Nations Unies

CRC/C/OPAC/COL/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

21 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-quatrième session

25 mai-11 juin 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Colombie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Colombie (CRC/C/OPAC/COL/1) à sa 1528e séance (CRC/C/SR.1528), tenue le 4 juin 2010, et a adopté à sa 1541e séance, tenue le 11 juin 2010, les observations finales ci-après.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l’État partie, ainsi que ses réponses écrites (CRC/C/OPAC/COL/Q/1/Add.1) à la liste des points à traiter, et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie, qui était dirigée par le Haut-Commissaire pour la paix et comprenait des représentants du Ministère de la défense.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées le 8 juin 2006 au sujet du troisième rapport périodique (CRC/C/COL/CO/3) présenté par l’État partie et avec les observations finales adoptées le 11 juin 2010 au sujet du rapport initial soumis en application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/ COL/CO/1).

4.Le Comité se déclare préoccupé par le violent et complexe conflit armé que subit la population colombienne depuis des décennies ainsi que par les obstacles à surmonter pour mettre fin à ce conflit et à son cortège de souffrances.

I.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur l’enfance et l’adolescence no 1098 de 2006 (El Código de la Infancia y Adolescencia) et, plus précisément, de sa disposition sur la protection contre l’utilisation et le recrutement par des groupes armés (art. 20).

6.Le Comité note avec satisfaction que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fait amplement référence aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, et prend acte en particulier de l’arrêt T-025 de 2004 et des ordonnances connexes, notamment l’ordonnance 251 de 2008, qui porte sur la protection des enfants déplacés.

7.Concernant la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme, le Comité note avec satisfaction que l’État partie:

a)A adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, qui se sont rendus à de nombreuses reprises dans le pays, y ont évoqué la question des enfants dans le conflit armé et formulé des recommandations à cet égard;

b)A poursuivi sa collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme par l’intermédiaire du bureau du Haut-Commissariat présent en Colombie depuis 1997;

c)A accepté en 2008 de coopérer avec le mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les enfants et les conflits armés, conformément à la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité;

d)Coopère avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

II.Mesures d’application générales

Droit à la vie, à la survie et au développement

8.Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partie depuis 2008, le Comité fait à nouveau part de sa préoccupation (CRC/C/COL/CO/3, par. 44) au sujet des informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires de civils, dont des enfants, par les forces armées, qui font ensuite passer les victimes pour des guérilleros tués au combat. Le Comité constate avec préoccupation que de telles violations graves du droit à la vie continuent d’être signalées et que les mesures prises pour mener des enquêtes et punir les auteurs de ces actes sont insuffisantes, comme l’a reconnu la délégation de l’État partie au cours du dialogue. Enfin, il est préoccupé par le fait que la justice militaire continue de se dire compétente pour les enquêtes relatives à ces exécutions.

9.Le Comité prie instamment l’État partie de prendre rapidement des mesures pour qu’il soit effectivement mis fin aux exécutions extrajudiciaires d’enfants par les forces armées, que des enquêtes impartiales soient ouvertes sans délai et que les responsables soient relevés de leurs fonctions, traduits en justice et dûment sanctionnés. Il faudrait que les témoins interrogés dans le cadre des enquêtes fassent l’objet de mesures de protection. Le Comité souligne que la justice militaire n’est pas compétente pour enquêter sur ces faits.

Coordination

10.Le Comité note que l’Institut colombien de protection de la famille est chargé de coordonner et d’appliquer le Protocole, mais il est préoccupé par l’insuffisance de la coordination avec d’autres entités pertinentes, telles que le bureau du Défenseur du peuple (la Defensoría del Pueblo), le Ministère de la défense, le Haut-Commissaire pour la paix, la Fiscalía General de la Nación, la Procurature générale de la nation (la Procuradería General de la Nación), le système judiciaire ainsi que les autorités locales et régionales.

11.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la coordination entre l’Institut colombien de la protection de la famille et les autres entités pertinentes, dont le bureau du Défenseur du peuple, le Ministère de la défense, le Haut-Commissaire pour la paix, la Fiscalía General de la Nación, la Procurature générale de la nation, ainsi que les autorités judiciaires et les autorités locales et régionales.

