sont peu claires et mal connues des principaux responsables, que les politiques et règles existantes sont peu appliquées et que ces milices ne font pas l’objet d’une véritable surveillance et n’ont pas à rendre compte de leurs actes, ce qui crée une situation dans laquelle les enfants risquent d’être associés officiellement ou officieusement aux Chor Ror Bor.

14.Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir et interdire l’implication officieuse d’enfants dans les activités des Chor Ror Bor. Il recommande en outre à l’État partie de mettre en place des mécanismes efficaces de surveillance et de responsabilisation des responsables clefs en ce qui concerne l’implication officielle et officieuse d’enfants dans les milices villageoises d’autodéfense et de les sensibiliser aux lois qui interdisent ces recrutements.

Écoles militaires

15.Le Comité note avec préoccupation que dans le premier cycle, pour lequel l’âge minimum d’admission est fixé à 16 ans, le programme d’études comprend des matières à caractère militaire, comme le maniement des armes, la logistique terrestre, navale et aérienne, les disciplines militaires et le droit international.

16. Le Comité demande à l’État partie:

a) De p rocéder à un examen complet de toutes les écoles militaires relevant de sa juridiction en vue de les mettre en conformité avec les dispositions du Protocole facultatif;

b) De m ettre en place un système complet d’enregistrement de tous les élèves inscrits dans des écoles militaires qui permette de recueillir des données ventilées par sexe, âge, milieu socioéconomique et situation géographique et qui soit centralisé et régulièrement contrôlé;

c) D’e nvisager d’instituer des contrôles réguliers des écoles militaires menés conjointement par le Ministère de l’éducation, le Ministère de la défense et les c omités de protection de l’enfance afin de veiller à ce que ces écoles respectent les dispositions du Protocole facultatif;

d) De v eiller à ce que l’entraînement au maniement des armes à feu soit clairement interdit aux enfants de moins de 18 ans dans les écoles militaires.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

17.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie, notamment le Code pénal de 1956 et la loi de 2003 sur la protection de l’enfance, ne répriment pas expressément le recrutement et/ou l’utilisation de personnes de moins de 18 ans par les forces armées, les milices villageoises d’autodéfense et les groupes armés non étatiques.

18. Afin de renforcer les mesures nationales et internationales de prévention du recrutement d ’ enfants par les forces armées ou des groupes armés et de leur utilisation dans les hostilités, le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ incriminer expressément dans la loi le recrutement et l ’ implication d ’ enfants dans les forces armées, les milices villageoises d ’ autodéfense et les groupes armés non étatiques.

Compétence

19.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas établi sa compétence universelle pour le recrutement illégal d’enfants et leur utilisation dans les hostilités. Il regrette que l’exercice de la compétence extraterritoriale pour les infractions visées par le Protocole facultatif soit soumis à l’exigence de la double incrimination et que l’extradition soit subordonnée à l’existence d’un accord entre l’État partie et l’État requérant.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de prévoir expressément, dans le Code pénal ou un autre instrument, l ’ exercice de la compétence extraterritoriale pour les actes prohibés par le Protocole facultatif, notamment la conscription ou l ’ enrôlement d ’ enfants dans les forces armées ou des groupes armés, ou leur utilisation aux fins de participation active à des hostilités, si ces infractions sont commises par ou contre un Thaïlandais ou une personne qui entretient un lien étroit avec l ’ État partie. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

21.Le Comité note avec préoccupation que les enfants demandeurs d’asile et les enfants refugiés (appelés «déplacés externes»), y compris les anciens enfants soldats, qui vivent dans des camps officiels ou non officiels en Thaïlande, ne bénéficient d’aucune protection et qu’il n’existe pas de mécanismes permettant de repérer les anciens enfants soldats parmi les réfugiés ou les demandeurs d’asile. Le Comité est également préoccupé par le fait que, faute de mesures d’identification et de protection appropriées, il pourrait y avoir, parmi les personnes renvoyées de force au Myanmar, des enfants soldats ayant fui le pays, qui risqueraient alors d’être recrutés à nouveau et/ou d’être placés en détention pour désertion. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les enfants vivant dans les camps risquent d’être recrutés ou réenrôlés par des groupes non étatiques originaires du Myanmar qui opèrent sur le territoire thaïlandais.

22. Compte tenu des obligations de l’État partie au titre de l ’ article 7 du Protocole facultatif, le Comité lui demande instamment :

a) De mettre en place un système national de collecte des données et d ’ enregistrement de tous les enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés placés sous sa juridiction;

b) D ’ établir un mécanisme de repérage des enfants, notamment les demandeurs d ’ asile et les réfugiés, qui ont été ou pourraient avoir été im pliqués dans des conflits armés , et de faire en sorte que le personnel chargé de repérer ces enfants ait reçu une formation aux droits de l ’enfant , à la protection de l ’ enfance et aux techniques d’entretien ;

c) D ’ offrir aux enfants qui ont été ou pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé l ’ assistance nécessaire à leur rétablissement physique et psychologique et à leur réinsertion sociale;

d) De mettre immédiatement un terme aux retour s forcé s d ’ enfants qui pourraient avoir été ou risquent d ’ être victimes d ’ infractions visées dans le Protocole facultatif vers leur pays d ’ origine;

e) D e prévenir l ’ enrôlement et le réenrôlement d ’ enfants par des groupes non étatiques armés du Myanmar dans les camps se trouvant sur le territoire thaïlandais ;

f) De solliciter l ’ assistance technique du Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l ’ UNICEF dans ce domaine.

Arrestation et détention d’enfants en vertu de la législation d’exception

23.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants seraient arrêtés et placés en détention en application de la loi martiale et du décret sur l’état d’urgence dans les provinces du Sud du pays. Il est particulièrement préoccupé par le fait que, en vertu de ces textes, la détention administrative d’enfants ne soit pas interdite et puisse durer jusqu’à trente jours, durant lesquels ils sont soumis à des mauvais traitements et placés à l’isolement ou détenus avec des adultes.

24. Le Comité engage l ’ État partie à réviser ses lois relatives à la sécurité en vue d ’ interdire les procédures pénales ou administratives visant des enfants de moins de 18 ans et d ’ interdire l a détention d’enfants dans les centres de détention militaires. Il recommande que tous les enfants de moins de 18 ans soient pris en charge par le système de justice pour mineurs en toutes circonstances.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et d ’ envisager d ’accroître sa coopération avec l ’ UNICEF et les autres organismes des Nations Unies en vue de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Suivi et diffusion

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que les présentes recommandations soient pleinement appliquées, notamment en les transmettant au chef de l ’ État, au Parlement, aux ministères compétents et aux autorités locales , ainsi qu ’ aux comités et sous-comités de protection de l ’ enfance au niveau central comme au niveau des provinces, pour examen et suite à donner.

27. Le Comité recommande en outre que le rapport initial et les réponses écrites soumises par l ’ État partie, ainsi que les recommandations adoptées (observations finales), soient largement diffusées, notamment mais pas exclusivement par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des associations de jeunes, des organisations professionnelles et des enfants, de manière à susciter un débat et une prise de conscience au sujet du Protocole facultatif, de sa mise en œuvre et de son suivi .

IX.Prochain rapport

28.Conformément au paragraphe 2 de l’article 8, le Comité prie l’État partie de fournir de plus amples informations sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans son prochain rapport périodique, qu’il présentera conformément à l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant.