Observations finales concernant le rapport soumis par la République démocratique populaire lao en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial de la République démocratique populaire lao (CRC/C/OPAC/LAO/1) à sa 2006e séance (CRC/C/SR.2006), le 27 mai 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2024e séance (CRC/C/SR.2024), le 5 juin 2015.

I.Introduction

Le Comité salue la soumission par l’État partie de son rapport initial et de ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/LAO/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet de son deuxième rapport périodique au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/LAO/CO/2), adoptées le 4 février 2011, et au sujet de son rapport initial au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/LAO/CO/1), adoptées le 5 juin 2015.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, le 18 mars 2009, de la Convention sur les armes à sous-munitions.

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2009 relative aux obligations en matière de défense nationale, qui facilite la mise en œuvre du Protocole facultatif à l’échelle nationale.

III.Mesures d’application générales

Coordination

Le Comité note que le Ministère de la défense nationale est chargé au premier chef de coordonner la mise en œuvre de la loi relative aux obligations en matière de défense nationale, pièce maîtresse de la législation nationale pour ce qui touche à la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait qu’en pratique ce Ministère ne tient pas pleinement compte du Protocole facultatif dans l’exercice de son mandat.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les responsabilités du Ministère de la défense nationale comprennent la coordination et le suivi effectifs de la mise en œuvre du Protocole facultatif par les différents ministères, y compris au niveau des provinces.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité prend note avec préoccupation de l’absence d’institution nationale des droits de l’homme indépendante conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) qui serait chargée de contrôler à intervalles réguliers le respect des droits énoncés dans le Protocole facultatif et de recevoir et traiter les plaintes émanant d’enfants.

À la lumière de ses recommandations précédentes (CRC/C/LAO/CO/2, par. 15), le Comité engage l’État partie à instaurer un mécanisme indépendant chargé de contrôler la réalisation des droits consacrés par le Protocole facultatif et de traiter rapidement les plaintes émanant d’enfants, selon les modalités qui leur sont adaptées.

Diffusion, sensibilisation et formation

Le Comité se félicite que le texte du Protocole facultatif et de la loi relative aux obligations en matière de défense nationale ait été diffusé auprès du personnel militaire mais regrette que les formations ne soient pas dispensées de manière systématique et que peu de moyens aient été mis en œuvre pour diffuser des informations sur le Protocole facultatif auprès des ministères, des enfants et du grand public. Le Comité note aussi avec préoccupation que des stages de formation ne sont pas systématiquement organisés et qu’ils sont ouverts à la participation du personnel militaire uniquement.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer ses efforts de sensibilisation pour faire largement connaître les principes et les dispositions du Protocole facultatif auprès des fonctionnaires et des forces de l’ordre, y compris au niveau des provinces;

b) D’élaborer des campagnes d’information spécifiques pour sensibiliser les parents, les enseignants, les élèves et les membres de la société civile;

c) D’inscrire systématiquement dans les programmes de formation de tous les groupes professionnels concernés – en particulier des agents des services de l’immigration, des forces de l’ordre, des avocats, des juges, du corps médical et des travailleurs sociaux – des modules de formation complets portant sur les dispositions du Protocole facultatif et sur le droit international humanitaire;

d) D’allouer des moyens humains, techniques et financiers suffisants à l’accomplissement des tâches susmentionnées.

Données

Le Comité regrette qu’il n’existe pas de mécanisme permettant de procéder systématiquement à la collecte, à l’analyse et à la surveillance de données pour tous les domaines visés par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre au point un système de collecte de données global portant sur tous les domaines liés à la mise en œuvre du Protocole facultatif et de se servir des informations et des statistiques recueillies pour élaborer des politiques et des programmes exhaustifs destinés à assurer la protection des enfants touchés par un conflit armé ou impliqués dans un tel conflit.

IV.Prévention

Procédures de vérification de l’âge

Le Comité continue d’observer avec préoccupation que, dans les petits villages isolés, il arrive que les naissances ne soient pas enregistrées en raison des difficultés de communication, de la méconnaissance des procédures légales par les parents et les autorités administratives du village ou de l’absence de registre d’état civil dans les petits districts ruraux (voir CRC/C/LAO/CO/2, par. 34). Le Comité regrette en outre que, dans les zones rurales, les parents éprouvent souvent des difficultés à avoir accès aux services qui établissent les certificats de naissance, ce qui nuit à l’application effective des procédures de vérification de l’âge. Le Comité relève de surcroît avec préoccupation que le système de délivrance des certificats de naissance de l’État partie n’a pas encore été informatisé.

Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À poursuivre et à renforcer les mesures prises pour que tous les enfants – notamment les enfants des régions et des villages reculés et les enfants des rues – soient enregistrés, grâce à des unités mobiles notamment, afin d’éviter que des enfants ne soient enrôlés en vue de leur participation dans des conflits armés, conformément à la recommandation que le Comité a déjà formulée à ce sujet (voir CRC/C/LAO/CO/2, par. 35);

b) À éliminer tous les obstacles entravant l’accès universel aux procédures d’enregistrement des naissances;

c) À allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l’informatisation du système d’enregistrement des naissances;

d) À veiller à ce que les procédures d’enrôlement existantes soient strictement respectées par toutes les institutions de la police et de l’armée qui recrutent des personnels professionnels ou des agents contractuels et par toutes les écoles militaires, et à prendre des mesures pour repérer les faux documents utilisés par des mineurs;

e) À solliciter l’assistance internationale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), notamment, en vue de permettre un enregistrement universel, informatisé et centralisé des naissances.

Éducation aux droits de l’homme

Le Comité juge positifs les efforts déployés par l’État partie pour instiller une culture de la paix par le biais d’initiatives de sensibilisation aux effets néfastes des conflits. Il note toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas de modules spécifiques consacrés à l’éducation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire dans les programmes scolaires aux niveaux primaire et secondaire.

Se référant à son observation générale n o  1 (2001) sur les buts de l’éducation, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour inscrire systématiquement l’éducation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire dans les programmes scolaires, en mettant l’accent sur les infractions visées par le Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité note que la loi relative aux obligations en matière de défense nationale et la loi relative aux forces de protection de la sécurité du peuple interdisent l’enrôlement d’enfants de moins de 18 ans dans les forces militaires. Il relève cependant avec préoccupation que ces textes ne prévoient pas expressément que l’enrôlement d’enfants dans l’appareil militaire d’État engage la responsabilité pénale. Il se dit également préoccupé du fait qu’aucun texte de loi n’incrimine expressément l’enrôlement d’enfants par des groupes armés non étatiques ou des sociétés privées de services de sécurité.

Le Comité exhorte l’État partie à incriminer expressément l’enrôlement de personnes de moins de 18 ans et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées mais aussi par les groupes armés non étatiques et les sociétés privées de services de sécurité.

Compétence extraterritoriale et extradition

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’exerce pas sa compétence pour connaître des violations du Protocole facultatif commises hors de son territoire. Il regrette aussi que l’extradition soit subordonnée à la double incrimination.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives et pratiques qui s’imposent pour que sa législation interne lui permette d’établir et d’exercer sa compétence extraterritoriale pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, notamment la conscription ou l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou dans des groupes armés, ou leur utilisation aux fins de participation à des hostilités. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’abolir la condition de la double incrimination aux fins de l’extradition pour les infractions visées par le Protocole facultatif.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité regrette l’absence de mécanismes permettant de repérer les enfants qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger, en particulier parmi les enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants et non accompagnés présents sur le territoire de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place des mécanismes et des procédures destinés à garantir la protection totale des enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants et non accompagnés relevant de sa juridiction, en repérant à un stade précoce les enfants qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé et en veillant à ce que le personnel chargé de cette tâche reçoive une formation aux droits de l’enfant, à la protection de l’enfance et aux techniques d’entretien adaptées aux enfants. Le Comité recommande en outre à l’État partie de faire en sorte que ces enfants reçoivent l’assistance nécessaire à leur réadaptation physique et psychologique et à leur réinsertion sociale.

Mines terrestres et munitions non explosées

S’il reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour établir l’Autorité nationale de régulation de la lutte antimines et antimunitions non explosées, le Comité fait part de sa préoccupation face au risque élevé que courent toujours les enfants d’être tués ou mutilés par des mines et des munitions non explosées. Il relève aussi avec préoccupation que les programmes en vigueur en faveur des victimes des mines et des munitions non explosées ne sont pas suffisants pour permettre la réadaptation des enfants victimes et répondre à leurs besoins spécifiques.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses programmes de sensibilisation aux mines et ses activités de déminage afin de protéger les enfants contre les mines et les munitions non explosées. Il lui recommande également d’envisager de mettre en place des programmes adaptés aux enfants afin d’offrir aux enfants victimes – en particulier aux enfants atteints de handicaps causés par des mines ou des munitions non explosées – des services adaptés à leurs besoins spécifiques, et de leur offrir une réadaptation physique et psychologique ainsi qu’une assistance sociale.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, ainsi que d’étudier la possibilité de resserrer sa coopération avec l’UNICEF, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et d’autres organismes compétents des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l’État partie, en vue de renforcer l’exercice des droits de l’enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

IX.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Parlement, aux ministères compétents, y compris au Ministère de la défense nationale, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l’État partie, ainsi que les observations finales s’y rapportant adoptées par le Comité, soient largement diffusés, notamment par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

X.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra conformément à l’article 44 de la Convention.