Diffusion et sensibilisation

12.Le Comité constate avec préoccupation que la population ne connaît guère le Protocole facultatif et que l’action menée pour mieux faire connaître ses dispositions, en particulier auprès des enfants, des familles, des enseignants et des autorités locales des zones touchées par le conflit armé est insuffisante.

13. Le Comité recommande à l’État partie, à la lumière du paragraphe 2 de l’article 6 du Protocole facultatif, de faire largement connaître les principes et les dispositions énoncés dans le Protocole facultatif au grand public, aux autorités locales, aux enseignants et aux enfants, en particulier dans les zones touchées par le conflit armé. Il recommande également à l’État partie de s’attacher tout particulièrement à contrecarrer l’image négative que les médias donnent des enfants qui peuvent avoir été utilisés dans des hostilités.

Formation

14.Le Comité note avec préoccupation que les catégories professionnelles concernées par l’application du Protocole facultatif, notamment l’armée, la police et l’administration de la justice, ne reçoivent pas une formation adéquate dans les domaines visés par les dispositions du Protocole.

15. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la formation aux droits de l’homme dispensée aux membres des forces armées en leur donnant une formation portant sur les dispositions du Protocole facultatif. Il lui recommande aussi de mettre au point des programmes de sensibilisation, d’éducation et de formation aux dispositions du Protocole facultatif à l’intention des groupes professionnels concernés qui s’occupent de l’enfance, tels que les procureurs, les avocats, les juges, les agents des forces de l’ordre, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels des médias ainsi que les responsables des municipalités et des districts. L’État partie est invité à fournir des renseignements à ce sujet dans le prochain rapport qu’il présentera en application de la Convention.

Données

16.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour recueillir des renseignements sur le nombre d’enfants qui ont participé à des programmes de réinsertion mais il est préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour coordonner la collecte des données pertinentes pour l’application du Protocole. Il note également que les données officielles disponibles sur le nombre d’enfants qui appartenaient à des groupes paramilitaires et ont été démobilisés sont incomplètes et que l’État partie s’efforce actuellement de recenser ceux qui étaient mineurs au moment où ils ont été recrutés par de tels groupes.

17. Le Comité recommande que l’autorité publique chargée de recueillir les statistiques, l’Administration nationale des statistiques (DANE), prenne des mesures complémentaires pour coordonner et systématiser la collecte de données dans les diverses entités concernées, notamment l’Institut colombien de la protection de la famille, le Ministère de la défense, le bureau du Défenseur du peuple, la Fiscalía General de la Nación, la Procurature générale de la nation et le Haut-Commissaire pour la paix. Il recommande que les données recueillies soient dûment ventilées en fonction du sexe, de l’âge et du groupe ethnique et qu’elles soient utilisées à des fins de planification et d’évaluation.

III.Prévention

Mesures de prévention

18.Le Comité salue les nombreuses mesures prises pour empêcher le recrutement d’enfants, et notamment:

a)Le système d’alerte précoce. Le Comité prend toutefois note toutefois du nombre élevé de rapports de risque (informes de riesgo) signalant un risque de recrutement et de déplacement forcé d’enfants et constate que la plupart de ces rapports ne donnent pas lieu à des alertes précoces (alertas tempranas);

b)Le rôle important joué par le Défenseur du peuple (La Defensoría del Pueblo) et la présence de défenseurs communautaires (defensores comunitarios) dans des zones particulièrement exposées aux conflits armés, notamment celles où vivent les communautés autochtones et afro-colombiennes. Néanmoins le Comité est préoccupé par le fait que le Service de la protection de l’enfance (Delegada para los derechos de la Niñez), rattaché au bureau du Défenseur du peuple, manque de moyens et que les défenseurs communautaires ne sont pas assez nombreux et ne bénéficient pas d’un financement durable de la part de l’État;

c)La création en 2007 de la Commission intersectorielle pour la prévention du recrutement d’enfants (décret 4690) et le fait que quelque 120 municipalités ont été retenues pour des interventions prioritaires. Le Comité note néanmoins que les ressources allouées à la Commission ne lui permettent pas de fonctionner au niveau local et que sa coopération avec la société civile est insuffisante.

19. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De doter le système d’alerte précoce des ressources nécessaires et de prêter l’attention voulue à l’obligation de prévenir le recrutement d’enfants lors de l’analyse des risques et de la conception des mesures à prendre pour donner suite aux rapports de risque et réagir aux alertes;

b) De renforcer, grâce au financement accru et soutenu de l’État, la présence du bureau du Défenseur du peuple ( La Defensoría del Pueblo ) et, en particulier, des défenseurs communautaires ( defensores comunitarios ) dans les zones touchées par le conflit armé, notamment les zones où vivent les communautés autochtones et afro-colombiennes, où les enfants sont particulièrement exposés au recrutement par des groupes armés illégaux;

c) De veiller à ce que la Commission intersectorielle pour la prévention du recrutement d’enfants dispose des ressources voulues de manière durable, notamment au niveau local. Il conviendrait de renforcer les efforts de coordination entre les différentes entités de l’État concernées par la prévention; de même, il faudrait intensifier la coopération avec la société civile et consulter davantage les enfants. Enfin, il faudrait concevoir et appliquer des mesures visant à évaluer l’impact du programme.

Défenseurs des droits de l’homme

20.Le Comité est profondément préoccupé par les attaques et les intimidations persistantes que subissent les défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux qui travaillent dans le domaine des droits de l’enfant.

21. Le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures de prévention efficaces pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et à mener rapidement des enquêtes sur les attaques dont ils sont la cible. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie d’appliquer les recommandations que la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a formulées à l’issue de sa mission en Colombie en 2009 (A/HRC/13/22/Add.3) ainsi que les recommandations figurant dans le rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur les défenseurs des droits de l’homme dans les Amériques (2006).

Mines terrestres

22.Le Comité note que des efforts ont été accomplis dans le cadre du Programme présidentiel pour une action globale contre les mines terrestres. Il constate néanmoins avec préoccupation que les mesures prises pour empêcher l’utilisation des mines sont inadéquates, que le déminage est insuffisant et que les victimes civiles ne sont pas dûment recensées.

23. Le Comité recommande à l’État partie d’étendre la portée des programmes d’action contre les mines, destinés à réduire le nombre de victimes parmi les enfants, et de s’employer à appliquer des mesures éducatives adaptées aux enfants, en coordination avec la société civile, notamment au niveau municipal dans les zones rurales où la présence de mines est avérée ou suspectée.

Éducation à la paix

24.Le Comité note que l’État partie promeut l’éducation à la paix et qu’une stratégie a été mise en place dans 120 municipalités pour promouvoir une culture de la non-violence et faire connaître leurs droits aux enfants; néanmoins, il est préoccupé par l’insuffisance des efforts menés, spécialement dans les zones touchées par le conflit armé.

25. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les programmes d’enseignement soient conformes à l’article 29 de la Convention et encourage l’inclusion systématique de l’éducation à la paix dans le système scolaire. À cette fin, il préconise de faire référence à son Observation générale n o 1 sur les buts de l’éducation (CRC/GC/2001/1).

IV.Interdiction et questions connexes

Recrutement par des groupes armés non étatiques

26.Le Comité est horrifié par le fait que des groupes armés illégaux continuent de recruter et d’utiliser un grand nombre d’enfants. Il regrette profondément que, bien qu’ils se soient engagés à ne pas recruter d’enfants de moins de 15 ans, les FARC-EP et l’ELN continuent de recourir à de telles pratiques, qui constituent des crimes de guerre graves. Il est vivement préoccupé par le fait que les enfants qui refusent d’être recrutés sont tués ou déplacés de force et que les enfants afro-colombiens ou autochtones sont particulièrement exposés à ces risques, leurs communautés étant souvent touchées par le conflit armé. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles de nouveaux groupes armés illégaux, apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires, recrutent et utilisent des enfants en violation de l’article 4 du Protocole.

