Nations Unies

CCPR/C/102/D/1564/2007

Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Distr. générale*

15 septembre 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

102esession

11-29 juillet 2011

Constatations

Communication no 1564/2007

Présentée par:

X. H. L. (représenté par un conseil,M. A. Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 janvier 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécialen application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 15 mai 2007 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/97/D/1564/2007 − décision surla recevabilité en date du 7 octobre 2009

Date de l’adoption des constatations:

22 juillet 2011

Objet:

Demande d’asile d’un mineur non accompagné

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Traitement inhumain; immixtion arbitraire dans la famille; protection de l’enfance

Articles du Pacte:

7, 17 et 24

Articles du Protocole facultatif:

1, 2 et 5 (par. 2 b))

Le 22 juillet 2011, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1564/2007.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (102e session)

concernant la

**

Présentée par:

X. H. L. (représenté par un conseil, M. A. Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 janvier 2007 (date de la lettre initiale)

Date de la décisionde recevabilité

7 octobre 2009

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2011,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1564/2007 présentée au nom de X. H. L. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, datée du 8 janvier 2007, est X. H. L., de nationalité chinoise, né en 1991. Il affirme être victime de violations par les Pays-Bas des articles 7, 17 et 24 du Pacte. Il est représenté par un conseil, M. A. Collet.

1.2Le 16 octobre 2007, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a accédé à la demande de l’État partie qui souhaitait que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est arrivé aux Pays-Bas en tant que mineur non accompagné lorsqu’il avait 12 ans. Il affirme qu’il a quitté la Chine le 24 février 2004 avec sa mère, avec laquelle il a pris l’avion de Beijing à Kiev. Sa mère et lui sont restés trois jours à Kiev. Le soir du 27 février, ils ont quitté Kiev en automobile et ont roulé jusqu’au lendemain soir. Sa mère est alors partie avec deux personnes inconnues, tandis qu’un homme l’a emmené en voiture aux Pays-Bas, où il est arrivé le 3 mars 2004.

2.2À son arrivée aux Pays-Bas, l’auteur a déposé une demande d’asile, qui a été rejetée le 24 mars 2004 dans le cadre de la procédure accélérée d’examen en quarante-huit heures. À la suite d’un recours formé par l’auteur, le tribunal de district a annulé, le 30 juillet 2004, la décision ministérielle et ordonné que la demande d’asile soit réexaminée dans le cadre de la procédure ordinaire.

2.3Le 21 avril 2005, le Ministre de l’immigration a rejeté la demande de l’auteur au motif que celui-ci n’avait pas suffisamment étayé sa crainte d’être l’objet de persécutions. Au sujet du jeune âge de l’auteur, le Ministre a estimé que les mineurs chinois non accompagnés ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier d’un permis de séjour spécial, car leur pays d’origine leur offrait une protection appropriée. Le tribunal de district, par une décision en date du 13 février 2006, a rejeté l’appel interjeté par l’auteur. Un autre appel a été rejeté par le Conseil d’État le 17 juillet 2006. L’auteur réside toujours aux Pays-Bas.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que la décision de le renvoyer en Chine constitue une violation de l’article 7 du Pacte parce qu’il serait soumis à un traitement inhumain dans son pays d’origine. Il explique que comme il n’avait que 12 ans lorsqu’il a quitté la Chine, il n’a pas de carte d’identité ou de livret de résidence (hukou). Sans ces documents, il ne peut pas prouver son identité ni accéder aux orphelinats, aux soins de santé, à l’éducation ou à toute autre forme d’assistance sociale en Chine. Il fait observer qu’étant donné qu’il n’a pas de contacts ni de liens familiaux en Chine, il serait contraint de mendier dans les rues.

3.2L’auteur affirme aussi que la décision de l’État partie de le renvoyer en Chine constitue une violation du droit au respect de la vie privée et de la vie de famille, consacré à l’article 17 du Pacte. Il souligne qu’il considère son tuteur néerlandais comme sa seule famille car il n’a plus personne en Chine et ignore où se trouve sa mère.

3.3Enfin, l’auteur invoque une violation de l’article 24 du Pacte et de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant dans la mesure où les Pays-Bas n’ont pas tenu compte de son intérêt supérieur en tant que mineur en soumettant sa demande d’asile à la procédure accélérée. Il fait valoir que c’est à lui qu’il est revenu de prouver qu’il n’aurait pas accès à un orphelinat en Chine, ce qui représentait une charge trop lourde pour un enfant. Il invoque une autre violation de l’article 24, étant donné que le rejet de sa demande d’asile ou de permis de séjour pour raisons humanitaires va à l’encontre de son intérêt supérieur en tant que mineur. Il fait en outre valoir qu’il s’est intégré dans la société néerlandaise depuis son arrivée en 2004 et qu’il parle aujourd’hui le néerlandais.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale du 16 juillet 2007, l’État partie demande que le Comité déclare la communication irrecevable.

