Nations Unies

CCPR/C/104/D/1866/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 avril 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1866/2009

Constatations adoptées par le Comité à sa 104e session(12-30 mars 2012)

Communication p résentée par:

Olga Chebotareva (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

18 octobre 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 19 février 2009 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

26 mars 2012

Objet:

Refus d’accorder l’autorisation d’organiser une manifestation

Questions de procédure:

Fondement des griefs

Questions de fond:

Droit de réunion pacifique et droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial

Articles du Pacte:

14 (par .1) et 21

Article du Protocole facultatif:

2

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (104e session)

concernant la

Communication no 1866/2009 *

Présentée par:

Olga Chebotareva (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

18 octobre 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 mars 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1866/2009 présentée par Mme Olga Chebotareva en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Mme Olga Chebotareva, de nationalité russe, née en 1980. Elle se déclare victime de violations par la Fédération de Russie des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 14 et par l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 1er octobre 2007, l’auteur et une certaine Mme Kozlovskaya ont demandé à la municipalité de Nijni Novgorod l’autorisation d’organiser une manifestation sur la place Gorki, le 7 octobre 2007. L’objectif déclaré était de marquer l’anniversaire de l’assassinat d’Anna Politkovskaya et de protester contre la répression politique dans le pays. L’auteur et Mme Kozlovskaya ont indiqué à la mairie que 45 personnes participeraient à la manifestation.

2.2Le 2 octobre 2007, la municipalité a informé l’auteur et les autres organisateurs que les autorités de la ville avaient prévu des manifestations pour la Journée de l’enseignant, le 7 octobre 2007, et qu’elles se dérouleraient sur la place Gorki. La municipalité a proposé un autre endroit.

2.3L’auteur explique que le lieu proposé était éloigné du centre-ville, et que cette distance aurait privé la manifestation de tout intérêt. Le jour où la réponse de la municipalité leur est parvenue, l’auteur et les autres organisateurs ont informé la mairie par télécopie qu’ils estimaient que les raisons invoquées pour justifier le rejet de la demande étaient dénuées de fondement. Le 3 octobre 2007, ils ont reçu une autre lettre de la municipalité, qui indiquait que, dans la mesure où aucun accord n’avait été trouvé au sujet du lieu de la manifestation, celle-ci n’était pas autorisée.

2.4Le 2 octobre 2007 toujours, l’auteur et les autres organisateurs ont déposé auprès de la mairie de Nijni Novgorod une deuxième demande pour une manifestation le 7 octobre 2007 mais à un endroit différent: l’intersection de la rue Bolshaya Pokrovskaya et de la rue Malaya Pokrovskaya. Cette manifestation visait elle aussi à marquer l’anniversaire de l’assassinat d’Anna Politkovskaya. Les organisateurs ont informé la municipalité que 30 personnes y participeraient.

2.5Le 3 octobre 2007, l’un des organisateurs, M. Shimovolos, a transmis des informations complémentaires au sujet de la deuxième manifestation, indiquant que le lieu envisagé se trouvait sur le côté droit de l’hôtel «Jan Jak», loin des piétons et des voitures.

2.6Le 4 octobre 2007, les autorités de la ville ont de nouveau proposé que la manifestation ait lieu ailleurs, invoquant l’affluence des voitures et des piétons dans la zone proposée. D’après elles, il y aurait des risques pour la sécurité publique. Les autorités ont ajouté qu’elles n’avaient pas réussi à situer l’hôtel «Jan Jak» à l’angle de la rue Bolshaya Pokrovskaya et de la rue Malaya Pokrovskaya. Malgré les précisions supplémentaires apportées par les organisateurs, elles ont refusé de délivrer les autorisations demandées. Par conséquent, aucune des deux manifestations n’a eu lieu.

2.7L’auteur déclare que les deux manifestations se seraient déroulées dans le respect de la loi et n’auraient pas entraîné de risque pour la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques. Elle affirme également que le 7 novembre 2007, jour prévu pour les deux manifestations, la place Gorki était déserte et qu’aucune autre manifestation ne s’y est déroulée contrairement à ce qu’avait prétendu la mairie.