27. Le Comité recommande:

a) Qu’à la lumière de l’article 4 du Protocole, l’État partie prenne toutes les mesures voulues pour éliminer les causes du recrutement et empêcher l’utilisation de mineurs de 18 ans par des groupes armés n’appartenant pas aux Forces armées nationales. Une attention particulière doit être prêtée à la prévention du recrutement et de l’utilisation des enfants afro-colombiens et autochtones et toute mesure à ce sujet doit être mise au point en consultation avec les communautés concernées;

b) Que l’État partie veille à ce qu’une attention toute particulière soit accordée au sort des enfants qui ont été recrutés ou utilisés dans les hostilités lorsqu’il entame des négociations et des pourparlers avec des groupes armés illégaux;

c) Que, durant le cessez-le-feu et les négociations de paix, toutes les parties soient informées de leurs obligations au titre du Protocole facultatif, et que celles-ci fassent partie intégrante de tout accord de paix et de ses modalités d’application;

d) Que l’État partie assure l’application effective des dispositions pénales existantes relatives au recrutement d’enfants.

Législation

28.Le Comité note avec satisfaction que le recrutement de mineurs de 18 ans est clairement érigé en infraction par le Code pénal colombien (article 162 de la loi no 599 de 2000) et se félicite que cette disposition soit applicable aux groupes armés illégaux comme aux forces armées nationales et que la définition de l’infraction comprenne la participation directe ou indirecte des enfants, y compris leur utilisation à des fins de renseignement. Le Comité note que, d’après l’État partie, 1 015 enquêtes sur des cas présumés de recrutement d’enfants sont en cours. Le Comité est néanmoins gravement préoccupé par le fait que, dans la majorité des affaires traitées, la procédure va rarement plus loin que l’étape préliminaire de l’ouverture d’une enquête officielle et note avec inquiétude que, d’après les renseignements fournis par l’État partie, il n’y a eu que deux condamnations, ce qui est très peu.

29. Le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que les dispositions du Code pénal soient appliquées grâce à des enquêtes promptes et impartiales sur les allégations de recrutement d’enfants et de faire en sorte que les auteurs de telles infractions soient dûment poursuivis et sanctionnés.

Loi no 975 de 2005

30.Le Comité est gravement préoccupé par le nombre très faible d’enfants − moins de 400 −, qui ont été libérés lors de la démobilisation des groupes paramilitaires en application de la loi no 975 de 2005, au cours de laquelle plus de 31 000 personnes ont été démobilisées collectivement. Il note que la libération complète de tous les enfants recrutés par des groupes armés illégaux est un critère essentiel pour accéder aux avantages juridiques énoncés dans la loi no 975. Le Comité note les informations reçues de l’État partie selon lesquelles la loi no 975 doit être appliquée conformément à l’article 162 du Code pénal mais il est gravement préoccupé par le fait que la loi no 975 a en pratique entraîné l’impunité du crime de guerre que constitue le recrutement d’enfants puisque, sur 1 137 aveux de recrutement d’enfants, 92 personnes seulement ont été poursuivies et, à ce jour, personne n’a été condamné.

31. Le Comité prie instamment l’État partie de faire en sorte que le cadre juridique appliqué à la démobilisation des groupes armés illégaux soit conforme aux normes internationales en matière de droits de l’homme et aux obligations assumées au titre du Protocole facultatif, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, de la Convention américaine sur les droits de l’homme (1969), de la jurisprudence de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et, enfin, de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Compétence et extradition

32.Le Comité regrette que les renseignements fournis par l’État partie concernant la législation sur la compétence extraterritoriale et l’extradition n’incluent pas les dispositions du Protocole.

33. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’établir sa compétence extraterritoriale pour les crimes de guerre relatifs au recrutement d’enfants, commis par ou contre tout ressortissant de l’État partie ou toute personne ayant des liens avec l’État partie. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les modalités des extraditions respectent les obligations énoncées dans le Protocole facultatif.

Violences sexuelles

34.Le Comité est gravement préoccupé par les informations faisant état d’une augmentation du nombre d’enfants, notamment de filles, qui sont victimes de violences sexuelles commises par des groupes armés illégaux ainsi que par les forces armées. Il rappelle que l’article 8 2) b) xxii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et la résolution 1882 (2009) du Conseil de sécurité disposent que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée et la grossesse forcée constituent des crimes de guerre graves.