4.2Concernant l’allégation de violation de l’article 7, l’État partie estime qu’elle n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité car tous les documents auxquels l’auteur se réfère sont de caractère général et ne se rapportent pas spécifiquement à son cas.

4.3L’État partie fait aussi valoir que l’auteur n’a pas soulevé le grief de violation de l’article 17 devant les juridictions internes et que ce grief est donc irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

4.4En ce qui concerne le grief tiré de l’article 24, l’État partie note que la demande d’asile de l’auteur a d’abord été rejetée au terme d’une procédure accélérée, mais que le tribunal de district a ensuite ordonné que la demande soit évaluée dans le cadre d’une procédure normale, ce qui a eu lieu. L’auteur a donc eu largement l’occasion d’étayer son grief. En conséquence, l’État partie affirme que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

4.5Enfin, l’État partie considère que les parties de la communication où l’auteur invoque des violations de la Convention relative aux droits de l’enfant sont irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses réponses du 31 juillet et du 2 décembre 2008, l’auteur note, à propos du grief tiré de l’article 17 du Pacte, que le droit néerlandais relatif à l’asile ne connaît pas la qualification d’atteinte à la vie de famille. Il indique qu’il a néanmoins invoqué une éventuelle violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui contient une disposition équivalente, devant la juridiction d’appel néerlandaise.

5.2En ce qui concerne le grief tiré de l’article 7, l’auteur fait valoir qu’il ne peut pas donner de renseignements sur sa situation personnelle en Chine parce qu’il se trouve aux Pays-Bas depuis 2004. Il se réfère à des informations générales dont il ressort qu’il est impossible de retourner vivre en Chine sans document d’identité.

5.3L’auteur explique qu’il n’invoque l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant que conjointement avec l’article 24 du Pacte. Il réaffirme que l’intention de l’État partie de soumettre sa demande d’asile à la procédure accélérée constituait une violation de cet article, même si le tribunal de district a ensuite annulé la décision rendue au terme de cette procédure.

Décision du Comité sur la recevabilité

6.Le 7 octobre 2009, le Comité a déclaré la communication recevable au titre des articles 7, 17 et 24. En ce qui concerne l’allégation de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas expressément invoqué l’article 17 devant les juridictions internes, le Comité prend note de l’argument de l’auteur faisant valoir que les tribunaux ne peuvent pas traiter de tels griefs dans le cadre d’une procédure d’asile et qu’il avait néanmoins invoqué en appel une éventuelle violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui concerne le même droit fondamental. Pour ce qui est du grief tiré par l’auteur de l’article 24 au motif que sa demande d’asile a été examinée dans le cadre de la procédure accélérée, le Comité a déclaré cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, le tribunal ayant ordonné que la demande de l’auteur soit réexaminée dans le cadre de la procédure ordinaire, ce qui a été fait. Cependant, le Comité a considéré que rien ne faisait obstacle à la recevabilité du grief soulevé par l’auteur au titre du même article au motif que le rejet de sa demande d’asile ou de permis de séjour pour raisons humanitaires constituait une violation des droits consacrés à l’article 24 puisqu’il était bien intégré dans la société néerlandaise.

Observations de l’État partie sur le fond et commentaires de l’auteur

7.1Dans une note verbale du 4 mai 2010, l’État partie relève que c’est à l’auteur qu’il est revenu de prouver qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il serait soumis à un traitement contraire à l’article 7 s’il était renvoyé en Chine. Il ajoute que d’après le rapport de pays sur la Chine établi par le Ministère néerlandais des affaires étrangères, chaque famille chinoise a un livret de résidence ou hukou, et tous les registres du système de hukou sont maintenus indéfiniment par les autorités régionales, même lorsque des nationaux quittent le pays, auquel cas ils sont tenus de signaler leur changement d’adresse à l’organe administratif compétent. L’État partie note que l’auteur n’a fourni aucun renseignement permettant de conclure qu’il n’est pas enregistré en Chine. De l’avis de l’État partie, le fait que l’auteur a été scolarisé et a eu accès aux services de santé en Chine laisse à penser qu’il a été enregistré. De plus, l’État partie souligne que l’auteur a atteint l’âge de la majorité et qu’il devrait donc pouvoir se prendre en charge et subvenir à ses besoins. Le simple fait que la situation de l’auteur serait beaucoup moins favorable s’il était expulsé des Pays-Bas ne peut pas en lui-même être considéré comme une violation de l’article 7 du Pacte. En outre, il n’y a pas lieu de supposer que l’auteur n’aurait pas accès à des soins adéquats en Chine. D’après des informations récentes, la Chine a fait de la prise en charge des orphelins une priorité et les soins médicaux fournis sont sommaires mais acceptables pour les normes locales.

