Nations Unies

CERD/C/KEN/1-4

Convention internationale surl’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Distr. générale

13 janvier 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Rapports soumis par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Rapport initial et deuxième à quatrième rapports périodiques attendus en 2008*

Kenya**

[27 octobre 2011]

Table des matières

ParagraphesPage

I.Introduction et présentations générales du pays1−303

A.Territoire et population5−133

B.Structure politique générale14−184

C.Cadre juridique général de la protection des droits de l’homme19−226

D.Organe législatif23−266

E.Transposition des traités relatifs aux droits de l’homme dans le droit interne27−308

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la discrimination raciale au Kenya,conformément aux dispositions de la Convention31−2119

Article premier31−379

Article 238−7411

Article 375−8221

Article 483−9323

Article 594−17525

Article 6176−20743

Article 7208−21150

Annexes

1.Lois et règlements relatifs à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale53

2.Affaires et plaintes relatives se rapportant à la Convention internationale sur l’élimination detoutes les formes de discrimination raciale55

I.Introduction et présentation générales du pays

1.Conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Gouvernement kényan a l’honneur et le plaisir de présenter au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale son rapport initial et ses deuxième et troisième rapports périodiques, soumis en un seul document, qui couvrent la période allant de 2002 à juin 2010.

2.Le Kenya n’a pas présenté de rapport depuis son adhésion à la Convention le 13 septembre 2001. Il y a de nombreuses raisons à cela, notamment les problèmes politiques, sociaux et économiques auxquels il n’avait pratiquement pas cessé d’être confronté depuis son accès à l’indépendance. Depuis quelques années, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement en 2002, il a renforcé ses capacités dans le domaine de l’établissement de rapports et d’autres activités ayant trait aux droits de l’homme. C’est dans ce contexte que le présent rapport a été établi.

3.Le présent document a été élaboré conformément aux Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports présentés en application de la Convention et est le fruit de larges consultations auxquelles ont été associés le Gouvernement, la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya et d’autres institutions nationales, ainsi que des organisations non gouvernementales, le Comité contre la discrimination raciale, des organisations de la société civile et d’autres parties prenantes qui jouent un rôle important dans la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme dans le cadre de la Convention afin de garantir qu’il soit représentatif de la situation existant dans le pays au moment où il a été établi.

4.Le présent rapport passe en revue les mesures législatives, judiciaires, administratives et autres que le Gouvernement a mises en œuvre pour se conformer à la Convention ainsi que les difficultés rencontrées et les insuffisances constatées pour donner effet à ses dispositions. Il décrit également les stratégies actuellement appliquées ou en cours d’élaboration pour remédier aux lacunes existantes.

A.Territoire et population

5.Le Kenya est un pays d’Afrique de l’Est, traversé par l’Équateur, d’une superficie totale de 582 650 km2, dont 560 250 km2 de terres et 13 400 km2 d’étendues d’eau. Approximativement 80 % des terres sont arides ou semi-arides, et seuls 20 % sont des terres arables.

6.La population totale du Kenya est estimée à 39 002 772 habitants (estimations de 2009), dont 75 à 80 % vivent en zone rurale. La répartition de la population varie de 230 personnes par km2 dans les zones à potentiel élevé à 3 personnes par km2 dans les zones arides. Seuls quelque 20 % des terres sont des terres agricoles de fort à moyen potentiel mais elles accueillent 80 % de la population. Les autres 20 % vivent sur les 80 % restants des terres, qui sont arides et semi-arides.

7.Les caractéristiques démographiques sont un taux de mortalité infantile élevé (54,7 décès pour 1 000 naissances vivantes), une espérance de vie faible et en baisse (entre 47 et 55 ans), et un taux de fécondité de 4,56, selon les estimations de 2009. En outre, la proportion de personnes à charge est élevée, car plus de 42 % de la population a moins de 15 ans.

8.Le Kenya est une société multiraciale, multiethnique, pluriculturelle et plurireligieuse. La langue nationale est le kiswahili tandis que la langue officielle est l’anglais, mais de nombreuses autres langues locales sont en usage. Les personnes d’ascendance africaine constituent environ 90 % de la population qui se répartit en 42groupes ethniques principaux. Ces groupes appartiennent à trois familles linguistiques: bantoue, couchitique et nilotique. Les principaux groupes comprennent: les Bantous- Kikuyus (22 %), les Luhyas (14 %), les Kambas (11 %), les Merus (6 %), les Embus (1,20%), les Kisiis (6 %), les Mijikendas (4,7 %), les Taitas (0,95 %), les Pokomos (0,27 %), les Banjunis (0,20 %), les Bonis-Sanyes (0,05 %), les Tavetas (0,07 %); les Kurias (0,52 %), les Mbeeres (0,47 %); les Nilotes-Luos (13 %), les Kalenjins (12 %), les Turkanas (1,32 %), les Tesos (0,83 %), les Samburus (0,50 %), les Basubas (0,50 %) et les Massaïs (1,8 %); les Couchites-Somalis (0,21 %), les Oromos (0,21), les Rendiles (0,12 %), les Borans (0,37 %) et les Gabras (0,17 %). Il convient de noter que ces grands groupes ethniques se subdivisent en plusieurs tribus de petite taille.

9.Au Kenya, l’ethnicité est fortement politisée, ce qui a engendré des problèmes en termes d’insécurité, de conflits ethniques, d’exclusion, de marginalisation et de gouvernance. On constate une tendance perceptible à identifier les personnes d’ascendance africaine selon leur appartenance ethnique et non selon leur nationalité. Cela est plus prononcé lors des élections nationales, qui ont lieu tous les cinq ans, le vote étant largement influencé par des critères ethniques. L’image des dirigeants politiques auprès de la population est étroitement liée à leur origine ethnique et non à leurs politiques avisées. Le Kenya compte d’importantes minorités raciales, à savoir: les Asiatiques du Kenya (0,27 %), les Arabes du Kenya (0,16 %), les Indiens (0,14 %), et les Européens du Kenya (0,15 %). Du fait de leur origine raciale, de leur couleur de peau, de leur richesse et mode de vie, ces minorités peuvent être la cible de comportements xénophobes.

10.Les principales religions sont le christianisme (78 %), l’islam (10 %), les religions traditionnelles africaines (10 %), l’hindouisme et le sikhisme (1 %). La religion est de plus en plus perçue par certaines minorités du Kenya comme un facteur majeur dans la détermination de la citoyenneté et l’acquisition de droits liés à la citoyenneté. Par exemple, certains adeptes de la foi islamique affirment que le Kenya est régi comme un pays chrétien. Ceux qui adhèrent à des croyances traditionnelles africaines se plaignent souvent que les droits accordés en vertu du système juridique britannique priment sur ceux découlant des lois coutumières qui sont étroitement liées aux convictions religieuses traditionnelles.

11.La pauvreté continue d’empêcher de nombreux Kényans, en particulier les femmes et les enfants, de satisfaire leurs besoins essentiels et de réaliser pleinement leur potentiel. En 2009, on estimait à 45,9 % la proportion de la population en situation de pauvreté absolue, estimation basée principalement sur l’impact négatif anticipé de la violence postélectorale de début 2008 et de la crise mondiale.

12.Les deux dernières décennies ont été marquées par la stagnation de l’économie. Entre 1997 et 2002, le taux de croissance économique annuel moyen n’était que de 1,5 %, un taux inférieur à la croissance démographique annuelle de 2,5 % par an, d’où une baisse du revenu par habitant. À l’heure actuelle, environ 56 % des Kényans vivent en dessous du seuil de pauvreté international, c’est-à-dire avec moins d’un dollar par jour. L’économie kényane montre néanmoins des signes de reprise. En 2005, le taux de croissance économique était de 5,8 % et a atteint 6,7 % fin mai 2007. La violence postélectorale de 2008 a sévèrement battu en brèche cette progression.

13.Le Kenya s’est heurté à de nombreuses difficultés pour s’acquitter de ses obligations en matière d’établissement de rapports au titre des différents instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie, notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Certaines de ces difficultés résultent notamment de la mauvaise gouvernance politique et économique, caractérisée par la corruption et une distribution inéquitable des ressources. Ces dernières années, cette situation a été exacerbée par des facteurs exogènes, notamment la sécheresse et la dégradation de l’environnement. En 2000 et en 2004, le Kenya a connu des périodes de grande sécheresse et de famine qui ont eu des répercussions sur la production des secteurs productifs, en particulier agricole et manufacturier. En raison de la baisse de la production alimentaire, des ressources budgétaires ont dû être réaffectées pour lutter contre la famine, ce qui a interrompu la dynamique de développement. Un autre facteur exogène qui touche le Kenya, à l’instar d’autres pays en développement, est la détérioration des termes de l’échange, en particulier la baisse des prix internationaux des exportations de produits primaires. À ces facteurs s’ajoutent les problèmes que posent la pandémie du VIH/sida, le paludisme et l’insuffisance des infrastructures.

B.Structure politique générale

14.Le Kenya a obtenu l’indépendance en 1963 et est devenu, ces vingt dernières années, une démocratie multipartite. Après des années passées sous un régime à parti unique, le Kenya a modifié sa Constitution en 1991 et organisé les premières élections multipartites en 1992. Le passage à un système multipartite a marqué une transition politique qui a nécessité une réforme en profondeur de la Constitution de manière que l’appareil de l’État cesse d’être un instrument de répression et d’exploitation pour devenir un acteur du développement africain et permettre au pays de réaliser tout son potentiel. Auparavant, l’Union nationale africaine du Kenya (KANU) avait non seulement remporté en 1964 les premières élections mais s’était maintenue au pouvoir pendant trente-neuf ans, au cours desquels huit élections générales avaient eu lieu. Ce n’est qu’en 2002 que la KANU a perdu les élections générales pour la première fois, au profit de la National Rainbow Coalition (NARC), un groupement de 14 partis politiques.

15.Malgré la crise politique qui a frappé le pays après les élections générales de décembre 2007, le Kenya espère que la bonne gouvernance, l’amélioration des relations établies avec les donateurs bilatéraux et multilatéraux et les interventions ciblées sur les plans social et économique faciliteront la réalisation progressive des droits de l’homme en général.

16.Le Gouvernement se divise en trois branches: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Le chapitre III de la Constitution est consacré au Parlement. En vertu de l’article 30, le pouvoir législatif est conféré au Parlement, qui est composé d’un président et de l’Assemblée nationale. Celle-ci se compose de 210 membres élus au scrutin direct qui représentent chacun une des circonscriptions des huit provinces du pays, ainsi que de 12 membres nommés et de membres de droit, à savoir le Procureur général de la République et le Speaker. Le Président du Parlement (Speaker) est élu par les membres de l’Assemblée nationale.

17.Le Président est à la tête du pouvoir exécutif. Il agit par le truchement du Cabinet qui, au moment de l’élaboration du présent rapport, comprenait le Président, le Vice-Président, le Premier Ministre, deux ministres délégués et d’autres ministres. Le rôle du Cabinet est d’assister et de conseiller le Président dans la gestion des affaires publiques.

18.Pour empêcher tout abus de pouvoir de la part du Gouvernement, l’article 17-3 de la Constitution prévoit que le Cabinet est collectivement responsable devant le Parlement de tous les actes effectués par le Président, le Vice-Président ou tout autre ministre dans l’exercice de leurs fonctions, ou sous leur autorité.

C.Cadre juridique général de la protection des droits de l’homme

19.Le chapitre V de la Constitution kényane énonce les libertés et droits fondamentaux qui sont reconnus à tout habitant du Kenya. L’article 70 dispose que «tout individu au Kenya a droit aux libertés et droits fondamentaux de la personne […] indépendamment de sa race, sa tribu, son lieu d’origine ou de résidence ou tout autre lien local, ses opinions politiques, la couleur de sa peau, sa religion ou son sexe, mais pour autant que soient respectés les droits et libertés d’autrui et l’intérêt public…». L’importance de cette disposition réside dans le fait qu’elle n’est pas discriminatoire à l’égard des étrangers mais protège au contraire les droits et libertés de «tout individu au Kenya», sans exception. Le principe de non-discrimination a été réaffirmé dans l’affaire Madhwa and others v. City Council of Nairobi, après que le tribunal a jugé que la Constitution garantissait les droits de l’individu en tant qu’être humain indépendamment de sa nationalité, citoyenneté ou de son domicile. En outre, la Constitution prévoit que tout être humain peut saisir la justice kényane, sans restriction, au même titre que tout ressortissant du Kenya.

20.Le chapitre IV de la Constitution établit le pouvoir judiciaire. L’article 60 met en place la Haute Cour (High Court) en tant que juridiction supérieure et juridiction du premier degré dotée d’une compétence illimitée pour statuer en matière civile et pénale. La cour d’appel, établie à l’article 64, est la juridiction la plus élevée du pays. Elle ne peut connaître que des affaires renvoyées en appel après avoir été jugées par la Haute Cour. La cour d’appel n’est pas compétente pour statuer en première instance.

21.Le pouvoir judiciaire a à sa tête le Chief Justice et se compose des juges de la Cour d’appel et de la Haute Cour ainsi quedes tribunaux d’instance (Magistrates’ courts), qui sont subordonnés à la Haute Cour établie par le Parlement, conformément à la Constitution. Il s’agit des cours martiales, des tribunaux d’instance et d’autres juridictions dont la juridiction et les compétences sont celles établies par la loi.

22.La Haute Cour est également compétente pour connaître des affaires relatives à des violations des droits fondamentaux. Ainsi, une plainte alléguant une violation des droits garantis par la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale serait considérée comme portant sur une violation des droits fondamentaux et serait à ce titre portée devant la Haute Cour. Toute personne alléguant qu’une atteinte a été, est ou risque d’être portée à l’un quelconque de ses droits fondamentaux peut saisir la Haute Cour pour demander réparation. Cette dernière est compétente pour statuer en première instance sur ce type de requête, conformément à l’article 84 de la Constitution.

D.Organe législatif

23.Le Parlement du Kenya adopte les lois. Dans le domaine des droits de l’homme, le Parlement a créé les institutions suivantes:

a)La Commission nationale des droits de l’homme;

b)La Commission nationale sur l’égalité entre les sexes et le développement;

c)La Commission nationale anticorruption;

d)Le Conseil national des services à l’enfance;

e)Le Conseil des personnes handicapées; et

f)La Commission de réforme du droit.

24.Les instruments internationaux ne sont pas considérés comme faisant partie de la législation du Kenya et ne peuvent pas être directement appliqués par les tribunaux ou les autorités administratives, à moins d’être expressément incorporés dans le droit interne en vertu de lois nationales. Des dispositions juridiques et administratives sont généralement prises à la suite de la ratification de ces instruments pour en favoriser la mise en œuvre. Les tribunaux veillent en outre à ce que leurs décisions interprètent progressivement les lois de manière qu’il n’y ait pas de conflit entre ces dernières et les instruments auxquels le Kenya est partie. Cette pratique devrait être modifiée après l’adoption de la nouvelle constitution.

25.Le Kenya a ratifié les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ci‑après:

a)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

b)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

c)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

d)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

e)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

f)La Convention relative aux droits de l’enfant;

g)La Convention sur les droits des personnes handicapées;

h)La Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité;

i)La Convention internationale contre la corruption;

j)La Convention relative au statut des réfugiés;

k)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;

l)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

m)49 Conventions de l’OIT, dont 43 sont en vigueur.

26.À l’échelon régional, le Kenya a ratifié les instruments relatifs aux droits de l’homme ci‑après:

a)La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;

b)La Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant;

c)La Convention de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique;

d)La Convention anticorruption de l’OUA;

e)Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

E.Transposition des traités relatifs aux droits de l’homme dans le droit interne

27.Le Kenya étant un État dualiste, les instruments internationaux doivent être transposés dans le droit interne au moyen d’une loi adoptée par le Parlement. À cet égard, les dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et, récemment, de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, ont été entièrement transposées dans le droit interne par la promulgation, respectivement, de la loi sur l’enfance (chap. 586 du Recueil des lois du Kenya) et de la loi sur les réfugiés (no 13 de 2006). Les dispositions de ces lois sont fortement inspirées de celles des instruments internationaux et régionaux correspondants, avec les adaptations rendues nécessaires par les circonstances propres au Kenya. Le Kenya a aussi intégralement transposé dans sa législation les quatre Conventions de Genève, par la loi sur les Conventions de Genève (chap. 198 du Recueil des lois du Kenya).

28.En outre, pour incorporer le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en droit interne et permettre au pays de respecter les obligations qui lui incombent à ce titre, le Parlement a adopté la loi de 2008 sur les crimes internationaux. De nombreux autres instruments internationaux prennent effet par différentes lois. Si certains instruments prennent effet par une loi unique, d’autres en requièrent plusieurs pour être mis en vigueur. Par exemple, les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ont été très largement transposées dans le droit interne au moyen de différentes lois. La loi de 2008 pour la cohésion nationale et l’intégration a été adoptée par le Parlement afin de renforcer la cohésion nationale et l’intégration en interdisant la discrimination fondée sur des motifs ethniques, de créer la Commission pour la cohésion nationale et l’intégration et d’en définir les compétences et attributions et d’autres objectifs connexes. Les motifs ethniques énoncés dans ladite loi sont l’un quelconque des motifs suivants: la couleur, la race, la religion, la nationalité ou l’origine ethnique ou nationale.

29.Les jugements des tribunaux sont aussi de plus en plus conformes aux instruments internationaux auxquels le Kenya est partie. Ainsi, l’affaire Fuad Dumila v. Republic of Kenya avait trait à la question de la corroboration des éléments de preuve dans les infractions à caractère sexuel. La pratique invariablement suivie par les tribunaux kényans, en dépit de l’absence d’une disposition juridique expresse sur ce point, était d’exiger une corroboration de tous les éléments de preuve recueillis dans le cadre des procédures intentées par des femmes et des jeunes filles pour des infractions à caractère sexuel, en raison du fait que «... l’expérience avait montré que les jeunes filles et les femmes racontaient parfois des histoires entièrement fausses, qui étaient très faciles à inventer mais qu’il était extrêmement difficile de réfuter». En l’espèce, la Cour d’appel avait confirmé la décision d’une juridiction inférieure et jugé cette prescription inconstitutionnelle et contraire aux principes de l’article 82 de la Constitution − principale disposition constitutionnelle relative à l’interdiction de la discrimination au Kenya.

30.Dans l’affaire Daniel Musili Nyeki v. Kenya Wildlife Services, le plaignant affirmait, notamment, que le défendeur avait violé ses droits constitutionnels en le traitant de façon discriminatoire du fait de sa race. Le demandeur avait affirmé qu’il percevait un traitement nettement inférieur au barème salarial dont relevait le poste qu’il occupait par rapport aux autres fonctionnaires de même rang mais de race différente. Le tribunal avait en l’espèce ordonné au défendeur de calculer et d’allouer les émoluments dus au demandeur en réparation du traitement discriminatoire dont il avait fait l’objet.

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la discrimination raciale au Kenya, conformément aux dispositions de la Convention

Article premier

31.Bien que le Kenya soit une société multiraciale, multi-ethnique, pluriculturelle et plurireligieuse et que les diverses communautés culturelles du pays aient toujours coexisté dans l’harmonie et le respect mutuel, on a observé récemment une tendance à politiser l’identité culturelle, ce qui a provoqué de graves conflits interethniques dans de nombreuses régions du pays. Ces conflits ont été alimentés, entre autres, par des différenciations historiques résultant du principe «diviser pour régner» appliqué par les anciennes autorités coloniales du pays. Par exemple, l’accès divergent à la modernisation par le biais de l’éducation et de l’emploi entre la période coloniale et la période postcoloniale a été utilisé pour opposer les communautés les unes aux autres. Cela a suscité certains comportements, opinions et préjugés dans le paysage culturel du Kenya et des sentiments exacerbés de marginalisation au sein de plusieurs communautés. C’est pourquoi, depuis l’indépendance, le pouvoir politique a constamment fait valoir que l’ethnicité ou le tribalisme négatifs menaçaient l’unité nationale. En outre, si l’on tient compte du fait que la citoyenneté constitue le principal élément de l’organisation de l’État, il en découle que les groupes ethniques ne sont pas explicitement reconnus comme un cadre d’expression politique et de vie sociale.

32.Des données sur l’appartenance ethnique ont toujours été recueillies lors des recensements de population mais elles ne sont pas ventilées. On a voulu obtenir des données sur l’origine ethnique lors du recensement d’août 2009, car tous s’accordent à penser que les Kényans devraient considérer la diversité comme un atout et que les origines ethniques différentes ne devraient pas être gommées dans les exercices de recensement, par exemple. Mais les personnes interrogées se sont largement refusées à déclarer leur origine ethnique. Le Gouvernement avait rendu cette mention facultative du fait que la citoyenneté reste le critère le plus important permettant d’établir un lien direct entre une personne et l’État. Le principe sous-jacent de cette position est l’égalité formelle de tous les citoyens en tant qu’individus et non selon l’appartenance à telle ou telle communauté. Cela a conduit à privilégier l’individualisme et l’unité nationale au détriment de la diversité culturelle et des droits communautaires car les cultures autochtones ont longtemps été considérées comme un frein à l’unité nationale et à l’édification de la nation. En conséquence, la Constitution ou les autres lois relatives aux droits coutumiers ne contiennent pas de dispositions expresses sur l’appartenance ethnique, linguistique ou culturelle. Partant, il n’existe pas au Kenya d’identité culturelle commune, fédératrice et distinctive. Le port de vêtements «traditionnels» dans les enceintes officielles telles que l’Assemblée nationale est découragé.

33.Le Gouvernement kényan est toutefois conscient que, dans le cadre des mesures de réforme, l’affirmation du vécu, des valeurs et des croyances du peuple contribue autant à l’édification d’un système riche et pluraliste de gouvernance démocratique qu’à l’enrichissement des caractéristiques culturelles de l’identité du Kenya en tant qu’État-nation.

34.C’est pourquoi, le Gouvernement a sensibilisé l’opinion, par le biais des moyens d’information officiels, sur l’importance de la collecte d’informations relatives à l’appartenance tribale/ethnique du fait de leur intérêt statistique et culturel. L’intérêt que ces informations présentent ne tient pas tant à l’importance numérique des tribus et ethnies qu’aux spécificités/caractéristiques de chacune. Les données relatives à l’origine ethnique permettent de se faire une idée de la diversité culturelle au Kenya et donnent un aperçu de l’évolution des tendances en matière de migration et de progression de la diversité.

35.Le Gouvernement, les groupes communautaires, les organisations ethniques et culturelles, les conseils scolaires, les hôpitaux et les chercheurs utilisent les données ethniques pour évaluer les caractéristiques socioéconomiques des personnes d’horizons différents. C’est pour cette raison que l’un des objectifs de la loi de révision de la Constitution est de garantir le respect de la diversité ethnique et régionale et des droits collectifs, y compris le droit des communautés de s’organiser et de prendre part aux manifestations culturelles et à l’expression de leur identité.

36.Pour l’essentiel, le Gouvernement kényan traite tous les étrangers, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile de différentes nationalités, sur un pied d’égalité, conformément au principe de non-discrimination pour des motifs raciaux. À cet effet, il a adopté la loi de 2006 sur les réfugiés qui définit les droits des réfugiés. Cette loi interdit la discrimination à l’égard de tout réfugié ou demandeur d’asile par des dispositions dont les réfugiés et demandeurs d’asile doivent pouvoir jouir sur un pied d’égalité. Pour garantir la jouissance des droits fondamentaux des réfugiés, le Gouvernement leur fournit les services ci-après, sans aucune discrimination:

a)Droit à la santé publique, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux: tous les réfugiés vivant dans les camps bénéficient de soins médicaux gratuits. Des dispensaires leur sont accessibles. Ils reçoivent gratuitement des médicaments essentiels comme les antirétroviraux. En outre, on prête une attention particulière aux femmes enceintes, qui bénéficient de soins prénataux et se voient attribuer des moustiquaires;

b)Droit à l’égalité en matière d’éducation et de formation. Les réfugiés ont libre accès à l’enseignement primaire public;

c)Droit de participer à la vie culturelle dans des conditions d’égalité. Les réfugiés peuvent librement avoir des activités culturelles et sont notamment invités à l’occasion des célébrations organisées par le Département des réfugiés pour la Journée mondiale des réfugiés, à présenter celles-ci;

d)Droit d’accès aux lieux et services. Les réfugiés et requérants d’asile, conformément à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ont librement accès aux lieux et services et peuvent obtenir tous les services voulus moyennant paiement des frais correspondants. Le Gouvernement a créé des tribunaux mobiles pour les camps de réfugiés de Kakuma et Dadaab, qui siègent une fois par mois, tandis que les réfugiés vivant dans les villes ont accès aux tribunaux ordinaires au même titre que les Kényans;

e)Droit à l’éducation aux droits de l’homme. Le Gouvernement encourage l’enseignement des droits de l’homme et des droits des réfugiés non seulement aux réfugiés, mais aussi aux communautés voisines. En outre, il a collaboré à la mise au point d’un programme de formation des agents de l’immigration et des agents de police en matière de droits des réfugiés, et l’administration provinciale a beaucoup contribué à la coexistence pacifique des réfugiés et des communautés d’accueil.

37.Le Gouvernement reconnaît la situation difficile à laquelle sont confrontées les communautés marginalisées, qui comprennent principalement les pasteurs et les chasseurs-cueilleurs. Ces communautés vivent dans les zones arides et semi-arides; grâce à la politique de mise en valeur des terres arides et semi-arides, dont l’élaboration est bien avancée, le programme de développement de ces communautés sera non seulement participatif mais aussi pérenne. Cette politique aura pour objet de garantir, notamment, que les ressources allouées à sa mise en œuvre soient utilisées pour permettre à ces communautés de subvenir à leurs besoins mais aussi de contribuer au développement économique du pays. Le document stratégique de cette politique, qui a été élaboré dans le cadre d’un processus participatif et consultatif auquel ont été associées les parties prenantes concernées, fixe le cap et établit le cadre pratique de réalisation d’objectifs de développement multiples. Il sert de lien essentiel entre les politiques publiques et les besoins socioéconomiques des communautés concernées. Ces ambitions nouvelles en termes d’espoir et de prospérité procèdent de la reconnaissance du fait que l’interdépendance du système socioéconomique de mise en valeur des terres arides et semi-arides et du système socioéconomique de mise en valeur des terres cultivables est le principal moteur du développement durable. Pour veiller à la réalisation des mesures prévues, le Gouvernement a créé le Ministère du développement de la région septentrionale qui encadrera les initiatives prises dans le cadre des programmes de développement de cette région.

Article 2Mesures prises pour donner effet à l’engagement de ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales se conforment à cette obligation (Convention, art. 2.1 a)).

38.L’article 82 de la Constitution interdit tout traitement discriminatoire en droit ou en fait et prévoit que «l’expression “discriminatoire” signifie accorder un traitement différent à des personnes différentes en raison − uniquement ou principalement − de leur race, de leur tribu, de leur lieu d’origine ou de résidence ou tout autre lien local, de leurs opinions politiques, de leur couleur de peau, de leurs croyances ou de leur sexe, consistant à soumettre certaines personnes en fonction de l’un de ces critères à des incapacités ou restrictions légales auxquelles les personnes répondant à un autre critère ne sont pas soumises ou à leur accorder des privilèges ou avantages auxquels n’ont pas droit les personnes répondant à un autre des critères visés.».

39.La Constitution prévoit toutefois des cas dans lesquels un traitement différent ne doit pas être considéré comme discriminatoire, comme prévu à l’article 82, notamment:

a)Toute loi pour autant qu’elle concerne des personnes qui ne sont pas ressortissantes du Kenya;

b)Les dispositions en vertu desquelles des personnes peuvent être soumises à une incapacité ou à une restriction légale ou peuvent se voir accorder un privilège ou un avantage qui, compte dûment tenu de sa nature et des circonstances particulières s’attachant à ces personnes ou à des personnes répondant à un autre des critères visés, peut être raisonnablement justifié dans une société démocratique.

40.Les tribunaux se sont également montrés réticents à conclure à une discrimination lorsque l’État a été en mesure de démontrer qu’une certaine différence de traitement était nécessaire au maintien de l’ordre. Dans l’affaire Hersi Hassan Gutale & Another v. Principal Registrar of Persons & Another, une plainte a été formée au titre des dispositions de l’article 84 de la Constitution au sujet de la constitutionnalité de l’avis no 5320 publié au Journal officiel en date du 7 novembre 1989 à la demande du Service central d’état civil. L’avis en question indiquait notamment que tous les membres de la communauté ethnique somalie du Kenya âgés de dix-huit (18) ans et plus devaient se faire enregistrer par les agents compétents des centres indiqués... et fournir une attestation ou tout autre preuve de leur enregistrement. Le tribunal a reconnu qu’il était nécessaire de distinguer les Somaliens d’origine kényane de ceux vivant dans d’autres régions voisines et donc de les classer dans un groupe distinct − droit que l’article premier de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale reconnaît aux États parties. Dans cette affaire, le tribunal a en outre noté que le processus national de vérification des antécédents aux fins de délivrance des nouvelles cartes d’identité avait débuté courant 1988 et qu’il était en effet établi que des comités spéciaux de vérification avaient été mis en place (à ce jour) dans tous les districts frontaliers. Ce processus était donc mené dans le pays tout entier. Il était mené en raison de frontières communes avec d’autres juridictions (États), dont dans les villes frontières de Busia, Malaba et Namanga où vivent d’autres communautés ethniques parallèlement aux Somalis.

41.L’article 82 (par. 2) de la Constitution interdit expressément aux pouvoirs publics et aux institutions à caractère public de traiter quiconque de façon discriminatoire. Cette disposition est en outre renforcée par l’article 16 de la loi no 4 de 2003 relative à l’éthique des fonctionnaires qui exige des agents de la fonction publique qu’ils exercent leurs fonctions sans favoritisme ni népotisme. Cette loi vise à améliorer la prestation de services publics à la population. L’article 77 du Code pénal kényan interdit également expressément tout acte commis à des fins subversives, s’entendant comme «subversif» tout acte, notamment, conçu ou préparé pour encourager des sentiments de haine ou l’inimitié entre différentes races ou communautés au Kenya.

42.Ces dispositions ont été récemment renforcées par plusieurs lois. La plus récente est la loi no 12 de 2008 relative à la cohésion nationale et à l’intégration qui interdit la discrimination fondée sur des motifs ethniques. En vertu de cette loi s’entendent comme motifs ethniques l’un des motifs suivants, à savoir la couleur, la race, la religion, la nationalité ou l’origine ethnique ou nationale. Plus spécifiquement, la loi prévoit que tous les organismes publics doivent être représentatifs de la diversité en termes d’emploi, plus d’un tiers de leurs agents ne pouvant appartenir à une même tribu. Est en infraction avec la loi tout employeur qui exerce une discrimination dans ses modalités de recrutement ou conditions d’emploi, qui licencie ou exerce une discrimination dans la composition des organisations ou les services ou avantages dont une personne peut se prévaloir en tant que membre pour des motifs ethniques. Les ressources publiques sont réparties équitablement dans la mesure du possible sur le plan géographique compte étant tenu de la diversité, de la population et de l’indice de pauvreté. Est en infraction avec la loi tout agent de la fonction publique qui distribue les ressources d’une manière inéquitable fondée sur des critères ethniques, de même que quiconque exerce une discrimination à l’encontre d’une autre en matière de location, vente, cession ou gestion de biens publics entièrement destinés au grand public.

43.La loi sur les personnes handicapées interdit également à tout employeur et à quiconque d’exercer une discrimination fondée sur «une coutume ou pratique ethnique, communautaire, culturelle ou religieuse». En interdisant les conflits d’intérêts (art. 42) et l’abus de pouvoir (art. 46), la loi no 3 de 2003 relative à la lutte contre la corruption et les crimes économiques renforce également le dispositif de lutte contre la discrimination.

44.La proposition de nouvelle Constitution reflète le désir du Gouvernement et des Kényans d’interdire la discrimination, y compris de s’attaquer au problème de la marginalisation. La discrimination est entendue dans un sens très large dans la mesure où «l’État ne fait pas, directement ou indirectement, de discrimination contre toute personne pour quelque motif que ce soit − race, sexe, grossesse, situation matrimoniale, état de santé, origine ethnique ou sociale, couleur de peau, âge, invalidité, religion, conscience, croyance, culture, habit, langue ou naissance». Cette disposition prévoit en outre que des programmes d’action positive et des mesures spéciales peuvent être prises en faveur de personnes ou groupes de personnes défavorisés, du fait ou non de discriminations passées. Il s’agit là d’une question non controversée qui trouvera certainement sa place dans la nouvelle Constitution dont le pays se dotera un jour. En outre, tout le monde s’accorde à considérer que la réforme constitutionnelle en cours vise aussi à réévaluer la relation entre le Gouvernement et les différentes régions du pays et, partant, à redéfinir l’identité et l’appartenance culturelle au Kenya.

45.Les dispositions relatives à la nationalité kényane sont énoncées au chapitre VI de la Constitution et au chapitre 170 du Recueil des lois du Kenya. Elles décrivent les quatre modes d’acquisition de la nationalité kényane à savoir par la naissance, l’ascendance, l’enregistrement ou la naturalisation. Les trois derniers s’appliquent généralement aux personnes qui ne sont pas nées au Kenya. La procédure d’enregistrement requiert que le demandeur fournisse un document attestant de son âge, donnée qui figure en général sur le certificat de naissance, et de sa nationalité. Cette seconde exigence a été décriée parce qu’elle posera des difficultés supplémentaires aux membres de certaines minorités comme les Somaliens kényans, les Nubiens kényans et les Arabes de la côte. En règle générale, pour obtenir la nationalité à la naissance, il suffit à une personne de démontrer que l’un de ses parents est de nationalité kényane, sur présentation habituellement de la carte d’identité de l’un des deux. Toutefois, les conditions requises à cette fin des Nubiens kényans, Somaliens kényans et Arabes de la côte sont plus exigeantes et considérées comme étant plus arbitraires dans la pratique. Les agents du Bureau des naturalisations disposent d’un pouvoir discrétionnaire étendu en vertu de l’article 8 de la loi sur le registre de l’état civil qui leur permet d’exiger du demandeur qu’il produise des pièces supplémentaires que «celui-ci est libre de fournir». En vertu de l’article 5 de cette loi, le Service central d’état civil peut exiger du demandeur qu’il présente la preuve «d’autres caractéristiques selon que de besoin».

46.En outre, la loi sur la citoyenneté ne protège pas pleinement les femmes, les enfants, et les réfugiés. Les femmes ne peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants. Les enfants d’origine inconnue ou qui se trouveraient, autrement, apatrides, y compris les orphelins et les enfants des rues, n’acquièrent pas automatiquement la nationalité kényane. Les réfugiés ne peuvent pas être naturalisés, ce qui augmente le risque d’apatridie au fil du temps.

47.Certains faits montrent que les procédures d’enregistrement considérées comme discriminatoires par le passé sont en passe d’être corrigées. En mars 2003, la communauté des Nubiens kényans a formé un recours constitutionnel auprès de la Haute Cour contre le Gouvernement et a porté l’affaire en 2006 devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui siège en Gambie. Les deux affaires sont toujours en instance mais les dirigeants nubiens considèrent que les actions intentées s’expliquent par de récents changements administratifs. Les Nubiens kényans doivent toujours se soumettre à des comités de vérification même si l’obtention de la carte d’identité nationale kényane est aujourd’hui beaucoup plus facile. Les institutions nationales prennent des mesures pour rationaliser le processus d’enregistrement et faire en sorte que l’identification nationale soit davantage un droit qu’un privilège. Le Bureau national d’enregistrement a émis en 2006 une directive diffusée dans tout le pays afin de dissuader les officiers d’état civil de demander des documents se rapportant aux grands-parents des demandeurs, même si l’on prétend que cette directive a été mise en œuvre de manière ad hoc. En 2007, la Commission kényane des droits de l’homme a publié un rapport détaillé sur la délivrance des cartes nationales d’identité qui contient des recommandations sur les modifications juridiques et administratives à apporter dans ce domaine. Le processus d’élaboration d’une base centralisée de données contenant des informations sur l’enregistrement des naissances est bien avancé; cette base de données permettra de limiter les procédures d’identification discriminatoires à l’acquisition de la majorité.

48.Les lois kényanes relatives au droit de la personne et en particulier les lois sur le mariage et le divorce contiennent des dispositions propres à certaines races et comprennent une loi sur le mariage et le divorce des Britanniques, une loi sur le mariage et le divorce des Asiatiques, une loi sur le mariage et le divorce des musulmans et une loi sur le mariage et le divorce des Africains. Pendant la période coloniale, la Haute Cour avait compétence pour connaître des affaires concernant les Européens et les Asiatiques, les tribunaux islamiques pour les affaires relatives aux musulmans et les tribunaux africains pour celles concernant les Africains. Dans l’affaire Re Maangi, la veuve africaine d’un agent de la fonction publique n’avait pas pu saisir la Haute Cour parce qu’elle était Africaine. Le tribunal avait conclu à une discrimination à son encontre. Elle avait été habilitée à saisir la Haute Cour au sujet de l’administration du patrimoine du défunt. Les tribunaux africains ont été par la suite supprimés. Le projet de loi de 2009 sur le mariage devrait traiter de la discrimination en matière d’accès à la propriété dans tous les mariages.

49.À l’heure actuelle, toutes les affaires de nature civile sont enregistrées et traitées par les tribunaux d’instance (Magistrates’ courts) ou, si elles ne relèvent pas de la compétence de ces derniers, par la Haute Cour. En dehors du système judiciaire, les tribunaux des anciens, qui traitent des affaires relatives aux Africains, existent parallèlement au système judiciaire officiel. Certains clans islamiques disposent de leurs propres tribunaux qui tranchent les litiges privés. Cela vaut également pour les Hindous. Ils ne saisissent la justice qu’en dernier ressort. Dans certains milieux ruraux, les communautés disposent de leurs propres moyens de règlement des différends, comme d’un conseil d’anciens respectés par exemple.

50.Des tentatives ont été faites pour élaborer une loi uniforme sur les questions relatives à la personne en matière de mariage et de succession. Le premier Président du Kenya a mis en place deux commissions, une sur le droit en matière de succession et l’autre sur la législation relative au mariage. Les commissions ont formulé leurs recommandations mais ce n’est qu’en 1981, dix ans plus tard, que la loi sur le droit en matière de succession a été adoptée. Le projet de loi sur le mariage n’a toujours pas été adopté, quarante ans plus tard. C’est sur cette question que le Gouvernement, par le truchement du Ministère de la justice, de la cohésion nationale et des affaires constitutionnelles, et la Commission de réforme du droit ont entamé un processus d’examen qui permettra d’harmoniser les lois sur le mariage et le divorce. Ce processus a déjà permis d’élaborer le projet de loi sur le mariage, le projet de loi sur les biens matrimoniaux, le projet de loi sur l’égalité des chances et le projet de loi sur la violence familiale (protection de la famille).

51.S’agissant des questions relatives au travail, la législation nationale permet, par principe, à toute personne de travailler n’importe où au Kenya sans discrimination, même si cela pose un défi majeur. Suite aux violences postélectorales qui ont eu lieu en 2008, plus de 800 000 Kényans ont été déplacés. Il leur est difficile de travailler où que ce soit. Le Kenya a ouvert ses portes aux investisseurs étrangers, ce qui a été bien accepté. Le Gouvernement est toutefois conscient que des problèmes liés à la race existent au sein des entreprises situées dans les zones franches d’exportation (ZFE) et d’autres entreprises. Cette manifestation de discrimination, proche de la ségrégation dans la mesure où les personnes d’une certaine race sont empêchées de s’affilier à un syndicat, même si l’activité syndicale est admise, a son origine dans la Charte des relations industrielles de 1980 et, en particulier, dans son annexe C qui interdit aux parties signataires de l’accord d’autoriser leurs membres d’adhérer à un syndicat ou de former des syndicats, contrairement à l’article 80 de la Constitution, qui prévoit que «Nul ne peut, sans son consentement, être entravé dans la jouissance de sa liberté de réunion et d’association, c’est-à-dire dans son droit de se réunir librement et de s’associer avec d’autres personnes, en particulier de former des syndicats pour préserver leurs intérêts et d’y adhérer.».

52.En outre, la plupart des dirigeants des ZFE et d’autres entreprises multinationales sont étrangers et il existe d’importantes différences de rémunération entre les employés locaux et les employés étrangers. Par exemple, la communauté asiatique n’emploie pas d’Africains aux postes élevés. Pour tenter de répondre à certains de ces problèmes, le Gouvernement a promulgué ce qui suit:

a)La loi sur l’emploi (2007), qui énonce et définit les droits fondamentaux des travailleurs;

b)La loi sur les institutions du travail (2007), qui consolide toutes les lois relatives aux syndicats et aux conflits du travail et encourage la liberté d’association;

c)La loi sur l’indemnisation des accidents du travail (2007); et

d)La loi sur l’hygiène et la sécurité du travail (2007), dont les règlements d’application concernent désormais tous les lieux de travail, y compris les ZFE. Les dispositions de cette loi visent à protéger les employés sur le lieu de travail.

53.Pour assurer une répartition plus équitable du développement, la loi no 10 sur le Fonds de développement des collectivités a été promulguée en 2003. Ce texte fait partie de ceux qui ont été récemment invoqués pour promouvoir le développement des collectivités. Des fonds sont alloués aux collectivités sur la base du critère objectif de l’indice de pauvreté. L’article 3 de cette loi stipule que le but est d’épargner une part du budget national annuel à des fins de développement et en particulier de l’affecter à la lutte contre la pauvreté des collectivités.