35. Le Comité rappelle la recommandation formulée dans le rapport annuel de 2009 du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Conseil des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Colombie (A/HRC/13/72, par. 105 d)), dans laquelle il était demandé à la Fiscalía General de la Nación de créer un système de collecte fiable des données sur les actes de violence sexuelle et les infractions à caractère sexiste et au Ministère de la défense d’appliquer une politique de tolérance zéro à l’égard de telles violations, notamment en relevant immédiatement de ses fonctions toute personne qui s’en rendrait coupable. Le Comité souligne l’obligation d’empêcher l’impunité et prie instamment l’État partie d’ouvrir sans délai des enquêtes impartiales lorsque de telles infractions sont commises. Il exhorte également l’État partie à renforcer les ressources consacrées au rétablissement physique et psychologique des filles victimes de violences sexuelles et de veiller à leur éviter une victimisation secondaire lors de la procédure judiciaire.

36.Le Comité recommande à l’État partie de respecter pleinement la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará, 1994) ainsi que les recommandations formulées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans son rapport sur la violence et la discrimination à l’égard des femmes dans le conflit armé en Colombie (2006).

Utilisation des enfants comme informateurs

37.Le Gouvernement constate avec une vive préoccupation que, malgré des instructions claires des autorités militaires (rapport de l’État partie, par. 189 et 190) et comme l’a reconnu l’État partie durant le dialogue, des enfants continuent d’être utilisés comme informateurs à des fins de renseignements, ce qui les expose à des représailles de la part des groupes armés illégaux. En particulier, le Comité est préoccupé par le nombre d’enfants appartenant à des groupes armés illégaux qui ont été capturés par les forces armées ou démobilisés et ensuite soumis à des interrogatoires. Le Comité regrette que l’armée ne transfère pas toujours les enfants aux autorités civiles, notamment à l’Institut colombien de la protection de la famille, dans le délai légal de trente-six heures, et que les garanties données à l’Institut concernant la protection de la confidentialité des informations données par les enfants soient insuffisantes.

38. Le Comité prie instamment l’État partie de faire en sorte que les directives militaires interdisant toute utilisation d’enfants à des fins de renseignements soient strictement observées. L’Institut colombien de protection de la famille doit veiller à ce que toute information donnée par des enfants démobilisés reste confidentielle pour ne pas mettre leur sécurité en péril ni les exposer à des représailles. De plus, il le prie instamment d’ouvrir sans délai des enquêtes impartiales sur les informations selon lesquelles des enfants ont été interrogés à des fins de renseignements et de veiller à ce que les responsables de ces interrogatoires dans les forces armées soient relevés de leurs fonctions et dûment sanctionnés.

Utilisation et occupation d’écoles

39.Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation au sujet des informations selon lesquelles des groupes armés illégaux se rendent dans des écoles pour recruter des enfants et exécutent les enseignants qui tentent de s’y opposer. Il est également préoccupé par les informations faisant état de l’occupation d’écoles par les forces armées et d’opérations militaires menées dans le voisinage d’écoles. Le Comité reconnaît que l’État partie a le devoir de garantir le droit à l’éducation sur tout son territoire, mais souligne que la présence de l’armée près des écoles augmente considérablement l’exposition des enfants aux hostilités et aux représailles des groupes armés illégaux.

40. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures préventives nécessaires pour mettre fin au recrutement d’enfants dans les écoles par des groupes armés illégaux et d’améliorer les dispositifs de protection des enseignants. De même, il le prie instamment de mettre immédiatement fin à l’occupation d’écoles par les forces armées et de veiller à ce que le droit humanitaire et le principe de distinction soient rigoureusement respectés. Il exhorte l’État partie à mener des enquêtes promptes et impartiales sur les informations faisant état de l’occupation d’écoles par les forces armées et à veiller à ce que les responsables de telles infractions soient relevés de leurs fonctions, traduits en justice et dûment sanctionnés.

Activités civiles et militaires

41.Le Comité prend note avec satisfaction du paragraphe 29 de l’article 41 de la loi sur l’enfance et l’adolescence no 1098 de 2006, en vertu duquel les forces armées doivent s’abstenir d’utiliser des enfants dans des activités civiles et militaires. Néanmoins, le Comité constate avec préoccupation que les forces armées continuent de mener de nombreuses activités de ce type dans des écoles et des communautés et que des enfants sont invités à visiter les installations militaires et à porter des uniformes de l’armée ou de la police. Le Comité prend note que, au cours du dialogue, la délégation de l’État partie a indiqué que les activités entreprises par les forces armées auprès des enfants dans le but de promouvoir le rôle de l’armée devaient être revues.

