Nations Unies

CCPR/C/103/D/1833/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 janvier 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1833/2008

Constatations adoptées par le Comité à sa 103e session, 17 octobre‑4 novembre 2011

Présentée par:

X. (représenté par un conseil, Anna Lindblad)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Suède

Date de la communication:

26 novembre 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 5 décembre 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

1er novembre 2011

Objet:

Expulsion vers l’Afghanistan d’une personne qui se dit bisexuel

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Risque de torture et danger de mort en cas de renvoi dans le pays d’origine

Article s du Pacte:

6 et 7

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (103e session)

concernant la

Communication no 1833/2008 *

Présentée par:

X. (représenté par un conseil, Anna Lindblad)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Suède

Date de la communication:

26 novembre 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 1er novembre 2011,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1833/2008 présentée au nom de X. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication, datée du 26 novembre 2008, est X., de nationalité afghane. Il affirme être victime d’une violation par la Suède des droits qui lui sont reconnus par les articles 6 et 7 du Pacte. Il est représenté par un conseil, Anna Lindblad.

Exposé des faits

2.1L’auteur est arrivé en Suède le 2 octobre 2002 et a demandé l’asile le lendemain, le 3 octobre 2002. Dans sa demande d’asile, il a indiqué qu’il était un membre actif du Parti communiste en Afghanistan depuis 1989-1990. Il travaillait pour le Parti, produisant des films documentaires et écrivant des pièces de théâtre, de la littérature et des rapports critiquant les moudjahidin; il jouait également dans ses pièces. Ses activités l’ont rendu célèbre en Afghanistan car le public allait voir ses films et pièces de théâtre. Après la chute du régime de Najibullah; il jouait également dans ses pièces. Ses activités l’ont rendu célèbre en Afghanistan car le public allait voir ses films et pièces de théâtre. Après la chute du régime de Najibullah, il a été arrêté en 1993 par les moudjahidin, qui étaient alors au pouvoir à Mazâr-e Charîf. Il a été conduit dans une prison de sécurité où il n’y avait que des prisonniers politiques. Il était détenu au secret et a été soumis à des tortures tous les jours, notamment des décharges électriques, des coups de pied, des passages à tabac et des violences sexuelles, dont le viol. Il est resté incarcéré pendant six mois environ, sans jugement ni accès à un avocat. Finalement, son père a réussi à soudoyer quelqu’un et à obtenir sa libération. Pendant les années qui ont suivi, il a constamment vécu dans la clandestinité, allant d’une ville à l’autre jusqu’à ce qu’il parvienne à quitter le pays, en 2002. Il affirme que son père a été tué par les moudjahidin. Le 16 août 2005, sa demande d’asile a été rejetée par le Conseil suédois des migrations. L’auteur a fait appel de cette décision auprès de la Commission de recours des étrangers, qui l’a débouté en date du 20 janvier 2006. Cette décision était définitive. Le 7 avril 2006, un permis de séjour temporaire, valable jusqu’au 7 avril 2007, a été accordé à l’auteur (ainsi qu’à d’autres demandeurs d’asile afghans déboutés) suite au moratoire instauré par le Conseil des migrations sur les expulsions vers l’Afghanistan en raison de la situation dans le pays.

2.2Le 20 décembre 2006, l’auteur a présenté, au titre du chapitre 12 de la loi relative aux étrangers, une nouvelle demande dans laquelle il affirmait qu’il y avait de nouvelles circonstances, faisant de nouveau valoir qu’il craignait d’être persécuté, notamment d’être torturé, et joignant un certificat médical sur les conséquences des tortures qu’il avait subies par le passé, établi par le Service des urgences et de traumatologie de l’hôpital Danderyd de Stockholm. Sa demande a été rejetée par le Conseil suédois des migrations le 20 juin 2007, au motif que l’auteur ne présentait pas de nouveaux faits. Son appel a été rejeté par le Tribunal chargé des questions de migration le 16 juillet 2007.

2.3L’auteur a soumis une nouvelle demande début 2008. Il a réaffirmé qu’il risquait d’être tué parce qu’il était un ancien prisonnier politique qui avait quitté le pays et qu’il était toujours considéré comme un opposant aux moudjahidin, en raison de ses activités passées. Il a affirmé que les moudjahidin occupaient encore des postes très élevés en Afghanistan. À cette occasion, il a présenté des documents, notamment une lettre de responsables afghans confirmant qu’il serait toujours en danger s’il retournait en Afghanistan. Le 13 mars 2008, le Conseil suédois des migrations a rejeté sa demande, arguant que l’auteur ne présentait pas de circonstances nouvelles et qu’il n’y avait donc aucun motif de rouvrir son dossier.

2.4En septembre/octobre 2008, l’auteur a déposé auprès du Conseil suédois des migrations une nouvelle demande dans laquelle il faisait valoir, pour la première fois, que sa bisexualité était une des raisons pour lesquelles il demandait l’asile. Il expliquait qu’il avait eu sa première relation homosexuelle vers 15 ou 16 ans avec un garçon et qu’ils étaient restés ensemble quatre à cinq ans environ. Il disait qu’il n’avait jamais révélé son orientation sexuelle, pas même à ses amis ou sa famille, parce qu’il redoutait d’être sévèrement puni par des acteurs non étatiques ou par les autorités de l’État. Il maintenait sa demande d’asile précédente mais ajoutait que la principale raison de son arrestation en 1993 avait été une pièce de théâtre sur la bisexualité qu’il avait écrite et jouée et dans laquelle il embrassait un homme. Les représentations ont cessé après qu’il avait reçu des menaces. L’auteur affirmait avoir été arrêté à la suite de cela et accusé d’agir contre l’islam et d’être un opposant politique. Il avait également été torturé et il affirmait qu’il avait notamment été violé. Après sa libération, il avait continué à avoir des relations sexuelles avec des hommes et des femmes, y compris alors qu’il était marié. Il vivait dans la peur constante que ces faits soient révélés et qu’il soit dénoncé aux autorités et passé à tabac ou tué par des agents de l’État ou par des particuliers, car l’État n’offre pas de protection.