54.Les articles 4 et 19 de la loi sur le Fonds de développement des collectivités fixent le plafond budgétaire de chaque collectivité, qui se compose des trois quarts d’un pourcentage déterminé de toutes les recettes ordinaires collectées lors de chaque exercice fiscal divisées à parts égales entre toutes les communautés et d’un autre montant équivalent à un quart d’un pourcentage déterminé des recettes ordinaires, divisé par l’indice de pauvreté national et multiplié par l’indice de pauvreté de la collectivité. Cette initiative visait également à garantir que les ressources soient utilisées pour remédier à la marginalisation de certaines régions du pays qui accusent un retard de développement en raison d’injustices historiques. Les mesures prises pour améliorer la gestion du Fonds et assurer des avantages durables sont constamment évaluées et mises en œuvre.

55.La question des terres demeure l’une des questions les plus sensibles dans le pays et attise régulièrement les animosités interethniques. Le Kenya ne s’est pas doté, depuis son indépendance, d’une politique foncière clairement définie. Ceci, conjugué à la pléthore de lois foncières, dont certaines sont incompatibles entre elles, a donné lieu à une gestion complexe du domaine foncier et à un système d’administration fragmenté, à l’éclatement de l’administration foncière, à des disparités en matière de propriété foncière et à la pauvreté. S’en sont suivisdes problèmes environnementaux, sociaux, économiques et politiques, comme l’appauvrissement des terres, la pratique des squats et la privation de terres, l’exhérédation de certains groupes et individus, la misère urbaine, la sous-exploitation et la mise à l’abandon des terres agricoles, l’insécurité du régime foncier et les conflits fonciers.

56.Pour résoudre ces problèmes, le Gouvernement a entrepris d’élaborer une politique foncière nationale en menant un processus de consultation élargi dans le but de mettre au point une politique dont l’ambition est «d’amener le pays sur la voie d’une utilisation efficace, durable et équitable des terres pour la prospérité et les générations futures». Un large éventail de parties prenantes issues des secteurs public et privé et de la société civile ont contribué à l’élaboration de cette politique en participant à des discussions thématiques de groupeset à des ateliers régionaux et en présentant des communications écrites.

57.Plusieurs instances créées dans le cadre d’initiatives antérieures, comme la Commission présidentielle d’enquête sur le système kényan en matière de droit foncier, la Commission de réforme de la Constitution et la Commission présidentielle d’enquête sur l’allocation irrégulière de terres du domaine public, ont fourni quantité d’informations pour la formulation de la politique foncière. Celle-ci a été approuvée par le Cabinet le 25 juin 2009. Elle a notamment pour objectif de corriger les injustices historiques liées à la terre, à la distribution inéquitable de terres et à la non-reconnaissance des intérêts fonciers communautaires des pasteurs et autres communautés marginalisées. Elle vise à introduire des réformes profondes et à ouvrir ainsi la voie au règlement définitif des problèmes fonciers. L’adoption de cette politique était une étape essentielle pour la réalisation du Point 4 de l’Accord national qui énonce diverses mesures visant à corriger et sanctionner les injustices historiques et à éviter une reproduction de la violence qui a secoué le pays en 2008.

58.Le Gouvernement kényan a également élaboré une politique et un Plan national d’action sur les droits de l’homme. Le processus entamé à cette fin a été fortement participatif et plusieurs réunions régionales publiques ont été organisées afin de recueillir le point de vue du plus grand nombre possible de parties prenantes. Des acteurs étatiques et non étatiques ainsi que tous les ministères ont participé au Comité national de direction pour garantir que les droits de l’homme soient pris en compte dans tous les secteurs.

59.On espère qu’une fois le cadre stratégique adopté, les questions relatives à la discrimination seront dans une large mesure résolues. La mobilisation organisée pour recueillir et analyser le point de vue des citoyens, qui est au cœur du document stratégique relatif aux droits de l’homme, a suivi une approche militante. Les citoyens ont en effet été sensibilisés à leurs droits afin qu’ils contribuent de façon éclairée au processus d’élaboration de la politique en question. Le Gouvernement a également pu identifier les problèmes relatifs aux droits de l’homme exigeant une réponse immédiate. Le Gouvernement a déjà organisé plusieurs réunions pour la paix par l’entremise de l’administration provinciale et de membres des communautés tendant à résoudre les conflits ethniques et à remédier à leurs causes profondes.

Décisions rendues par la justice dans différentes affaires de discrimination

60.La position des tribunaux kényans en matière de discrimination est illustrée par les décisions suivantes. Dans l’affaire Rangal Lemeiguran & Others c. Attorney-General & Others,la communauté IlChamus a introduit le 12 mars 2004 une demande invoquant les dispositions de l’article 84.1, 1 et 1A et de l’article 33 de la Constitution kényane. La plainte visait le Procureur général (au nom du Gouvernement du Kenya en tant que son conseiller juridique principal), et la Commission électorale du Kenya (en tant qu’organe chargé de la création et de la distribution des communautés en vertu de la Constitution). La Communauté IlChamus a argué que la probabilité pour un candidat de la communauté IlChamus d’être élu au Parlement dans la circonscription de Baringo central était, dans les faits, si mince que cela empêchait effectivement toute représentation parlementaire de cette communauté à brève échéance (de fait, cela ne s’est pas produit au cours des quarante dernières années). En conséquence, la communauté a fait valoir que ses droits fondamentaux à la liberté d’expression et à la liberté de conscience protégés en vertu de l’article 70 de la Constitution avaient été enfreints.

61.La communauté IlChamus a demandé que l’actuelle circonscription de Baringo central soit divisée en deux circonscriptions distinctespar la Commission des frontières à sa session suivante afin de remédier à l’actuelle marginalisation électorale de la communauté. Elle a en outre demandé qu’un siège de l’Assemblée nationale soit réservé à la communauté afin de permettre à celle-ci de représenter les intérêts particuliers de ses membres.

62.La Cour a jugé que des minorités telles que la communauté Il Chamus avaient le droit d’influer sur la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques, et d’être représentées par ceux qui appartenaient au même environnement culturel et socioéconomique qu’elles. Pour qu’un système politique soit véritablement démocratique, il doit permettre aux minorités de s’exprimer, de présenter les préoccupations qui leur sont propres et de demander réparation, car ainsi s’établissent les fondements solides d’une démocratie délibérative. Ce n’est que ce faisant qu’une nation comme la nôtre pourra prétendre être une démocratie arc en ciel.

63.La Cour a considéré que l’argumentation de la Commission électorale quant à son rôle était peu claire. La communautéIl Chamus avait en revanche démontré que les nominations effectuées en vertu de l’article 33 montraient que seuls les aveugles étaient représentés au Parlement. La Cour a également noté qu’il étaitcertain que chaque époque comptait sa juste part de minorités et de groupes d’intérêts spéciaux mais que ceux-ci comprenaient aujourd’hui les aveugles, les sourds, les handicapés physiques et les jeunes, en plus de ceux identifiés précédemment. La Commission électorale était donc tenue de tous les répertorier et de veiller à ce que les listes parviennent aux partis politiques et aux autres instances habilitées à nommer en vertu de l’article 33. Du point de vue de la Cour, la pratique actuelle selon laquelle les partis ont toute latitude pour désigner le candidat de leur choix même si celui-ci ne satisfait pas au critère établi par la Constitution est contestable et manifestement inconstitutionnelle.

64.Le Gouvernement a également pris des mesures législatives et administratives pour lutter contre la discrimination. Une loi a ainsi été récemment adoptée par le Parlement qui porte création de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, chargée de prendre la tête des initiatives du Gouvernement en matière de promotion et de protection des droits de l’homme. La création de la Commission reflète l’aspiration du Gouvernement à une meilleure réalisation des droits de l’homme. La Commission a notamment pour mandat de surveiller l’action du Gouvernement en matière de droits de l’homme et de veiller à ce que l’État kényan soit respectueux des droits de l’homme. La Commission a joué un rôle déterminant dans le traitement des affaires relatives à une discrimination subtile dont elle a été saisie par le truchement de son service de plaintes relatives aux droits de l’homme. La Commission dispose de pouvoirs quasi judiciaires pour connaître des plaintes relatives, notamment, à la discrimination.

65.La Commission est très souvent saisie par les justiciables démunis en raison de la gratuité et du caractère non bureaucratique de ses procédures et interventions. La Commission nationale a ainsi été saisie en mars 2007de l’affaire Pangani Girls’School Parents v. the SchoolHeadmistress. Les plaignants alléguaient que les élèves musulmanes étaient contraintes de demander la permission de la directrice de l’établissement pour pouvoir exercer leur liberté de culte. Attendu que ce dernier était un établissement public, les parents ont fait valoir qu’il devait faire preuve de la même tolérance à l’égard de toutes les religions et qu’il ne devait pas y avoir de religion officielle. Reconnaissant que la liberté de culte de chaque citoyen devait être garantie comme prévu par la Constitution, la Commission a contraint le Ministère de l’éducation à intervenir et à régler le problème.

66.La plainte formée à l’encontre du chef de la St. Monica’s GirlsSchool portait sur la discrimination alléguée de trois élèves adeptes de l’Église adventiste du septième jour. Les élèves en question avaient été renvoyées de l’établissement au motif qu’elles avaient refusé de passer des examens le samedi (ce qui aurait impliqué une rupture du sabbat, contraire à la pratique de l’Église adventiste du septième jour). Là encore, la partie plaignante a soutenu que puisqu’il s’agissait d’un établissement public, les droits des élèves concernées en matière de liberté religieuse auraient dû être respectés, l’école étant tenue de faire preuve de tolérance à l’égard de toutes les religions. L’établissement scolaire en question pouvait tout à fait fixer les dates d’examen un jour de semaine ou le dimanche eu égard au fait que l’Église adventiste du septième jour n’autorise pas ses fidèles à travailler le samedi. En déclarant la plainte recevable, la Commission a notamment invoqué les dispositions de l’article 5 d) vii) de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui garantit le droit à la liberté de conscience et de religion. En outre, la Commission s’est également appuyée sur l’article 78 de la Constitution, qui garantit la liberté de culte. La Commission a mené plusieurs enquêtes sur cette affaire et face au peu de coopération dont a fait montre la direction de l’établissement, a transmis son rapport d’enquête au Ministère de l’éducation pour instructions et renvoyé l’affaire devant son Comité d’audition des plaintes pour détermination des voies de recours, dont l’indemnisation le cas échéant.

67.Dans une autre affaire relative à la publication d’une annonce jugée discriminatoire dans le quotidien Daily Nation du 30 décembre 2005, la partie plaignante a fait valoir que la petite annonce figurant en page 42 du journal Daily Nation était constitutive d’une discrimination fondée sur la race. L’annonce indiquait notamment: «Particulier asiatique vend Pick-up DATSUN 1200, immatriculé KAL, jamais accidenté, 320 000 km ...». La partie plaignante a estimé que la mention de l’origine «asiatique» du vendeur avait pour but d’induire dans l’esprit des acheteurs potentiels que le véhicule en question était en meilleur état parce qu’un Asiatique (par opposition à un Africain) en était le propriétaire. Dans son rapport, la Commission a pris note du fait que l’article 82-3 de la Constitution du Kenya définissait la «discrimination» comme le fait d’accorder un traitement différent à des personnes différentes en raison − uniquement ou principalement − de leur race, de leur tribu, de leur lieu d’origine ou de résidence ou tout autre lien local, de leurs opinions politiques, de leur couleur de peau, de leurs croyances ou de leur sexe, consistant à soumettre certaines personnes en fonction de l’un de ces critères à des incapacités ou restrictions légales auxquelles les personnes répondant à un autre critère n’étaient pas soumises ou à leur accorder des privilèges ou avantages auxquels n’avaient pas droit les personnes répondant à un autre des critères visés.

68.Le rapport de la Commission indique qu’une lecture attentive de l’article 82-3 révèle que ses dispositions visent à interdire tout traitement discriminatoire consistant à soumettre des personnes à des incapacités ou des restrictions ou à leur accorder des privilèges ou avantages. Cet article n’a pas pour objet d’interdire l’expression d’idées ou d’opinions discriminatoires. Cela a été clairement indiqué par les tribunaux kényans dans un certain nombre de décisions, dont l’affaire Ng’ang’a v.Republic dans laquelle la justice a considéré que la signification de l’expression «discriminatoire» figurant à l’article 82 de la Constitution différait de son usage naturel ou ordinaire. Elle se limitait à ce que le juge a qualifié d’inégalité de traitement «particulièrement restrictive» dans les situations énoncées à l’alinéa 3. La Commission a en outre noté que le fait que le terme «discrimination» se limite au traitement et ne soit pas entendu dans une acception plus large était courant dans de nombreuses juridictions. Le dictionnaire juridique de Black définit la discrimination comme «le fait de traiter un groupe de personnes différemment des autres alors qu’aucune distinction raisonnable ne peut être établie entre ceux qui sont favorisés et ceux qui ne le sont pas». En outre, la Commission a noté qu’au sens de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la discrimination visait toute distinction, exclusion, restriction ou préférence et non le simple fait de s’identifier en fonction de la race.

69.La Commission a évoqué la décision qu’elle avait rendue dans une affaire visant une annonce immobilière qu’elle avait jugée discriminatoire, décision figurant dans son rapport pour la période 2004-2005. L’annonce passée par Villa Care Ltd dans le quotidien East Africa Standard, qui indiquait: «Westlands, appartement T-2, indépendant, Asiatiques seulement, 18 000», avait été jugée discriminatoire parce qu’elle proposait un bien qui ne pouvait être loué que par des Asiatiques.

70.L’agence immobilière Villa Care avait présenté les excuses voulues et retiré l’annonce. La Commission a noté que l’annonce publicitaire concernant le véhicule Datsun,contrairement à l’affaire Villa Care,n’avait pas pour objet de soumettre un groupe d’acheteurs potentiels particulier à des restrictions ou exclusions ou de lui accorder des privilèges ou des avantages. Le particulier qui avait rédigé l’annonce avait simplement tenté de profiter d’un préjugé qui pouvait avoir cours dans une société, à savoir à tort ou à raison, que les Asiatiques prenaient davantage soin de leur véhicule que les autres. Le plaignant avait demandé à la Commission de prendre des mesures contre ce qui constituait à ses yeux davantage une expression indirecte d’un préjugé racial qu’un cas manifeste de discrimination raciale. La Commission a toutefois considéré que la simple expression d’une opinion préjudiciable n’équivalait pas à une discrimination. On trouvait partout dans le monde des annonces indiquant «Femme vend» ou «Ex-pat vend», qui exploitaient les préjugés quant à la façon dont les femmes et les expatriés entretenaient leur véhicule. Aussi regrettable que ce soit, cela ne constituait pas une discrimination illicite.

71.La Commission a toutefois indiqué clairement qu’elle ne considérait pas qu’il fallait tolérer les stéréotypes raciaux offensants véhiculés par les médias, que ce soit dans le contenu rédactionnel ou la rubrique des petites annonces. Les organes d’information avaient l’obligation morale et sociale de contribuer positivement à la lutte contre le tribalisme, le racisme, le sexisme et d’autres formes d’intolérance. La Commission a vivement recommandé, aux fins d’autorégulation des médias, que l’article 13 du Code de conduite du Conseil des médias s’applique aussi bien aux petites annonces qu’au contenu rédactionnel. Cette clause dispose que «de manière générale, les médias doivent s’abstenir de faire référence de manière préjudiciable ou péjorative à la race, la tribu, le clan, la religion, le sexe ou le handicap d’une personne». Ces informations doivent être omises à moins qu’elles ne présentent un intérêt essentiel pour le récit. Dans la recommandation adressée au Groupe national des médias, la Commission a déclaré que celui-ci devrait encourager ses interlocuteurs, y compris les annonceurs, à s’abstenir d’utiliser des qualificatifs assimilables à des stéréotypes à l’égard de certains groupes de personnes. Elle a en particulier recommandé au Groupe en question d’envisager d’appliquer l’article 13 du Code de conduite du Conseil des médias aux petites annonces.

72.Le Gouvernement a également mis en place la Commission nationale sur l’égalité des sexes et le développement pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe. Cette instance a été créée afin de coordonner, mettre en œuvre et faciliter l’intégration des questions relatives à l’égalité des sexes dans le développement du pays et de fournir des conseils au Gouvernement sur tous les aspects de cette question. Par le truchement de la Commission, le Gouvernement a élaboré une politique sur l’égalité des sexes et le développement parce qu’il était admis que les politiques de développement adoptées jusqu’alors n’avaient pas bénéficié de manière identique à tous les Kényans et que des différences émergeaient invariablement en fonction de l’âge et des pratiques et croyances culturelles, notamment.

73.Le Gouvernement a également adopté une législation contre les pratiques discriminatoires dans différents secteurs économiques. Ont ainsi été adoptés:

a)La loi no 19 sur la coordination des organisations non gouvernementales (1990), en vertu de laquelle le Comité de coordination des organisations non gouvernementales (ONG), en collaboration avec le Service national de renseignement, veillent à ce que l’enregistrement des ONG et les activités qu’elles mènent n’obéissent pas à des préjugés ethniques et ne perpétuent pas les stratifications ethniques dans le pays;

b)La loi sur les sociétés (chap. 108), régit l’enregistrement des sociétés, qui comprenaient auparavant les partis politiques, et définit les critères d’enregistrement de celles-ci. Elle interdit l’enregistrement des partis à base ethnique. L’objectif du Gouvernement en l’espèce est d’éliminer l’incitation à la haine et les propos haineux suscités par les factions politiques. Cela est dû au fait qu’en raison de la diversité ethnique du Kenya, les négociations politiques ont tendance à prendre un tour ethnique et à donner lieu à l’expression de propos haineux. Cela conduit souvent à l’exercice de discriminations contre des groupes minoritaires et à leur marginalisation lorsqu’ils ne disposent pas de levier politique parce qu’ils sont trop peu nombreux ou sont autrement désavantagés;

c)Le Code pénal (chap. 63) interdit les réunions, groupes et milices illégaux, le fait d’imposer ou de passer des serments illégaux dont les groupes à base ethnique pourraient être tenus responsables;

d)La loi sur les partis politiques (no 10) de 2007 interdit dans son article 14 les partis ethniques ou religieux;

e)La Commission nationale des droits de l’homme du Kenya a récemment élaboré une législation contre les discours de haine qui ont pour but de susciter la haine ethnique, raciale ou autre contre un ou plusieurs groupes de la société kényane.

74.Outre les mesures énoncées ci-dessus, des mesures spéciales et concrètes ont été prises dans les domaines social, économique et culturel, notamment, pour assurer comme il convient le développement et la protection de certains groupes raciaux ou d’individus appartenant à ces groupes en vue de leur garantir, dans des conditions d’égalité, le plein exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la Convention. Ces mesures comprennent:

a)La politique de mise en valeur des terres arides et semi-arides, dont la réalisation est confiée au Programme de gestion des ressources des terres arides, met l’accent sur la revitalisation des terres arides et semi-arides du Kenya. Les terres arides et semi-arides constituent environ 80 % de la superficie du pays, où vivent quelque 10 millions de personnes et où se trouvent quelque 70 % du cheptel national. Cette politique témoigne de l’engagement du Gouvernement à mettre en valeur les terres arides et semi-arides, étant entendu que le Kenya n’atteindra pas une croissance économique durable tant que ces terres et les ressources colossales qui y sont attachées ne seront pas prises en compte par une planification et un développement efficients. Le document stratégique y relatif a été élaboré dans le cadre d’un processus de consultation participatif qui marque une rupture majeure par rapport aux tentatives similaires effectuées par le passé pour une meilleure exploitation des terres arides et semi-arides. Il énonce les priorités et les mesures requises pour assurer leur développement durable alors qu’elles n’étaient auparavant associées qu’à la pauvreté et au dénuement. Il souligne l’importance des terres arides et semi-arides pour le reste de l’économie du Kenya et identifie les domaines dans lesquels ces terres contribuent de manière significative au développement du pays;

b)Les fonds décentralisés sont une des mesures prises par le Gouvernement pour unifier le développement et l’accès aux ressources nationales dans toutes les régions. Ces fonds comprennent le Fonds pour le développement des collectivités, le Fonds de transfert aux autorités locales, le Fonds de taxation des carburants pour l’entretien des routes, le Fonds des bourses accordées aux collectivités et le Fonds pour l’enseignement primaire gratuit. Les ressources de ces fonds sont allouées aux communautés sur le critère, notamment, de la pauvreté de celles-ci. Récemment, le Fonds de développement des entreprises gérées par des jeunes, le Fonds de développement de l’entreprenariat féminin et le Fonds d’invalidité ont également été créés afin de drainer des ressources vers ces groupes jusqu’alors marginalisés;

c)Le Gouvernement a également créé en 2008 le Ministère de la région septentrionale et des autres terres arides. Ce ministère chapeaute désormais les efforts de coordination des programmes de développement dans le nord-est du Kenya et dans d’autres terres arides et semi-arides.

Article 3Mesures prises pour condamner la ségrégation raciale et l’apartheid

75.Le Kenya n’a jamais connu l’apartheid sous quelque forme que ce soit. La ségrégation raciale a toutefois existé pendant la période coloniale, où elle a pris la forme d’une ségrégation de jure dans les domaines du développement, de l’exploitation des terres et du logement. Il était en outre interdit aux Africains d’exercer certaines activités économiques, telles que la culture du café. À des fins de ségrégation, les Africains étaient appelés autochtones et confinés dans des zones rurales qui leur étaient spécifiquement réservées et que l’on appelait les «réserves pour autochtones africains» tandis que les Blancs vivaient dans les hauts plateaux, les «White Highlands».

