Nations Unies

CRC/C/OPAC/PER/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

7 mars 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Pérou en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Pérou (CRC/C/OPAC/PER/1) à sa 2071e séance (voir CRC/C/SR.2071), le 15 janvier 2016, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2104e séance (CRC/C/SR.2104), le 29 janvier 2016.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie ainsi que ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/PER/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, mais regrette le retard considérable avec lequel le rapport a été soumis.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées, le 29 janvier 2016, au sujet de son rapport valant quatrième et cinquième rapports périodiques au titre de la Convention (CRC/C/PER/CO/4-5) et au sujet de son rapport initial au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/PER/CO/1).

II.Observations générales

Aspects positifs

4.Le Comité se félicite que l’État partie ait adhéré aux instruments internationaux ci‑après ou les ait ratifiés :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’établissement d’une procédure de présentation de communications, en janvier 2016 ;

b)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en septembre 2003 ;

c)La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (1999) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en janvier 2002 ;

d)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en novembre 2001.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures positives prises en vue de la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier :

a)La déclaration faite par l’État partie lors de la ratification du Protocole facultatif, par laquelle il a fait savoir que l’âge minimum de l’enrôlement volontaire dans ses forces armées était fixé à 18 ans ;

b)Le Programme d’intervention multisectorielle dans la zone de la VRAEM (Vallée des rivières Apurímac, Ene et Mantaro) pour 2013-2016, qui vise à lutter contre la pauvreté, les inégalités, le trafic de drogue, les bandes criminelles et le terrorisme dans cette région ;

c)Le Plan national d’action en faveur des enfants et des adolescents pour 2012‑2021, dont l’un des objectifs stratégiques est l’élimination de la participation d’enfants et d’adolescents au conflit interne ;

d)Le Plan national d’action contre la traite des êtres humains pour 2011-2016, qui reconnaît l’enrôlement d’enfants à des fins d’exploitation en tant que forme de traite.

III.Mesures d’application générales

Coordination

5.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au cours du dialogue, selon lesquels c’est au Ministère de la défense qu’il revient de coordonner les activités menées à bien dans les domaines visés par le Protocole facultatif. Il regrette cependant que l’État partie conteste la nécessité d’une coordination efficace entre les institutions compétentes, telles que le Ministère de la femme et des populations vulnérables, le Ministère de l’éducation et le Ministère de la justice et des droits de l’homme.

6. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur les obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif en termes de diffusion, de formation, de prévention, de réadaptation, d ’ incrimination des infractions visées et d ’ établissement d ’ un mécanisme de coordination entre toutes les entités compétentes, à tous les niveaux. Le Comité lui recommande en outre de faire en sorte que ledit mécanisme soit doté des capacités et de l ’ autorité requises pour coordonner la mise en œuvre et l ’ évaluation des activités menées au titre du Protocole facultatif et dispose des moyens humains, techniques et financiers dont il a besoin pour s ’ acquitter de son mandat à tous les niveaux.

Allocation de ressources

7.Le Comité regrette l’absence de lignes budgétaires spécifiquement consacrées aux activités de mise en œuvre du Protocole facultatif.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à allouer des ressources suffisantes et ciblées à l ’ application effective de toutes les dispositions du Protocole facultatif.

Diffusion, sensibilisation et formation

9.Le Comité accueille avec satisfaction les informations selon lesquelles l’État partie mène à bien des activités de sensibilisation aux violences terroristes et des sessions de formation aux droits de l’homme et au droit humanitaire, portant notamment sur le Protocole facultatif, auprès des membres des forces armées. Il note cependant avec préoccupation que d’autres catégories professionnelles concernées ne reçoivent pas une formation appropriée concernant le Protocole facultatif. Il regrette aussi que trop peu d’efforts soient faits pour sensibiliser le public en général, et les enfants en particulier, aux dispositions et aux principes consacrés par le Protocole.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de diffuser largement les principes et les dispositions du Protocole facultatif auprès du grand public en général et des enfants en particulier, y compris par l ’ entremise des médias. L ’ État partie devrait en outre mettre en place des activités systématiques pour garantir une formation exhaustive aux dispositions du Protocole facultatif à l ’ ensemble des catégories professionnelles concernées, notamment aux forces de l ’ ordre, aux juges, aux agents des services d ’ immigration, aux travailleurs sociaux et au personnel médical.

Données

11.Le Comité regrette qu’il n’existe pas dans l’État partie de mécanisme permettant de recueillir, d’analyser et de suivre de manière systématique des données relatives à tous les domaines couverts par le Protocole facultatif.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre sur pied un système complet de collecte de données couvrant tous les aspects de la mise en œuvre du Protocole facultatif et d ’ exploiter les informations ainsi réunies pour élaborer des politiques et des programmes exhaustifs destinés à assurer la protection des enfants touchés par un conflit armé ou impliqués dans un tel conflit.