7.2En ce qui concerne le grief tiré de l’article 17, l’État partie note que le seul point soulevé par l’auteur pendant les procédures au niveau national a été son souhait d’être réuni avec sa mère. Il note que l’auteur n’a pas utilisé la possibilité de faire valoir son droit au respect de la vie privée et/ou la vie de famille en déposant une demande de permis de séjour ordinaire en vertu de la loi de 2000 sur les étrangers. Il fait en outre valoir que les liens de l’auteur avec son tuteur ne peuvent pas être assimilés à des liens familiaux, en particulier maintenant qu’il a atteint l’âge de 18 ans et n’a plus besoin de tutelle. De plus, l’auteur n’a pas précisé pourquoi ses liens avec les Pays-Bas sont si importants pour lui qu’il ne peut pas retourner en Chine, ni apporté d’éléments prouvant qu’il ne pourrait pas s’installer en Chine. L’État partie en déduit que, si le Comité devait conclure à une atteinte aux droits consacrés à l’article 17, il faudrait néanmoins considérer que celle-ci n’est ni arbitraire ni illégale.

7.3En ce qui concerne le grief tiré de l’article 24, l’État partie souligne que l’auteur a atteint l’âge de la majorité et qu’il pourrait donc se prendre en charge et subvenir à ses besoins. L’État partie fait observer que la politique de renvoi des demandeurs d’asile mineurs non accompagnés est fondée sur l’intérêt des mineurs concernés dans la mesure où il est très rare que le fait d’être séparés de leur famille soit bénéfique aux enfants déracinés ou déplacés. Au contraire, l’intérêt supérieur de l’enfant passe par le rétablissement des liens avec les parents, la famille et l’environnement social.

8.Dans une note verbale du 31 décembre 2010, l’auteur relève que l’État partie n’a avancé aucun argument nouveau. Il ne formule donc lui-même aucun nouveau commentaire sur le fond de l’affaire.

Délibérations du Comité

Réexamen de la décision du Comité sur la recevabilité concernant le grief tiréde l’article 17

9.En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que son renvoi en Chine constituerait une violation du droit au respect de la vie privée et de la vie de famille, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas utilisé la possibilité de faire valoir ce droit en déposant une demande de permis de séjour ordinaire motivée par des circonstances personnelles exceptionnelles en vertu des dispositions pertinentes de la législation interne. Compte tenu de ce nouvel élément, que l’auteur n’a pas contesté, le Comité considère que le grief tiré par l’auteur de l’article 17 est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

10.2Le Comité rappelle que les États parties ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement. Le Comité doit donc déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le renvoi de l’auteur en Chine l’exposerait à un risque réel de traitements interdits par l’article 7. En l’espèce, le Comité prend note des arguments de l’auteur faisant valoir qu’il lui est impossible de prouver son identité ou d’accéder aux services d’assistance sociale en Chine étant donné qu’il n’a pas de carte d’identité ou de livret de résidence (hukou), et qu’il serait contraint de mendier pour survivre puisqu’il n’a plus de famille ou de contact dans le pays. Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie faisant valoir que l’auteur devrait être enregistré en Chine, mais il considère qu’on ne peut pas attendre d’un enfant de 12 ans non accompagné qu’il connaisse ses obligations administratives en matière d’enregistrement auprès de l’organe compétent. De plus, il n’aurait pas été raisonnable d’exiger de l’auteur qu’il notifie sa résidence aux Pays-Bas aux autorités chinoises étant donné qu’il demandait l’asile. Le Comité note que le grief que l’auteur tire de l’article 7 − qui touche au traitement auquel l’auteur aurait pu être soumis quand il était mineur si l’ordonnance d’expulsion avait été exécutée à l’époque où elle a été rendue − est étroitement lié au grief tiré de l’article 24. En conséquence, le Comité examinera les deux griefs ensemble.

