Nations Unies

CCPR/C/LTU/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 août 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales adoptées par le Comité des droits de l’hommeà sa 105e session (9-27 juillet 2012)

Lituanie

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Lituanie (CCPR/C/LTU/3) à ses 2896e et 2897e séances (CCPR/C/SR.2896 et CCPR/C/SR.2897), les 10 et 11 juillet 2012. À sa 2916e séance (CCPR/C/SR.2916), le 24 juillet 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la Lituanie et les informations qu’il contient. Il se félicite de l’occasion offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau au sujet des mesures prises par l’État partie pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité se félicite également des réponses écrites (CCPR/C/LTU/Q/3/Add.1) données à la liste des points à traiter, qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires apportés par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles ci‑après:

a)L’adoption de la loi sur l’égalité des chances, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 et qui interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, le handicap, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions;

b)La modification de la loi sur l’égalité des chances (2008), qui renforce les garanties procédurales en faveur des victimes de discrimination en renversant la charge de la preuve dans les cas de discrimination, sauf en matière pénale;

c)Les modifications apportées au Code pénal (2009), qui criminalisent certaines infractions jusque-là considérées comme de nature administrative et qui font expressément des motifs ou objectifs xénophobes, raciaux et discriminatoires une circonstance aggravante; et l’adoption de la nouvelle loi sur la probation, entrée en vigueur le 1er juillet 2012.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après:

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole s’y rapportant, le 27 mai 2010;

b)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 5 août 2004;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 5 août 2004.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore mis en place une institution nationale des droits de l’homme centrale, ayant une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

L ’ État partie devrait mettre en place une institution nationale des droits de l ’ homme dotée d ’ un mandat étendu dans le domaine des droits de l ’ homme et lui allouer des ressources humaines et financières suffisantes, conformément aux Principes de Paris.

6.Le Comité prend note de la promulgation récente de la loi sur la protection contre la violence familiale mais il reste préoccupé par le nombre élevé de cas de violence à l’égard des femmes, en particulier dans la famille, et par l’absence de mesures efficaces pour protéger les victimes de tels actes (art. 2).

L ’ État partie devrait allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre effective de la loi sur la protection contre la violence familiale et de la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et veiller à ce que les victimes de ce type de violence aient accès à un nombre suffisant de refuges s û rs et disposant d ’ un financement adéquat ainsi qu ’ à une assistance juridique.

7.Le Comité prend note de la poursuite du Programme national pour l’intégration des Roms dans la société lituanienne (2012-2014) mais il relève avec préoccupation que les Roms continuent d’être touchés par la discrimination, la pauvreté, un faible niveau d’instruction et un chômage massif et de vivre dans des conditions inadéquates, notamment sur le plan du logement (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait évaluer la mise en œuvre des politiques et programmes existants afin de déterminer dans quelle mesure ceux-ci ont effectivement contribué à améliorer la situation sociale et économique des Roms.

8.Le Comité note avec préoccupation que l’application de certains instruments juridiques comme la loi sur la protection des mineurs contre les effets préjudiciables de l’information publique (art. 7) peut entraîner des restrictions injustifiées à la liberté d’expression garantie par le Pacte et avoir pour effet de justifier la discrimination à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des personnes transgenres (LGBT). Il est également préoccupé par plusieurs projets de loi portant notamment modification du Code des infractions administratives, de la Constitution et du Code civil qui, s’ils étaient adoptés, auraient une incidence négative sur l’exercice par les LGBT de leurs droits fondamentaux. Le Comité est en outre préoccupé par la multiplication des attitudes négatives à l’égard de ces personnes et leur stigmatisation dans la société, qui se traduisent par des actes de violence et de discrimination, et par les informations faisant état d’une réticence des policiers et des procureurs à donner suite aux allégations de violation des droits de l’homme fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (art. 2, 19 et 26).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que sa législation ne soit pas interprétée et appliquée de manière discriminatoire contre des personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Il devrait mener de vastes campagnes de sensibilisation et mettre sur pied des formations à l ’ intention des agents des forces de l ’ ordre afin de contrer les sentiments négatifs à l ’ égard des LGBT . Il devrait également envisager d ’ adopter un plan d ’ action national spécifique sur cette question. Enfin, le Comité rappelle à l ’ État partie son obligation de garantir le respect de tous les droits fondamentaux de ces personnes, y compris le droit à la liberté d ’ expression et le droit à la liberté de réunion.

9.Le Comité prend note des informations figurant dans le rapport d’enquête parlementaire de l’État partie sur les cas présumés de «transferts» et de détention secrète de personnes soupçonnées de terrorisme et note également que le Bureau du Procureur général a mis fin à l’enquête préliminaire mais il s’inquiète de ce que toutes les informations et preuves existantes n’ont pas été collectées et examinées pendant l’enquête.

L ’ État partie devrait veiller à ce que les allégations faisant état de sa complicité dans des violations des droits de l ’ homme résultant de mesures antiterroristes fassent l ’ objet d ’ une enquête véritable. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de poursuivre les investigations sur cette question et de traduire les responsables en justice.