76.Dans la capitale, Nairobi, les différents groupes raciaux étaient tenus de résider dans des quartiers précis. Ainsi, les quartiers de Karen, de Milimani et de Kilimani étaient réservés aux Blancs, ceux de Parklands et de Westlands aux Asiatiques et celui d’Eastlands qui, du fait de son relief plat, était mal drainé et envahi par les moustiques, aux Africains noirs. Les Africains devaient également être porteurs en tous lieux d’un document d’identité baptisé «Kipande». Cela permettait de maintenir la stratification raciale.

77.La Commission nationale kényane s’intéresse actuellement au mode de perpétuation de facto de cette stratification et notamment à la pratique consistant à requérir des personnes souhaitant résider dans certains quartiers de satisfaire à certaines conditions, comme en attestent les annonces immobilières publiées dans les quotidiens locaux. On peut citer l’exemple des propriétaires qui exigent que leurs futurs locataires soient végétariens ou musulmans, deux critères que remplissent spécifiquement les personnes d’ascendance asiatique, contrairement à la majorité des Kényans noirs.

78.Par le passé, certaines communautés étaient résolument opposées aux mariages mixtes. Cette tendance découlait essentiellement de conceptions culturelles, de croyances et de coutumes conflictuelles. L’arrêt sans précédent rendu dans le cadre de l’affaire S. M. Otieno l’a clairement montré. Au fil des ans, le pays a connu de plus en plus de mariages interethniques et mixtes. Il n’est cependant pas exclu que la violence postélectorale dont le pays a été victime dans la foulée des élections de 2007 inverse cette évolution positive. Pour atténuer ce risque, le Gouvernement a créé un département à part entière, placé sous l’autorité du Ministère de la justice, de la cohésion nationale et des affaires constitutionnelles afin de favoriser la cohésion nationale et l’intégration. Une nouvelle loi, la loi sur la cohésion nationale et l’intégration, vise, notamment, à «favoriser la cohésion nationale et l’intégration en interdisant la discrimination fondée sur des considérations ethniques».

79.Dans le secteur touristique, les étrangers ont tendance à être mieux traités que la population locale, mais face aux nombreux avis négatifs donnés aux voyageurs par les pays étrangers chaque fois que le Kenya est confronté à des troubles, même si la menace est extérieure au pays, on a pris conscience de la nécessité de promouvoir le tourisme local, qui est une activité pérenne.

Interventions

80.Après l’accession du pays à l’indépendance, la ségrégation raciale a largement subsisté, jusqu’à ce que le Gouvernement mette en place des politiques de lutte contre la discrimination raciale, comme celles qui visent à garantir l’accès équitable à la terre pour tous les Kényans. L’article 82 de la Constitution kényane interdit la discrimination fondée, entre autres, sur le critère de la résidence et tous les citoyens du Kenya ont le droit de vivre librement en tout point du territoire, sans restriction. Le Gouvernement kényan encourage également tous les Kényans à s’établir sans crainte dans la localité de leur choix. La Constitution garantit le droit à la propriété privée en quelque lieu que ce soit et quel que soit le propriétaire du bien.

81.Plusieurs commissions ont été créées afin d’étudier les questions relatives aux affrontements et conflits ethniques, telles que la Commission d’enquête sur les différends tribaux (la Commission Akiwumi, créée en 1998), la Commission Ndung’u de 2003 qui a enquêté sur les titres de propriété foncière irréguliers et/ou les acquisitions foncières irrégulières, et notamment sur l’allocation illégale ou irrégulière de terres du domaine public, et la Commission présidentielle sur le système kényan en matière de droit foncier (la Commission Njonjo de 1999). L’une des principales recommandations de la Commission Njonjo avait trait à la nécessité d’élaborer une politique foncière perfectionnée et approfondie, ce qui a depuis été entrepris.

82.Le 9 février 2006, le Ministère de la justice a également été chargé de coordonner la mise en œuvre du rapport Ndung’u. La Commission Ndung’u avait été créée en 2003 en tant que mécanisme de justice transitionnelle pour se pencher sur la répartition irrégulière et illégale des terres du domaine public depuis l’indépendance du Kenya, en 1963. Les terres qui posent problème vont des terrains situés en milieu urbain appartenant à des entreprises publiques et des ministères, aux terres visées par les programmes de réinstallation et la constitution de fonds communautaires, forêts, réserves animalières, parcs nationaux, réserves riveraines des fleuves et zones protégées.

Article 4Mesures prises pour condamner toute propagande et toutes organisations qui s’inspirent d’idées ou de théories fondées sur la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes ou qui encouragent toute forme de haine et de discrimination raciales

Mesures administratives

83.Le Kenya a connu plusieurs épisodes d’affrontements ethniques lors de la tenue des élections générales. Cette situation est un vestige colonial, qui remonte à loin mais qui a des ramifications dans la période postindépendance. La domination indirecte qu’exerçaient les colons britanniques sur le pays s’est avérée, par la suite, une stratégie basée sur le principe «diviser pour régner» qui consistait à opposer les différents groupes ethniques du pays les uns aux autres. L’antagonisme entre les différents groupes ethniques a eu pour effet d’empêcher l’édification d’un État-nation. Les premiers partis politiques du Kenya, qui prônaient la lutte nationaliste contre le pouvoir colonial, avaient les caractéristiques de syndicats ethniques. Les Kikuyus disposaient de l’Association centrale kikuyu (KCA), les Akambas de l’Association ukambanie (UMA), les Luhyas du Syndicat luhya (LU), les Luos de l’Association des jeunes du Kavirondo (ESY), les Kalenjins de l’Alliance politique kalenjin (KPA), les peuples du littoral du Front syndical mwambao (FMU) et les Taitas de l’Association des plateaux taitas (THA).

84.La terre est également une source de conflits ethniques au Kenya, tant en ce qui concerne le long terme que le court terme. Suite aux mesures massives d’aliénation des terres prises au début de la période coloniale, nombre de populations qui s’adonnaient jusque-là à l’agriculture ont été poussées dans des réserves autochtones improductives dont les terres étaient impropres à la culture. Les populations déplacées comprenaient des ouvriers agricoles, des travailleurs occasionnels, des locataires et des squatters. Le processus d’aliénation des terres s’est également étendu aux groupes ethniques de pasteurs tels que les Massaïs, les Samburus, les Nandis, les Pokots et d’autres communautés parlant les langues kalenjin. À l’instar des paysans, les éleveurs ont été chassés vers les réserves aux terres les plus infertiles. Pendant la période du nationalisme et de la décolonisation, les revendications foncières étaient au cœur des aspirations de tous les groupes ethniques qui avaient activement participé à la lutte pour l’indépendance. D’ailleurs, la question de la terre a été l’une des principales causes de la révolte des Mau Mau de 1952 à 1956 et de l’instauration subséquente de l’état d’urgence par les Britanniques. À la veille de l’indépendance, un programme de restitution des terres aux groupes ethniques autochtones a été envisagé. Une subvention spéciale a été créée pour faciliter la redistribution des terres, en particulier dans les hauts plateaux anciennement occupés par les Blancs. Au cours de la guerre d’indépendance, les Kényans espéraient que les terres seraient distribuées gratuitement à la population puisqu’on les en avait unilatéralement privés.

85.Cela ne s’est cependant pas produit car le prêt consenti au Kenya par les Britanniques pour faciliter cette acquisition a eu pour effet de faire flamber le prix des terres, qui sont devenues très chères pour la majeure partie de la population. C’est à ce moment précis que le régime de propriété foncière a commencé à se fonder sur l’ethnicité, attisant de ce fait l’animosité interethnique.

86.Les commissions foncières précitées avaient pour objectif de réparer les injustices du passé et d’assurer une répartition équitable des ressources foncières au Kenya. À cette fin, par le biais de la stratégie 2003-2007 de relèvement économique pour la création de richesses et d’emplois, le Gouvernement s’est engagé à élaborer un plan d’action doté d’un calendrier précis de mise en œuvre des recommandations de la Commission Njonjo. Plusieurs autres initiatives ont été prises pour réinstaller les paysans sans terres et les squatters, dont des programmes de réinstallation et d’attribution des terres du domaine public.

87.Le Gouvernement a également assuré la formation des agents chargés de l’application des lois au règlement des conflits fonciers; il a en outre favorisé l’émergence d’une conscience des droits de l’homme au sein de la société par le biais du processus d’élaboration de la politique nationale des droits de l’homme et du Plan national d’action s’y rapportant et mis en œuvre, à l’appui de son action, une initiative à résultats rapides ainsi qu’un contrat de performance pour les hauts fonctionnaires.

Mesures législatives

88.Pour remédier aux injustices ayant conduit à la distribution inégale des terres sur la base de considérations liées à la race, le Gouvernement a pris plusieurs décisions, dont celle d’adopter une politique foncière nationale globale approuvée par le Cabinet et transmise pour examen et adoption au Parlement.

89.Le Code de conduite des médias fait obligation aux organes d’information d’éviter toute référence préjudiciable ou péjorative à la race, à la tribu, au clan, à la religion, au sexe ou au handicap d’un individu, sauf si ces précisions sont indispensables pour la présentation des faits rapportés. L’application du Code de conduite n’a cependant pas été aisée. Le Gouvernement a promulgué la loi sur les médias qui prévoit, notamment, la mise en œuvre du Code de conduite. Le Gouvernement s’emploie également à faire adopter et promulguer le projet de loi sur la liberté de l’information qui réglementera le contenu de l’information diffusée au public afin de limiter les incitations à la haine et de juguler les propos haineux.

90.Le Gouvernement a également élaboré le projet de loi sur l’égalité des chances dont l’objectif est, notamment, de «promouvoir l’égalité des chances et de lutter contre la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la religion, le handicap ou tout autre motif prohibé». Ce projet de loi est en attente de promulgation.

91.Le Gouvernement a créé plusieurs fonds conçus pour assurer une distribution équitable des ressources, tels que le Fonds de développement des collectivités, le Fonds de bourses accordées aux collectivités, et le Fonds de transfert aux autorités locales, notamment. Ces Fonds visent à encourager un développement équitable au niveau local.

92.En outre, l’article 77 du Code pénal kényan interdit expressément tout acte mené à des fins subversives, c’est-à-dire conçu ou calculé, entre autres, pour promouvoir des sentiments de haine ou d’hostilité entre les races ou les communautés.

93.La loi sur l’enfance interdit également la discrimination fondée, notamment, sur la race qu’elle érige en infraction passible d’un an d’emprisonnement ou d’une amende de 20 000 shillings du Kenya (soit 300 dollars É.-U.)

Article 5

Article 5 a)Accès à la justice

Garanties constitutionnelles

94.L’article 77 de la Constitution protège le droit de chacun à un procès équitable. Toute personne accusée d’une infraction pénale a le droit, à moins que l’accusation ne soit retirée, d’être jugée équitablement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. Attendu qu’il y est question de «personne», l’article en question interdit donc la discrimination fondée sur la couleur, l’ascendance, la nationalité ou l’origine ethnique. Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à un procès équitable. En outre, le paragraphe 1 de l’article 82 de la Constitution dispose qu’aucune loi ne contiendra de disposition discriminatoire en soi ou dans ses effets. La discrimination fondée sur la race, la tribu, le lieu d’origine ou de résidence ou tout autre lien local, les opinions politiques, la couleur, la religion ou le sexe d’une personne est interdite. En outre, le paragraphe 2 de l’article 82 prévoit que nul ne peut être traité de façon discriminatoire par quiconque agissant en application d’une loi écrite ou dans l’exercice de fonctions publiques ou administratives. En outre, l’article 84 de la Constitution prévoit que toute personne victime de discrimination fondée sur la race peut former un recours constitutionnel en réparation devant la Haute Cour en vertu des Règles de protection des libertés et droits fondamentaux de l’individu (pratique).

95.La Constitution prévoit que la Haute Cour est seule compétente pour connaître des infractions de discrimination raciale. Or, du fait de la juridiction géographique de la Haute Cour, la majorité des communautés vulnérables ou minoritaires, en particulier celles qui vivent dans les zones arides et semi-arides, n’ont qu’un accès limité à la justice. Afin de remédier à cette lacune, il a été proposé de créer de petites juridictions d’appel, de mettre en place un service d’aide juridictionnelle et d’élaborer une politique d’information des citoyens.

96.Le citoyen ordinaire n’étant toutefois pas encore suffisamment sensibilisé aux droits de l’homme, il risque de ne pas faire correctement usage des voies de recours prévues par l’article 84 de la Constitution en cas de discrimination fondée sur l’origine ethnique ou nationale. Le processus engagé en vue de l’élaboration d’une politique nationale et d’un plan national d’action a été efficacement mis à profit pour informer les Kényans de leurs droits et leur permettre de participer à ce processus de manière éclairée.

97.Concernant les mineurs en infraction avec la loi, la loi sur l’enfance prévoit que, lorsqu’un mineur n’est pas en mesure de faire appel aux services d’un avocat, le Gouvernement doit lui en commettre un aux fins de préparation de sa défense et de sa comparution en justice.

98.Le Gouvernement kényan a pris un certain nombre d’initiatives et considéré qu’il était nécessaire d’élaborer un système d’aide juridictionnelle opérationnel et étendu pour rapprocher le droit et la justice des citoyens plutôt que d’exiger d’eux qu’ils fassent la démarche de s’en prévaloir. Le manque d’accès à la justice constitue, en soi, une forme de discrimination dans la mesure où cela va à l’encontre de l’égale protection de la loi. Toutefois, la mise en œuvre du Système national d’aide juridictionnelle (et d’information), actuellement en cours après un essai d’application fructueux, devrait progressivement permettre de résoudre ce problème à l’égard des Kényans indigents.

Mesures législatives

99.Par le truchement du Ministère de la justice, de la cohésion nationale et des affaires constitutionnelles, le Gouvernement a qualifié le problème d’accès à la justice de défi majeur. Il s’emploie par conséquent à rendre la justice accessible à la population en augmentant les prestations de services juridiques par le biais de la reconnaissance des systèmes de justice communautaire, de la création de tribunaux pour le règlement des petits litiges, de mesures de soutien aux centres qui offrent des conseils juridiques aux petites entreprises, d’un appui aux initiatives de médiation et de l’élaboration d’un système bien structuré d’aide juridictionnelle (et d’information) à même de dispenser des conseils juridiques, de mener des actions de sensibilisation et de représentation et capable de donner la priorité aux personnes et aux affaires qui l’exigent le plus. Ces mesures sont réalisées dans le cadre du Programme de réforme du secteur de la gouvernance, de la justice, du droit et de l’ordre, en association avec toutes les parties prenantes, afin que l’enseignement du droit et l’aide juridictionnelle deviennent une réalité dans le pays. Un changement a été apporté à la politique publique de sorte que l’accès à la justice est désormais considéré comme un droit fondamental et la fourniture de mécanismes de règlement des différends abordables, accessibles, efficaces, pratiques et équitables jugée essentielle à la réduction de la pauvreté et au développement économique durable, notamment.

100.Depuis 2001, dans plusieurs déclarations, le Gouvernement a reconnu l’importance de l’aide juridictionnelle et de l’information des citoyens dans le processus de développement du Kenya. Le document stratégique de réduction de la pauvreté pour la période 2001-2004 indiquait que «l’impossibilité pour les communautés et les personnes démunies en question d’accéder à des services juridiques et judiciaires abordables, qui répondent aux besoins de la société, était un problème essentiel auquel le Gouvernement devait s’attaquer dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Les pauvres étaient ceux qui pâtissaient le plus de systèmes juridiques et judiciaires défaillants, non contrôlés et mal adaptés.».

101.Le Kenya a reconnu que l’offre de services juridiques appropriés et de qualité et l’accès à ceux-ci étaient une protection contre la violation des droits de l’homme des groupes sociaux défavorisés. Il considère que: «L’accès efficace et aisé à des services juridiques et judiciaires réactifs, efficaces et abordables favorise une culture citoyenne respectueuse de la loi, indispensable au développement social, politique et économique... L’administration de la justice est essentielle à la lutte contre la pauvreté car elle crée un environnement propice aux investissements.».

102.Le rôle que joue une administration de la justice fiable et facile d’accès dans le bon fonctionnement de la société a été réaffirmé dans le Programme d’investissement de la stratégie 2003-2007 de relèvement économique pour la création de richesses et d’emplois, où il est souligné qu’un «système fiable, rapide, accessible et abordable pour les plus démunis, équitable et non corrompu favorise et encourage le développement économique».

103.En dehors de ces deux documents stratégiques importants, la stratégie à moyen terme (pour la période allant de juin 2005 à septembre 2008) du Programme de réforme du secteur de la gouvernance, de la justice, du droit et de l’ordre a relevé les problèmes existant en matière d’accès à la justice, en particulier pour les personnes démunies, et proposé un objectif programmatique clef, à savoir l’amélioration de l’accès à la justice, de manière que les personnes démunies, marginalisées et vulnérables aient davantage accès à une justice abordable, rapide, pertinente et efficace, qu’il s’agisse de la justice étatique ou non étatique. Le programme de réforme du secteur de la gouvernance, de la justice, du droit et de l’ordre vise à réformer l’ensemble du système juridique et judiciaire en vue d’instaurer une gouvernance et une administration de la justice qui soient performantes, équitables et efficaces et respectent, promeuvent et protègent les droits de l’homme.

104.Ces déclarations faites par le Gouvernement ont essentiellement pour objet d’indiquer que pour lui permettre, notamment aux personnes pauvres, marginalisées et vulnérables, d’accéder à la justice n’est pas un acte de charité ou une forme de philanthropie mais qu’il s’agit d’un processus qui sous-tend le développement, en général, et la réduction de la pauvreté, en particulier. Ainsi, la mise en place d’un système de sensibilisation au droit et d’aide juridictionnelle est conçue comme faisant partie intégrante de l’accès à la justice, en particulier, et à la planification et à la réalisation du développement, en général.

105.Par le truchement du Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles, le Gouvernement a établi un Comité directeur national de l’aide juridictionnelle (et de l’information) qui est notamment chargé de mettre en place le cadre voulu du Programme national d’aide juridictionnelle (et de l’information) et de fournir à ce dernier des orientations stratégiques. Ce programme, qui a débuté en 2007, devrait rapprocher la justice des citoyens kényans et changer la physionomie de la justice dans le pays. Il permettra de renforcer les efforts déployés par le Gouvernement en matière de protection des droits des citoyens et devrait avoir des retombées positives étendues sur tous, en particulier les personnes démunies et les plus vulnérables de la société kényane.

106.En outre, en juin 2007, le pays a établi un Comité permanent des plaintes de particuliers dont les fonctions sont, entre autres, d’agir en tant que précurseur du médiateur, en attendant la création d’un tel poste.

107.La Commission nationale des droits de l’homme du Kenya dispose également d’un Service chargé des plaintes et des enquêtes qui a pour tâche d’enquêter sur les plaintes relatives aux violations des droits de l’homme. Après l’enquête, l’affaire, si elle est jugée recevable, est soumise à un tribunal rattaché à la Commission qui statue quant au fond et dont les conclusions sont certifiées par la Haute Cour. (Voir la partie du rapport relative à l’article 2 de la Convention pour les affaires ayant trait à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dont a été saisie la Commission nationale des droits de l’homme.) La Commission nationale des droits de l’homme décentralise en outre son action en créant des bureaux dans diverses régions du pays. Elle dispose actuellement de deux antennes locales. Il convient de noter que ces deux bureaux se situent dans des zones comptant parmi les plus marginalisées, où vivent des communautés de pasteurs.

108.L’action que mène la Commission nationale des droits de l’homme est désormais complétée par le Comité permanent des plaintes de particuliers, qui est compétent pour connaître des plaintes de particuliers faisant état d’abus administratifs (y compris de discriminations en matière de prestation de services). Les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme jouent également un rôle d’appui en fournissant des services d’aide juridictionnelle et autres pour améliorer l’accès à la justice.

Mesures judiciaires

109.Même si la loi ne prévoit pas le traitement collectif des plaintes, plusieurs décisions positives ont été rendues par les tribunaux qui ont pour effet de reconnaître des droits collectifs et d’interdire la discrimination fondée sur l’origine ethnique. Un cas d’espèce est l’affaire IlChamusévoquée précédemment.

Article 5 b)Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État contre les voies de fait soit de la part de fonctionnaires du Gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution (Convention, art 5b))

Garanties constitutionnelles

110.L’article 71 prévoit que nul ne peut être privé du droit à la vie, si ce n’est dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice. Il existe cependant des exceptions à cette règle. L’article 71-2 prévoit qu’une personne peut perdre la vie suite à un usage de la force se justifiant raisonnablement pour:

a)Se défendre ou défendre ses biens;

b)Effectuer une arrestation légale ou empêcher la fuite d’une personne légalement détenue;

c)Réprimer une émeute, une insurrection ou une mutinerie; ou

d)Empêcher légalement un acte criminel ou un acte de guerre légitime.