IV.Prévention

Procédures de vérification de l’âge

13.Le Comité constate avec préoccupation que les procédures de vérification de l’âge en place pour l’enrôlement dans les forces armées ne sont pas systématiquement suivies. Il constate aussi avec préoccupation qu’un certain nombre d’enfants continuent à rencontrer des difficultés pour obtenir leurs certificats de naissance et documents d’identité, ce qui peut nuire à l’efficacité des procédures de vérification de l’âge.

14. Le Comité invite instamment l ’ État partie à faire en sorte que l ’ âge de chaque recrue soit vérifié de manière systématique et cohérente afin de prévenir efficacement l ’ enrôlement d ’ enfants dans les forces armées . Il réaffirme les recommandations qu ’ il avait formulées dans ses observations finales au titre de la Conventi on (voir  CRC/C/PER/CO/4-5, par.  34) et recommande à l ’ État partie de continuer à redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ enregistrement universel des naissances et l ’ accès aux documents d ’ identité pour tous les enfants sur le territoire.

Écoles militaires

15.Le Comité note avec préoccupation que de nombreux programmes d’éducation ordinaire s’adressant à des enfants âgés de 3 à 17 ans, de même que des écoles publiques accueillant des enfants de 13 à 17 ans, relèvent de l’armée péruvienne. Il constate avec préoccupation que les écoles militaires accueillant des enfants qui sont gérées par les forces armées sont nombreuses et que, dans certaines d’entre elles, des enfants peuvent être admis dès l’âge de 15 ans, sont considérés comme réservistes dans l’éventualité d’une mobilisation ou d’un conflit armé, conformément au décret suprême no 001-2010-DE-SG, adopté le 10 janvier 2010, et peuvent recevoir une formation militaire.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de réduire progressivement le nombre d ’ écoles gérées par ses forces armées, en particulier par des militaires, et de transfé rer la responsabilité de l ’ ensemble des établissements d ’ enseignement du Ministère de la défense au Ministère de l ’ éducation. L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que les enfants fréquentant des écoles militaires ne soient considérés ni comme des membres des forces armées ni comme des réservistes. De plus, il devrait interdire les formations de type militaire, notamment la formation au maniement des armes à feu, pour tous les mineurs de 18 ans dans les écoles militaires.

V.Interdiction et questions connexes

Lois et réglementations pénales en vigueur

17.Le Comité salue le fait que la loi sur le service militaire interdise l’enrôlement forcé et fixe l’âge minimum du service militaire à 18 ans. Il relève cependant avec préoccupation que :

a)L’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées, par des groupes armés non étatiques et par des entreprises privées de sécurité et de défense n’ont toujours pas été expressément érigés en infractions pénales de manière complète ;

b)la législation nationale ne qualifie pas l’enrôlement de personnes âgées de moins de 15 ans de crime de guerre.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer la révision de son code pénal afin d ’ interdire et d ’ incriminer expressément l ’ enrôlement de mineur s de 18  ans et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées, par des groupes armés non étatiques et par des entreprises privées de sécurité et de défense, sans exception aucune. L ’ État partie devrait également qualifier de crime de guerre et punir en tant que tel l ’ enrô lement d ’ enfants de moins de 15  ans.

Enrôlement et utilisation d’enfants par les forces armées de l’État

19.Le Comité prend acte des renseignements communiqués par l’État partie au cours du dialogue selon lesquels il n’y a pas eu de plaintes déposées en 2014 ni en 2015 pour enrôlement ou utilisation d’enfants par les forces armées de l’État, mais est vivement préoccupé par des informations selon lesquelles des forces armées de l’État partie, notamment la police et des comités d’autodéfense, auraient en toute illégalité enrôlé ou utilisé des enfants, qui auraient en outre été envoyés servir dans des zones à haut risque de conflit et de violence, et selon lesquelles cela aurait touché de manière disproportionnée les enfants en situation de marginalisation et de vulnérabilité.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour combattre et prévenir, de manière efficace, l ’ enrôlement ou l ’ utilisation d ’ e nfants par des forces armées, y  compris la police et les comités d ’ autodéfense . À cet égard, il devrait veiller à ce que la législation en vigueur soit effectivement appliquée, notamment en formant les catégories professionnelles concernées et en faisant mieux connaître les conditions d ’ âge.

Enrôlement et utilisation d’enfants par des groupes armés non étatiques

21.Le Comité note avec une vive préoccupation que des enfants, y compris des filles, continuent d’être enrôlés, enlevés et utilisés par différents groupes armés non étatiques, en particulier le Sentier lumineux du VRAEM (Vallées des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro) et le Sentier lumineux de la vallée de la Huallaga. Il note également avec préoccupation que, selon certaines informations, ces groupes armés non étatiques utilisent des enfants pour des activités illégales, telles que le trafic de drogue, et les soumettent à des violences sexuelles et à l’exploitation sexuelle. Le Comité est en outre préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour repérer les enfants qui risquent d’être enrôlés, en particulier du fait de leur situation socioéconomique ou parce qu’ils vivent dans des zones reculées.

22. Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il a l ’ obligation, en vertu du Protocole facultatif, de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre effectivement l ’ enrôlement et l ’ utilisation d ’ enfants par des groupes armés non étatiques. À cet égard, il l ’ invite instamment :

a) À renforcer ses mesures juridiques, administratives ou institutionnelles propres à protéger les enfants c ontre les violences, y  compris les violences sexuelles, et l ’ exploitation économique par des groupes armés non étatiques, en tenant compte dans l ’ élaboration de ces mesures des besoins p articuliers des filles victimes ;

b) À mettre en place des mécanismes adéquats pour repérer les enfants qui risquent d ’ être enrôlés ou utilisés par des groupes armés non étatiques ;

c) À poursuivre et renforcer encore la mise en œuvre de ses programmes visant à prévenir et éliminer les causes profondes du phénomène de l ’ enrôlement, tels que le Programme d ’ intervention multisectorielle dans la zone de la VRAEM pour 2013-2016 ;

d) À étendre ses programmes de sensibilisation et d ’ éducation sur les conséquences négatives de la participation à des conflits armés, à l ’ intention des enfants, des parents, des enseignants et de tous les acteurs concernés.

Impunité

23.Le Comité regrette que les informations manquent quant au nombre et à l’issue des enquêtes ouvertes, des poursuites engagées et des condamnations prononcées dans des affaires liées à l’utilisation ou à l’enrôlement d’enfants par les forces armées ou par des groupes armés non étatiques.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que des enquêtes rapides et impartiales soient menées sur les cas signalés d ’ enrôlement et d ’ utilisation d ’ enfants par les forces armées ou par des groupes armé s, à ce que les auteurs présumés soient déférés à la justice et à ce que les coupables soient sanctionnés comme il se doit. L ’ État partie devrait aussi intensifier ses efforts pour enquêter sur les infractions visées par le Protocole facultatif qui ont été commises au cours du conflit armé interne, en poursuivre les auteurs et les traduire en justice.

Compétence extraterritoriale et extradition

25.Le Comité prend note des informations que l’État partie lui a données au cours du dialogue concernant la possibilité d’exercer sa compétence extraterritoriale et l’inclusion des infractions visées par le Protocole facultatif dans la majorité des traités d’extradition. Il relève cependant avec préoccupation que la compétence extraterritoriale et l’extradition pour les infractions relevant du Protocole sont subordonnées à la condition de la double incrimination.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que sa législation lui permette d ’ exercer sa compétence extraterritoriale et de procéder à des extraditions pour toutes les infractions prévues dans le Protocole facultatif sans condition de double incrimination.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

27.Le Comité salue les mesures que l’État partie a adoptées dans le cadre du Plan intégral de réparation afin que les enfants touchés par le conflit entre 1980 et 2000 obtiennent réparation. Il est toutefois préoccupé par le retard pris dans la mise en œuvre de ce plan.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts afin de garantir l ’ octroi d ’ une réparation aux enfants victimes du conflit armé qui s ’ est déroulé entre 1980 et 2000.

Aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale

29.Le Comité prend acte des informations fournies par l’État partie au sujet des mesures récemment adoptées pour garantir la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants enrôlés par le Sentier lumineux, parmi lesquelles la création d’une commission plurisectorielle. Il relève cependant avec préoccupation que les enfants enrôlés par les forces armées ou par des groupes armés non étatiques ou utilisés dans des hostilités n’ont qu’un accès insuffisant à des services d’aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion. Il regrette aussi le manque d’informations disponibles concernant les services proposés pour les filles ayant subi des violences sexuelles après avoir été enrôlées.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les enfants enrôlés par les forces armées ou par des groupes armés non étatiques ou utilisés dans des hostilités bénéficient d ’ une réadaptation physique et psychologique et aient accès à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale. Ces mesures devraient comprendre une évaluation approfondie de la situation de ces enfants, le renforcement des services de conseil juridique qui leur sont offerts et la fourniture immédiate d ’ une assistance pluridisciplinaire adaptée à leur âge et à leur sexe et respectueuse de leur culture aux fins de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. L ’ État partie devrait fournir de plus amples renseignements sur les mesures prises à cet égard et sur le nombre d ’ enfants qui en bénéficient dans le prochain rapport qu ’ il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de resserrer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF) et d ’ autres organismes des Nations Unies dans la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Suivi et diffusion

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement, aux ministèr es concernés, dont le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

33. Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie ainsi que les présentes observations finales soient largement diffusés, y compris (mais pas seulement) par le biais de l ’ Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeune s s e , des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

34. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article  8 du Protocole facultatif , le Comité prie l ’ État partie de faire figurer un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article  44 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.