2.8À une date non précisée, l’auteur et les autres organisateurs ont porté plainte auprès du tribunal du district de Nijegorod, dénonçant des violations du droit à la liberté de réunion. Le 18 décembre 2007, le tribunal du district de Nijegorod a rendu sa décision, établissant que la mairie n’avait pas agi de façon illégale. L’auteur fait valoir que la juridiction qui a examiné la plainte n’était pas un «tribunal compétent, indépendant et impartial», dans la mesure où elle n’a pas examiné leurs griefs de violations du droit à la liberté de réunion. Au lieu de cela, selon l’auteur, le tribunal s’est attaché à la question de la légalité de la décision de la mairie de Nijni Novgorod.

2.9Le 21 décembre 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal du district de Nijegorod auprès du tribunal régional de Nijegorod qui, par décision du 29 janvier 2008, l’a déboutée et a confirmé la décision de la juridiction inférieure.

2.10L’auteur explique qu’elle a également déposé une demande de révision auprès du tribunal régional de Nijegorod, le 27 mai 2008. En date du 3 juin 2008, cette juridiction a refusé de faire droit à la requête, invoquant des violations des règles de procédure applicables à la formation de ce type de recours.

2.11Le 16 juin 2008, l’auteur a déposé une deuxième demande de révision auprès du tribunal régional de Nijegorod. En date du 24 juillet 2008, celui-ci a rejeté le recours, au motif que les décisions de la juridiction inférieure avaient été authentifiées par un notaire et non par un juge, comme le prévoit la loi. L’auteur affirme que le tribunal n’avait pas l’intention d’examiner l’affaire au fond et a rejeté le recours pour des raisons purement techniques.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que le refus d’autoriser les manifestations a constitué une violation du droit à la liberté de réunion garanti par l’article 21 du Pacte.

3.2Elle affirme en outre que l’audience au cours de laquelle elle a contesté la décision de la mairie n’a pas été menée par un tribunal «compétent, indépendant et impartial», ce qui constitue une violation des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. L’auteur fait valoir qu’au lieu d’examiner les restrictions imposées au droit de réunion pacifique, le tribunal ne s’est intéressé qu’à la légalité des décisions de la mairie.

3.3L’auteur ajoute que, pendant la procédure en révision, le tribunal régional de Nijegorod n’a jamais examiné l’affaire au fond et a rejeté les deux recours pour des raisons purement formelles et techniques.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 15 mai 2009, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il indique que le 1er octobre 2007, l’auteur a demandé l’autorisation d’organiser une manifestation sur la place Gorki, à Nijni Novgorod, mais que la mairie avait prévu d’autres manifestations à l’occasion de la Journée de l’enseignant. Par conséquent, les autorités de la ville ont proposé aux organisateurs de tenir la manifestation ailleurs et leur ont suggéré plusieurs lieux possibles dans d’autres quartiers de la ville.

4.2L’État partie souligne également qu’en vertu de la loi fédérale no 54-FZ sur les réunions, rassemblements, défilés de rue, manifestations et piquets, une manifestation publique ne peut pas avoir lieu si les organisateurs ne sont pas parvenus à un accord avec les autorités locales au sujet du lieu où elle doit se tenir.

4.3L’État partie indique que les autorités de la ville ont reçu, le 2 octobre 2007, la deuxième demande d’autorisation pour une manifestation devant se tenir à l’intersection des rues Malaya Pokrovskaya et Bolshaya Pokrovskaya. D’après l’État partie, les organisateurs n’ont pas précisé à quel endroit exact. L’État partie fait valoir que cette intersection est très fréquentée par les voitures et les piétons et qu’organiser une manifestation publique à cet endroit entraînerait un risque pour la sécurité publique. Les autorités de la ville ont de nouveau proposé d’autres lieux possibles dans d’autres quartiers de Nijni Novgorod. L’État partie cite la même loi fédérale sur les manifestations publiques, soulignant que les organisateurs et les autorités locales doivent se mettre d’accord sur le lieu.

4.4L’État partie fait également valoir que le tribunal du district de Nijegorod était fondé à rejeter la plainte de l’auteur, que cette juridiction est parvenue à la conclusion qu’aucune violation n’avait été commise, et que la municipalité n’a pas interdit la manifestation de façon illégale mais a proposé qu’elle se tienne à un autre endroit. D’après l’État partie, les allégations de l’auteur concernant la restriction illégale de son droit d’organiser une manifestation ont été examinées par les tribunaux et jugées sans fondement.