111.L’article 74 de la Constitution du Kenya interdit la torture et tout autre traitement dégradant. Cette disposition constitutionnelle a été dûment mise en œuvre par la loi d’amendement du droit pénal de 2003 qui a modifié toutes les lois jusqu’alors en vigueur qui autorisaient les châtiments corporels et rend irrecevable tout aveu fait devant des policiers ou dans un commissariat de police. La loi d’amendement du droit pénal de 2007 a annulé cette disposition en qualifiant d’admissibles en justice les aveux faits devant un fonctionnaire de police du grade d’inspecteur ou d’un grade supérieur.

112.Le Kenya est également partie à la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; une loi est actuellement en cours d’élaboration afin d’incorporer cet instrument dans le droit interne.

113.Durant la période à l’examen, comme indiqué ailleurs dans le rapport, le pays a été confronté à de nombreuses difficultés liées à la criminalité organisée et aux affrontements à caractère ethnique, qui sont plus largement dus à la rareté des ressources qu’à l’origine ethnique en tant que telle. Cette situation a eu un impact négatif sur la sécurité des personnes. Un projet de loi visant à interdire les activités criminelles organisées est déjà bien avancé et les réformes du système d’application des lois en cours permettront de remédier à la plupart des problèmes que le Kenya a récemment rencontrés en matière de sécurité.

Autres dispositions législatives et mesures administratives

114.Le Département de la police, établi en vertu de la loi sur la police, a autorité et est compétent pour fournir des services de sécurité sur un pied d’égalité à tous les citoyens. La Commission nationale des droits de l’homme a pris plusieurs initiatives pour former les forces de police aux procédures de base à respecter en matière de traitement des suspects.

115.Le Gouvernement a créé un Conseil indépendant de surveillance civile dont les membres sont issus de la société civile, du Gouvernement et du secteur privé, afin de renforcer le mécanisme de plaintes de particuliers visant des agents des forces de l’ordre. Le Gouvernement a également établi des commissariats et postes de police supplémentaires ainsi que des bases de patrouille dans les zones sujettes à la violence et les régions où des personnes ont été déplacées afin de renforcer leur protection.

116.L’Administration pénitentiaire a également travaillé en étroite collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme, l’Institut pour l’éducation à la démocratie et la Fondation de ressources juridiques en vue notamment de former le personnel pénitentiaire afin qu’il applique et respecte l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus établies par divers instruments juridiques internationaux.

117.Le Gouvernement est sensible aux dimensions sexospécifiques de la torture, en particulier à la vulnérabilité accrue des femmes et des fillettes face à certaines pratiques qui relèvent de la définition de la torture. La loi interdit et érige en infractions pénales les mutilations génitales féminines et les mariages précoces et forcés. Ces infractions sont prévues par la loi sur l’enfance et la loi sur les infractions sexuelles. Le Ministère des affaires féminines, de l’enfance et du développement social coordonne les travaux du Comité interministériel sur les mutilations génitales féminines qui veille à la mise en œuvre du Plan national d’action pour l’éradication des mutilations génitales féminines.

Article 5 c)Droits politiques

Droit de participer aux élections

118.L’article 32 (par. 2) de la Constitution du Kenya concerne le droit de vote. Toute personne inscrite sur les listes électorales d’une circonscription a le droit de voter, à quelques exceptions près qui n’ont pas pour effet de perpétuer la discrimination raciale. L’article 32 dispose, notamment, que «... toute personne inscrite sur les listes électorales d’une circonscription aux fins d’élection de membres élus jouit du droit de vote dans cette circonscription conformément à la loi, sauf si elle est placée en détention légale, se trouve dans un cas d’incapacité prévue par la loi parce qu’elle a été condamnée ou reconnue coupable d’une infraction à la législation électorale par le tribunal saisi d’une demande d’invalidation des élections...».

119.L’article 33 de la Constitution prévoit que les partis politiques nomment 12 membres du Parlement qui sont désignés par le Président de la République selon la proportion de sièges remportés par chaque parti aux élections législatives. La Constitution ne définit toutefois pas ce qu’est un intérêt particulier. Dans l’affaire IlChamus, la Cour constitutionnelle s’est cependant efforcée de définir les intérêts particuliers comme étant des intérêts que le processus électoral usuel ne permettait pas d’identifier et de représenter. Ainsi, une circonscription, par ailleurs bien représentée par un représentant et disposant d’une minorité identifiable, qui ne peut, à elle seule, influer sur l’issue du scrutin a été reconnue par le corps judiciaire comme étant un groupe d’intérêt particulier aux fins du présent article. Toutefois, la loi n’indique pas qui les partis politiques devraient désigner pour siéger au Parlement.

120.Le chapitre 7 de la loi électorale contient d’autres principes directeurs applicables au processus électoral. Il établit un processus continu d’enregistrement des électeurs, sauf en période électorale, et renforce en outre l’obligation qu’ont les électeurs ayant atteint l’âge de la majorité d’être inscrits sur les listes électorales.

121.Le Règlement électoral figurant au chapitre 7 permet à la Commission électorale de faciliter l’inscription des pasteurs sur les listes électorales et l’exercice du droit de vote par les communautés de pasteurs. Parmi les mesures prévues figure la mise en place par le Gouvernement de bureaux mobiles d’inscription sur les listes électorales et de vote pour remédier au problème de la marginalisation et tenir compte du nomadisme, mode de vie des communautés de pasteurs.

122.En outre, la troisième annexe à la loi électorale établit le Code de déontologie électorale qui prévoit que le Gouvernement, tous les partis politiques et les candidats sont tenus de promouvoir des conditions propices à la tenue d’élections libres et équitables et un climat de tolérance permettant l’exercice de l’action politique sans peur, contrainte, intimidation ni représailles. La Commission électorale dispose également de mécanismes d’enquête publique lui permettant d’évaluer la délimitation des circonscriptions dans le but de recueillir les vues de tous, y compris des communautés minoritaires et des groupes marginalisés.

Droit de prendre part au Gouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons

Emploi au sein du Gouvernement et de la fonction publique

123.Différentes commissions ont été créées en vertu de la Constitution et spécifiquement chargées de garantir la participation adéquate et effective de la population au Gouvernement et à la direction des affaires publiques. On peut citer la Commission de la fonction publique, la Commission des parlementaires, la Commission des enseignants, la Commission de la magistrature, la Commission électorale du Kenya et les centres de recrutement de la police et des forces armées kényanes. Ces instances sont régies par des politiques axées sur la participation de tous les habitants du pays. D’autres politiques ont aussi été adoptées pour garantir qu’au moins 30 % des recrues soient des femmes et au moins 5 % des personnes handicapées. Pour renforcer ces politiques, le Gouvernement s’emploie à ce que tous les ministères et organismes publics intègrent les femmes et les handicapés dans leurs contrats de performance.

Participation à la direction des affaires publiques

124.Bien qu’aucune disposition constitutionnelle spécifique ne permette au Gouvernement de consulter directement les citoyens dans le cadre de la prise des décisions et l’adoption des décisions de politique générale, hormis par le truchement des représentants élus du peuple au Parlement et dans les collectivités locales, le Gouvernement a pris des mesures pour que la population participe pleinement au processus d’adoption des décisions la concernant et soit consultée à leur sujet. Les politiques nationales sont de plus en plus formulées de façon participative. On peut citer à cet égard la politique foncière kényane, le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution auquel la population a été étroitement associée, et le processus d’élaboration de la politique nationale et du Plan national des droits de l’homme. Le projet de constitution énonce les valeurs et principes de gouvernance qui devraient s’imposer à tous les organes de l’État, représentants de l’État, agents de la fonction publique ainsi qu’à toute personne qui applique ou interprète la Constitution; édicte, applique ou interprète une loi; ou élabore ou met en œuvre les décisions relatives aux politiques publiques. Ces valeurs et principes comprennent le patriotisme, l’unité nationale, le partage du pouvoir, la délégation de pouvoirs, la primauté du droit, la démocratie et la participation citoyenne.

Égalité d’accès à la fonction publique

125.En matière de prestation de services publics, des garanties ont été prises pour assurer l’accès aux services publics, sur un pied d’égalité, indépendamment de la race et de l’appartenance à un groupe national ou ethnique. L’article 107 de la Constitution institue la Commission de la fonction publique qui nomme les fonctionnaires affectés à un organisme de service public aux niveaux national et local, confirme les nominations, exerce un contrôle disciplinaire sur ces personnes et, si nécessaire, les démet de leurs fonctions.

Article 5 d)Autres droits civils

Article 5 d) i) et ii)Droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État et droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays

Mesures législatives

126.L’article 81 de la Constitution du Kenya garantit le droit de circuler librement, ce à quoi veillent tout particulièrement la police et l’administration provinciale. Elles assurent la sécurité et le respect du droit de circuler librement au Kenya. Ce droit ainsi que celui de voyager à l’étranger, d’émigrer et de revenir dans son pays sont dans l’ensemble respectés au Kenya. La Constitution prévoit toutefois des restrictions objectives et raisonnables à l’exercice de ce droit afin d’assurer la sécurité publique, l’ordre public, la moralité publique et la défense du territoire. Ainsi, l’article 4 du chapitre 57 de la loi sur la protection de la sécurité publique prévoit que les règlements relatifs à la protection de la sécurité publique peuvent porter sur:

a)L’enregistrement, la restriction du droit de circuler (pour entrer au Kenya, circuler dans le pays ou le quitter), et le déplacement forcé de personnes, y compris l’imposition de couvre-feux; et

b)Le contrôle des étrangers, y compris la suppression des privilèges et immunités diplomatiques.

127.La loi sur les restrictions applicables aux étrangers (art. 3 du chapitre 173) prévoit que le ministre peut, à tout moment, en cas de guerre déclarée entre le Kenya et une puissance étrangère ou en cas de danger imminent ou de situation d’extrême urgence, restreindre, par ordonnance, de temps à autre le droit des étrangers de circuler dans le pays; l’ordonnance peut faire obligation aux étrangers de résider ou de demeurer dans certains lieux ou districts ou leur interdire de résider ou de demeurer dans toute zone spécifiée par celle-ci.

Mesures administratives

128.Les occupants sans titre sont en voie de réinstallation et des titres de propriété leur sont octroyés pour leur permettre de s’installer dans le lieu de leur choix. En 2002, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le nouveau gouvernement a reconnu que la privation de terres était l’une des causes profondes de la pauvreté et de l’inégalité. Le Manifeste de campagne indiquait notamment ce qui suit:

«La terre est l’une des questions les plus controversées au Kenya aujourd’hui et c’est le cas depuis l’ère coloniale. La terre est particulièrement importante pour les Kényans pour plusieurs raisons, notamment parce que 80 % d’entre eux sont des paysans qui en vivent. La terre est leur gagne-pain et toute menace exercée contre leurs ressources foncières est source de peur et de panique. D’ailleurs, la question de la terre était au cœur de notre lutte pour l’indépendance.».

129.Le nouveau Gouvernement a pris conscience de la nécessité de reprendre possession des terres encore détenues par des colons blancs pour y réinstaller les paysans sans titre. Le projet de nouvelle constitution prévoyait, conformément à la promesse faite aux Kényans, qu’aucun étranger ne serait autorisé à louer des terres pendant plus de quatre-vingt-dix-neuf ans. Tout bail foncier supérieur à cette durée reviendrait à l’État. Bien que le projet de constitution ait été rejeté, cette disposition n’a pas prêté à controverse, ce qui signifie que le Gouvernement et le peuple estimaient d’un commun accord que la terre leur revenait de droit (Supplément au Journal officiel du Kenya, 2005). Il s’agit d’un point essentiel car au Kenya, le problème foncier a parfois donné lieu à des violences ethniques au cours desquelles des milliers de personnes ont perdu la vie et des milliers d’autres ont été déplacées et privées de foyer. Les produits agricoles et les minerais précieux ont en outre suscité des convoitises qui ont eu pour effet de priver les Kényans de terres et de porter atteinte à l’environnement. La politique foncière nationale devrait permettre aux citoyens d’être propriétaires de terres, d’assurer une répartition équitable de celles-ci au bénéfice de tous et d’assurer une exploitation appropriée des ressources foncières.

Autres mesures

130.Le Gouvernement kényan et les dirigeants politiques du pays ont milité contre le tribalisme et encouragé les groupes de population à faire preuve de tolérance les uns envers les autres et à vivre et à travailler en tout lieu du Kenya dans l’harmonie. Cette action a pris des formes multiples, en particulier à la suite des violences sans précédent que le pays a connues après les élections générales de décembre 2007. Mille deux cents personnes au moins ont péri et jusqu’à 350 000 ont été déplacées lors des violences qui ont éclaté dans plusieurs régions du pays, principalement dans les provinces de la vallée du Rift et de Nyanza, après l’annonce des résultats des élections présidentielles du 27 décembre. L’un des principes énoncés concernant le retour des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays dispose que:

«Les autorités compétentes ont le devoir et la responsabilité de créer les conditions et de mettre en place les moyens qui permettent aux personnes déplacées à l’intérieur du pays d’exercer leur droit au retour, dans la sécurité et la dignité, dans leurs foyers ou lieux de résidence habituelle ou à leur réinstallation volontaire dans une autre région du pays.».

131.En vertu de ce principe, les personnes déplacées qui sont rentrées chez elles ou ont été réinstallées dans une autre partie du pays ne doivent pas subir de discriminations du fait qu’elles ont été déplacées. Conformément à ce principe, le Gouvernement s’emploie à réinstaller les personnes déplacées suite aux violences postélectorales de 2008 en veillant à leur retour dans des conditions de sécurité, en leur fournissant une aide financière et en prenant diverses mesures de réconciliation dans les zones touchées.

Article 5 d) iii)Droit à une nationalité

Mesures législatives

132.Le droit kényan en matière de nationalité est principalement régi par le jus sanguinis(nationalité par filiation) mais la loi prévoit également que certaines catégories de personnes qui vivaient au Kenya au moment de l’indépendance peuvent, pour des raisons historiques, l’acquérir. Le chapitre 6 (art. 87 à 97) de la Constitution traite du droit à la nationalité. La loi sur le registre de l’état civil (chap. 107) contient également des dispositions sur l’enregistrement des individus et la délivrance de cartes d’identité. (Voir la partie du présent rapport relative à l’article 2 de la Convention concernant la citoyenneté et le cas des Nubiens.)

133.En vertu de la législation kényane, seuls les hommes peuvent transmettre la nationalité à leurs enfants. Cela devrait changer avec l’adoption de la nouvelle Constitution qui reconnaît qu’acquiert la nationalité kényane toute personne dont la mère ou le père était ressortissant du Kenya le jour de sa naissance, que celle-ci ait eu lieu ou non au Kenya.

Mesures administratives

134.Le Gouvernement a pris des mesures énergiques par le truchement du programme de réforme du secteur de la gouvernance, de la justice, du droit et de l’ordre, pour accélérer le traitement et la délivrance des cartes d’identité, des passeports et des certificats de naissance. Un certificat de naissance est requis pour obtenir une carte d’identité ou un passeport, lesquels documents sont indispensables pour la conduite des affaires citoyennes et l’exercice de nombreux droits civils et politiques.

Article 5 d) iv)Droit de se marier et de choisir son conjoint

Mesures législatives

135.La Constitution ne contient pas de disposition spécifique sur le droit de se marier ou de choisir son conjoint. Cependant, toutes les lois sur le mariage consacrent expressément le principe de l’union par consentement. Chacun peut choisir de se marier ou non. Ces garanties sont prévues par:

a)La loi sur le mariage (chap. 150);

b)La loi sur le mariage et le divorce des Africains (chap. 151);

c)La loi sur les affaires matrimoniales (chap. 152);

d)La loi sur le mariage et le droit en matière de succession des musulmans (chap. 156);

e)La loi sur le mariage et le divorce des hindous (chap. 157).

136.Le mariage peut être célébré selon les lois coutumières; les tribunaux ont confirmé le principe du consentement au mariage. Le droit de choisir son conjoint n’est pas expressément énoncé par les lois sur le mariage mais est implicite et rigoureusement appliqué par les tribunaux comme en témoignent plusieurs décisions de justice. En raison des différentes conditions requises par les diverses lois relatives au mariage, deux projets de loi visant à consolider la législation sur le mariage (voir la partie du rapport relative à l’article 2 de la Convention) sont en instance devant le Parlement.

Article 5 d) v) et vi)Droit à la propriété et droit d’hériter

137.L’article 75 de la Constitution garantit la protection contre la privation de biens et plusieurs lois établissent le régime juridique d’enregistrement et de transfert de la propriété ainsi que le droit en matière de succession. Ce sont notamment;

a)La loi sur les biens fonciers enregistrés (chap. 300);

b)La loi sur l’enregistrement des titres (chap. 281);

c)La loi de 1882 sur la transmission de biens, applicable aux Indiens;

d)La loi sur le droit en matière de succession (chap. 160);

e)La loi sur les terres publiques (chap. 280);

f)La loi sur le curateur public (chap. 168).

138.Le Gouvernement s’emploie, par le biais de la politique foncière nationale, à consolider les lois foncières pour garantir les droits de propriété des citoyens et reconnaître les droits fonciers communautaires.

Mesures judiciaires et administratives

139.Les tribunaux ont systématiquement confirmé le droit à la propriété et le droit à l’héritage dans toutes les affaires dont ils ont été saisis en matière de droit à la propriété. Des dissensions ont été constatées entre les magistrats siégeant à la Haute Cour au sujet d’affaires ayant trait à des différends en matière de droits fonciers et de succession. D’autre part, les conseils d’adjudication foncière assurent la gestion et/ou la répartition équitable des terres. L’un des principaux objets de la politique foncière nationale est la prompte délivrance de titres de propriété pour sécuriser les droits fonciers de tous les Kényans, sans discrimination.

140.La propriété foncière, l’accès à la terre et l’exploitation des terres occupent une place centrale dans les politiques publiques et les débats politiques du Kenya, y compris du processus de révision constitutionnelle. La raison en est que la terre a été au cœur des changements culturels, économiques et sociopolitiques qu’a connus le pays. En fait, toute l’histoire politique, économique, sociale et culturelle du Kenya a été largement dominée et influencée, depuis l’arrivée des Arabes sur la côte et plus tard, au XIXe siècle, des colons européens par les questions d’accès à la terre et de contrôle sur celle-ci.

141.Après des années d’imposition systématique de modes occidentaux d’occupation et de gestion des terres, nombreux sont les Kényans qui connaissent encore des problèmes non seulement pour s’adapter à l’économie agraire moderne mais aussi pour faire face à un environnement de plus en plus fragile et menacé, à l’appauvrissement des terres, à la faiblesse de la production agricole, à l’intensification des conflits liés à l’accès à la terre et au contrôle sur celle-ci et à la pauvreté généralisée. Cette situation a suscité un intérêt croissant de la part du Gouvernement pour les questions de régime foncier et d’exploitation des terres et c’est pourquoi il a continué d’investir massivement dans les programmes de réforme agraire. En témoignent les différentes commissions d’enquête présidentielle sur les régimes fonciers, le processus national de formulation des politiques foncières et le processus de révision constitutionnelle engagé pour régler le problème foncier.

Article 5 d) vii), viii) et ix)Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, droit à la liberté d’opinion et d’expression et droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques

Mesures législatives

142.Les articles 78 à 80 de la Constitution garantissent la liberté de pensée, de conscience, de religion, d’opinion et d’expression et le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. Plusieurs lois donnent effet à ces droits, à savoir:

a)La loi sur les sociétés (chap. 108) prévoit que les Églises et les associations religieuses sont enregistrées sans aucune forme de discrimination;

b)L’article 134 du Code pénal (chap. 63) protège les diverses religions contre l’outrage à la religion tandis que l’article 135 consacre le droit à la liberté de réunion et à la liberté de culte sans créer de troubles; et

c)L’article 26 de la loi sur l’éducation (chap. 211) prévoit que les établissements d’enseignement publics peuvent dispenser un enseignement religieux.

Mesures judiciaires et administratives

143.La police est chargée d’assurer la sécurité requise lors des manifestations/réunions dont la tenue a été dûment notifiée. Les tribunaux statuent sur les différends entre groupes religieux, si nécessaire.

Article 5 e)Droits économiques, sociaux et culturels

Article 5 e) i) et ii)Droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la protection contre le chômage, à un salaire égal pour un travail égal, à une rémunération équitable et satisfaisante

Mesures législatives

144.Les articles 73 i) et ii), 75 et 81 de la Constitution prévoient une protection contre l’esclavage, le travail forcé, la dépossession et la privation de liberté de mouvement et protège la liberté de mouvement, des droits tous liés au droit au travail. La liberté de mouvement garantit le droit de travailler en tout point du territoire national. En vertu de la Constitution, nul ne sera tenu en esclavage ou en servitude, et, le 13 janvier 1964, le pays a ratifié les Conventions de l’OIT no 29 sur le travail forcé (1930) et no 105 sur l’abolition du travail forcé (1957). Depuis, le Gouvernement a pris des mesures pour s’assurer que le droit et la pratique du pays sont conformes à ces conventions. À cet égard, signalons que certains articles de la loi sur l’autorité des chefs, qui accordaient aux chefs le droit d’imposer des travaux forcés dans les villages (ouvertement, dans le but d’exécuter des projets communaux tels que l’entretien des routes rurales) ont été abrogés en 1997.