2.5En Suède, il avait eu des relations homosexuelles, brèves ou suivies, et était devenu membre de la Fédération suédoise de défense des droits des lesbiennes, des homosexuels, des bisexuels et des transgenres (ci-après la RFSL). La RFSL a adressé des lettres au Conseil des migrations et au Tribunal chargé des questions de migration, pour protester contre la décision de l’expulser vers l’Afghanistan. Pendant son séjour en Suède, sans faire mystère de sa sexualité, il n’a jamais parlé de son orientation sexuelle à un Afghan par crainte de représailles. Toutefois, il est possible que des Afghans soient au courant et ils pourraient communiquer cette information à des personnes en Afghanistan.

2.6Le 17 novembre 2008, le Conseil suédois des migrations a rejeté la nouvelle demande de l’auteur, en indiquant qu’il n’avait pas donné d’excuse valable pour expliquer qu’il n’avait pas révélé d’emblée son orientation sexuelle aux autorités chargées des demandes d’asile. L’auteur a répondu qu’il n’avait rien dit à cause de la stigmatisation associée à la bisexualité et à l’homosexualité dans sa culture, de la honte qu’il éprouvait, outre qu’il avait peur de ce que son conseil précédent, le personnel des autorités chargées des questions de migration et les interprètes penseraient de lui et craignait des représailles si d’autres Afghans l’apprenaient. De plus, il ignorait que la crainte d’être persécuté en raison de l’orientation sexuelle était un motif valable pour demander le statut de réfugié et l’asile en Suède; il n’était pas au courant de l’importance que ce genre d’argument pouvait avoir.

2.7Le 24 novembre 2008, l’auteur a fait appel de la dernière décision du Conseil suédois des migrations auprès du Tribunal chargé des questions de migration. Il faisait valoir que, en raison de sa situation personnelle et de la situation en Afghanistan, il risquait d’être torturé et persécuté s’il était renvoyé dans son pays, et ajoutait que le Conseil des migrations n’avait pas fondé sa décision sur le niveau de preuve qui convenait. Il disait que le Conseil avait appliquée le «seuil de la probabilité» et non le niveau de preuve moins exigeant qui devait être appliqué lorsque de nouvelles circonstances justifiaient la réouverture d’un dossier. La RFSL a présenté des observations au nom de l’auteur, en expliquant les obstacles particuliers que les homosexuels ou les bisexuels pouvaient rencontrer au cours de la procédure d’asile, notamment la difficulté de parler de leur sexualité. Elle appuyait l’argument de l’auteur qui disait qu’il risquerait d’être persécuté et torturé s’il était renvoyé en Afghanistan. Le 25 novembre 2008, dans un mémoire adressé au Tribunal chargé des questions de migration, le Conseil des migrations a objecté que l’auteur n’avait pas donné de raison valable pour expliquer qu’il n’avait pas fait état de sa sexualité avant. Il a également jugé contradictoire que, alors que l’auteur avait assumé ouvertement en Suède son orientation sexuelle et avait eu des relations homosexuelles et fréquentait des clubs gays, il n’avait pas jugé bon d’en parler aux autorités chargées des questions de migration. Le 26 novembre 2008, le Tribunal a confirmé la décision du Conseil suédois des migrations. Il a considéré qu’il n’y avait aucun motif, au titre de l’article 19 du chapitre 12 de la loi de 2005 relative aux étrangers, d’examiner la nouvelle demande d’asile fondée sur des faits nouveaux. En conséquence, l’auteur a été expulsé vers l’Afghanistan.

2.8En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur a déclaré qu’en théorie il existait une possibilité de faire appel de la décision auprès de la Cour d’appel suédoise chargée des questions de migration. Cependant, cela ne pouvait pas être considéré comme un recours utile, pour deux raisons: premièrement, en raison de contraintes de temps, étant donné que le risque d’expulsion était imminent; deuxièmement, il y avait des raisons de penser que la Cour d’appel n’aurait pas annulé l’expulsion car, dans ses décisions précédentes, elle avait clairement indiqué qu’elle interprétait très strictement le critère de la «raison valable». Pour ces raisons, l’auteur considérait que les recours internes avaient été épuisés.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son renvoi forcé en Afghanistan constitue une violation par la Suède des droits qu’il tient des articles 6 et 7 du Pacte, parce qu’il y a un risque réel qu’il soit soumis à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et que sa vie soit menacée en Afghanistan par les autorités afghanes, des particuliers ainsi que des groupes armés. Les autorités afghanes n’agiraient pas avec la diligence voulue pour le protéger efficacement contre des acteurs non étatiques.

3.2L’auteur renvoie aux informations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Ministère suédois des affaires étrangères, qui indiquent que les lesbiennes, les gays, les bisexuels ou les transsexuels ne pourraient pas vivre au grand jour en Afghanistan sans risquer d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Selon les Lignes directrices du HCR pour l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile afghans (décembre 2007), «les relations homosexuelles non dissimulées sont impossibles en Afghanistan compte tenu des mœurs sociales conservatrices. Outre que les gays et les lesbiennes risquent de subir des violences de la part de membres de leur famille ou de leur communauté, la plupart des interprétations du droit pénal applicable indiquent que les actes homosexuels seraient sévèrement réprimés s’ils venaient à l’attention des autorités» (p. 9). Le même document indique aussi qu’«il est […] impossible d’entretenir des relations homosexuelles non dissimulées. Les homosexuels doivent cacher leur orientation sexuelle. L’homosexualité est interdite par l’islam et punissable de mort en tant qu’infraction emportant un Had (peine déterminée)» (p. 72). Selon le rapport du Ministère suédois des affaires étrangères sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan en 2007 (mars 2008), «l’homosexualité déclarée n’existe pas et les relations homosexuelles sont interdites par la charia. Il n’existe aucune protection juridique contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre». L’auteur affirme en outre que l’article 19 du chapitre 12 de la loi suédoise relative aux étrangers est contraire aux articles 6 et 7 du Pacte, car la question de la «raison valable» n’est pas pertinente s’il y a un risque de renvoi. Elle est également contraire à l’obligation internationale qu’a la Suède de ne pas renvoyer une personne dans un pays où elle risque d’être soumise à la torture ou de subir d’autres graves atteintes aux droits de l’homme.