4.5L’État partie déclare aussi que les deux demandes de révision déposées par l’auteur le 27 mai 2008 et le 16 juin 2008 ne satisfaisaient pas aux règles de procédure applicables à la formation de tels recours, établies par le Code civil de la Fédération de Russie (chap. 41). Il souligne que l’auteur avait eu amplement l’occasion de rectifier ces erreurs de procédure et d’introduire une nouvelle demande de révision, mais ne l’a pas fait; elle n’a pas non plus formé de pourvoi en cassation.

4.6L’État partie fait également valoir qu’en raison de ces circonstances la communication doit être considérée comme constituant un abus du droit de présenter des communications et être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 20 octobre 2009, l’auteur rappelle que contrairement à ce qu’affirme l’État partie dans ses observations, elle a bien formé un pourvoi en cassation auprès du tribunal régional de Nijegorod, et a été déboutée en date du 29 janvier 2008.

5.2L’auteur ajoute que les demandes de révision ont été rejetées par le tribunal régional de Nijegorod pour des raisons de pure forme, par exemple parce que les copies des décisions de justice précédentes avaient été authentifiées par un notaire et non par le tribunal lui-même, et parce qu’elle avait laissé expirer le délai de six mois dans lequel la demande de révision judiciaire doit être déposée, fixé par une nouvelle loi, après l’examen de son dossier par le tribunal de première instance. L’auteur affirme qu’elle a demandé un report de la date limite de dépôt de la demande de révision judiciaire, mais sans succès. En conséquence, l’affaire n’a pas pu être examinée dans le cadre de la procédure de révision.

5.3L’auteur fait également valoir que la Cour européenne des droits de l’homme, dans de nombreux arrêts, a estimé que les demandes de révision judiciaire ne pouvaient être considérées comme un recours interne «efficace».

5.4Elle réaffirme aussi que les manifestations ont été interdites parce que les organisateurs avaient l’intention de dénoncer la répression politique. Elle ajoute que, à son sens, toutes les conditions requises pour garantir le caractère pacifique des manifestations étaient remplies. L’auteur renouvelle ses allégations de violation de l’article 21 du Pacte.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1En date du 13 août 2010, l’État partie répète que c’est à l’auteur qu’il incombait de remédier à l’irrégularité de sa demande de révision du 27 mai 2008, et qu’elle aurait dû former un nouveau recours en révision. Il fait valoir que l’auteur n’a pas fait authentifier correctement les décisions de la juridiction inférieure, ce qui constitue une infraction à la législation en vigueur en Fédération de Russie. Il rappelle que les deux recours formés par l’auteur ont donc été rejetés sans que l’affaire soit examinée au fond.

6.2L’État partie ajoute que l’auteur est avocate de profession et ne peut pas ne pas connaître toutes les prescriptions de la Constitution de la Fédération de Russie, qui requiert un strict respect de la Constitution et des lois du pays (par. 2 de l’article 15 de la Constitution). L’État partie fait valoir que c’est à dessein que l’auteur n’a pas respecté les dispositions prévues par la loi et qu’elle n’a jamais voulu que les tribunaux examinent l’affaire au fond.

6.3L’État partie maintient donc que la plainte de l’auteur constitue un abus du droit de soumettre des communications et que, de plus, la communication ne peut pas être considérée comme recevable eu égard aux dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

7.1En date du 28 septembre 2010, l’auteur a fait part de nouveaux commentaires. Elle fait valoir que les décisions des tribunaux deviennent exécutoires après l’examen d’un pourvoi en cassation. L’application des décisions de justice ne peut pas être suspendue pendant la procédure de révision. L’auteur invoque également un arrêt de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie dans lequel, selon elle, la Cour reconnaît que le recours en révision ne peut pas être considéré comme un recours efficace.

7.2L’auteur ajoute qu’en vertu des articles 363 et 364 du Code de procédure civile de la Fédération de Russie, la procédure de révision ne peut être actionnée que pour des motifs assez restrictifs. L’auteur cite également une affaire jugée par la Cour européenne des droits de l’homme dans laquelle la Cour a considéré que la révision judiciaire était un recours «facultatif», parce qu’il s’agit d’une procédure discrétionnaire qui dépend des autorités et non du requérant.