145.Le Gouvernement entend réformer certaines dispositions du Code pénal (chap. 63 du Recueil des lois du Kenya) qui permettent qu’une personne incarcérée soit obligée d’accomplir les travaux qui lui sont imposés à titre de peine. La loi de 1967 sur les navires marchands (chap. 389 du Recueil des lois du Kenya) et la loi sur les conflits du travail (chap. 234 du Recueil des lois du Kenya), qui toutes deux interdisent à certaines catégories de travailleurs de prendre part aux mouvements de grève, devront également être révisées. Le Gouvernement a également adopté de nouveaux textes reconnaissant et définissant les droits fondamentaux des travailleurs et a consolidé toutes les lois relatives aux syndicats et aux conflits du travail, afin de promouvoir la liberté d’association. Ces lois sont notamment:

a)La loi de 2007 sur l’emploi qui reconnaît et définit les droits fondamentaux des travailleurs;

b)La loi de 2007 sur les relations entre partenaires sociaux, qui consolide toutes les lois relatives aux syndicats et aux conflits du travail, afin de promouvoir la liberté d’association;

c)La loi de 2007 sur les accidents du travail; et

d)La loi de 2007 sur la santé et la sécurité des travailleurs.

146.Ces lois interdisent le travail forcé conformément aux dispositions de la Convention no 105, en excluant certaines catégories de travaux de ces dispositions (tels que les travaux ou services de nature militaire, les obligations civiles normales, etc.).

147.Des conseils d’orientation professionnelle sont fournis dans les établissements scolaires et les universités. Afin de suppléer la capacité des universités d’absorber l’effectif des élèves issus de l’enseignement secondaire, le Gouvernement a créé des écoles techniques de village, des écoles polytechniques nationales et des instituts d’enseignement supérieur de niveau intermédiaire spécialisés dans les sciences et la technologie. Cependant, le financement de ces établissements demeure problématique, vu les contraintes fiscales et les ajustements imposés par les donateurs qui obligent à réduire les dépenses de l’État dans le domaine de l’éducation publique. La Direction de la formation industrielle œuvre également à la promotion des compétences techniques dans tous les secteurs. Des programmes de formation professionnelle et technique sont également assurés par le Service national de la jeunesse, les institutions Borstal, les centres de réinsertion professionnelle pour personnes handicapées et les centres correctionnels pour mineurs dans les prisons. Au Kenya, la formation professionnelle est régie par la loi sur la formation professionnelle (chap. 237 du Recueil des lois du Kenya).

148.Parmi les principales difficultés rencontrées dans la réalisation de l’objectif consistant à garantir le plein emploi et un travail productif librement choisi il y a l’incapacité de l’économie à supporter un niveau d’emploi élevé, mais aussi l’importance des investissements nécessaires pour adapter le système éducatif aux besoins changeants de l’économie. La stratégie 2003-2007 de relèvement économique pour la création de richesses et d’emplois a été adoptée afin de guider le pays sur la voie du redressement économique. De surcroît, le Gouvernement a adopté un document de session sur l’éducation (voir la partie concernée du rapport sur le droit à l’éducation), dont le thème central est le réalignement de notre système éducatif sur les besoins du marché dans un contexte national et international, social, économique et culturel en mutation.

149.Parvenir à la parité entre hommes et femmes, en particulier parmi les cadres supérieurs des secteurs public et privé demeure un défi de taille. Par exemple, parmi les 42 postes de secrétaires permanents existant actuellement au Gouvernement, six seulement sont occupés par des femmes. La création de la Commission nationale sur l’égalité des sexes et le développement et l’élévation du Bureau des femmes au rang de Direction rattachée au Ministère de l’égalité des sexes, des sports, de la culture et des services sociaux devraient contribuer grandement à corriger les inégalités entre hommes et femmes dans le pays. Au niveau politique, le document de session no 5 de 2005 sur l’égalité des sexes et le développement prévoit la création de directions de l’égalité des sexes dans la fonction publique. L’adoption de la loi sur les personnes handicapées, le projet de loi sur le contrôle et la gestion du VIH et le projet de loi sur l’égalité (en cours d’examen) sont censés offrir des solutions législatives au problème de la discrimination. La loi de 2001 sur l’enfance prévoit des sanctions en cas de discrimination dans l’éducation des filles et des garçons et ces dispositions améliorent les perspectives d’emploi des femmes. À propos de la jeunesse, le Kenya s’est doté d’un projet de politique nationale de la jeunesse qui répond aux problèmes des jeunes et de l’emploi. Des conseils de la jeunesse ont également été établis de manière décentralisée dans l’ensemble du pays.

Mesures judiciaires et administratives

150.Le tribunal des conflits du travail règle les différends professionnels. En outre, les tribunaux ordinaires sont également compétents pour connaître des affaires civiles et pénales découlant de relations de travail et d’emploi. La Charte des relations professionnelles prévoit le règlement amiable des conflits du travail. Des commissions tripartites (employeurs, employés et Gouvernement) se réunissent habituellement pour statuer sur les litiges professionnels. L’Organisation centrale des syndicats (COTU) et la Fédération des employeurs du Kenya (FKE) sont généralement représentées dans la plupart des conseils parapublics. Le salaire minimum est régulièrement réévalué en fonction de la hausse du coût de la vie et de l’amélioration de la productivité dans la mesure où la croissance et la stagnation économiques le permettent.

Article 5 e) iii)Droit au logement

Mesures législatives

151.Nombre de Kényans sont toujours confrontés à de nombreux obstacles en matière d’accès à un logement convenable comme en témoignent les nombreuses colonies informelles qui parsèment nombre de nos centres urbains. Afin de garantir le droit au logement, le Gouvernement a:

a)Créé un ministère spécialement chargé du logement, de façon à améliorer l’exécution des programmes;

b)Élaboré une politique nationale du logement et adopté un document de session sur ce sujet en vue d’élaborer un projet de loi national sur le logement;

c)Modernisé les logements de fortune dans le cadre du Programme d’amélioration des bidonvilles du Kenya (KENSUP); et

d)Construit des logements proposés à la vente aux agents de la fonction publique.

152. L’article 9 de la loi sur l’emploi fait obligation à tout employeur de fournir, à ses frais, un logement décent aux employés soit sur le lieu de travail soit près de celui-ci, ou de leur allouer une somme suffisante, à titre d’aide au logement, en plus du traitement ou salaire, pour leur permettre de se loger convenablement. Une allocation-logement est versée à tous les fonctionnaires par principe; dans le secteur privé, la pratique en la matière varie.

Mesures judiciaires et administratives

153.Le tribunal chargé des questions relatives aux loyers contrôlés et le tribunal chargé des questions relatives à la location de locaux commerciaux ont été créés en vertu de lois adoptées par le Parlement afin de connaître des conflits locatifs, pour autant que l’objet du différend relève de la catégorie des baux contrôlés énoncée dans les lois correspondantes. Il s’agit de locations à bas prix destinées aux personnes à faible revenu que le Gouvernement entend protéger contre le harcèlement injustifié de propriétaires ou des hausses déraisonnables de loyer. En outre, les mesures administratives suivantes ont été mises en place:

a)Permettre à tous les groupes socioéconomiques de bénéficier de logements abordables, convenables et adéquats par le biais du document de session de la politique du logement no 3 de 2004 qui prévoit que des aides doivent être fournies aux groupes vulnérables pour leur permettre de se loger;

b)Introduction de technologies et de matériaux de construction appropriés pour réduire de moitié les coûts de construction;

c)Introduction de régimes fiscaux hypothécaires déductibles pour encourager les particuliers à devenir propriétaires de leur logement; et

d)Introduction de mécanismes de soutien immobilier en faveur des investisseurs, tels que des exonérations de taxes et d’autres mesures d’incitation, qui investissent dans des logements à bas coût.

Article 5 e) iv)Droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale etaux services sociaux

Mesures législatives

154. Par l’intermédiaire du Ministère de la santé, le Gouvernement kényan n’a cessé de renforcer le Cadre de politique de la santé en appliquant le deuxième Plan national stratégique du secteur de la santé. Le Plan national actuellement en vigueur est conçu pour inverser la tendance à la baisse des indicateurs de santé observée lors de la réalisation du premier Plan stratégique (1999-2004) et tirer parti de l’expérience tout en recherchant des solutions novatrices. Les objectifs stratégiques en matière de santé énoncés dans le Cadre en question, qui mettent l’accent sur le nécessaire maintien des soins de santé primaires pour améliorer l’état de santé de la population kényane, sont les suivants:

a)Affecter des ressources budgétaires suffisantes pour réduire les inégalités en matière d’état de santé;

b)Optimiser le rapport coût-efficacité et l’efficience de l’allocation et de l’emploi des ressources;

c)Gérer la croissance démographique;

d)Renforcer le rôle du Gouvernement en matière de réglementation de la fourniture de soins de santé;

e)Créer un environnement qui encourage la participation accrue du secteur privé et des communautés à la fourniture et au financement des services de santé; et

f)Accroître et diversifier le financement par habitant de la santé.

155.Globalement, l’objectif du deuxième Plan national stratégique est de réagir fermement face à la spirale de dégradation de la santé de la population kényane, de contribuer à la réduction des inégalités en matière de santé et d’inverser la chute des indicateurs d’impact et de résultat. Des inégalités en matière de santé ont été constatées entre les populations urbaines et rurales et entre les districts et les provinces (la province occidentale compte 68 % d’habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté tandis que la province du Centre n’en compte que 46 %). Ces inégalités sont aussi liées au sexe, à l’éducation et au handicap.

156.Le Gouvernement reconnaît que l’objectif de réduction des inégalités en matière de santé ne peut être atteint de manière efficace qu’en associant la population à l’établissement des priorités et par conséquent à l’allocation des ressources. Pour ce faire, les structures de gouvernance actuelles doivent être radicalement modifiées. L’active participation des autres parties prenantes et l’établissement de partenariats avec celles-ci en matière de prestation de soins sont nécessaires. Un système de santé fonctionnel sera mis en place dans le cadre du deuxième Plan national stratégique du secteur de la santé qui reposera sur la collaboration et un partenariat avec toutes les parties prenantes dont les politiques et les services ont un impact sur la santé.

157.La santé s’entend ici au sens large comme étant non seulement l’absence de maladie mais aussi un état général de bien-être psychique, physique et social. La santé étant définie ainsi, le cadre de vie – dont l’accès à des aliments nutritifs, à l’eau potable, aux services d’assainissement, à l’éducation et la cohésion sociale – a sur elle une influence déterminante.

158.En outre, plusieurs lois ont pour objet de remédier aux problèmes rencontrés dans les domaines de la santé publique, de la sécurité sociale et des services sociaux, dont:

a)La loi sur la santé publique (chap. 242);

b)La loi no 14 de 2006 sur la prévention et le contrôle du VIH/sida;

c)La loi sur la Caisse nationale de sécurité sociale (chap. 258);

d)La loi sur le Fonds national d’assurance maladie (chap. 255);

e)La loi sur la prévention du paludisme (chap. 246);

f)La loi sur la santé mentale (chap. 248);

g)La loi sur les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les substances chimiques (chap. 254).

Mesures judiciaires

159.La juridiction des tribunaux municipaux s’étend au respect des dispositions de la loi sur la santé publique. En outre, le Conseil des praticiens de soins médicaux et dentaires a été établi afin de connaître des affaires de négligence et d’erreurs médicales imputées aux médecins et aux dentistes, les tribunaux conventionnels étant aussi habilités à se prononcer sur les questions relatives à la santé et aux soins médicaux.

Mesures administratives

160.La Division du financement des soins de santé, qui est composée d’une équipe multidisciplinaire, est chargée de la surveillance, de la collecte, du contrôle, de la garde, de la programmation et du versement des fonds de trésorerie et des remboursements effectués par le Fonds national d’assurance maladie en faveur des établissements dépendants du Ministère de la santé, ainsi que des opérations bancaires correspondantes. La Division est placée sous l’autorité du Département des politiques et de la planification. L’ambition de la Division est d’optimiser les ressources financières disponibles et de les mettre au service d’un système de soins de santé efficace et de haute qualité qui soit accessible, équitable et abordable pour tous les Kényans et son objectif est d’améliorer la collecte des recettes en vue d’une mobilisation effective et efficace des ressources financières afin de dispenser à tous des soins de santé promotionnels, préventifs, curatifs et de réadaptation intégrés et de haute qualité.

161.Des hôpitaux ont été construits dans les districts et sous-districts du pays pour garantir l’accès de tous aux soins de santé de base. La majorité des centres de santé proposent déjà un traitement antirétroviral. Le pays compte 358 centres de santé et 47 antennes médicales satellites qui fournissent des soins et des traitements aux patients séropositifs. En outre:

a)Le Gouvernement a intensifié ses campagnes de sensibilisation et de prévention sur le VIH/sida afin de réduire le taux de prévalence qui demeure anormalement élevé;

b)Les campagnes de lutte contre le paludisme et la tuberculose ont également été intensifiées et des médicaments contre la tuberculose sont fournis par tous les centres de santé publique;

c)Les enfants de moins de 5 ans bénéficient de soins de santé gratuits dans les hôpitaux publics;

d)Les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans reçoivent des moustiquaires à titre gratuit;

e)Des mesures de partage des coûts ont été introduites dans les hôpitaux publics en vue de la réalisation progressive du droit à la santé;

f)Les travailleurs du secteur informel et les chômeurs ont désormais accès aux régimes de prise en charge médicale– Fonds national d’assurance maladie et Fonds national de sécurité sociale; et

g)Le Conseil national de lutte contre le sida a été créé sous les auspices du Cabinet du Président et chargé de coordonner l’action menée par les parties prenantes pour apporter une réponse multisectorielle au problème du VIH/sida au Kenya.

Article 5 e) v)Droit à l’éducation et à la formation

162.Lors de l’indépendance du Kenya en 1963, le Gouvernement a reconnu l’éducation comme étant un droit de l’homme fondamental et un outil puissant en matière de ressources humaines et de développement national et, depuis, des documents de politique générale ont réaffirmé l’importance de l’éducation dans l’élimination de la pauvreté, des maladies et de l’ignorance. Le Gouvernement a remédié aux difficultés auxquelles était confronté le secteur de l’éducation en établissant des commissions, des comités et des équipes spéciales. La première commission, après l’indépendance, a produit un rapport (rapport Ominde, 1964) tendant à réformer le système éducatif hérité du pouvoir colonial afin de le rendre plus adapté aux besoins du Kenya indépendant. La commission a proposé un système éducatif qui favoriserait l’unité nationale et la création d’un capital humain suffisant au développement national. Le document de session no 10 de 1965 sur le socialisme africain et son application à la planification au Kenya a officiellement adopté le rapport Ominde comme fondement du développement de l’éducation après l’indépendance.

163.Le rapport du Comité national des objectifs et politiques en matière d’éducation (rapport Gachathi, 1976) visait à redéfinir la politique et les objectifs du Kenya en matière d’éducation, en prenant en considération l’unité nationale, ainsi que les aspirations économiques, sociales et culturelles du peuple kényan. Il a eu pour conséquence le soutien apporté par le Gouvernement aux écoles dites «Harambee» et a également conduit à l’établissement du Centre national pour l’enseignement préscolaire/éducation de la petite enfance au sein de l’Institut kényan pour l’éducation.

164.Le rapport de l’équipe de travail présidentielle sur la seconde université du Kenya (rapport Mackay, 1981) a abouti à la suppression du niveau avancé (A) de l’enseignement secondaire et au développement d’autres institutions de formation postsecondaires. Outre la création de l’Université Moi, il a également recommandé la création du système d’éducation selon la grille 8-4-4 ans et de la Commission de l’enseignement supérieur.

165.Le rapport de l’équipe de travail présidentielle sur l’éducation et la formation de la main-d’œuvre pour la prochaine décennie et au-delà (rapport Kamunge, 1988) visait à améliorer le financement, la qualité et la pertinence de l’éducation. Ceci à une époque où le programme du Gouvernement pour la fourniture de matériels éducatifs au moyen du Projet du manuel scolaire national était inefficace et a par conséquent nui à la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. À partir des recommandations formulées par l’équipe de travail en 1988, le Gouvernement a produit le document de session no 6 sur l’éducation et la formation pour la prochaine décennie et au-delà. Ceci a conduit à une politique de partage des coûts entre l’État, les parents et les communautés.

166.La Commission d’enquête sur le système éducatif kényan (rapport Koech, 2000) a été chargée de recommander des moyens de permettre au système éducatif de favoriser l’unité nationale, la responsabilité sociale mutuelle, les développements industriel et technologique accélérés, la formation permanente et l’adaptation en réponse aux changements. Le rapport Koech recommandait un enseignement et une formation de qualité entièrement intégrés. Bien que le Gouvernement n’ait pas adopté le rapport en raison des coûts impliqués, certaines recommandations telles que la rationalisation des programmes scolaires ont été adoptées et mises en œuvre.

167.Les initiatives récentes dans le domaine des politiques se sont concentrées sur la réalisation de l’éducation pour tous et de l’éducation primaire universelle. Les principaux enjeux sont l’accès à l’école, la poursuite de la scolarité, l’équité, la qualité et la pertinence, enfin l’efficacité interne et externe du système éducatif. L’efficacité de l’échelonnement de la scolarité selon la grille 8-4-4 ans et du système actuel a également fait l’objet d’un examen minutieux, à la lumière de la baisse des inscriptions et du taux de poursuite des études, en particulier aux niveaux des enseignements primaire et secondaire au cours de la dernière décennie. Le Gouvernement s’est investi dans l’offre à tous les Kényans d’une éducation et de formations de qualité et respectueuses des droits de l’homme, conformément à la loi kényane et aux conventions internationales, avec notamment pour objectif l’éducation pour tous, et il élabore des stratégies pour réaliser cet objectif à l’échelle du pays. La mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire est essentielle à la réalisation de l’éducation primaire universelle qui est une étape cruciale dans la réalisation de l’éducation pour tous.

Performance du secteur éducatif

168.Depuis l’indépendance en 1963, le nombre d’élèves inscrits dans les différents niveaux d’études a sensiblement augmenté. Au niveau du développement et de l’éducation préscolaires, le nombre d’enfants scolarisés est passé de 483 148 en 1982 à 894 295 (dont 420 741 filles et 473 554 garçons) en 2003. Au niveau de l’enseignement primaire, le nombre d’enfants scolarisés dans les écoles primaires publiques officielles est passé de 891 533 élèves en 1963 à 7,2 millions en 2004 (3,5 millions de filles et 3,7 millions de garçons). Dans le secondaire, le nombre d’enfants scolarisés est passé de 30 000 en 1963 à 862 908 en 2003 (415 246 filles et 447 662 garçons). Toutefois, malgré un taux de scolarisation accru, le secteur reste confronté à des problèmes en matière d’accès, d’équité et de qualité.

169.Le taux brut de scolarisation dans l’enseignement préscolaire a cependant baissé et est passé de 35,4 % en 1990 à 33,4 % en 1999. Compte tenu de l’importance du développement et de l’éducation de la petite enfance, ce taux est faible, et quatre enfants âgés de 5 ans sur cinq ne sont toujours pas scolarisés. Le recensement de la population de 1999 a indiqué que 574 249 enfants au total n’étaient pas inscrits dans des établissements préscolaires et qu’une large proportion des enfants entrant à l’école primaire ne passaient pas par l’enseignement préscolaire. Le faible taux d’inscription en cycle préscolaire est dû à divers facteurs, notamment au fait que le Gouvernement joue un rôle assez limité, au manque de capacité économique et de sensibilisation des communautés et des parents à l’importance de l’éducation préscolaire.

170.Au niveau de l’enseignement primaire public, le taux brut de scolarisation a culminé au début des années 90 pour atteindre 105,4 %, mais est ensuite descendu à 87,6 % en 2002. De la même façon, le taux brut de scolarisation au niveau de l’enseignement secondaire public est passé de 30 à 22 % pour la même période. Toutefois, à la suite de la mise en œuvre de l’enseignement primaire gratuit, les inscriptions dans les écoles primaires publiques ont connu une forte progression, aboutissant à un taux brut de scolarisation de 99 % en 2003 (102 % de filles et 97 % de garçons). Par conséquent, il est impératif de maintenir le taux actuel de scolarisation et de remédier aux questions cruciales de l’amélioration de l’accès, de l’équité et de la qualité.