Observations complémentaires de l’auteur

4.Dans une lettre datée du 31 mars 2010, l’avocate a indiqué qu’elle avait été en relation avec l’auteur en Afghanistan et qu’il avait déclaré qu’il avait une vie très difficile, se cachant et passant de ville en ville entre l’Afghanistan et le Pakistan. Il avait peur de sortir et ne parvenait à continuer à vivre que grâce à l’aide financière de son frère qui vivait à l’étranger.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans une lettre datée du 25 février 2011, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il a présenté des informations détaillées sur la législation suédoise applicable en matière d’asile. En ce qui concerne la notion de «raison valable» figurant à l’article 19 du chapitre 12 de la loi de 2005 relative aux étrangers, il a expliqué que la Cour d’appel chargée des questions de migration interprétait cette notion de façon restrictive, essentiellement pour les raisons suivantes. La procédure d’asile suédoise est conçue pour garantir que l’examen d’une demande d’asile par le Conseil suédois des migrations et les tribunaux chargés des questions de migration assure un degré de sécurité juridique aussi élevé que possible dans le cadre d’une procédure ordinaire. Cette procédure aboutit à une décision qui acquiert une valeur juridique et devient exécutoire. En conséquence, ce n’est qu’exceptionnellement qu’un demandeur d’asile peut être considéré comme ayant une raison valable de n’avoir pas invoqué toutes les circonstances pertinentes avant que la décision soit prise.

5.2L’État partie apporte en outre les renseignements ci-après au sujet des faits de la cause, en se fondant principalement sur les dossiers du Conseil suédois des migrations et des tribunaux chargés des questions de migration. L’auteur a demandé l’asile le 3 octobre 2002, date à laquelle il a eu un son premier entretien avec le Conseil des migrations. Au cours de cet entretien, il a déclaré que, quand il était à l’école, il s’est engagé dans la section jeunesse du Parti démocratique du peuple afghan (PDPA). Il a commencé à travailler dans les services de sécurité du Parti et y est resté pendant trois ans. Il a arrêté quand le régime de l’ancien Président Mohammed Najibullah a été sur le point d’être renversé. Il a affirmé que ceux qui avaient travaillé pour Najibullah ne pouvaient pas vivre en Afghanistan aujourd’hui et que s’il était contraint de rentrer, il serait arrêté et condamné, et craignait donc pour sa vie.

5.3Le 3 décembre 2003, un conseil lui a été désigné comme représentant légal. L’auteur a fait parvenir au Conseil des migrations deux documents datés du 14 et du 18 mars 2005, dans lesquels il déclarait notamment qu’il avait été arrêté par les moudjahidin en 1993 et conduit à une prison locale où il était resté détenu pendant six mois. Il était accusé d’être communiste et d’être un ennemi des moudjahidin. Ceux-ci étaient au courant des activités passées de l’auteur. L’auteur avait subi des actes de torture répétés, notamment des passages à tabac, des coups de pied, des décharges électriques et des violences sexuelles. Il souffrait encore des blessures qui lui avaient été infligées. Un soir, son père était venu à la prison et avait réussi à soudoyer quelqu’un et à obtenir sa libération. Après son évasion, l’auteur avait dû se cacher des moudjahidin. Il était resté caché à Kaboul et dans les environs. Son père avait été assassiné par les moudjahidin qui étaient à sa recherche. L’auteur n’avait pas pu entrer en relation avec sa femme et son fils pendant l’année écoulée. Il affirmait également qu’il souffrait de douleurs dans tout le corps, de céphalées intenses et d’insomnie, dont il était convaincu qu’elles résultaient des tortures qu’il avait subies; il joignait des copies de notes tirées de son dossier médical.

5.4Le 16 août 2005, le Conseil suédois des migrations a rejeté sa demande de permis de séjour, de permis de travail, de reconnaissance du statut de réfugié et de document de voyage et a ordonné son expulsion vers l’Afghanistan. En se fondant sur des informations émanant du HCR, de l’International Crisis Group et du Centre de coopération pour l’Afghanistan, le Conseil a considéré qu’une personne qui avait occupé un poste peu élevé au sein du PDPA ne courait pas de risque en Afghanistan. Rien n’indiquait que les anciens membres du PDPA risquaient d’être persécutés par le Gouvernement ou les autorités d’Afghanistan. En outre, nombre d’anciens membres du PDPA avaient pu rentrer de l’étranger et trouver un emploi dans le secteur public. Les événements que l’auteur avait invoqués pour justifier son besoin de protection s’étaient produits longtemps auparavant et rien d’autre ne lui était arrivé pendant les années où il était resté en Afghanistan. En conséquence, le Conseil a conclu que l’auteur n’avait pas montré qu’il existait un risque probable qu’il fasse l’objet de persécutions cautionnées par l’État en raison de son engagement politique ou de sa religion. De plus, l’évaluation globale des circonstances humanitaires de l’affaire, notamment l’état de santé de l’auteur, n’a pas fait apparaître des circonstances exceptionnellement graves justifiant que les autorités suédoises envisagent de lui accorder un permis de séjour en vertu de l’article 4 du chapitre 2 de la loi relative aux étrangers.

5.5L’auteur a fait appel de cette décision devant la Commission de recours des étrangers, en faisant valoir essentiellement ce qui suit. Il était actif et connu pour son franc-parler quand il était membre du Parti communiste. Il avait été arrêté et torturé en raison directe de ces activités. Il a affirmé que, dans toutes les zones de sécurité en Afghanistan, des groupes spéciaux s’occupaient des rapatriés et qu’il craignait d’être arrêté, torturé et tué par ces groupes. Le 20 janvier 2006, la Commission de recours des étrangers l’a débouté et a confirmé la décision du Conseil des migrations. Cette décision n’a pas fait l’objet d’autres recours.

5.6Le 7 avril 2006, le Conseil des migrations a accordé à l’auteur un permis de séjour d’un an (jusqu’au 7 avril 2007) au motif qu’il avait passé un temps considérable en Suède et que la situation en Afghanistan était telle qu’il était impossible d’exécuter les décisions d’y expulser une personne de force. L’arrêté d’expulsion de l’auteur vers son pays d’origine n’a pas été suspendu. La décision de lui accorder un permis de séjour a été prise pour des raisons humanitaires mais le permis était limité à un an.

