Nations Unies

CCPR/C/UNK/CO/1/Add.3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 décembre 2009

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Examen des rapports présentés conformément à l’article 40 du Pacte

Complément d’information reçu de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) sur l’application des observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/UNK/CO/1)*

[12 novembre 2009]

1.Les informations ci-après ont été rassemblées en réponse à la lettre de Sir Nigel Rodley, Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme, datée du 3 juin 2009, et à une lettre de suivi de son successeur, M. Abdelfattah Amor, datée du 27 août 2009, demandant un complément d’information à propos des paragraphes 13 et 18 des observations finales et en particulier des points ci-après: a) les poursuites engagées contre les auteurs et les peines qui leur ont été infligées ainsi que le système d’indemnisation des victimes, y compris la création d’un fonds d’indemnisation pour les familles ou les proches des personnes disparues et de mécanismes d’aide juridictionnelle pour les plaignants défavorisés; et b) le retour en sécurité des personnes déplacées, en particulier des membres de minorités, les mesures prises pour améliorer la situation socioéconomique des rapatriés et les aider à récupérer leurs biens ou à obtenir une indemnisation pour les pertes subies, ainsi que l’inclusion des rapatriés dans les dispositifs locatifs établis par l’Office kosovar de la propriété immobilière.

Enquêtes et condamnations

2.La MINUK dispose d’un expert médicolégal au Bureau des personnes portées disparues et de la médecine légale, qui sert notamment d’agent de liaison pour les autorités serbes à propos de toutes les questions liées aux personnes disparues et qui représente la MINUK au Sous-Groupe de travail sur les personnes disparues. Cet expert est également chargé de planifier et d’exécuter l’examen et l’exhumation de charniers ainsi que l’autopsie et l’identification de restes humains serbes présumés, et de coordonner la remise des dépouilles serbes identifiées aux familles.

3.L’Unité d’enquête sur les crimes de guerre, qui s’occupe des enquêtes et des poursuites, a été transférée, de même que le Bureau des personnes portées disparues et de la médecine légale, à la mission EULEX. Le 9 décembre 2008, EULEX Kosovo a atteint sa capacité opérationnelle initiale et la MINUK lui a transféré officiellement les dossiers des affaires pertinentes et les éléments de preuve recueillis.

4.Depuis lors, le Bureau des personnes portées disparues et de la médecine légale d’EULEX a identifié 30 restes humains et il travaille actuellement à élucider 28 cas supplémentaires. On compte encore 1 895 personnes disparues lors du conflit.

5.La composante police d’EULEX Kosovo s’est vu transmettre 1 049 dossiers de crimes de guerre par la police de la MINUK. Au 12 octobre 2009, l’état d’avancement de ces dossiers était le suivant: affaires classées: 153; demandes d’ouverture d’une enquête: 854; nouveaux cas: 5; affaires transmises en cours d’examen: 44; affaires jugées et tranchées: 3; affaires renvoyées aux procureurs de district: 3. (Il convient de noter que lorsque EULEX Kosovo reçoit et examine un cas transmis par la MINUK, les dossiers sont rangés dans deux catégories distinctes, voire plus, et que par conséquent, le nombre de dossiers classés dans toutes les catégories ne correspond pas nécessairement au nombre total de cas.)

Statistiques relatives aux enquêtes ante-mortem et aux exhumations − 9 décembre 2008-12  octobre 2009

6.Au cours de cette période, 98 opérations sur le terrain ont été menées et ont abouti à 71 exhumations et à la collecte de 67 ensembles de restes humains.

Enquêtes ante-mortem :

Nombre total de cas

1 911

Personnes retrouvées vivantes

0

Affaires classées

20

En attente d ’ examen

1 855

Enquête en cours

36

Enquêtes post-mortem :

Nombre total de cas

76

En attente d ’ une évaluation ou d ’ un e décision de justice

7

En attente d ’ une exhumation

4

En attente d ’ une autopsie/de test s ADN

40

En attente d ’ une réponse/d ’ un complément d ’ information

4

Affaires closes

20

7.En février 2009, environ 275 cas avaient été transférés de la MINUK aux procureurs de l’EULEX Kosovo. Les affaires en étaient au stade de l’enquête préliminaire, de l’instruction, du procès ou de l’appel. Certains cas ont été renvoyés aux tribunaux de district (où les procureurs de l’EULEX Kosovo étaient déployés) et 178 autres ont été examinés par le Bureau du Procureur spécial du Kosovo qui a vérifié s’ils relevaient de sa compétence. Le Bureau a repris 51 cas de crimes de guerre.