171.Le nombre de personnes ayant des besoins particuliers au Kenya est estimé à 10 % de la population totale; environ 25 % d’entre elles sont des enfants en âge d’être scolarisés. La scolarisation dans les programmes d’éducation spéciale est faible étant donné que, sur une population totale de 750 000 enfants ayant atteint l’âge d’être scolarisés, seuls 90 000 ont fait l’objet d’une évaluation afin de déterminer la nature de leurs besoins particuliers. Sur ce nombre, seulement 26 885 sont inscrits dans des programmes éducatifs. Ceci donne à entendre que plus de 90 % des enfants ayant des besoins particuliers restent chez eux. En moyenne, ces enfants ne sont pas scolarisés avant l’âge de 8 ans. Par conséquent, ils deviennent adultes avant d’avoir achevé leurs programmes éducatifs. Au niveau universitaire, le taux de scolarisation des personnes ayant des besoins particuliers est très faible. Les initiatives du Gouvernement ont ainsi permis d’identifier la nécessité de renforcer la mobilisation et les programmes de sensibilisation afin d’éliminer les tabous et les croyances associées au handicap, ainsi que celle de concevoir et de mettre en œuvre un programme d’études flexible qui soit centré sur l’enfant et adapté à cette catégorie d’apprenants. En outre, des efforts sont faits pour que l’ensemble des établissements d’enseignement soient véritablement ouverts à tous et supprimer les principaux obstacles. Une politique axée sur la prise en compte des besoins particuliers des enfants en termes d’apprentissage en est également à un stade de formulation avancé.

Mesures législatives

172.Les lois suivantes donnent effet à la politique éducative du Kenya:

a)Le chapitre 211 de la loi sur l’éducation prévoit la réglementation et le développement progressif de l’éducation;

b)Le chapitre 7 de la loi relative à l’enfance reconnaît à chaque enfant le droit à l’éducation et stipule qu’il incombe au Gouvernement et aux parents de la lui fournir. En outre, tout enfant a droit à l’éducation de base gratuite qui est obligatoire conformément à l’article 28 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;

c)Le chapitre 237 de la loi relative à la formation industrielle prévoit la réglementation de la formation des personnes exerçant une activité dans l’industrie;

d)L’admission aux universités publiques est ouverte à tous les Kényans possédant les qualifications requises, sans distinction de race, de tribu ou de lieu d’origine;

e)Le chapitre 213 de la loi relative à la Commission des bourses de l’enseignement supérieur contient des dispositions concernant les bourses et allocations d’études attribuables à tous les étudiants remplissant les conditions requises, sans discrimination aucune. S’y ajoutent les fonds dévolus aux districts, afin de garantir l’accès aux établissements d’enseignement et l’attribution de bourses, entre autres, à tous les Kényans et en particulier à ceux originaires des zones marginalisées;

f)La loi relative aux personnes handicapées.

Mesures administratives et judiciaires

173.En cas de différends relatifs à la mise en œuvre de la politique éducative ou à l’administration des établissements d’enseignement, les tribunaux conventionnels ont compétence pour connaître des affaires qui leur sont soumises. Le Gouvernement a mis en œuvre la gratuité de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire. Il existe également une politique d’action positive qui permet l’admission d’étudiants de zones défavorisées dans les établissements secondaires nationaux grâce à un système de quotas.

Article 5 e) vi)Droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles

174.Il existe diverses mesures administratives et autres qui favorisent le droit de tout Kényan à participer à la culture de son choix, parmi lesquelles:

a)L’organisation de soirées culturelles par les différents groupes ethniques du Kenya;

b)Les festivals d’art dramatique et de musique organisés dans les écoles, collèges et universités et assurant la promotion des aspects culturels des diverses communautés;

c)La conception d’un costume national kényan;

d)La langue nationale − le kiswahili;

e)Les documentaires radiophoniques et télévisuels assurant la promotion de différentes cultures;

f)Les stations radio autorisées diffusant en langue vernaculaire.

Article 5 f)Droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public

175.En règle générale, on ne recense aucune plainte sérieuse concernant le refus d’accès à des lieux ou services destinés à l’usage du grand public, tels que moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés ou parcs, sur la base de la race, de la couleur de peau, de l’origine nationale ou ethnique, hormis quelques cas sans gravité de discrimination de facto:

a)Certains hôtels n’accueillent que des membres d’origine non kényane qui bénéficient de meilleurs services;

b)Certains établissements auraient refusé d’accueillir des femmes non accompagnées;

c)Une discrimination s’exerce concernant l’accès aux plages le long de la côte, résultant du fait que les hôtels en bord de plage ferment des routes d’accès public par mesure de sécurité.

Article 6Mesures prises pour garantir une protection et des voies de recours devant les tribunaux nationaux et autres institutions de l’État contre tous actes de discrimination raciale

Mesures législatives

176.La principale loi qui fournit une protection contre la discrimination raciale au Kenya est la Constitution. Le paragraphe 1 de l’article 82 dispose qu’aucune loi ne doit contenir de disposition discriminatoire soit en elle-même, soit dans ses effets. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 82 de la Constitution, l’expression «discriminatoire» s’applique au fait d’accorder un traitement différent à des personnes différentes en raison − uniquement ou principalement − de leur race, de leur tribu, de leur lieu d’origine ou de résidence, de leurs opinions politiques, de leur couleur de peau, de leurs croyances ou de leur sexe, consistant à soumettre certaines personnes en fonction de l’un de ces critères à des incapacités ou restrictions légales auxquelles les personnes répondant à un autre critère ne sont pas soumises ou à leur accorder des privilèges ou avantages auxquels n’ont pas droit les personnes répondant à un autre des critères visés. Cet article protège toute personne de la discrimination.

177.Le Gouvernement met également au point actuellement une loi relative à l’égalité des chances qui propose de promouvoir l’égalité des chances pour toutes les personnes, d’interdire la discrimination et de fournir des voies de recours aux victimes de discrimination. La loi sur l’égalité des chances contribuera à faire appliquer comme il se doit l’article 82 de la Constitution.

178.Afin de donner plus d’effet aux dispositions ci-dessus, l’article 84 de la Constitution assure l’accès à la Haute Cour pour obtenir réparation en cas de violation des droits de l’homme. La Haute Cour est établie en vertu du paragraphe 1 de l’article 60 de la Constitution qui prévoit qu’elle est une juridiction de degré supérieur ayant une compétence illimitée pour statuer sur les affaires civiles et pénales ainsi que toutes autres compétences et pouvoirs qui pourraient lui être conférés par la Constitution ou toute autre loi. Le Président de la Haute Cour a promulgué des règles pour mettre en œuvre cet article.

179.Les tribunaux d’instance sont établis en vertu de la loi relative à l’administration de la justice et de la loi relative aux tribunaux d’instance. Ils ont compétence pour entendre et trancher les affaires pénales et civiles relatives à la discrimination. La Haute Cour a le pouvoir d’accorder une indemnisation pour les atteintes aux droits et aux libertés fondamentaux, notamment au droit de ne pas subir de discrimination.

180.La loi sur la faune sauvage (préservation et gestion) ne prévoit pas de critère équitable pour le partage des ressources générées par le tourisme dans les zones protégées, même là où ces zones sont situées sur des terres tribales qui comprennent des terrains communautaires. La loi ne crée pas de mécanisme satisfaisant pour la résolution des conflits entre les hommes et la faune sauvage, lorsque ces conflits résultent en perte de vies et de biens. Le conflit entre êtres humains et faune sauvage a perpétué la marginalisation de minorités ethniques. La loi établit les Comités de district de la faune sauvage qui évaluent les demandes d’indemnisation. La somme maximale payable pour la mort ou la blessure d’une personne provoquée par un animal sauvage est de 200 000 shillings kényans et elle est en réexamen. Jusqu’à maintenant, aucune indemnisation n’est accordée pour la perte de biens, notamment le bétail ou les récoltes. Le processus d’établissement des réserves et des parcs nationaux a également fait l’objet d’un réexamen, étant donné qu’il n’a pas été considéré comme faisant une part suffisante à la consultation et qu’il a été réalisé sous l’impulsion du Gouvernement et a abouti à l’appropriation de terres tribales appartenant à ces minorités ethniques. À cet égard, le Gouvernement réexamine actuellement la politique de gestion et de préservation de la faune et de la flore sauvages en vue de créer un cadre pour la résolution des conflits entre êtres humains et animaux sauvages, notamment en établissant un Fonds spécial d’indemnisation de la faune sauvage.

181.La loi relative à la Commission nationale kényane des droits de l’homme établit un tribunal pour enquêter et statuer sur les affaires de violations des droits de l’homme.

182.La loi relative à l’enfance établit des tribunaux pour enfants pour entendre et juger les affaires relatives aux enfants, notamment la pension alimentaire, la garde et également les infractions pénales commises par des enfants.

Mesures administratives et judiciaires

183.En 2001, le Président de la Haute Cour d’alors, Bernard Chunga, a promulgué les règles de procédure de la Constitution du Kenya (Protection des libertés et droits fondamentaux de la personne) dans l’avis officiel no 133 de 2001. Ces règles prévoyaient que toute personne déférée devant la justice et accusée d’une infraction pénale verrait la procédure à son encontre suspendue automatiquement si elle déposait un recours en appel auprès de la Haute Cour pour que celle-ci statue sur des allégations de violations des droits de l’homme. Auparavant, les tribunaux avaient rendu des jugements contradictoires au sujet du droit d’un plaideur de demander le rétablissement de ses droits par la Haute Cour, comme prévu par la Charte des droits fondamentaux de la Constitution kényane. Avant cela, certains juges de la Haute Cour hésitaient à exercer leur compétence et à examiner ces plaintes au motif qu’il n’existait pas de procédures claires concernant le dépôt de telles requêtes.

184.Par exemple, dans les cas de Gibson KamauKuriav.A. G. et de MainaMbacha and twoothersv.A.G., la Haute Cour avait soutenu qu’elle n’était pas compétente puisque le Président de la Haute Cour n’avait pas établi de règles de procédure, d’où la nécessité de promulguer lesdites règles. Le fait que les présidents de la Haute Cour précédents n’avaient pas établi ces règles à l’article 84 de la Constitution avait pour conséquence que le recours aux tribunaux était refusé à des plaideurs qui souhaitaient voir leurs droits de l’homme rétablis.

185.Avec la promulgation des règles, la situation a changé, comme l’illustre le cas de RailaOdinga v.Republic dans lequel il a été soutenu que la Haute Cour était compétente pour connaître des affaires relatives à la Constitution sur le fondement de l’article 84 de la Constitution. La Cour a déclaré ceci: «Nous estimons que, pour qu’une partie lésée s’adresse à nous pour obtenir réparation en vertu de la Constitution, seuls deux articles s’appliquent. L’article 84 s’applique à une partie dont les libertés et droits fondamentaux ont été bafoués ou risquent de l’être… De fait, on peut ajouter que si, au regard d’autres articles de la Constitution, il apparaît que les droits et les libertés fondamentaux d’un individu ont été lésés et s’il peut être démontré clairement que cet état de fait amène cette partie à demander réparation en vertu de l’article 84, le tribunal l’entendra.».

186.De manière spécifique, les tribunaux sont conscients de leur devoir de faire respecter les droits des personnes contre la discrimination comme la Haute Cour l’a déclaré dans l’affaire Rose Moraa and another v. A.G.[2006] e KLR. Citant l’Observation générale des Nations Unies susmentionnée (p. 104 à 106, par. 55 à 57), la Cour a estimé qu’il n’y avait pas discrimination si la différence de traitement avait une finalité légitime et qu’elle ne conduisait pas à des situations contraires à la justice, à la raison ou à la nature des choses. Il s’ensuit qu’il n’y aurait pas de discrimination dans les différences de traitement des individus par l’État lorsque la classification retenue est fondée sur des différences factuelles importantes et qu’il existe une relation raisonnable de proportionnalité entre les différences et les objectifs de la règle juridique examinée. La Cour a estimé que son examen ne concernait que la conformité de ces mesures avec les exigences d’une convention internationale. Elle a également fait observer que les autorités nationales demeuraient libres de choisir les mesures qu’elles considéraient appropriées dans les questions qui étaient régies par une convention. Toutefois, la Cour a également admis que, par ailleurs, son rôle était de faire respecter les dispositions de la Constitution et qu’elle ne pouvait usurper le rôle d’assemblées constituantes ou de référendums pour combler les lacunes constitutionnelles existantes. Elle était liée par les dispositions de la Constitution telles qu’elles existaient.

187.Bien que les tribunaux se soient refusés à interpréter le sens des dispositions constitutionnelles, ils ont proclamé avec force la reconnaissance de leur rôle dans l’harmonisation de tous les droits en tant qu’ils sont interdépendants et indivisibles. Toutefois les tribunaux semblent d’avis que, dans le domaine des droits de l’homme (excepté le droit à un environnement sain), on ne peut déposer de requête au nom de l’intérêt général, comme illustré par le cas Rev Timothy Njoya & Others v.the Attorney General, the Constitution of Kenya Review Commission, KirirowaNgugi & Koitamet ole Kina . Cette affaire a été tranchée après promulgation des règles sur le respect des droits et libertés fondamentaux. Il y était question d’interpréter le chapitre 47 de la Constitution du Kenya en ce qui concernait le pouvoir de créer des dispositions constitutionnelles. La Haute Cour a déclaré que l’interprétation de la Constitution, eu égard au pouvoir constituant du peuple et à ses implications, devrait faire l’objet d’une approche adéquate basée sur les dispositions de la Constitution et sur les règles qui en découlent. Elle a souligné que le système de protection des droits fondamentaux envisagé par la Constitution s’appliquait à des individus et non à des communautés ou à des groupes. Il ne pouvait y avoir d’action visant à défendre l’intérêt général en ce qui concernait les questions couvertes par les articles 70 à 83 de la Constitution. Le Président de la Cour, le juge Ringera, a déclaré que la Constitution n’admettait pas de recours collectif excepté si une personne avait été détenue; dans tous les autres cas, la plainte faisant état d’une atteinte aux droits fondamentaux devait se rapporter aux droits d’un individu. Par conséquent, la requête du plaideur auprès de la Cour visant à interrompre le processus de révision constitutionnelle a été rejetée.

188.Dans l’affaire RangalLemeiguranand threeothers v. the Attorney General and Twoothers (se reporter à l’article 2 pour les détails de l’affaire), la position susmentionnée a été remise en question, le Président de la Cour, le juge Nyamu, ayant déclaré que dénier aux plaignants le droit d’être entendu aurait constitué une violation de leur liberté d’expression. L’argument de la Commission électorale du Kenya selon lequel la population n’était pas suffisamment importante pour justifier qu’elle ait sa propre circonscription a été considéré par le juge Nyamu comme témoignant d’une vision étroite qui ne renforçait pas la démocratie en termes de représentation adéquate et effective et restreignait par conséquent la mesure dans laquelle les gens devraient pouvoir faire respecter leurs droits. Il s’agissait là d’une opinion progressiste qu’un citoyen pourrait mettre en avant si un problème de discrimination se posait car elle faisait référence à un des droits énoncés à l’article 82 de la Constitution.

189.Allant plus loin, le Président de la Haute Cour, par la notification juridique no 6 de 2006, a amendé les règles entrées en vigueur en 2001, en raison des problèmes auxquels elles avaient donné lieu. Ainsi:

a)La suspension automatique accordée par la règle no 10, en vertu de laquelle des personnes accusées d’infractions pénales obtenaient une suspension automatique de leur procès en déposant un recours auprès de la Cour constitutionnelle sur la base d’allégations de violations des droits de l’homme. Ceci avait créé un terrain propice aux abus de procédure;

b)Les règles prévoyaient que le Président de la Haute Cour déterminerait qui siègerait pour auditionner les requêtes au titre des règles, ce en violation de la règle ayant trait à l’indépendance et à l’impartialité des juges.

190.La révision visait à garantir que les plaignants accusés d’infractions pénales ne puissent retarder l’issue de leur procès au pénal pour des motifs futiles en alléguant que leurs droits avaient été bafoués. Les amendements ont été promulgués à la suite de l’affaire Dr. Chris Murungaruv.the Attorney General dans laquelle le plaignant avait introduit une requête, déclarant que ses libertés et droits fondamentaux avaient été bafoués car on lui demandait de témoigner contre lui-même, ce qui équivalait à de l’auto-incrimination. La Haute Cour avait fait droit à sa requête, y compris à sa demande qu’une ordonnance soit rendue interdisant de l’arrêter.

191.L’affaire Francis Kemaiand Othersv. the Attorney General and Others a été tranchée avant que les règles soient révisées. Les plaignants prétendaient appartenir aux Ogiek, une communauté ethnique minoritaire de pasteurs et de chasseurs cueilleurs. Ils ont porté plainte contre le Gouvernement et ses représentants pour leur expulsion forcée de la forêt de Tinet. Les plaignants ont affirmé qu’ils habitaient dans cette forêt depuis des temps immémoriaux et avaient été victimes de harcèlement de la part des accusés. Ils ont prétendu que l’expulsion avait eu lieu après que le Gouvernement leur ait délivré des documents d’attribution de lots. Après l’attribution des lots, les membres de la communauté se sont lancés dans des activités de développement très importantes telles que la construction d’écoles, d’églises et de centres de négoce. Les plaignants ont affirmé en outre que l’expulsion était discriminatoire et sélective et qu’elle les visait parce qu’ils étaient une communauté minoritaire. Ils ont soutenu que cette expulsion était inconstitutionnelle et les privait du droit à leur habitat autochtone.

192.Les défendeurs, dans leur réponse, ont nié que l’expulsion avait un caractère discriminatoire et ont déclaré que toutes les personnes envahissant une forêt faisaient l’objet d’une expulsion, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartenaient. Ils ont rejeté les allégations des plaignants selon lesquelles l’expulsion les priverait du droit à leurs moyens de subsistance car ils élevaient également du bétail, ce qui signifiait qu’ils ne dépendaient pas uniquement de la forêt pour leur subsistance. Les défendeurs ont également déclaré que l’allégation des plaignants concernant les activités de développement sur les terrains en question était fausse, car ceci ne pouvait se faire qu’avec l’approbation du Commissaire des terres en sa qualité de gardien des terres de l’État. Or cette approbation n’avait été ni demandée ni accordée.

193.Les défendeurs ont également soutenu que les plaignants ne pouvaient intenter une action en justice en affirmant appartenir à la communauté ogiek. Les membres authentiques de cette communauté avaient été réinstallés par le Gouvernement à Sururu, Likia et Tinet. Les défendeurs ont également affirmé que les activités de la communauté nuisaient à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des forêts et que leurs affirmations de préservation de l’environnement étaient inexactes. Le tribunal a noté que les plaignants avaient d’autres résidences, à savoir Sururu, Likia et Tinet et que par conséquent, leur affirmation selon laquelle ils n’avaient pas d’autres lieux où résider était malhonnête. De même, aucune preuve n’avait été fournie concernant le retour légal des plaignants dans la forêt comme ils l’avaient prétendu, mais le tribunal a noté qu’ils ne faisaient que réoccuper les lieux et se faire expulser à chaque fois. Le tribunal a soutenu que l’affirmation des plaignants selon laquelle ils étaient respectueux de l’environnement était inexacte car les Ogieks pratiquaient une agriculture, se livraient à une exploitation de la forêt et avaient adopté des conduites socioéconomiques nocives pour l’environnement. L’action du Gouvernement ayant fait l’objet de la plainte ne contrevenait donc pas au droit des plaignants d’être protégés par la loi contre la discrimination et de résider en quelque lieu que ce soit au Kenya; eux-mêmes se cantonnaient à vivre dans la forêt. L’expulsion n’était pas discriminatoire car elle avait été exécutée dans le but de sauver l’ensemble du Kenya d’une catastrophe écologique potentielle. Il n’existait pas de preuve de traitement discriminatoire à l’encontre des plaignants pour des motifs ethniques ou inappropriés. La Cour a rejeté les demandes.

194.En outre, le Kenya met actuellement au point un nouveau cadre constitutionnel qui garantira la création d’institutions plus efficaces de protection des droits de l’homme; il s’emploie notamment à renforcer l’indépendance et l’impartialité de la justice, à créer une institution nationale des droits de l’homme basée sur la Constitution, à mettre au point une charte fondamentale élargie qui inclue les droits civils et politiques aussi bien que les droits économiques, sociaux et culturels et à établir un système de distribution des ressources de l’État pour assurer le développement équitable de toutes les régions du pays, grâce à la décentralisation.

195.Le projet de Constitution contient une disposition d’une importance cruciale, selon laquelle le Président de la Haute Cour établira des règles applicables aux procédures judiciaires tendant à ce que:

a)La capacité d’ester en justice soit accrue;

b)Les formalités relatives à la procédure, y compris son ouverture, soient réduites au minimum et en particulier le tribunal, le cas échéant, puisse entamer une procédure sur la base de documents informels;

c)L’ouverture d’une procédure n’entraîne aucun frais;

d)Le tribunal, tout en respectant les règles de la justice naturelle, ne soit pas indûment entravé dans son action par des points de procédure; et

e)Toute organisation ou personne possédant des compétences particulières puisse, avec l’autorisation du tribunal, comparaître en qualité d’amicuscuriæ(ami du tribunal).

196.Le projet de Constitution prévoit en outre que l’absence des règles envisagées ne limite pas le droit de quiconque d’entamer une procédure pour faire respecter des droits et d’obtenir à ce que l’affaire soit entendue et tranchée par un tribunal.