5.7Le 27 avril 2007, l’auteur a déposé une nouvelle demande de permis de séjour auprès du Conseil des migrations. Il a indiqué qu’il souffrait de violents maux de tête et qu’il était soigné au service des urgences et de traumatologie qui accueille les personnes souffrant de la torture. Il a également ajouté qu’il avait trouvé un emploi permanent. Un rapport officiel du service des urgences et de traumatologie établi le 13 juin 2007 a ensuite été transmis au Conseil. Selon ce rapport, l’auteur souffrait de céphalées, de pertes de mémoire, de difficultés de concentration et de manque d’énergie, et il était suivi par un neurologue. Le 20 juin 2007, le Conseil a rejeté sa demande de réexamen au titre de l’article 19 du chapitre 12 de la loi de 2005 relative aux étrangers et n’a pas constaté d’obstacle à l’exécution de l’arrêté d’expulsion. Il a ajouté que la situation en matière de sécurité dans la partie de l’Afghanistan dont l’auteur était originaire ne pouvait pas être assimilée à un conflit armé.

5.8L’auteur a ensuite envoyé une lettre dans laquelle il affirmait qu’il ne pouvait pas retourner dans son pays parce que les forces moudjahidin qui l’avaient emprisonné étaient toujours au pouvoir dans tout le district dont il était originaire; le Tribunal chargé des migrations a traité la plainte comme une plainte. Le 16 juillet 2007, le Tribunal a rejeté la plainte au motif que les nouvelles circonstances invoquées par l’auteur étaient simplement des changements dans les circonstances invoquées à l’origine. L’auteur a alors adressé au Tribunal une autre lettre dans laquelle il affirmait que les personnes qui l’avaient forcé à fuir étaient toujours au pouvoir dans la moitié du pays, et notamment dans sa province d’origine. Le 17 septembre 2007, la Cour d’appel chargée des questions de migration a décidé de ne pas autoriser l’auteur à faire appel de la décision rendue le 16 juillet 2007 par le Tribunal.

5.9Le 21 septembre 2007, l’auteur a adressé au Conseil des migrations une lettre dans laquelle il réaffirmait qu’il ne pouvait pas retourner en Afghanistan; il joignait un certificat indiquant qu’il avait été blessé et soigné à l’hôpital pendant dix jours en 1993. Le certificat indiquait également que l’auteur était en danger de mort. Le 2 octobre 2007, le Conseil des migrations a refusé de réexaminer son cas, estimant que le document présenté n’avait que peu de valeur probante.

5.10L’auteur a fait appel de la décision du Conseil des migrations de ne pas réexaminer son cas, affirmant que son activité le rendait facilement reconnaissable en Afghanistan, y compris par les personnes au pouvoir et par le Gouvernement. Il faisait valoir qu’après son arrestation en 1993, il s’était enfui dans une autre ville mais avait dû fuir une nouvelle fois. Il avait reçu une lettre de la police et sa vie était à nouveau en danger. Il ne savait pas si sa famille était encore dans le pays. S’il était renvoyé de force, il serait accusé d’hérésie, d’hostilité envers l’islam et d’être chrétien, et serait donc tué. Le 9 novembre 2007, le Tribunal chargé des questions de migration a rejeté la demande d’audience de l’auteur mais lui a donné la possibilité de présenter son argumentation sous sa forme définitive par écrit. Le 20 novembre 2007, il a rejeté l’appel, affirmant qu’aucune circonstance nouvelle n’avait été invoquée. Le 21 février 2008, la Cour d’appel chargée des questions de migration a décidé de ne pas autoriser l’auteur à faire appel de la décision prise par le Conseil des migrations.

5.11Le 3 mars 2008, une lettre réaffirmant les griefs précédents de l’auteur a été enregistrée par le Conseil des migrations. Le 13 mars 2008, celui-ci a décidé de rejeter la troisième demande de réexamen faite par l’auteur.

5.12Le 3 octobre 2008 une autre lettre, déclarée en tant qu’appel, a été enregistrée par le Conseil des migrations. L’auteur y indiquait pour la première fois qu’il était bisexuel. Le 9 octobre 2008, l’appel a été rejeté parce qu’il avait été interjeté après expiration du délai applicable. La lettre a cependant été enregistrée en tant que demande de réexamen de l’affaire. L’auteur a ensuite déposé une demande supplémentaire fondée sur sa bisexualité.

5.13Le 17 novembre 2008, le Conseil des migrations a décidé de rejeter la quatrième demande de réexamen faite par l’auteur. La bisexualité de l’auteur a été considérée comme une circonstance nouvelle qui n’avait pas été examinée auparavant par les autorités. Le Conseil a déclaré que la situation des homosexuels et des bisexuels en Afghanistan n’était pas mauvaise au point de justifier en soi une protection internationale et qu’il fallait procéder à un examen individuel. Il a estimé que l’auteur n’avait pas établi qu’il risquait d’être persécuté s’il retournait en Afghanistan.

5.14L’auteur a formé un recours devant le Tribunal chargé des questions de migration. Le Conseil des migrations a été invité à présenter ses observations sur l’appel et a indiqué ce qui suit. Pour accorder le réexamen d’une affaire au titre de l’article 19 du chapitre 12 de la loi relative aux étrangers, l’une des conditions préalables est que les circonstances nouvelles n’aient pas été invoquées antérieurement ou que l’étranger montre qu’il avait une raison valable de ne pas l’avoir fait. Plus les circonstances nouvelles sont invoquées tardivement, plus il faut chercher à savoir pourquoi elles l’ont été à un stade avancé de la procédure. Quand un demandeur d’asile a dissimulé des informations importantes pour l’examen de sa demande, cela a une incidence sur la crédibilité des faits nouveaux invoqués. Pendant les six années qu’il a passées en Suède, l’auteur a eu maintes fois et dans différents contextes la possibilité de donner des informations sur son orientation sexuelle. Les informations qu’il a communiquées ne contenaient aucune indication de temps précise, autre que «finalement», concernant le moment où il a commencé à affirmer plus ouvertement sa bisexualité, où il a adhéré à la RFSL et où il a commencé à rencontrer des hommes. L’auteur n’a pas non plus précisé pourquoi il n’avait pas pu exposer cette situation aux autorités, alors qu’il avait essuyé plusieurs rejets de sa demande de protection. Faute d’explication complémentaire, il a semblé contradictoire que l’auteur ait commencé à vivre ouvertement sa bisexualité mais n’ait pas suffisamment fait confiance aux autorités suédoises pour invoquer ce facteur. Compte tenu de cette déclaration tardive, la crédibilité de l’affirmation était si faible qu’on ne pouvait pas considérer que l’auteur avait établi l’existence probable d’obstacles durables à l’exécution de l’arrêté d’expulsion. En conséquence, le Conseil a décidé de ne pas accorder le réexamen de la demande de l’auteur.