7.3L’auteur reconnaît qu’en vertu de l’article 378 du Code de procédure civile, les tribunaux sont tenus d’authentifier les copies des décisions attaquées. Cette obligation est confirmée par l’ordonnance no 36 de la Cour suprême de la Fédération de Russie. L’auteur estime que cette ordonnance ne fait que réglementer les activités des tribunaux et ne peut pas être assimilée à une loi. L’auteur invoque également une loi relative aux notaires, qui n’interdit pas à ceux-ci d’authentifier des décisions de justice.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Concernant les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas respecté les règles de procédure lorsqu’elle a formé ses deux recours en révision. Le Comité note toutefois que l’auteur s’est pourvue en cassation auprès du tribunal régional de Nijegorod, qui a confirmé la décision de première instance. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que les procédures de révision de décisions exécutoires sont un moyen de recours extraordinaire dont l’exercice est laissé à la discrétion du juge ou du procureur, et ne constituent pas, par conséquent, un recours devant être épuisé aux fins de la recevabilité. Dans ces conditions, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas, en l’espèce, d’examiner la communication.

8.4Le Comité note que l’auteur fait valoir une violation de l’article 14 du Pacte parce que sa plainte n’a pas été examinée par un tribunal compétent, impartial et indépendant. L’auteur affirme que le juge du tribunal de première instance n’a pas examiné au fond les questions qu’elle avait soulevées. Elle ajoute que les juges qui ont examiné son pourvoi en cassation et ses demandes de révision n’ont pas statué au fond. L’État partie pour sa part a répondu que toutes les décisions rendues dans cette affaire étaient légales et bien fondées, et que les griefs de restriction illégale imposée au droit d’organiser une manifestation avaient été dûment examinés par les tribunaux et jugés sans fondement. Le Comité rappelle que les garanties du paragraphe 1 de l’article 14 ne s’appliquent pas seulement aux tribunaux et aux cours de justice qui décident du bien-fondé des accusations en matière pénale ou des contestations sur les droits et obligations de caractère civil; elles doivent également être respectées par tout organe exerçant une fonction juridictionnelle. Le Comité relève que les tribunaux compétents de Nijni Novgorod qui ont jugé les affaires se composaient de magistrats professionnels exerçant à plein temps. Il relève également que l’auteur n’a pas suffisamment apporté d’éléments particuliers qui pourraient mettre en cause la compétence, l’impartialité ou l’indépendance de ces juges ou mis en évidence des éléments qui pourraient indiquer que l’application de la législation interne a été de toute évidence arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a représenté un déni de justice, ou que le tribunal a par ailleurs violé son obligation d’indépendance et d’impartialité. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 et que cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité considère que les griefs de violation de l’article 21 du Pacte sont suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare recevables.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

9.2Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur qui dénonce une violation du droit de réunion garanti par l’article 21, parce qu’elle a été arbitrairement empêchée d’organiser une réunion pacifique (manifestation). Dans ce contexte, le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique consacré par l’article 21 n’est pas absolu et que son exercice peut faire l’objet de restrictions dans certaines situations. La deuxième phrase de l’article 21 du Pacte dispose que l’exercice du droit de réunion pacifique ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont a) imposées conformément à la loi et b) nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui.

9.3En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit à la liberté de réunion étaient justifiées au regard de l’un quelconque des critères énumérés à l’article 21 du Pacte. Le Comité note la déclaration de l’État partie qui affirme que ces restrictions étaient conformes à la loi. Cependant, l’État partie n’a pas démontré pourquoi il était nécessaire d’empêcher les deux manifestations en question pour protéger la sécurité nationale, la sûreté publique et l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. De plus, l’État partie n’a jamais réfuté l’allégation de l’auteur qui a affirmé qu’aucune manifestation n’avait eu lieu sur la place Gorki le 7 octobre 2007 et que la Journée de l’enseignant invoquée par la mairie n’était qu’un prétexte pour rejeter sa demande. Dans ces circonstances, le Comité conclut que l’État partie a violé le droit que tient l’auteur de l’article 21 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du droit que l’auteur tient de l’article 21 du Pacte.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme notamment d’une indemnisation appropriée et du remboursement des frais de justice engagés par l’auteur. L’État partie est en outre tenu de prendre les mesures voulues pour que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les faire diffuser largement dans la langue officielle du pays.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]