42. Le Comité prend note des informations encourageantes données par la délégation durant le dialogue, selon lesquelles l’État partie est conscient que ces pratiques des forces armées doivent être revues, et prie instamment l’État partie d’appliquer effectivement les dispositions de la loi sur l’enfance et l’adolescence n o  1098 de 2006 relatives à cette question. De plus, le Comité rappelle la recommandation qu’il a déjà formulée (CRC/C/COL/CO/3, par. 77 j)) et demande de nouveau à l’État partie de s’abstenir de faire participer des enfants à des activités en relation avec l’armée, y compris des excursions dans des bases militaires ou la participation à des manifestations militaires organisées à l’école car, eu égard au conflit armé sévissant dans le pays, ces activités vont à l’encontre du principe de distinction entre la population civile et les combattants consacré par le droit humanitaire et exposent les enfants à un risque de représailles de la part de membres de groupes armés illégaux.

V.Protection, réadaptation et réinsertion

Aide à la réadaptation physique et psychologique

43.Le Comité prend note avec satisfaction du programme de démobilisation administré par l’Institut colombien de protection de la famille, dans le cadre duquel plus de 4 200 enfants ont été aidés au cours des dix dernières années. Il note également avec satisfaction que le programme de réparation par voie administrative créé par le décret 1290 de 2008 fait des enfants recrutés par des groupes armés et des victimes de mines terrestres des bénéficiaires prioritaires. Néanmoins, il reste préoccupé par le nombre élevé d’enfants victimes et par le fait que beaucoup d’entre eux n’obtiennent pas de réparation complète et ne reçoivent pas l’aide voulue aux fins de leur rétablissement physique et psychologique. Le Comité s’inquiète de ce que les enfants démobilisés risquent d’être traités de manière discriminatoire selon le groupe armé illégal auquel ils appartenaient et constate avec préoccupation que ceux qui ont été relâchés de manière informelle ne reçoivent pas d’aide et n’ont pas droit à des mesures de réadaptation.

44. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts afin de prévoir pour les enfants des mesures de réparation complètes et de veiller à ce que les particularités de chaque sexe soient dûment prises en compte et à ce que ces mesures soient appliquées de manière non discriminatoire, quel que soit le groupe armé illégal d’où sont issus les enfants démobilisés.

45. Le Comité engage l’État partie à s’inspirer des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant des enfants victimes ou témoins d’actes criminels (résolution 2050/20 du Conseil économique et social), lorsque des enfants victimes sont appelés à témoigner dans une procédure pénale.

VI.Assistance et coopération internationale

Coopération internationale

46. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de renforcer sa coopération avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, afin d’appliquer effectivement les résolutions du Conseil de sécurité 1612 (2005) et 1882 (2009) dans son ordre juridique interne.

47.Le Comité se félicite que l’État partie se soit engagé à faire en sorte que les enfants ne restent pas dans des groupes armés illégaux et l’encourage à appuyer l’élaboration de plans d’action avec les parties concernées, comme l’a recommandé le Secrétaire général (S/2009/434, par. 83).

48. Le Comité engage l’État partie à continuer de coopérer avec les institutions et programmes des Nations Unies, en particulier avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et l’UNICEF, ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales, pour concevoir et exécuter des mesures visant l’application adéquate du Protocole facultatif.

49. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la Convention sur les armes à sous-munitions de 2008 (signée le 3 décembre 2008).

Exportation d’armes

50. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire expressément dans sa législation la vente d’armes lorsque la destination finale est un pays où l’on sait que les enfants sont recrutés ou utilisés dans des hostilités ou qu’ils risquent de l’être.

VII.Suivi et diffusion

51. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Congrès et aux entités publiques concernées, notamment le Haut-Commissariat pour la paix, le Ministère de la défense, l’Institut colombien de protection de la famille ainsi que les autorités judiciaires régionales et locales, pour examen et suite à donner.

52. Le Comité recommande que le rapport initial présenté par l’État partie et les observations finales adoptées par le Comité à son sujet soient largement diffusés auprès du grand public afin d’ouvrir le débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VIII.Prochain rapport

53. Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer un complément d’information sur l’application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu’il présentera en application de la Convention relative aux droits de l’enfant.