5.15Le 26 novembre 2008, le Tribunal chargé des questions de migration a confirmé la décision du Conseil des migrations. L’auteur n’a pas fait appel de la décision du Tribunal auprès de la Cour d’appel chargée des questions de migration.

5.16En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’État partie fait valoir que l’arrêté d’expulsion visant l’auteur est devenu définitif le 20 janvier 2006, lorsque la dernière instance à ce moment, c’est-à-dire la Commission de recours des étrangers, a décidé de rejeter le recours contre la décision rendue le 16 mai 2005 par le Conseil des migrations. Cependant, à un stade ultérieur de la procédure, l’auteur n’a pas fait appel auprès de la Cour d’appel chargée des questions de migration de la décision du 26 novembre 2008 par laquelle le Tribunal chargé des questions de migration l’avait débouté de sa demande de réexamen au titre de l’article 19 du chapitre 12, demande qui était fondée sur sa bisexualité. L’auteur a fait valoir qu’il n’avait pas fait appel parce que la veille du jour où il devait être expulsé de Suède, le Tribunal chargé des questions de migration avait décidé de ne pas surseoir à l’exécution de l’expulsion, et qu’il avait de bonnes raisons de croire que la Cour d’appel rejetterait également sa demande de sursis à exécution car elle n’accorderait probablement pas l’autorisation d’interjeter appel.

5.17L’État partie fait valoir que, quand l’auteur a décidé d’informer les autorités chargées des questions de migration de sa bisexualité (octobre 2008), l’arrêté d’expulsion était définitif depuis plus de deux ans et demi. Tant le Conseil des migrations que le Tribunal chargé des questions de migration étaient d’avis que l’affirmation de l’auteur concernant son orientation sexuelle était une «circonstance nouvelle» qui aurait donc pu être examinée en vertu de l’article 19 du chapitre 12. Toutefois, le Tribunal a également estimé que l’auteur n’avait pas satisfait à la condition de la «raison valable» prévue par la même disposition. L’auteur aurait pu faire appel de la décision du 26 novembre 2008 auprès de la Cour d’appel chargée des questions de migration. Il aurait pu demander à la Cour d’appel de surseoir à l’expulsion en attendant l’examen de l’appel. La Cour est habilitée à se prononcer sur les mesures provisoires de protection nécessaires comme à accorder le réexamen du cas de l’auteur. En conséquence, le recours était utile à cette fin. Il semble que l’auteur ait choisi à la place de porter plainte auprès du Comité. Il n’a pas démontré qu’un recours auprès de la Cour d’appel chargée des questions de migration était objectivement vain. En novembre 2008, la Cour d’appel avait seulement rendu un jugement concernant la notion de «raison valable» qui ne portait pas sur la question de l’orientation sexuelle, et elle avait indiqué qu’il convenait de procéder à une évaluation au cas par cas. On ne pouvait donc pas savoir avec certitude comment la Cour traiterait l’appel de l’auteur. À la lumière de ce qui précède, le Comité devrait déclarer la présente communication irrecevable pour non-épuisement des recours internes. L’État partie soutient également que l’affirmation de l’auteur qui fait valoir qu’il risque d’être traité d’une manière qui constituerait une violation du Pacte ne présente pas le niveau de preuve minimum requis aux fins de la recevabilité; la communication est donc manifestement dénuée de fondement et irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

5.18Si le Comité conclut que la communication est recevable, il devra déterminer si le renvoi forcé de l’auteur en Afghanistan constituait une violation des obligations qui incombent à la Suède en vertu des articles 6 et 7 du Pacte. Il ressort de la jurisprudence du Comité que pour qu’une violation des articles 6 ou 7 soit constatée, il doit être établi que l’intéressé courait un risque réel d’être soumis à des actes visés aux articles 6 et 7 dans le pays où il est renvoyé. Le fait que le risque doive être réel signifie qu’il doit être la conséquence nécessaire et prévisible du renvoi forcé. Le Comité a également indiqué que le risque devait être personnel. Sa jurisprudence montre qu’il faut des motifs sérieux pour établir qu’il existe un risque réel de préjudice irréparable. Tous les faits et circonstances pertinents doivent donc être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Il convient d’accorder le crédit voulu à l’évaluation menée par l’État partie. Le Comité considère également qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que l’appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice.

5.19En ce qui concerne la situation des droits de l’homme en Afghanistan, plusieurs rapports montrent que de graves violations des droits de l’homme − exécutions extrajudiciaires, torture, détention illégale, viol, expropriation illégale de biens, traite, discrimination et harcèlement, notamment − se produisent encore en Afghanistan. Le non‑respect des droits de l’homme est directement lié à la situation en matière de sécurité dans le pays. La criminalité est élevée et brutale et l’administration publique est déficiente et en cours de création. La police et les autorités pénitentiaires utilisent fréquemment la torture. La peine de mort est prévue dans la nouvelle Constitution et le Code pénal, et le droit musulman (peines houdoud) prévoit ce châtiment pour des actes tels que le meurtre et l’apostasie. Il y a une sensibilité évidente à tout ce qui pourrait être considéré comme répandant l’immoralité ou des messages non islamiques.

5.20En ce qui concerne la situation des homosexuels et des bisexuels en Afghanistan, conformément à la charia, les relations homosexuelles sont punissables, en tant qu’infractions emportant un Had, de la peine maximale, c’est-à-dire la mort. D’après le rapport pour 2009 du Département d’État des États-Unis, les autorités ne font respecter cette interdiction que de temps à autre, et aucune condamnation à mort n’a été prononcée depuis la fin du régime taliban, bien que ce soit encore possible techniquement. Les organisations dédiées à la protection ou à l’exercice de la liberté d’orientation sexuelle sont restées clandestines. Les Lignes directrices du HCR pour l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile afghans (décembre 2010) indiquent notamment que «compte tenu des puissants tabous sociétaux ainsi que de l’incrimination du “comportement homosexuel”, le HCR considère que les lesbiennes, les homosexuels, les bisexuels, les transgenres et les intersexués peuvent courir des risques en raison de leur appartenance à un groupe social particulier, c’est-à-dire leur orientation sexuelle ou identité de genre, car ils ne suivent pas ou sont considérés comme ne suivant pas les normes morales, religieuses et sociales en vigueur» (p. 29). Le rapport pour 2009 du Département d’État des États-Unis indique cependant qu’aucun cas de discrimination ou de violence fondées sur l’orientation sexuelle n’a été signalé mais que les tabous sociaux sont toujours puissants. L’homosexualité ne se vit pas au grand jour.