Création d’un fonds d’indemnisation pour les familles ou les proches de personnes disparues

8.Il n’existe pas actuellement au Kosovo de «fonds d’indemnisation des victimes» pour les familles ou les proches de personnes portées disparues. Une demande d’indemnisation peut être adressée aux tribunaux du Kosovo par des membres de la famille, mais dans la pratique les juges qui s’occupent d’affaires pénales ne tranchent généralement pas les questions d’indemnisation, au motif que cela «prolongerait considérablement la procédure pénale» (Code provisoire de procédure pénale art. 107, par. 1, et art. 111). D’une manière générale, les tribunaux pénaux indiquent dans leur jugement que les parties lésées peuvent présenter une demande en réparation de préjudice matériel devant les instances civiles. Or, beaucoup de familles n’ont pas les moyens de payer un avocat pour les représenter dans une demande d’indemnisation. La question devrait être traitée dans le projet de loi relatif aux personnes portées disparues dont est saisi le Ministère de la justice. Le texte actuel propose un cadre qui prévoit notamment la création du statut de personne portée disparue et d’un fonds d’indemnisation des victimes. Pour le moment, seule la loi relative aux martyrs et aux victimes de guerre autorise une indemnisation, mais cette loi est extrêmement discriminatoire car les minorités en sont exclues.

Mécanismes d’aide juridictionnelle accessibles aux plaignants défavorisés

9.La Commission d’aide juridictionnelle et le mécanisme associé ont été créés en vertu du Règlement no 2006/36 de la MINUK en tant que cadre indépendant visant à fournir une aide juridictionnelle gratuite en matière civile et administrative aux personnes qui, sans cela, seraient privées d’un accès effectif à la justice par manque de moyens. Le 24 juin 2008, la Commission s’est vu confier officiellement la pleine responsabilité de l’aide juridictionnelle auparavant fournie par l’ancien Département de la justice de la MINUK. Bien qu’elle ait aussi pour mandat de fournir une aide juridictionnelle dans les affaires pénales, la Commission n’est pas encore en mesure de s’en acquitter complètement car le Conseil judiciaire du Kosovo gère encore le «Fonds de défense pénale». Elle peut fournir des informations et des conseils de nature juridique dans le cadre d’une procédure pénale où le plaignant a le statut de victime conformément à l’article 9.1 du Règlement no 2006/36 de la MINUK. Les familles de personnes disparues qui satisfont aux critères requis peuvent ainsi bénéficier de ce mécanisme.

10.En 2008, une aide juridictionnelle a été fournie dans un total de 1 384 affaires, dont 454 civiles, 833 administratives et 97 pénales. La Commission d’aide juridictionnelle ne conserve pas de statistiques plus détaillées. On sait toutefois que seul un petit nombre de familles de personnes portées disparues ont sollicité une aide de ce type.

11.Le Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance a été créé en vertu du Règlement no 2005/53 de la MINUK qui a élargi le rôle du Ministère de la justice en tant qu’institution provisoire de l’administration autonome pour y inclure notamment la fourniture d’une assistance aux victimes, en particulier de violences familiales et de traite d’êtres humains. Le Groupe compte 14 bureaux régionaux qui offrent services et conseils aux victimes. Il leur fournit un conseil juridique, des informations au sujet des services publics disponibles et des services assurés par des ONG et, dans certains cas, une protection contre d’autres crimes.

Retour en sécurité des personnes déplacées et mesures prises pour améliorer la situation socioéconomique des rapatriés

12.En 2008 et 2009, les autorités du Kosovo (dont le Président et le Premier Ministre) ont continué d’encourager officiellement les retours, notamment en s’adressant directement aux communautés, aux personnes déplacées et à leurs associations. Cependant, ce n’est que grâce à l’insistance de la MINUK que des activités liées aux retours ont été prévues dans les dépenses au titre du budget à moyen terme du Kosovo en 2008, ce qui a suscité une conférence des donateurs en juillet 2008, soulignant la nécessité pour le Gouvernement du Kosovo d’intensifier ses efforts pour promouvoir et mettre en œuvre le retour et la réintégration des membres de communautés non majoritaires. Les municipalités du Kosovo mettent sur pied davantage de projets de retour mais il importe d’assurer la viabilité du financement.

13.Pour ce qui est du Manuel du rapatriement durable révisé du Ministère des communautés et des retours, une évaluation des compétences et domaines d’intérêt des bénéficiaires ainsi que de la demande sur les marchés locaux a permis de fournir aux rapatriés une assistance personnalisée sous différentes formes, dont des subventions pour la génération de revenus agricoles, une formation professionnelle, des outils destinés à du petit artisanat et des aides en nature (volailles ou bétail). Les organismes compétents des Nations Unies et autres partenaires internationaux aident le Gouvernement du Kosovo à assurer l’accès aux services essentiels de toutes les communautés, y compris des personnes déplacées et des rapatriés, et, de manière plus générale, à garantir la sécurité et la viabilité du retour de toutes les personnes déplacées.

14.Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) continue d’administrer le programme intitulé «Partenariats durables pour l’aide au retour des minorités au Kosovo» (SPARK), assorti d’un mécanisme composite qui permet de fournir aux rapatriés une assistance multisectorielle aussi large que possible. Ce programme est financé par le Gouvernement du Kosovo et le Gouvernement britannique à hauteur de 20 millions de dollars des États-Unis. Opérationnel depuis octobre 2005, SPARK conjugue l’aide au retour individuel et spontané et l’aide au retour collectif et organisé. Il a été complété en novembre 2008 par le lancement d’une nouvelle initiative de retour et de réintégration au Kosovo dotée d’un budget de 7 millions d’euros et financée conjointement par la Commission européenne et le PNUD.