10.3En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que l’État partie n’a pas tenu compte de son intérêt supérieur en tant que mineur lorsqu’il a décidé de le renvoyer en Chine, le Comité note qu’il ressort de la décision d’expulsion et des renseignements communiqués par l’État partie que ce dernier n’a pas véritablement mesuré l’ampleur des difficultés que l’auteur rencontrerait s’il était renvoyé dans son pays d’origine, étant donné en particulier son jeune âge au moment de la procédure d’asile. Le Comité note en outre que l’État partie n’a identifié aucun proche ou ami que l’auteur aurait pu retrouver en Chine. Par conséquent, le Comité rejette l’argument de l’État partie affirmant qu’il aurait été dans l’intérêt supérieur de l’auteur en tant que mineur d’être renvoyé dans ce pays. Le Comité conclut qu’en décidant de renvoyer l’auteur en Chine sans avoir examiné de façon approfondie quel traitement il aurait risqué de subir en sa qualité de mineur n’ayant aucun proche identifié en Chine et dont l’enregistrement dans ce pays n’était pas confirmé, l’État partie a manqué à son obligation d’assurer à celui-ci les mesures de protection exigées par sa condition de mineur.

11.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur en Chine constitue une violation de l’article 24, lu conjointement avec l’article 7 du Pacte.

12.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, le Comité considère que l’État partie est tenu de fournir à l’auteur un recours utile en réexaminant sa plainte compte tenu de l’évolution des circonstances de la cause, notamment en lui donnant la possibilité d’obtenir un permis de séjour. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle (dissidente) de Sir Nigel Rodleyet de M. Krister Thelin

En quelques mots brefs et sans explications, le Comité s’est lancé dans une nouvelle jurisprudence. Dans des affaires précédentes, où il y avait lieu de craindre des conséquences préjudiciables si une décision d’expulsion était exécutée, le Comité a exprimé l’opinion que si la décision était exécutée, les droits concernés seraient violés. Tel a été le cas dans l’affaire El-Hichou c. Danemark, qui est précisément l’affaire sur laquelle le Comité s’appuie dans sa décision (voir note de bas de page 4). En outre, dans son analyse le Comité se fonde habituellement non pas sur la date à laquelle les autorités ont rendu leur décision, mais sur la date de sa propre décision, de façon à garantir qu’un préjudice grave soit évité.

Dans la présente affaire, soudainement, le Comité a décidé qu’une simple décision non exécutée des autorités de l’État partie constituait une violation de l’article 24 du Pacte (protection des enfants − au moment où les autorités de l’État partie ont rendu leur décision l’auteur était un enfant; il a aujourd’hui 19 ou 20 ans), qui plus est lu conjointement avec rien de moins que l’article 7 (interdiction de la torture et de mauvais traitements analogues). Le Comité invoque la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant comme si elle était le seul critère applicable pour l’interprétation de l’article 24, donnant à cette notion une importance que même la Convention relative aux droits de l’enfant, dont il l’a importée, ne lui accorde pas. Le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être «une considération primordiale», et non «la considération primordiale», et certainement pas qu’il doit être l’unique considération.

Il semble que le Comité se soit aussi attaché au fait que l’État partie n’a pas «examiné de façon approfondie» les conséquences de l’expulsion. Le Comité ne tient pas compte du fait que ces conséquences auraient pu être examinées au stade de la mise en œuvre concrète de la décision. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre n’a jamais eu lieu.

Nous nous dissocions donc d’une décision qui est sans précédent, injustifiée et arbitraire. Notre désaccord ne doit pas être interprété comme une approbation des actes de l’État partie. L’État partie ferait preuve d’humanité en annulant la décision d’expulser l’auteur qui a vécu aussi longtemps aux Pays-Bas, où il a établi des racines profondes. Simplement, le Comité n’a aucun fondement, en droit, pour conclure qu’une décision non exécutée de ce type constitue une violation du Pacte.

(Signé) Sir Nigel Rodley

(Signé) Krister Thelin

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle (dissidente) de M. Gerald L. Neumanet de M. Yuji Iwasawa

Dans ses observations au sujet de la communication, l’État partie expose de façon détaillée les initiatives qu’il a prises pour s’assurer que l’auteur bénéficierait d’un encadrement et de soins appropriés s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Nous ne pouvons pas adhérer à l’appréciation négative de la majorité des membres du Comité concernant les efforts de l’État partie pour faire de l’intérêt supérieur de l’enfant un élément primordial dans sa décision.