5.21Lorsqu’elles examinent une demande d’asile présentée au titre de la loi relative aux étrangers, les autorités suédoises chargées des questions de migration appliquent les mêmes critères que le Comité lorsqu’il examine une plainte présentée au titre du Pacte. L’organisme national qui procède aux entretiens avec un demandeur d’asile est très bien placé pour évaluer les informations présentées par l’intéressé et apprécier la crédibilité de sa demande. Les autorités suédoises chargées des questions de migration disposaient donc de suffisamment d’informations qui, considérées conjointement avec les faits et les documents figurant dans le dossier, leur ont donné une solide base pour évaluer le besoin de protection de l’auteur. Il convient donc d’accorder tout le crédit voulu à l’évaluation faite par les autorités suédoises. Pour ce qui est du fond de la communication, l’État partie s’appuie sur les décisions du Conseil des migrations et du Tribunal chargé des questions de migration et sur les motifs énoncés dans ces décisions.

5.22En ce qui concerne l’argument de l’auteur qui affirme courir un risque réel d’être soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afghanistan par les moudjahidin en raison de ses activités au sein du PDPA, l’État partie rappelle que ce grief a été examiné à trois reprises par le Conseil des migrations et à deux reprises par le Tribunal chargé des questions de migration et rejeté à chaque fois, comme il est indiqué plus haut. On ne peut vraiment pas considérer que l’évaluation faite par les autorités a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. En outre, selon ses propres déclarations, l’auteur n’a pas fait l’objet de menaces, de harcèlement, de torture ou d’autres traitements inhumains ou dégradants après avoir été libéré de prison en 1993 et jusqu’à ce qu’il quitte l’Afghanistan, soit pendant près de dix ans (1993-2002). Toujours selon l’auteur, il n’a pas non plus fait l’objet d’actes de cette nature depuis son retour en Afghanistan fin 2008 et à la date de la réponse de l’État partie, soit pendant encore deux années. À la lumière de ce qui précède, l’avis exprimé par le Conseil suédois des migrations dans sa décision du 16 août 2005 est encore renforcé. En conséquence, l’auteur n’a pas démontré qu’il courait un risque réel d’être soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants par les moudjahidin ou d’autres acteurs en Afghanistan en raison de sa participation antérieure au régime communiste.

5.23En ce qui concerne le grief de l’auteur relatif à sa bisexualité, l’État partie rappelle que c’est seulement dans sa quatrième demande au Conseil des migrations, datée du 3 octobre 2008, que l’auteur a fait état pour la première fois de sa bisexualité, soit après six ans de séjour en Suède. Tout en reconnaissant qu’il peut être difficile pour une personne de faire savoir à d’autres, notamment aux autorités chargées des questions de migration, qu’elle est bisexuelle, on peut raisonnablement considérer que, dans certains cas, le fait de laisser s’écouler une longue période de temps entre le moment où un demandeur d’asile arrive dans le pays où il demande une protection et le moment où il demande une protection en raison de son orientation sexuelle puisse avoir une incidence sur l’évaluation de ses déclarations. Selon un principe fondamental du droit international et du droit national des réfugiés, l’étranger qui demande une protection dans un pays doit indiquer dans les meilleurs délais toutes les raisons pour lesquelles il sollicite cette protection. En l’espèce, l’auteur n’a fait état de sa bisexualité que six ans plus tard, alors que pendant toutes ces années il a été en relation à plusieurs reprises avec les autorités et les tribunaux chargés des questions de migration.

5.24L’auteur a indiqué au Comité qu’il n’avait pas révélé son orientation sexuelle plus tôt au cours de la procédure d’asile à cause de la stigmatisation associée à la bisexualité et à l’homosexualité et de la honte qu’il éprouvait, outre qu’il avait peur de ce que son conseil précédent et les autorités chargées des questions de migration et les interprètes penseraient de lui et de leur réaction, et aussi parce qu’il craignait des représailles si d’autres Afghans l’apprenaient. L’auteur a également affirmé qu’on ne lui avait pas dit que la crainte de persécutions fondées sur l’orientation sexuelle était une raison valable de demander le statut de réfugié et l’asile en Suède. L’État partie estime que ces raisons sont insuffisantes. On peut comprendre qu’une personne venant d’Afghanistan, affirmant être bisexuelle, soit influencée par les tabous sociaux. Toutefois, l’auteur a eu des relations sexuelles avec des hommes puis avec des femmes depuis l’âge de 15 ans et jusqu’à ce qu’il quitte l’Afghanistan en 2002; il a écrit et joué une pièce de théâtre qui, d’après lui, avait pour thème la bisexualité; il a commencé à avoir des relations avec des hommes en Suède un an seulement après son arrivée; il a commencé à fréquenter des clubs gays et à prendre part à leurs activités sociales à partir de 2004. L’État partie conclut donc que sur un plan personnel, l’auteur n’était pas dans le déni de sa bisexualité, que ce soit en Afghanistan ou en Suède. En conséquence, les raisons pour lesquelles l’auteur affirme ne pas avoir informé plus tôt les autorités chargées des questions de migration de sa bisexualité, c’est-à-dire la stigmatisation, les sentiments de honte ou la crainte de représailles de la part d’autres Afghans vivant en Suède, sont sujettes à caution. L’État partie ajoute que la Suède est un pays où les droits des individus liés à l’orientation sexuelle sont en général connus et acceptés. Le fait que l’auteur ait commencé à vivre ouvertement sa bisexualité en Suède dès 2004 et entretienne des relations sociales avec des gens de même sensibilité indique qu’il avait bien conscience de cette situation. De ce fait, il est difficile de comprendre pourquoi il a attendu près de six ans avant d’invoquer son orientation sexuelle pour fonder sa demande d’asile, a fortiori compte tenu de ce qu’il est venu en Suède dans le but précis de solliciter une protection. L’auteur a été représenté par un conseil tout au long de la procédure interne, ce qui jette un doute sur le fait que, comme il l’affirme, il n’avait pas été informé que l’orientation sexuelle pouvait être un motif valable de demander le statut de réfugié en Suède. Même si on peut accepter un certain délai pour ce qui touche aux questions d’orientation sexuelle, l’État partie considère qu’une période de six ans est déraisonnablement longue.