15.Le programme de retours organisés SPARK fournit une assistance globale spécifique aux retours organisés et collectifs à plus grande échelle de membres de minorités déplacés en Serbie et au Monténégro ainsi qu’à l’intérieur du Kosovo, sur la base d’une approche axée sur la communauté et multisectorielle qui peut inclure, sans s’y limiter: une aide au logement; une aide socioéconomique, la mobilisation et le développement communautaires; des activités visant à favoriser la tolérance et le dialogue interethniques en vue de contribuer à la réconciliation. Par ailleurs, une aide aux infrastructures vitales est fournie dans de nombreux domaines, dont la remise en état de systèmes entiers d’approvisionnement en eau, de distribution d’électricité et d’assainissement, le développement social et l’accès aux services essentiels grâce à la rénovation d’écoles et de centres de santé. L’accent est fortement mis sur l’élaboration, avec les rapatriés, de stratégies spécifiques de viabilité économique pour leurs communautés, afin d’augmenter les chances d’un retour durable.

16.En mars 2009, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les autorités en Serbie ont entrepris une étude approfondie de la situation des personnes déplacées originaires du Kosovo en vue d’identifier celles qui souhaitaient retourner chez elles. Les informations recueillies seront transmises par les bureaux du HCR à Belgrade et Prishtinë/Priština pour être intégrées dans la base de données du Ministère des communautés et des retours en vue de mesures ultérieures.

17.Afin d’offrir aux personnes déplacées des informations de première main sur la situation actuelle dans leur lieu d’origine et sur les procédures à suivre pour le retour, le Conseil danois pour les réfugiés, le HCR et d’autres partenaires concernés continuent d’organiser des «visites exploratoires» et des «visites d’information». L’agent municipal chargé des retours et l’agent municipal chargé des communautés coordonnent leur action avec le Service de police du Kosovo (SPK) et la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) pour aider les candidats au retour à évaluer la situation en matière de sécurité, d’accès aux services publics et de possibilités économiques.

18.De nombreuses municipalités ont mis au point des stratégies de retour en 2008 et 2009 en encourageant les personnes déplacées et leurs représentants à y participer. La mise en œuvre de ces stratégies doit être davantage appuyée, notamment par l’allocation de fonds. En novembre 2008, une équipe composée de quatre fonctionnaires permanents détachés par le HCR a été mise en place au Cabinet du Vice-Premier Ministre en vue d’améliorer la coordination des activités liées aux retours entre les autorités centrales et les municipalités.

Restitution des biens ou indemnisation pour perte matérielle

19.La création en mars 2006 de l’Office kosovar de la propriété immobilière a représenté une étape importante dans la création d’un environnement propice au retour durable car l’on a pu disposer ainsi d’un mécanisme de traitement des réclamations portant sur des biens et immeubles privés, y compris des terres agricoles et des biens commerciaux. La fermeture des bureaux de l’Office en dehors du Kosovo à la suite des événements politiques de 2008 à créé un vide entravant l’accès effectif des personnes déplacées à ce mécanisme. Pour y remédier, la MINUK a entrepris et poursuit une collaboration étroite avec les organismes internationaux compétents afin d’établir des contacts avec Belgrade pour encourager les retours en général, de mettre au point des arrangements institutionaux concrets pour combler le vide en question et d’élaborer d’autres mesures permettant de garantir le respect du droit des personnes déplacées à la propriété.

Dispositif locatif de l’Office kosovar de la propriété immobilière

20.Comme indiqué précédemment, l’Office kosovar de la propriété immobilière a accepté en principe d’administrer temporairement des logements reconstruits, actuellement vacants, du camp de rapatriement de Roms, d’Ashkalis et d’Égyptiens de Roma Mahala Mitrovicë (Mitrovica) pour y réinstaller temporairement les personnes déplacées qui le souhaitent et peuvent y prétendre. Cependant, les conditions requises pour ce relogement se sont révélées difficiles à réunir et sa mise en œuvre a été entravée par le manque de soutien des donateurs, l’absence de consentement de la part de propriétaires, y compris de Roms bénéficiaires ou propriétaires d’unités vacantes, et la réticence des personnes déplacées pouvant y prétendre à se déplacer au sud du fleuve Ibar. Les acteurs internationaux et locaux déterminés à assurer la réinstallation durable des Roms, Ashkalis et Égyptiens déplacés qui vivent actuellement dans les camps de Cesmin Lug et d’Osterode au nord de Mitrovica étudient des solutions de remplacement du dispositif locatif de l’Office kosovar de la propriété immobilière afin de réunir les conditions nécessaires, en particulier le consentement des propriétaires, pour que les unités vacantes puissent être employées au retour des personnes déplacées.