10.Le Comité prend note de l’adoption récente de la loi sur la protection contre la violence familiale ainsi que de l’intention de l’État partie de promulguer la législation nécessaire pour faire face à ce problème dans d’autres contextes mais il demeure préoccupé par le fait que les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits par la loi dans les écoles, les institutions pénales et les structures de protection de remplacement (art. 7).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux châtiments corporels dans tous les contextes institutionnels.

11.Le Comité prend note des différents programmes mis en œuvre par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, y compris par la coopération internationale, et pour offrir une assistance aux victimes de la traite mais il est préoccupé par la persistance de ce phénomène dans l’État partie, et plus particulièrement par les informations indiquant que les enfants de moins de 18 ans, en particulier les adolescentes vivant dans des internats, des centres d’éducation spécialisés et des foyers pour mineurs gouvernementaux et non gouvernementaux, ainsi que dans des familles à risque, sont très souvent victimes de la traite (art. 8).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des êtres humains et établir un équilibre entre sa réponse pénale et des mesures de protection des victimes. Il devrait, à cet égard, accord er une attention particulière à la prévention de l ’ exploitation sexuelle des enfants . L ’ État partie devrait, en outre, intensifier sa coopération avec d ’ autres États en vue de l ’ élimination de la traite transfrontière. Enfin, il devrait é valuer l ’ incidence de s programmes existants afin de traiter les causes profondes du problème.

12.Le Comité est préoccupé par la longueur et l’utilisation courante de la détention administrative et de la détention provisoire dans la phase précédant le procès en matière pénale. Il prend note de l’entrée en vigueur récente de la loi sur la probation mais regrette l’utilisation insuffisante des mesures de substitution à l’emprisonnement dans l’État partie (art. 9).

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CCPR/CO/80/LTU, par. 13) tendant à ce que l ’ État partie supprime la détention pour infraction administrative de son système d ’ application des lois. L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour appliquer des mesures de substitution à l ’ emprisonnement, comme l a probation, la médiation, le travail d ’ intérêt général et les peines avec sursis.

13.Le Comité est préoccupé par le projet de modification de la loi sur le statut juridique des étrangers, qui pourrait autoriser l’expulsion des étrangers considérés comme représentant une menace pour la sécurité nationale ou l’ordre public avant l’examen d’un recours éventuel, même s’ils risquent d’être victimes d’une violation des droits consacrés à l’article 7 du Pacte dans le pays de renvoi. Dans ce contexte, le Comité est également préoccupé par les propositions de mesures tendant globalement à abaisser le seuil à partir duquel une personne est considérée comme représentant une menace pour la sécurité nationale ou l’ordre public (art. 9 et 13).

L ’ État partie devrait veiller à assurer, en droit et dans la pratique, à tous les individus sans exception une protection absolue contre le refoulement vers un pays où les droits garantis à l ’ article 7 risquent d ’ être violés.

14.Le Comité est préoccupé par le système de représentation en justice des personnes privées de leur capacité juridique. Il est préoccupé en particulier par l’absence de représentation juridique dans les procédures où une personne peut être privée de la capacité juridique et par le fait que les personnes déclarées juridiquement incapables n’aient pas le droit d’engager de leur propre initiative une action en justice pour demander le réexamen de leur capacité juridique. Enfin, le Comité est préoccupé par les conséquences négatives potentielles de la faculté qu’ont les tribunaux d’autoriser que des actes comme l’avortement ou la stérilisation soient pratiqués sur des femmes handicapées privées de leur capacité juridique (art. 14 et 17).

L ’ État partie devrait garant ir une représentation juridique gratuite et efficace aux personnes faisant l ’ objet de procédures concernant leur capacité juridique, y compris aux fins du réexamen de leur capacité juridique. Il devrait également prendre les mesures voulues pour permettre aux personnes handicapées de recevoir une assistance juridique dans tous les domaines en rapport avec leur santé physique et mentale.

15.Le Comité constate avec préoccupation que des incidents xénophobes, et plus particulièrement antisémites, continuent de se produire dans l’État partie en dépit des mesures législatives et institutionnelles prises par celui-ci. Il note également avec préoccupation que les manifestations de haine et d’intolérance à l’égard de membres des minorités nationales ou ethniques et des LGBT demeurent répandues, en particulier sur l’Internet (art. 2, 19, 20, 21, 22 et 27).

L ’ État partie devrait, conformément à l ’ Observation générale n o 34 (2011) du Comité sur l ’ article 19 ( L iberté d ’ opinion et liberté d ’ expression) , intensifier ses efforts pour prévenir les infractions à caractère raciste, discriminatoire ou xénophobe, pour traduire en justice les auteurs de telles infractions et pour garantir l ’ accès des victimes à des recours utiles. Il devrait renforcer ses campagnes de sensibilisation du public et prendre des mesures visant à réduire les expressions de haine et d ’ intolérance dans les médias, y compris l ’ Internet. Il devrait en outre poursuivre ses programmes de formation dans ce domaine, notamment à l ’ intention des forces de l ’ ordre.

16.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte, du troisième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Il demande en outre que le quatrième rapport périodique soit élaboré en consultation avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

17.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait communiquer, dans un délai d’un an, les informations requises sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 8, 9 et 12 ci-dessus.

18.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui être soumis d’ici au 27 juillet 2017, des renseignements à jour et précis sur la suite donnée à toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.