5.25L’État partie relève aussi des incohérences dans les déclarations de l’auteur concernant sa bisexualité. Dans un document présenté par la RFSL, il est indiqué que l’auteur avait du mal à garder secrètes ses relations avec les hommes et que son entourage a finalement commencé à prendre conscience de sa bisexualité et l’a harcelé, alors que dans toutes ses autres déclarations concernant sa bisexualité, l’auteur a affirmé qu’il n’avait parlé à personne de son orientation sexuelle et que les gens n’étaient pas au courant. En outre, l’auteur a déclaré qu’il était un membre actif du parti communiste et qu’il avait travaillé dans ses services de sécurité pendant trois ans. Il a dit que c’est pendant cette période qu’il avait écrit et produit des pièces qui tournaient les moudjahidin en ridicule. Quand il a fait état de sa bisexualité, il a maintenu ses allégations précédentes mais les a modifiées pour les faire coïncider avec ses déclarations. Ainsi, il a déclaré que des représentants des moudjahidin étaient présents quand la pièce sur la bisexualité a été jouée et qu’ils l’avaient menacé et avaient usé de violence à cause du contenu du spectacle. L’État partie estime peu probable que des représentants des moudjahidin aient été autorisés à assister à une pièce, quel que soit son thème, qui avait été produite au sein des services secrets du parti communiste alors que celui-ci était encore au pouvoir en Afghanistan. Par conséquent, la crédibilité de cette affirmation est contestée. Compte tenu de ce qui précède, il existe des raisons de remettre en question les déclarations et les allégations de l’auteur concernant le risque présumé qu’il soit tué ou soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements en raison de son orientation sexuelle s’il était renvoyé en Afghanistan.

5.26L’État partie rappelle également que l’auteur affirme qu’il a été arrêté et torturé en 1993 mais il est resté en Afghanistan jusqu’en 2002, sans être arrêté et torturé de nouveau. Il appelle également l’attention du Comité sur le fait que rien, dans la lettre du conseil datée du 31 mars 2010, n’indique que l’auteur a été l’objet de menace, de harcèlement ou d’un traitement interdit par les articles 6 et 7 du Pacte depuis son retour en Afghanistan. Selon cette lettre, l’auteur se déplace entre l’Afghanistan et le Pakistan.

5.27En conclusion, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, et en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, parce qu’il n’a pas étayé ses allégations aux fins de la recevabilité, les documents qu’il a produits et les circonstances qu’il a invoquées ne suffisant pas à montrer qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’il courait un risque réel et personnel d’être soumis à des traitements contraires aux articles 6 et 7 quand il a été renvoyé en Afghanistan. Sur le fond, l’État partie affirme que la communication ne fait apparaître aucune violation du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

6.1Dans une note du 4 mai 2011, le conseil de l’auteur a reconnu que l’auteur n’avait pas fait appel devant la Cour d’appel chargée des questions de migration de la décision rendue le 26 novembre 2008 par le Tribunal chargé des questions de migration. Elle a expliqué que la Cour d’appel était la dernière instance en matière d’asile et qu’une autorisation de recours était nécessaire pour que la Cour se prononce sur une affaire. Elle a ajouté en outre que l’autorisation était accordée dans 1 à 2 % des cas environ, de sorte que les voies de recours internes étaient quasiment épuisées après que le Tribunal chargé des questions de migration eut rendu sa décision le 16 mai 2005. Elle faisait également valoir qu’une demande de réexamen au titre de l’article 19 du chapitre 12 de la loi de 2005 relative aux étrangers pouvait être soumise sans limite dans le temps et autant de fois qu’il était nécessaire entre le rejet définitif de la demande d’asile et l’expulsion du demandeur d’asile vers son pays d’origine. Le recours juridictionnel prévu par le chapitre 12 ne pouvait donc jamais être totalement épuisé puisqu’un demandeur d’asile qui risquait d’être expulsé pouvait toujours s’en prévaloir.

6.2Le conseil a ajouté qu’il convenait d’accorder toute l’attention voulue à la position du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui affirmait que les lesbiennes, les homosexuels, les bisexuels et les transgenres pouvaient courir un risque en raison de leur appartenance à un groupe social particulier, et elle maintenait que les informations présentées sur le pays allaient dans le sens des affirmations de l’auteur. Elle indiquait également qu’elle n’a eu aucun contact avec l’auteur en Afghanistan depuis le 31 mars 2010.

Observations complémentaires de l’État partie

7.Dans une lettre du 5 juillet 2011, l’État partie a souligné qu’il maintenait intégralement sa position au sujet de la recevabilité et du fond de la communication, exprimée dans ses observations du 25 février 2011.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui fait valoir que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité note que selon l’État partie, l’auteur n’a pas fait appel devant la Cour d’appel chargée des questions de migration de la décision du 26 novembre 2008 par laquelle le Tribunal chargé des questions de migration a rejeté sa demande de réexamen de son cas en raison de son orientation sexuelle. Il prend également note des arguments de l’auteur qui affirme que ce recours ne peut pas être considéré comme utile parce qu’il était sur le point d’être expulsé et que la Cour d’appel aurait probablement rejeté sa demande de sursis à l’exécution de la mesure et ne l’aurait pas autorisé à faire appel, compte tenu de son interprétation stricte du critère de la «raison valable». L’État partie a réfuté ces arguments en affirmant que la Cour d’appel était habilitée à se prononcer sur les mesures de protection requises ainsi qu’à accorder un réexamen du cas de l’auteur, et que l’auteur n’avait pas démontré que le recours disponible consistant à faire appel devant la juridiction compétente n’était pas utile ou était objectivement vain. En outre, étant donné que la seule décision de la Cour d’appel sur la notion de «raison valable» ne portait pas sur l’orientation sexuelle de l’auteur, celui-ci ne pouvait pas être certain de la manière dont la Cour aurait statué sur son appel, d’autant plus, en particulier, qu’elle avait indiqué qu’une évaluation au cas par cas était nécessaire pour interpréter la notion de «raison valable».