Accès à la justice dans les zones arides et semi-arides

197.Les mécanismes d’accès à la justice dans les zones arides et semi-arides où la plupart des affaires de discrimination et/ou de marginalisation se produisent ne sont pas adéquats. Il y a très peu de tribunaux et la plupart se trouvent dans les chefs-lieux de district. En outre, il existe une insécurité accrue dans ces régions et elles ne sont pas toujours accessibles aisément par les agences de sécurité en raison d’un mauvais réseau d’infrastructures. Le système juridique kényan ne soutient pas pleinement les systèmes communautaires de règlement des conflits car ils sont généralement le lieu d’irrégularités. En outre, l’accès à la justice est entravé par des procédures juridiques compliquées et coûteuses. Afin d’améliorer l’accès à la justice au Kenya, le projet de loi sur le tribunal des petits litiges a été établi par la Commission kényane de réforme de la législation et transmis au Procureur général pour publication.

198.Le Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles expérimente actuellement un système d’aide juridictionnelle en vue de mettre en place un système national financé par l’État (se reporter à l’article 5 pour plus de détails sur la politique en matière d’aide juridictionnelle). La mise en service d’un système d’aide juridictionnelle financé par l’État est attendue depuis longtemps, l’article 84 5) b) de la Constitution prévoyant que le Parlement fournisse les fonds nécessaires pour payer les frais de justice des plaignants démunis dans les affaires de violations des droits de l’homme.

Système de représentation des personnes démunies

199.La loi relative à la procédure civile permet aux personnes qui sont dans l’incapacité de payer les frais de justice de faire une demande pour être représentées par un avocat. Cette procédure offre la possibilité aux plaignants démunis d’avoir accès aux tribunaux en cas d’atteinte à leurs droits fondamentaux.

200.La Commission nationale kényane des droits de l’homme a été créée en vertu d’une loi. Le mandat de cette Commission inclut l’enquête sur les cas de violations des droits de l’homme au Kenya. La Commission est très peu présente sur le terrain et, dans un effort pour décentraliser ses services vers les communautés marginalisées, elle a récemment ouvert deux bureaux à Kitale et Wajir, en plus de son siège à Nairobi. Ces deux zones ont été choisies en raison du fait qu’elles appartiennent à la catégorie des zones arides et semi-arides.

Politique foncière nationale

201.Un projet de politique foncière nationale a été mis au point afin de réorganiser les systèmes d’occupation des terres dans le but de garantir que les intérêts des communautés soient protégés de manière adéquate. Le système actuel de propriété foncière ne reconnaît pas la propriété commune de la terre. Les lois kényanes relatives à la terre sont inutilement compliquées et contenues dans plus de 20 lois parlementaires. De nombreuses communautés autochtones au Kenya dépendent de terres détenues en commun pour leur subsistance. Sans un système foncier approprié fondé sur le droit, les différends relatifs à l’utilisation des terres dans ces zones ne peuvent être résolus par les tribunaux. C’est là un des principaux problèmes que la politique foncière vise à résoudre.

Tribunal du travail

202.La Direction des relations dans le domaine du travail a établi le tribunal du travail pour qu’il entende et tranche les litiges relatifs à la discrimination au travail. Les inspecteurs du travail sont chargés de poursuivre les employeurs coupables de pratiques discriminatoires au travail. Leurs autres devoirs consistent à faire office de médiateur dans les conflits et à signaler les conflits du travail au tribunal du travail par l’intermédiaire du Ministre.

Tribunaux pour enfants

203.La loi relative à l’enfance institue des tribunaux spéciaux chargés d’entendre et de trancher les affaires civiles et pénales concernant des enfants. Les inspecteurs chargés de l’enfance ont le pouvoir d’engager des poursuites contre les auteurs d’infractions à l’égard d’enfants. Des magistrats ont été nommés pour présider les tribunaux pour enfants, qui ont compétence de juridiction sur tous les enfants. Cependant, ces tribunaux sont saturés et il est nécessaire de recruter davantage de juges pour enfants. La loi relative à l’enfance est en cours de révision, l’objectif est de la rendre plus complète en ce qui concerne la protection et la promotion des droits de l’enfant.

Sanctions pénales

204.Le Kenya a adopté des lois qui définissent les infractions et prescrivent les sanctions en matière de discrimination raciale. Le Code pénal a créé les infractions suivantes qui auraient des effets discriminatoires si elles n’étaient pas réprimées:

a)Promotion d’activités belliqueuses (art. 44);

b)Publications alarmantes (art. 66);

c)Activités subversives (art. 77);

d)Incitation à la violence et à la sédition (art. 96);

e)Insultes à la religion (art. 134);

f)Écrits ou paroles visant à insulter les sentiments religieux (art. 138).

205.La loi relative à la cohésion et à l’intégration nationales a également érigé en infraction le mépris racial et ethnique ainsi que les pratiques discriminatoires qui y sont liées. Une proposition de loi réprimant les discours haineux contient également des dispositions visant à punir leurs auteurs.

206.Le Gouvernement a également publié le projet de loi sur la criminalité organisée en vue de proscrire les groupes organisés qui perpétuent des actes de discrimination raciale, notamment en attisant la haine entre différents groupes ethniques. Le Gouvernement met également au point le projet de loi sur les propos haineux qui porterait sur les propos qui perpétuent la discrimination. La loi relative à la cohésion et à l’intégration nationales et la commission chargée de la mettre en œuvre ont été établies. Les objectifs de cette loi incluent l’élimination de toutes les formes de discrimination portant sur l’appartenance à une ethnie.

207.Un tribunal quasi judiciaire établi par la Commission nationale kényane des droits de l’homme a également amélioré l’accès aux voies de recours. Le Gouvernement a également initié le processus de mise au point de la politique nationale et du plan d’action relatifs aux droits de l’homme visant à garantir la protection et la promotion des droits de chacun.

Article 7Mesures prises dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et les principes de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

208.Le Kenya a mis en œuvre les mesures suivantes en vue de lutter contre les préjugés qui conduisent à la discrimination raciale et de promouvoir la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les groupes raciaux et ethniques.

Éducation et apprentissage

209.À ce titre, les mesures législatives, politiques et administratives prises sont axées sur:

a)L’action positive en faveur des groupes minoritaires et des peuples autochtones. L’admission dans les établissements secondaires nationaux du pays est subordonnée à un système de quotas qui permet l’admission des élèves en provenance des zones marginalisées;

b)L’éducation des filles en particulier, compte tenu des préoccupations exprimées dans la Convention concernant l’exacerbation de la discrimination raciale pour des motifs liés au sexe (se reporter à la Recommandation générale no 25);

c)L’établissement des systèmes de bourses par circonscription et d’un fonds de développement des circonscriptions qui soutiennent l’accès des enfants issus de familles nécessiteuses à l’éducation. Le Fonds a été utilisé pour développer les infrastructures éducatives, notamment les établissements scolaires. Les allocations pour chaque circonscription sont basées sur les indicateurs de pauvreté;

d)L’introduction de la gratuité de l’enseignement primaire et de l’éducation secondaire subventionnée. Toutefois, il existe des difficultés, liées notamment au fait que l’éducation préscolaire n’est pas gratuite, qui est discriminatoire à l’égard des jeunes enfants et constitue une charge pour les parents. Un autre défi est représenté par la marginalisation ethnique et le manque d’infrastructures qui ont empêché certaines communautés d’acquérir une éducation de qualité;

e)L’intégration de l’enseignement des droits de l’homme dans les programmes scolaires et l’encouragement d’initiatives d’organisations de la société civile pour créer des clubs de droits de l’homme dans les établissements scolaires et les soutenir;

f)L’introduction d’un système d’éducation intégré permettant aux personnes handicapées et appartenant à des groupes défavorisés d’étudier aux côtés des autres élèves. Le Gouvernement apporte un soutien aux écoles qui accueillent des personnes handicapées pour qu’elles accordent l’attention requise à leurs besoins particuliers;

g)L’introduction d’écoles mobiles et de pensionnats dans les zones de pastoralisme soutenue par le Gouvernement;

h)Il existe également un programme de transfert de liquidités pour les orphelins et les enfants vulnérables qui a été mis en œuvre avec succès dans 37 districts.

Culture

210.Le Gouvernement a pris les mesures suivantes pour promouvoir une culture favorisant l’intégration raciale:

a)L’utilisation du Festival national de musique et de théâtre comme moyen de préserver la culture dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur;

b)L’établissement et le soutien du village touristique de Bomas du Kenya comme Centre culturel kényan afin de promouvoir la diversité culturelle du Kenya et la tolérance pour chaque affiliation culturelle;

c)La présentation de divertissements proposés par des groupes culturels issus de différentes cultures lors des fêtes nationales;

d)L’existence de musées et du monument aux héros (Heroes Corner) à Uhuru Gardens qui contribuent à préserver la culture et l’histoire du pays.

Information

211.Le Gouvernement a conçu une politique pour la liberté de l’information et œuvré en faveur de la liberté de la presse. Des consultations sont également en cours pour formuler une loi relative à la liberté de l’information qui améliorera l’accès à l’information de tous les Kényans et aidera à lutter contre les préjugés envers les communautés ethniques. Le Gouvernement soutient également l’information, la communication et le développement technologique, notamment l’établissement de centres de technologie de l’information et de la communication (TIC), appelés «villages numériques», dans tout le pays, y compris dans les zones rurales. Ceci facilitera l’accès à l’information au niveau local et dans les régions marginalisées. Dans ce but, la société nationale de radiotélévision, la Kenya Broadcasting Corporation, a une couverture nationale et diffuse des programmes radiophoniques en langues locales. Il existe plus de cinq chaînes de télévision ayant une vaste couverture. Des stations radiophoniques privées en langues vernaculaires ont également été autorisées pour des groupes spéciaux. Il existe plusieurs journaux nationaux et régionaux publiés en anglais et en kiswahili, ainsi qu’en langues vernaculaires. La Semaine du service public est devenue une manifestation régulière pendant laquelle les ministères, les principales administrations et d’autres agences gouvernementales communiquent avec le public et informent sur leurs missions et les services offerts.

Annexes

Annexe 1

Lois et règlements relatifs à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

1.Article 82 de la Constitution du Kenya

82.1)Aux termes des alinéas 4, 5 et 8, aucune loi ne doit contenir de disposition discriminatoire soit en elle-même, soit dans ses effets.

2)Aux termes des alinéas 6, 8 et 9, aucune personne ne sera traitée de façon discriminatoire par une personne agissant en vertu d’une loi écrite ou dans l’exercice des fonctions d’un office public ou d’une autorité publique.

3)Dans ce chapitre, l’expression «discriminatoire» s’applique au fait d’accorder un traitement différent à des personnes différentes en raison − uniquement ou principalement − de leur race, de leur tribu, de leur lieu d’origine ou de résidence, de leurs opinions politiques, de leur couleur de peau, de leurs croyances ou de leur sexe, consistant à soumettre certaines personnes en fonction de l’un de ces critères à des incapacités ou restrictions légales auxquelles les personnes répondant à un autre critère ne sont pas soumises ou à leur accorder des privilèges ou avantages auxquels n’ont pas droit les personnes répondant à un autre des critères visés.

4)L’alinéa 1 ne s’applique pas aux lois contenant des dispositions:

a)Concernant les personnes qui ne sont pas citoyennes du Kenya;

b)Concernant le mariage, l’adoption, le divorce, les funérailles, la dévolution successorale ou d’autres questions de statut personnel;

c)S’appliquant en toute matière au cas des membres d’une race ou d’une tribu particulière de droit coutumier, à l’exclusion de toute loi applicable dans le cas d’autres personnes pour la matière en cause; ou

d)En vertu desquelles des personnes spécifiées décrites dans le paragraphe 3 peuvent être soumises à une incapacité ou à une restriction légale ou peuvent se voir accorder un privilège ou un avantage qui, compte dûment tenu de sa nature et des circonstances particulières s’attachant à ces personnes ou à des personnes répondant à un autre des critères visés, peut être raisonnablement justifié dans une société démocratique.

5)Aucune disposition figurant dans une loi n’est considérée comme incompatible ou en contradiction avec l’alinéa 1 dans la mesure où cette loi prévoit des compétences ou qualifications (autres que des compétences ou qualifications expressément liées à la race, la caste, le lieu d’origine, les opinions politiques, la couleur ou la croyance) requises de toute personne nommée à un emploi dans la fonction publique, une force disciplinaire, une autorité locale ou une institution établie directement par une loi pour des prestations de service public.

6)L’alinéa 2 ne s’applique pas à:

a)Ce qui est expressément ou implicitement autorisé en vertu d’une disposition légale à laquelle il est fait référence à l’alinéa 4; ou

b)L’accord donné ou refusé à une transaction concernant des terres agricoles par un organe ou une autorité établis par ou en vertu d’une loi dans le but de contrôler les transactions concernant des terres agricoles.

7)Aux termes de l’alinéa 8, personne ne sera traité de manière discriminatoire en ce qui concerne l’accès aux commerces, hôtels, pensions, restaurants publics, brasseries, tavernes ou lieux de loisirs publics ou en ce qui concerne l’accès à des lieux de villégiature publique entretenus totalement ou en partie grâce à des fonds publics ou destinés à l’usage public.

8)Rien de ce qui est contenu dans une loi ou de ce qui est fait en application d’une loi n’est considéré comme non conforme ou contraire au présent alinéa, dans la mesure où cette loi contient des dispositions en vertu desquelles les personnes appartenant à l’une des catégories visées à l’alinéa 3 peuvent être soumises à une restriction des droits et libertés garantis par les articles 76, 78, 79, 80 et 81, si cette restriction est, selon le cas, autorisée par l’alinéa 2 de l’article 76, l’alinéa 5 de l’article 78, l’alinéa 2 de l’article 79, l’alinéa 2 de l’article 80, ou les paragraphes a) ou b) de l’alinéa 3 de l’article 81.

9)Aucune disposition de l’alinéa 2 n’a d’incidence sur le pouvoir discrétionnaire conféré à une personne par la Constitution ou toute autre loi quant à l’ouverture, la conduite ou l’abandon de procédures civiles ou pénales devant une instance judiciaire.

Annexe 2

Affaires et plaintes se rapportant à la Conventioninternationale sur l’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Décisions de justice

1.

Christopher NdarathiMurungaru v. Kenya Anti–corruption Commission & Another [2006] eKLR

Droit constitutionnel −libertés et droits fondamentaux − droit de ne pas témoigner contre soi-même − droit de garder le silence −droit de ne pas être soumis à la discrimination, droit de n’être pas soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants − notificationdélivrée au demandeur par la Commission kényane de lutte contre la corruption lui demandant de déclarer sa fortune − demandeur contestant la notification comme étantinconstitutionnelle en ce qu’elle viole ses libertés et droits fondamentaux −question de savoir si les articles26, 27 et 28 de la loi relative à la lutte contre la corruption et aux crimes économiques sont inconstitutionnels

Droit international − lois contre la corruption et les crimes économiques − Convention des Nations Unies contre la corruption et les instruments qui l’ont précédée

Interprétation des lois − Constitution − approche à adopter dans l’interprétation de la Constitution

2.

Rosa A. Munywoki & 17 Others v. Investments And Mortgages Bank Limited & Another [2006] eKLR

[Arrêt] −pratique et procédure civiles− procès−annulation− demande d’annulation de la procédure engagée contre le premier défendeur aux motifs qu’elle était futile et abusive − effet de − facteurs examinés par le tribunal dans le cadre de telles demandes − validité de l’ordonnance

Droit constitutionnel − discrimination − où la procédure des plaignants engagée contre les défendeurs viseà obtenir une déclaration selon laquelle [une] disposition de la loi est inconstitutionnelle − principe trouvé dans Madhwa v. City Council of Nairobi−question de savoir s’il est tenable, du point de vue de la procédure, de solliciter des recours constitutionnels au moyen d’une action en justice ordinaire − art. 82 2) de la Constitution

3.

Republic v. Minister for Finance & 2 others [2006] eKLR

Requête en promulgation d’une ordonnance de certiorari et d’interdiction− art. 58 de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée − où les décisions sont ditesultra vires− notification juridique no110 de 2004 − la loi de finances de2004 qui a amendé le septième appendice de la loi sur la TVA Cap 476 du Recueil des lois du Kenya − où l’application des règles nuit àla confidentialité de la relation entre client et avocat − application des registres fiscaux − question de savoir si ces registres fiscaux sont applicables aux avocats − si les règles sont ultra vires par rapport àla loi relative aux avocats − chap. 2 de la loi provisoire relative à la collecte des impôts et des taxesCap 415 − la clause 43 a) du projet de loi de finances de 2004 a amendé le septième appendice à la loi sur la TVA − art. 28 de la loi sur la TVA Cap 476 − question de savoir si l’introduction du registre fiscal électronique cadrait avec les objectifs énoncés dans l’article 58 de la loi sur la TVA −le Ministre a agi conformément à la loi pertinente ayant motivé sa décision concernant les règles du registre fiscal −où la date effective d’opération n’est pas énoncée dans la législation subsidiaire − le chapitre 27 de la loi relative à l’interprétation et aux dispositions générales, chap. 2, du Recueil des lois du Kenya −le mode de mise en œuvre de la loi concernant diverses industries avec des dates différentes pour chaque industrie ou secteur− question de savoir si des recours en révision de la Constitution peuvent être accordés dans une demande de contrôle judiciaire − définition de la discrimination − recours rejeté

4.

Andrew ManunzyuMusyoka (deceased) [2005] eKLR

[Arrêt] −Droit constitutionnel − libertés et droits fondamentaux −droit de ne pas être soumis à la discrimination− droit coutumier tendant à discriminer la femme mariée en la privant du droit d’hériter de son père− droit coutumier kamba−question de savoir si la coutume était incompatible avec le droit constitutionnel et le droit international − art. 82 1) de la Constitution; loi relative à la succession, art. 29, 40; Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW); Déclaration universelle des droits de l’homme (1948); Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte de Banjul) (1981)

5.

Daniel MusiliNyeki v. Kenya Wildlife Services [2005] eKLR

Droit constitutionnel− droits fondamentaux − violation de − le plaignant allègue que le défendeur a violé ses droits constitutionnels en le traitant de façon discriminatoire − discrimination raciale − où le plaignant allègue qu’il recevait un salaire bien inférieur au salaire requis pour son échelon comparé aux autres fonctionnaires des autres races −où le plaignant affirme avoir été mis à la retraite de force en raison d’échanges acrimonieux entre lui et le défendeur− preuve de la discrimination − preuve de la retraite forcée −question de savoir si le plaignant a établi le bien-fondé de sa réclamation

6.

Hersi Hassan Gutale & Another v. Principal Registrar of Persons & Another [2004] eKLR

Droit constitutionnel − libertés et droits fondamentaux − droit de ne pas être soumis à la discrimination fondée sur des considérations raciales −où une équipe spéciale a été créée pour examiner la situation des ressortissants somaliens résidant dans le pays qui avait refusé de délivrer des cartes d’identité à certains des demandeurs− où les demandeurs ont affirmé être des résidents kényans − preuve de − le défendeur allègue que les documents présentés comme prouvant la citoyenneté kényane ont été acquis frauduleusement − effet de − prix de la sécurité nationale − principes applicables −question de savoir si les demandeurs avaient droit aux recours qu’ils ont formés − art. 82 4) d) de la Constitution

Déclaration − demande pour une déclaration selon laquelle l’équipe spéciale nommée par le service central d’état civil était inconstitutionnelle et par conséquent illégale − où les défendeurs affirment que le Comité a été nommé conformément à la Constitution − effet de −question de savoir si le Comité aagi ultra vires lorsqu’il a refusé de délivrer des cartes d’identité nationales aux demandeurs − art. 82 4) d) de la Constitution; loi relative à l’état civil, art. 4 2) et 8

7.

FaudDumila Mohamed v. Republic [2005] eKLR

Droit pénal − éléments de preuve − corroboration − preuves corroboratives en matière d’infractions sexuelles −question de savoir s’il est approprié d’exiger la corroboration dans toutes les affaires où des femmes et des filles se plaignent d’infractions sexuelles − loi sur la preuve, art. 124 − les tribunaux ne seront plus paralysés par les exigences de corroboration lorsque la victime d’une infraction sexuelle est un jeune enfant, s’ils sont convaincus que l’enfant dit la vérité

8.

Nganga v. Republic [1985] eKLR 451

Liberté sous caution − liberté sous caution dans l’attente du procès − demande de − principes applicables à une telle demande − facteurs que le tribunal doit prendre en compte − liberté sous caution accordée au premier accusé, mais refusée à un coïnculpé−question de savoir si le refus de libérer sous caution le coïnculpé constitue une discrimination dans l’acception de l’article 82 de la Constitution. Droit constitutionnel − droits fondamentaux − discrimination − protection constitutionnelle contre la discrimination −art. 82 de la Constitution − sens de discrimination − liberté sous caution accordée à un inculpé, mais refusée à un coïnculpé−question de savoir si le coïnculpé est victime de discrimination