Il aurait pu être utile que l’État partie présente également les mesures supplémentaires qu’il aurait prises pour établir clairement le statut de l’auteur s’il avait voulu exécuter l’ordonnance d’expulsion; mais cette ordonnance n’a jamais été exécutée, l’intéressé est aujourd’hui adulte et il n’a plus besoin de surveillance. Nous espérons que l’approche que le Comité adoptera à l’avenir dans le même genre d’affaires ne sera pas de nature à encourager le placement, sans nécessité, d’enfants non accompagnés et sans papiers dans les mains de passeurs, ce qui les exposerait très gravement au risque de traite, de dommages corporels et de mort.

(Signé) Gerald L. Neuman

(Signé) Yuji Iwasawa

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle de M. Fabián Salvioli

1.J’ai souscrit à la décision du Comité dans la communication no 1564/2007 (X. H. L. c. Pays-Bas) car je partage entièrement le raisonnement et les conclusions du Comité, qui a constaté une violation de l’article 24 du Pacte lu conjointement avec l’article 7. Toutefois, je considère que le Comité aurait dû également conclure à une violation indépendante de l’article 24 du Pacte au préjudice de l’auteur de la communication.

2.Le paragraphe 1 de l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques établit une norme étendue, porteuse de grandes possibilités, puisqu’il dispose que tout enfant a droit de la part de sa famille, de la société et de l’État, aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur.

3.Dans son Observation générale no 17, le Comité a souligné que les mesures à adopter en vertu du paragraphe 1 de l’article 24 n’étaient pas précisées dans le Pacte et qu’il appartenait à chaque État de les déterminer en fonction des exigences de la protection des enfants qui se trouvent sur son territoire ou relèvent de sa compétence.

4.Bien évidemment ces mesures ne peuvent pas être arbitraires et doivent s’inscrire dans le cadre des autres obligations internationales qui engagent l’État; dans la présente affaire, il s’agit de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui a été ratifiée par les Pays-Bas en 1995.

5.Les obligations énoncées dans la Convention − dans la mesure où elles sont pertinentes − vont parfaitement de pair avec les obligations fixées à l’article 24 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Elles constituent le paramètre que le Comité des droits de l’homme doit utiliser dans toute affaire qui concerne une fille ou un garçon et un État qui est partie aux deux instruments; il doit toujours en être ainsi et beaucoup plus encore quand une fille ou un garçon a été victime de traite. Dans de telles affaires, les États ont l’obligation accrue de veiller à ce que les enfants ne soient pas de nouveau victimes. En ne procédant pas à une analyse intégrée des obligations contractées librement par les États, on crée une fragmentation artificielle, sans doute propre à des conceptions périmées qui ont été remplacées par une doctrine plus lucide sur la question, laquelle tendra toujours à obtenir que les dispositions contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme aient les effets voulus.

6.Dans la présente affaire, en plus d’une violation de l’article 24 lu conjointement avec l’article 7, le Comité aurait dû constater une violation indépendante de l’article 24 du Pacte, seul; la décision des Pays-Bas d’envoyer X. H. L. en Chine, dans les circonstances particulières de l’affaire, constitue en elle-même une violation de l’article 24 du Pacte, que cette décision entraîne ou non de surcroît pour le mineur une atteinte à son intégrité psychique.

7.Il me paraît important de souligner un dernier aspect dans la présente opinion individuelle; au paragraphe 11 des constatations, le Comité conclut correctement que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur en Chine constitue une violation de l’article 24, lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, ce qui établit que la violation est effective et non pas potentielle.

8.Si le Comité avait constaté une violation «potentielle», du fait que X. H. L. vit toujours aux Pays-Bas et n’a pas été renvoyé en Chine, il aurait alors laissé de côté le fait constitutif de violation. La présente affaire n’a rien à voir avec le cas possible d’expulsion d’une personne vers un pays où elle risque d’être soumise à la torture; dans ce genre d’affaire, il est logique d’examiner ratione temporis la violation possible au moment où la décision d’expulsion est exécutée parce que la violation dépend de la situation qui règne dans le pays dans lequel la personne est renvoyée.

9.Dans la présente affaire, dont les caractéristiques sont totalement différentes, les violations de l’article 24 et de l’article 7 du Pacte ont été effectivement commises quand la décision a été prise (fait qui a entraîné la responsabilité internationale), ce que le Comité des droits de l’homme a correctement énoncé.

(Signé) Fabián Salvioli

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]