8.4Dans ce contexte, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’auteur doit faire usage de tous les recours judiciaires pour satisfaire à la condition énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, dans la mesure où de tels recours peuvent être utiles en l’espèce et sont de facto ouverts à l’auteur. Bien qu’il estime qu’un recours sous la forme d’un appel formé auprès de la Cour d’appel chargée des questions de migration aurait constitué un recours utile au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité constate que l’arrêté d’expulsion vers l’Afghanistan a été exécuté peu de temps après que la décision du Tribunal chargé des questions de migration du 26 novembre 2008 avait été notifiée à l’auteur, privant ainsi de facto l’auteur du droit de saisir la Cour d’appel dans un délai de trois semaines à compter de la date à laquelle le Tribunal a rendu sa décision, comme il est prévu à l’article 10 du chapitre 16 de la loi relative aux étrangers de 2005. Le Comité considère que d’autres recours internes leur sont ouverts, les demandeurs d’asile qui risquent d’être expulsés vers un pays tiers doivent disposer d’un délai raisonnable pour exercer les recours encore disponibles avant que l’arrêté d’expulsion ne soit exécuté; dans le cas contraire, les recours en question deviennent matériellement inaccessibles, inefficaces et vains. Dans ces circonstances, le Comité considère que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la communication.

8.5De l’avis du Comité, l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs qu’il tire des articles 6 et 7 du Pacte. Les autres conditions applicables à la recevabilité étant remplies, le Comité considère que la communication est recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur qui affirme que son retour forcé en Afghanistan l’exposerait au risque d’être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à des menaces de mort, en raison de son orientation sexuelle. Il rappelle que les États parties ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie qui objecte que la demande d’asile présentée par l’auteur a été dûment examinée par les autorités chargées des questions de migration, lesquelles ont conclu que la situation des homosexuels et des bisexuels en Afghanistan n’était pas mauvaise au point de justifier en soi une protection internationale et que l’auteur n’avait pas établi qu’il risquait d’être persécuté s’il retournait en Afghanistan (voir plus haut par. 5.13). Dans ce contexte, le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux instances des États parties au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve en vue d’établir l’existence d’un tel danger.

9.3Toutefois, dans la présente communication, le Comité note qu’il ressort du dossier dont il est saisi que les autorités de l’État partie chargées des questions de migration ont rejeté la demande de l’auteur non pas au motif de son orientation sexuelle, non contestée, et de son incidence pour l’auteur dans les circonstances particulières en Afghanistan, mais au motif que l’orientation sexuelle n’avait été invoquée qu’à un stade avancé de la procédure de demande d’asile ce qui, de l’avis de l’État partie, avait considérablement affaibli sa crédibilité, en dépit des motifs présentés par l’auteur pour justifier cette invocation tardive − soit la stigmatisation associée à l’homosexualité et à la bisexualité, la honte qu’il éprouvait, la crainte des représailles, ainsi que le fait qu’il ignorait que l’orientation sexuelle serait une raison valable de demander le statut de réfugié et l’asile − et considérant que l’auteur n’avait pas donné d’«excuse valable» au sens de l’article 19 du chapitre 12 de la loi relative aux étrangers.

9.4L’État partie a conclu que l’auteur ne courait pas de risque de torture s’il était renvoyé dans son pays d’origine, alors même qu’il se réfère lui-même à des rapports d’organismes internationaux indiquant qu’en Afghanistan les relations homosexuelles sont punissables, en tant qu’infractions emportant un Had, de la peine maximale, c’est-à-dire la mort. Le Comité note que, dans leur évaluation du risque d’être soumis à des traitements contraires aux articles 6 et 7 du Pacte si l’auteur retournait en Afghanistan, les autorités de l’État partie se sont essentiellement fondées sur des incohérences dans le récit donné par l’auteur de certains faits à l’appui de sa demande et sur le manque de crédibilité résultant de l’invocation tardive de son orientation sexuelle. Le Comité estime qu’une attention insuffisante a été prêtée aux griefs de l’auteur et au risque réel qu’il encourait en Afghanistan du fait de son orientation sexuelle. En conséquence, le Comité considère que dans ces circonstances l’expulsion de l’auteur vers l’Afghanistan constitue une violation des articles 6 et 7 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate donc que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 6 et 7 du Pacte.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, notamment en prenant toutes les mesures appropriées pour faciliter son retour en Suède s’il le souhaite. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations, à les faire traduire dans la langue officielle et à les diffuser largement.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de M. Rafael Rivas Posada

Au paragraphe 10 de sa décision dans l’affaire X.c. Suède, le Comité des droits de l’homme a constaté que «les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 6 et 7 du Pacte». Au paragraphe 9.4, le Comité justifie sa conclusion en invoquant un «risque réel [que l’auteur] encourrait en Afghanistan du fait de son orientation sexuelle». Cela signifie que le seul risque ou l’éventualité que l’auteur puisse perdre la vie dans le pays vers lequel il serait expulsé est un motif suffisant pour considérer qu’il y a eu une violation directe de l’article 6 du Pacte.

Je pense que dans cette affaire comme dans d’autres similaires, le Comité fait une application erronée de l’article 6 du Pacte, qui consacre le droit à la vie et énonce très clairement que «Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie». En considérant en l’espèce que l’auteur court le risque de perdre la vie en Afghanistan en raison de son orientation sexuelle, risque que l’État partie n’a pas pris en considération et à propos duquel il n’a pas demandé les assurances diplomatiques habituelles, et que ce risque est suffisant pour constater une violation de l’article 6, il semble que le Comité ait modifié le libellé de l’article 6 pour l’interpréter comme s’il énonçait «Nul ne pourra être soumis au risque d’être privé arbitrairement de la vie». Or ce n’est pas ce que dit l’article 6. Le sens de cette disposition est univoque et ne présente aucune ambiguïté. Seule la privation de la vie donne lieu à l’application de l’article 6 et le simple fait de risquer d’être privé de la vie, aussi plausible que soit cette privation, ne peut pas justifier une constatation de violation directe de l’article.

Étant donné que dans cette affaire il ne fait aucun doute qu’il y a violation de l’article 7 qui, conformément à la jurisprudence du Comité, se produit non seulement quand les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont physiques mais aussi quand ils sont psychologiques, la rédaction correcte de la décision aurait dû être qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 7, lu conjointement avec l’article 6 du Pacte. La mention de l’article 6 se justifie puisque au nombre des risques que pourrait courir l’auteur il y a la possibilité d’une condamnation ou à mort.

Pour tout le reste j’approuve la décision du Comité.

(S igné) Rafael Rivas Posada

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]